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Le conflit israélo-palestinien et israélo-arabe

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  • Le conflit israélo-palestinien et israélo-arabe

    Le conflit israélo-palestinien et israélo-arabe (2009)
    Guy Pervillé
    vendredi 21 août 2009.

    Cet article provient d’un cours complété chaque année depuis 1987, et a été soigneusement rédigé à l’intention des professeurs d’histoire, qui ont bien besoin d’aide pour enseigner objectivement dans leurs classes un sujet aussi difficile. Il a été publié en deux parties dans la revue Historiens et géographes, n° 406, mai 2009, pp. 129-140, et 407, juillet-août 2009, pp. 251-260.

    Le conflit israélo-palestinien et israélo-arabe pose un défi capital aux historiens : un conflit qui n’est pas terminé, et qui ne semble pas devoir l’être dans un avenir prévisible, même s’il dure depuis déjà près d’un siècle, peut-il être considéré comme un sujet historique ? Ou bien au contraire les historiens doivent-ils attendre son éventuelle solution pour oser en parler ? Mais dans ce cas, que peuvent faire les professeurs d’histoire de l’enseignement secondaire, qui savent bien l’impossibilité de garder le silence devant des classes dont les élèves ont tendance à s’identifier aux acteurs de ce conflit tragique ? L’histoire est-elle vraiment incapable d’en rendre compte ? Je crois au contraire qu’elle en est tout à fait capable. La difficulté n’est pas tant de rendre compréhensible ce conflit que de lui proposer une solution ; mais cette tâche politique n’est pas à proprement parler celle de l’histoire.

    Je ne suis pas un spécialiste de ce sujet, mais j’ai ressenti le besoin de lui consacrer un cours qui n’a cessé de s’enrichir depuis 1987. Son plan initial comportait deux parties, intitulées « de qui s’agit-il ? » et « de quoi s’agit-il ? » ; mais la persistance et l’aggravation du conflit m’ont conduit à lui en rajouter une troisième : « pourquoi ce conflit n’a-t-il pas encore trouvé de solution ? »

    De qui s’agit-il ? Des peuples et un pays

    Les peuples en présence


    Avant de définir le conflit, une première difficulté est d’en nommer les acteurs, dont les noms sont multiples et plongent dans le plus lointain passé : les Juifs, les Arabes, les Palestiniens, et beaucoup d’autres noms, car les appellations sont multiples.

    Les Juifs : tel est le nom le plus courant aujourd’hui pour désigner un groupe humain relativement peu nombreux (environ treize millions de personnes) et dispersé dans le monde. Mais historiquement, il faut distinguer trois noms qui semblent s’être appliqués à des ensembles de moins en moins larges. D’abord les Hébreux, nom qui paraît avoir désigné à la fin du deuxième millénaire avant l’ère chrétienne des populations nomades ou semi-nomades vivant en marge des terres cultivées de la Syrie, du pays de Canaan plus au sud, et de l’Égypte (où le nom de Hapirou aurait peut-être désigné les mêmes populations). Puis les Israélites ou enfants d’Israël (Beni Israël), nom cité dans des textes égyptiens de la fin du deuxième millénaire avant d’être repris dans la Bible, qui mentionne également le royaume d’Israël, détruit avec sa capitale Samarie par les Assyriens en 722 avant l’ère chrétienne. Ce nom fut repris beaucoup plus tard, en 1948, par le nouvel État d’Israël qui vient de fêter son soixantième anniversaire. Mais dans l’intervalle, le nom le plus courant a été celui des Juifs ou Judéens, habitants du royaume de Juda, voisin de celui d’Israël, qui fut détruit avec sa capitale Jérusalem par les Babyloniens en 587 avant notre ère. Contrairement aux élites du royaume d’Israël déportées en Assyrie, qui semblent s’être mélangées avec les populations locales [1], les déportés judéens en Babylonie réussirent à conserver leur identité nationale et religieuse grâce à la particularité sans précédent de leur religion : le culte d’un seul dieu, Yahvé, puis la croyance dans son caractère de seule divinité existante ayant créé le monde, à savoir le monothéisme. Cette foi monothéiste, exprimée dans un livre sacré, appelé en grec la Bible, donna aux Juifs une sorte de patrie spirituelle qui leur permit de survivre en tant que communauté humaine distincte de toute autre. Tout en restant dispersés en Babylonie et dans plusieurs autres pays, ils purent néanmoins retrouver leur ancienne patrie en reconstruisant la ville et le temple de Jérusalem avec l’autorisation du nouveau conquérant Cyrus, roi des Perses (538 avant J.-C.), puis en reconquérant leur indépendance contre les rois séleucides de Syrie sous la direction des frères Macchabées (167-142 avant J.-C.). Le temple de Jérusalem connut l’apogée de sa splendeur sous le règne du roi Hérode (37 à 4 avant J.-C.), mais le peuple juif perdit de nouveau sa patrie en se révoltant contre les Romains qui détruisirent la ville et le temple de Jérusalem en 70 après Jésus-Christ.

    C’est après l’échec d’une dernière révolte, celle de Bar Kochba (132-135) que la province romaine de Judée reçut le nouveau nom officiel de Palestine, emprunté à d’anciens envahisseurs venus s’installer sur la côte du pays de Canaan au XIIe siècle avant l’ère chrétienne, les Philistins (originaires, semble-t-il, de Crète). À la suite de cette révolte, la ville de Jérusalem et le pays environnant perdirent peu à peu leur identité juive [2], et plus encore à partir de la conversion au christianisme de l’empereur Constantin qui fit de la Palestine la Terre sainte des chrétiens. Peu à peu, les Juifs cessèrent d’être majoritaires dans leur pays d’origine et devinrent une communauté religieuse dispersée parmi les nations. Ils furent dépassés en nombre, et en puissance politique, par les adeptes de nouvelles religions dérivées de la leur : le christianisme, qui se répandit dans tout l’empire romain puis dans toute l’Europe, et l’islam.

    Les Arabes sont un peuple apparenté aux Juifs et aux autres peuples de la région, d’abord par leur langue appartenant comme l’hébreu et l’araméen à la famille sémitique, et ensuite par la religion musulmane (islam, c’est-à-dire soumission à Dieu) prêchée par le prophète Mohammed, qui se situe dans le prolongement de la révélation juive et chrétienne. Le nom « Arabes » est attesté dès la fin de l‘empire assyrien, et il paraît désigner les nomades du désert d’Arabie ; par extension, il désigna plus généralement le peuple vivant dans la péninsule arabique et parlant la langue arabe. La religion prêchée par Mohammed au VIIe siècle de l’ère chrétienne, entre 610 et 632, donna à la presque totalité des Arabes une foi monothéiste commune, et l’énergie nécessaire pour la répandre par la conquête, d’abord contre les païens de La Mecque et les juifs de Médine après l’Hégire (émigration du prophète de La Mecque vers Médine en 622, origine de l’ère islamique), puis, après sa mort en 632, contre les empires perse et byzantin. Le prophète de l’Islam et ses premiers disciples ont donc réalisé, mais à une toute autre échelle, l’émigration puis les conquêtes que les premiers livres de la Bible ont attribuées à Moïse et à son successeur Josué. En conséquence, les Arabes se sont répandus en dehors de leur première patrie (notamment vers l’Afrique du Nord), mais la diffusion de l’islam ne s’est pas toujours confondue avec celle des populations arabes. En effet, il existe aujourd’hui des peuples islamisés mais non arabisés, comme les Berbères d’Afrique du Nord, les Iraniens et les Turcs... ; il existe aussi des populations arabisées mais non islamisées, comme les minorités chrétiennes d’Égypte (les Coptes), du Liban, de Syrie et d’Irak.

    Les Juifs et les Arabes ont donc de nombreux points communs. Les uns et les autres tirent leurs origines de populations nomades ou semi-nomades vivant à la limite des déserts et des terres cultivables du Proche-Orient, et parlant des langues sémitiques apparentées. Les traditions rapportées par le Coran confirment ces faits, en faisant descendre du même ancêtre biblique, Abraham, à la fois les Juifs, descendants de son fils Isaac et de son petit-fils Jacob ou Israël, et les Arabes, descendants de son autre fils Ismaël. L’islam a de nombreux points communs avec le judaïsme, notamment le monothéisme, le prophétisme, et le légalisme, c’est-à-dire l’idée que les croyants doivent obéir à la loi sacrée révélée par Dieu et non à une loi humaine. Sur ce dernier point, l’islam est beaucoup plus proche du judaïsme que du christianisme, car ce dernier a remplacé l’idée d’un code de lois révélées par la notion d’une loi spirituelle réduite à un petit nombre de principes (« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, et tu aimeras ton prochain comme toi-même ») et compatible avec l’obéissance à des législations humaines.

    En dépit de ces ressemblances très nombreuses et profondes, l’islam, dont le prophète prétendait au début de sa mission continuer les révélations juive et chrétienne, et faisait prier ses disciples tournés vers Jérusalem, avait rompu avec les Juifs de Médine et les avait massacrés ou chassés. Mais les Juifs des pays conquis par les Arabes avaient trouvé le statut de dhimmi (protégés), imposé par les Musulmans à leurs sujets juifs et chrétiens, moins sévère que les persécutions de plus en plus fréquemment imposées aux juifs en vue de leur conversion par l’Empire byzantin et les autres royaumes chrétiens. Dans ces États chrétiens, les Juifs étaient de plus en plus discriminés et jalousés par les autorités et par les populations qui les accusaient à la fois de déicide (à cause de la condamnation à mort de Jésus-Christ à Jérusalem) et d’enrichissement par le commerce de l’argent. Ils furent souvent victimes de massacres (particulièrement au moment de la première croisade, quand les chrétiens entreprirent de reprendre Jérusalem et la Terre sainte en 1099) ou d’expulsions (notamment par les rois catholiques de Castille et d’Aragon en 1492), même si les papes les protégèrent souvent dans leurs propres États pour conserver des témoins de l’Évangile. À partir de 1492, de nombreux juifs d’Espagne furent accueillis dans l’empire ottoman, où ils s‘installèrent non seulement à Istanbul, Salonique et Smyrne, mais aussi en Palestine dans les quatre « villes saintes » de Jérusalem, Hébron, Tibériade et Safed. Mais dans le courant du XVIIe et du XVIIIe siècle, les progrès de la tolérance religieuse dans une grande partie de l’Europe (surtout dans les États protestants) firent que les Juifs commencèrent à se trouver mieux traités par « Edom » (l’Europe chrétienne) que par « Ismaël » [3].



    A Suivre...

  • #2
    Suite -1-

    Avant de conclure ce trop bref résumé d’une très longue histoire, demandons-nous s’il suffit de définir des noms de peuples ou de communautés religieuses pour savoir exactement ce qu’ils recouvrent. Faut-il imaginer une succession de plusieurs peuples différents se remplaçant les uns les autres dans le même espace géographique très étroit, que Yahvé était censé avoir donné en héritage pour toujours à son peuple élu à condition qu’il lui restât fidèle ? Faut-il croire, comme le prétend la Bible, que des centaines de milliers d’Israélites sortis d’Égypte en traversant la Mer rouge sous la conduite de Moïse, ayant erré pendant quarante ans dans le désert, avaient passé le Jourdain en massacrant tous les habitants de Jéricho et d’autres villes pour leur prendre leur pays ? Il n’existe aucune preuve archéologique de ce récit, qui est de toute façon invraisemblable [4]. Il semble plutôt, même s’il est très difficile de le savoir, que plusieurs invasions ou conquêtes aient causé des dévastations et des déportations partielles, qui ont été en partie comblées par des immigrations et par des retours. La formation du peuple juif a été celle de sa religion monothéiste très particulière, mais quand ce peuple a été en grande partie chassé de son pays, on peut se demander si une autre partie de sa population n’y est pas restée en changeant plusieurs fois de langue et de religion.

    Un pays aux noms multiples

    Le pays dont nous parlons est situé sur une voie de passage entre l’Égypte et la Mésopotamie, et est également exposé aux incursions des nomades du désert. Il n’a aucune frontière naturelle, même pas le Jourdain qui a toujours été aisément franchi, ce qui explique qu’il a toujours fait partie d’ensembles plus larges. Partagé entre de nombreuses cités soumises à la domination égytienne avant l’Exode des Israélites et l’invasion du pays de Canaan racontés par la Bible, il ne s’est identifié à des États relativement bien délimités qu’à l’époque des royaumes juifs : Israël et Juda avant leur destruction par les Assyriens et par les Babyloniens, puis le royaume asmonéen avant son occupation par les Romains. Dans le long terme, on ne peut lui attribuer une identité politique ni des frontières précisément fixées (puisqu’il a longtemps fait partie de l’empire romano-byzantin, de l’empire arabo-musulman, puis de l’empire ottoman). Jusqu’au début du XXe siècle, il était connu sous plusieurs noms qui ne désignaient pas des États. Celui de Palestine, hérité des Romains, était le plus neutre, même s’il avait été d’abord choisi pour effacer le souvenir de la Judée. Celui de « Terre sainte » évoquait surtout pour les chrétiens, en plus des souvenirs bibliques, la vie, la mort et la résurrection de Jésus-Christ bien plus que le royaume des Croisés. Jérusalem était pour les musulmans la troisième ville sainte de l’islam (El Qouds), mais ce nom évoquait davantage la reconquête de Saladin sur ces croisés en 1187 que la première conquête de la ville par le khalife Omar en 638. Il faut souligner que cette ville sainte n’a jamais été la capitale d’un État musulman indépendant. C’est pour les Juifs que le nom du pays d’Israël (Eretz Israël) évoquait les souvenirs les plus forts, contenus dans la Bible, et un attachement mystique, évoqué par la formule « l’an prochain à Jérusalem ».

    Les Arabes palestiniens, en grande majorité musulmans, n’ont pas développé un sentiment national propre à leur pays avant de l’acquérir par imitation et réaction contre les juifs sionistes sous le mandat britannique à partir de 1917-1922 [5]. Leur nationalisme était arabe et se situait dans un cadre géographique plus large que les limites étroites de la Palestine revendiquées par les sionistes en 1919 et définies plus restrictivement par les autorités britanniques. D’autre part, aujourd’hui encore, leur vision de l’histoire nationale se heurte à la difficulté de récupérer tout le passé du pays sans mentionner l’importance du passé juif. J’ai pu observer dans un cédérom sur la Palestine [6] dû à un auteur pro-palestinien que la présence juive antérieure au sionisme y était systématiquement minimisée. L’arrivée des Philistins y est signalée avant celle des Hébreux. La fondation du royaume de David et de Salomon n’y est pas mentionnée. Après la conquête du Proche-Orient par les Perses, le retour d’une partie des Juifs à Jérusalem et la reconstruction de son temple sont oubliés dans le récit, ainsi que la révolte victorieuse des frères Macchabées et la fondation du royaume asmonéen, puis les deux grandes révoltes contre les Romains et la destruction du second temple et de la ville de Jérusalem. Ainsi, le fait que le pays que les Romains décidèrent alors de renommer Palestine (d’après le nom des Philistins) avait été pendant des siècles connu sous les noms d’Israël et de Juda et peuplé en majorité de juifs [7], se trouve escamoté. Il serait pourtant possible de présenter l’histoire de ce pays comme celle d’un carrefour où de nombreux peuples de la même région se sont à plusieurs reprises superposés et mélangés, sans que les nouveaux venus fassent entièrement disparaître leurs devanciers.

    De quoi s’agit-il ? Définition et histoire du sionisme

    Nous en arrivons maintenant à la définition du sujet. Le mouvement politique contemporain appelé « sionisme » [8] (du nom du mont Sion à Jérusalem, symbolisant la terre d’Israël) qui a conduit une partie des Juifs à tenter de repeupler leur ancienne patrie et à combattre pour en faire un État juif souverain contre la volonté de la majorité de ses habitants arabes, doit-il être qualifié de « mouvement de libération nationale du peuple juif », ou bien au contraire de mouvement colonialiste et raciste ? C’est en tout cas en ces termes que le problème a été longtemps posé. Je ne suis sans doute pas le seul à garder le souvenir du numéro spécial [9] que la revue Les Temps modernes consacra au conflit israélo-arabe au printemps 1967, juste avant qu’éclate la « guerre des six jours ». Entre les auteurs juifs et arabes, la contradiction était presque absolue, à la seule exception de Maxime Rodinson (1915-2004), islamologue d’origine juive et d’idéologie marxiste, qui publia au début de ce volume un article mémorable intitulé : « Israël, fait colonial ? » [10] Cet article fut dénoncé comme étant de mauvaise foi par plusieurs intellectuels juifs réputés pour leur anticolonialisme, tels Albert Memmi [11] et Robert Misrahi [12]. Contrairement à leur avis, j’estime qu’il ne « jouait pas avec les mots », mais qu’il leur redonnait leur sens d’origine oublié par l’idéologie anticolonialiste, tout en se gardant de les transformer en essences absolues [13]. En effet, son article était le seul à démontrer que les catégories de « fait national » et de « fait colonial » ne devaient pas être considérées comme incompatibles, mais qu’elles étaient également vraies dans le cas du sionisme.

    A Suivre...

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    • #3
      Suite -2-

      Les origines du sionisme

      Les origines du sionisme [14] doivent être rappelées. L’apparition de ce mouvement est la conséquence de plusieurs changements dans la condition des Juifs survenus en Europe depuis le XVIIIe siècle, à l’époque où les notions de nationalité et de citoyenneté remplacèrent celles d’appartenance à une Église officielle et de loyalisme envers un souverain et sa dynastie comme fondements des États.

      D’abord, l’émancipation des Juifs en Europe occidentale (France de la Révolution et de l’Empire, Royaume-Uni) et aux États-Unis d’Amérique, leur offrit l’égalité politique individuelle par la soumission à la loi commune délibérée en commun, au prix de l’abandon de la loi religieuse communautaire définie par la Bible. Les Juifs devenaient des citoyens comme les autres, qui pouvaient conserver leur foi religieuse dans leur vie privée, la transformer, ou la perdre. Leur petit nombre facilita cette évolution révolutionnaire en Europe occidentale.

      Mais en Europe centrale et orientale, les conditions étaient différentes, parce que la population juive y était plus nombreuse et concentrée dans des quartiers spéciaux des villes (appelés shtetl), particulièrement dans l’ancien royaume de Pologne (qui comprenait aussi la Lithuanie, la Biélorussie et l’Ukraine). Cette population juive très groupée vivait à l’écart des populations chrétiennes majoritaires et s’en distinguait non seulement par sa religion, mais aussi par sa langue, le yiddish, dialecte germanique apporté de l’ouest par les premiers immigrants juifs, alors que les populations environnantes parlaient des langues slaves (polonais, biélorusse, ukrainien, russe), baltes (lithuanien et letton), roumaine ou hongroise. D’autre part, les Juifs se distinguaient depuis des siècles des populations chrétiennes voisines par le fait qu’ils étaient privés du droit de posséder la terre, et devaient pratiquer l’artisanat ou le commerce pour subsister très modestement voire misérablement (à l’exception d’un très petit nombre de riches financiers). Le sort des Juifs d’Europe orientale ne s’améliora pas au cours du XIXe siècle, à cause de l’étroitesse de leurs débouchés économiques, et du retard d’une véritable émancipation politique, contrariée par le caractère réactionnaire des États (notamment la Russie tsariste) [15].

      L’engagement d’intellectuels d’origine juive dans le mouvement révolutionnaire populiste et dans sa branche terroriste (qui assassina le tsar Alexandre II en 1881) entraîna le régime tsariste à encourager l’antisémitisme le plus violent, y compris les massacres (pogroms). En conséquence, les juifs de Russie se trouvaient confrontés à des choix radicaux. Soit la lutte pour une révolution démocratique et sociale (dans des partis révolutionnaires russes, populistes ou marxistes, ou dans un parti démocrate juif, le Bund) ; soit l’émigration massive vers les États-Unis d’Amérique ; soit enfin l’émigration vers la terre d’Israël. Celle-ci, après avoir été préconisée dès 1862 par Moïse Hess, commença en 1882 avec le mouvement des « amants de Sion » (Hovévé Sion) animé par Leo Pinsker avant d’être systématisée par le journaliste juif autrichien Théodor Herzl dans son livre L’État des Juifs en 1896, et dotée d’un mouvement politique organisé par le Congrès de Bâle en 1897.

      Le mouvement sioniste : un mouvement national et colonisateur

      La base du mouvement sioniste se trouvait en grande majorité en Europe orientale et centrale, alors que la plupart des Juifs d’Europe occidentale y étaient défavorables pour ne pas semer le doute sur leur loyalisme envers la patrie particulière à laquelle ils s’étaient assimilés. Mais déjà l’antisémitisme (mot inventé en 1877 par l’Allemand Wilhelm Marr) se manifestait en Allemagne, en Autriche-Hongrie, et en même en France avec l’affaire Dreyfus (qui avait rallié l’assimilationniste Herzl au sionisme). D’autre part, avant même l’installation des premiers sionistes en Palestine, les stéréotypes de l’antijudaïsme et de l’antisémitisme européens avaient commencé à être diffusés en Orient par des membres des communautés chrétiennes locales [16].

      Le sionisme se voulait un mouvement d’émancipation nationale du peuple juif, parce que ce peuple était considéré comme une « quasi-nation » dotée à la fois d’une religion propre (ce qui restait un facteur essentiel d’appartenance nationale dans les pays d’Europe orientale) et d’une langue particulière, le yiddish. Par ces deux aspects, il était presque semblable à tous les mouvements nationaux de la région. Mais il n’avait pourtant pas de territoire où il fût majoritaire, ni de structure sociale normale, puisque les Juifs ne possédaient pas de terre à cultiver et ne la travaillaient pas. Pourtant l’émigration vers la « terre d’Israël » paraissait fournir la solution, en donnant aux Juifs l’occasion de créer des villages, afin de reprendre possession de leur terre dans une intention sociale, économique, puis politique. Elle permit en tout cas un événement culturel sans précédent : la résurrection de l’hébreu en tant que langue parlée moderne par Eliézer Ben Yehouda, qui trouva ainsi le moyen de rendre une langue nationale commune aux Juifs de provenances diverses arrivés dans le pays de leurs ancêtres. Mais le projet sioniste reposait sur l’illusion sentimentale que la « terre d’Israël » était restée inhabitée et en friche depuis l’expulsion de son peuple. Or, même si ce pays était manifestement sous-peuplé au début du XIXe siècle, et l’était encore relativement peu à la fin du même siècle, il suffisait d’y arriver pour constater qu’il n’était pas désert. Mais le fait est qu’à cette époque, les États européens ne songeaient pas à appliquer le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes aux populations non-européennes.

      Le sionisme en Palestine [17] pouvait-il donc être autre chose qu’un mouvement colonial ? Cela dépend de ce que l’on entend par ce mot. Si l’on prend, comme Albert Memmi, la notion de colonisation ou « colonialisme » dans sa définition rendue classique par la plupart des exemples ouest-européens du XVIe au XXe siècle, on peut admettre que le sionisme n’y correspond pas : « À moins de jouer sur le mot, comme le fait notre auteur (Maxime Rodinson), on ne trouve dans l’entreprise israélienne aucun des caractères de la colonisation au sens contemporain : ni une exploitation économique d’une majorité indigène par une minorité de colons, ni l’utilisation d’une main d’œuvre à bon marché, encadrée par des colonisateurs, se réservant le rôle d’encadrement, ni l’existence d’une métropole, ayant pour conséquence ce qu’on appelle le pacte colonial, (échange de matières premières contre des produits manufacturés), ni un pouvoir politique et militaire, directement ou indirectement issu de cette métropole, ni une aliénation culturelle au profit exclusif de la culture du colonisateur » [18]. Mais si l’on prend le mot au sens de la colonisation de peuplement ou « colonisation vraie » (true colonization), concept utilisé par des théoriciens du XIXe siècle qui en voyaient le modèle le plus parfait dans les États-Unis d’Amérique, ayant conquis et peuplé le continent nord-américain après s’être révoltés contre la Couronne britannique (laquelle prétendait le leur interdire pour protéger les Indiens), ce modèle correspond assez bien au cas de la colonisation sioniste en Palestine, qui a d’abord recherché la protection du mandat britannique avant de se révolter contre celui-ci quand il a décidé de prendre parti pour les Arabes. De nombreux auteurs sionistes n’ont pas hésité à situer leur entreprise dans le cadre de la colonisation européenne, comme Théodore Herzl dans L’État des Juifs (« Pour l’Europe, nous formerons là-bas un élément du mur contre l’Asie, ainsi que l’avant-poste de la civilisation contre la barbarie ») et Zéev Jabotinsky : « Le Juif civilisé émigre vers l’Asie tout comme l’Anglais civilisé vers l’Australie » [19].

      L’idée d’une re-colonisation de la Palestine par les Juifs a été proposée, depuis la fin du XVIIIe siècle, par de nombreux auteurs européens non-juifs. Mais la première immigration juive du XIXe siècle n’était pas colonialiste, car elle obéissait comme les immigrations antérieures à des motivations purement religieuses, et recourait à des collectes dans les communautés juives dispersées pour assurer son entretien. Vers le milieu du XIXe siècle, des philanthropes juifs avaient entrepris d’améliorer les conditions de vie des communautés juives installées dans les quatre « villes saintes » (Jérusalem [20], Hébron, Tibériade et Safed) en les aidant à s’entretenir elles-mêmes. Une école d’agriculture fut créée dans ce but en 1870, et la première colonie agricole en 1878, mais c’est seulement en 1881 que commença la première vague d’immigration vraiment sioniste.

      Le sionisme visait à redonner à une fraction du peuple juif la base économique d’un peuplement normal en acquérant des terres pour y créer des « colonies » agricoles, mais il le faisait par voie d’achats à de grands propriétaires fonciers, puisqu’il ne disposait d’aucun moyen de contrainte sur l’Empire ottoman. D’autre part, dans une première étape, les colonies étaient créées par le baron de Rothschild qui employait des ouvriers agricoles palestiniens non-juifs. Mais il se heurta au mouvement syndical formé par les immigrants juifs de Russie, qui réclamaient pour eux-mêmes le « travail juif ». Le succès de cette revendication aboutit à substituer à une colonisation d’exploitation une colonisation d’exclusion, ce qui mécontenta les travailleurs locaux désormais exclus. On ne peut refuser les mots « colonie » et « colonisation », qui étaient couramment employés par les sionistes eux-mêmes pour traduire le mot hébreu yishouv ; mais il faut préciser qu’il s’agissait dans leur esprit d’une colonisation de peuplement destinée à réinstaller le peuple juif sur la terre de ses ancêtres, et non à exploiter des indigènes « colonisés ». D’autre part, la colonisation rurale trouvait des terres à acheter surtout dans les plaines côtières et les grandes vallées qui étaient les régions les moins densément peuplées à cause de leur ouverture à la pénétration des nomades ou de leur insalubrité. La colonisation était donc perçue par ses auteurs comme la remise en valeur de terres vierges, dont la Bible attestait la richesse agricole potentielle.

      A Suivre...

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      • #4
        Suite -3-

        Mais à cette colonisation de peuplement, le mouvement sioniste organisé par le congrès de Bâle en 1897 ajouta la revendication politique d’un « Foyer reconnu et garanti par le droit public », c’est-à-dire un statut international garantissant au peuple juif le droit d’immigrer et d’acheter des biens fonciers dans le pays de ses ancêtres, en attendant de pouvoir y devenir majoritaire, ce qu’il était encore bien loin d’être. Ce statut international était une étape indispensable entre l’immigration suivie de la colonisation de peuplement et la fondation d’un État juif. Théodor Herzl s’épuisa en vain, jusqu’à sa mort en 1904, à tenter d’obtenir un tel statut. Il ne songea pas à le demander aux habitants arabes de la Palestine [21], qui de toute façon ne disposaient pas de leur pays, lequel appartenait alors à l’empire ottoman, dont il n’était même pas une seule province. Le sioniste britannique Israël Zangwill avait lancé le slogan : « La terre sans peuple pour le peuple sans terre »...

        La déclaration Balfour et le mandat britannique

        C’est le 4 novembre 1917 que le mouvement sioniste, paralysé par la Grande Guerre depuis 1914, obtint enfin de la Grande-Bretagne la garantie dont il avait besoin, sous la forme de la déclaration Balfour : « Le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l’établissement en Palestine d’un Foyer national pour le peuple juif, et emploiera tous ses efforts pour faciliter la réalisation de cet objectif, étant clairement entendu que rien ne sera fait qui puisse porter atteinte aux droits civils et religieux des collectivités non-juives existant en Palestine, ni aux droits et au statut politique dont les Juifs jouissent dans tout autre pays » [22]. Le destinataire de ce message, le savant juif russe devenu britannique Haïm Weizmann, précisa les intentions du mouvement sioniste devant le Conseil des dix à la conférence de la paix à Paris le 27 février 1919 : « Nous ne demandons pas un gouvernement proprement juif. Nous demandons que, sous le gouvernement de la région, il s’établisse dans le pays des conditions déterminées et une administration telle que nous puissions envoyer en Palestine des émigrants (...). Nous nous attacherions à bâtir des écoles où serait enseignée la langue hébraïque, et nous bâtirons graduellement une nation qui sera aussi juive que la France est française et la Grande-Bretagne britannique. Quand cette nationalité formera la majorité de la population, c’est alors que le moment sera venu de réclamer le gouvernement de ce pays ». À quoi les notables chrétiens et musulmans de Jérusalem répondirent peu après : « Comment pourrait-on permettre aux Juifs (qui ne forment même pas 7% de la population, et dont les propriétés ne constituent même pas la millième partie des terrains et immeubles du pays) de devenir, sans qu’ils y aient le moindre droit, les maîtres de la Palestine ? Nos droits, par contre, y sont des plus évidents. Ils sont les mêmes que ceux des Anglais en Angleterre et des Français en France » [23].

        Ainsi les positions étaient clairement prises, et dès 1920 de violentes attaques contre les Anglais et contre les sionistes montrèrent l’opposition des Arabes palestiniens au projet de ces derniers. Pourtant le texte du mandat sur la Palestine attribué en 1922 par la SDN à la Grande-Bretagne confirma toute l’ambiguïté des objectifs de la déclaration Balfour. Mais le but du mandat n’était pas de « rendre la Palestine aussi juive que l’Angleterre est anglaise », et le foyer national juif « en Palestine » n’avait pas vocation à englober tout le pays ; le conseil élu chargé de représenter les intérêts de la population juive ne faisait pas partie de l’administration du mandat. Tous les leaders sionistes donnèrent leur accord à cette interprétation officielle, sauf Vladimir Zéev Jabotinsky, chef du parti de droite « sioniste révisionniste ». Ce parti devait son nom à son refus d’accepter la délimitation des frontières du mandat, qui excluaient la Transjordanie (rive gauche du Jourdain, dont une partie avait appartenu au royaume d’Israël, puis au royaume des Macchabées). Le territoire du mandat était donc particulièrement étroit : il ne couvrait que 30 000 km2, soit deux fois l’Alsace-Lorraine, ou moins d’une fois la Belgique (33.000 km2). Et la moitié seulement de cette étroite superficie était convenablement arrosée par les pluies : le désert du Néguev au sud, et la très profonde vallée du Jourdain se jetant dans la Mer morte (-392 m) à l’est, étaient particulièrement arides. Un calme relatif prévalut pourtant dans les années 1920 (sauf à Jérusalem et à Hébron, dont la population juive fut chassée par un massacre en 1929) parce que l’immigration juive fut moins forte et moins continue que prévu.

        Mais à partir de 1933, l’avènement de Hitler en Allemagne déclencha une vague d’immigration sans précédent, à laquelle les Palestiniens ripostèrent par une grande insurrection de 1936 à 1939. Les Anglais la réprimèrent par la force, pendant que la colonie sioniste se dotait de forces d’autodéfense (Haganah). Pourtant dès juillet 1937, le gouvernement britannique envisagea de changer de politique : la commission Peel proposa un premier plan de partage du pays entre un État arabe (au centre et au sud) et un État juif (en Galilée et sur la plaine côtière de Haïfa à Tel-Aviv), plus un territoire sous mandat allant de Jérusalem à Jaffa. Les Juifs hésitèrent mais les Arabes refusèrent. Puis la violence redoubla et les Anglais écrasèrent la révolte, mais en 1939, au moment d’entrer en guerre contre l’Allemagne nazie, ils proclamèrent une politique radicalement nouvelle par un Livre blanc (négocié avec les États arabes et non avec les Palestiniens), qui limitait l’immigration juive à 75.000 personnes pendant cinq ans, interdisait les transactions foncières entre Arabes et Juifs, et promettait l’indépendance d’une Palestine unitaire dans dix ans. Ce retournement complet de politique était un aveu d’échec du mandat, mais il venait trop tard pour arrêter la croissance de la colonie sioniste.

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        • #5
          Suite -4-

          Du Livre blanc de 1939 au plan de partage de 1947

          Dès 1933, le nouveau leader de l’Agence juive, David Ben Gourion, en était revenu à la revendication de l’État juif : « La Palestine n’est une entité particulière que dans la conscience du peuple juif ; en dehors de celle-ci, elle n’existe pas comme entité ; elle n’est qu’une fraction du territoire dont dispose la nation arabe et qui est cent fois plus étendu que le territoire de la Palestine. Nous disons donc : l’existence d’une nation juive de plusieurs millions d’habitants en Palestine n’est pas un danger pour la nation arabe, sa culture, son indépendance, ni son existence » [24]. En 1939, il décida de faire la guerre contre les Allemands aux côtés des Anglais comme s’il n’y avait pas de Livre blanc (ce qui procura une précieuse expérience militaire à 30.000 soldats juifs) et de combattre le Livre blanc comme s’il n’y avait pas la guerre, en organisant une immigration clandestine. Il s’efforça d’obtenir le soutien des États-Unis, et fit voter par la conférence sioniste de l’hôtel Biltmore à New York, le 12 mai 1942, le principe de la transformation de la Palestine en un « commonwealth » (État) juif après la guerre. Mais le parti d’extrême-gauche MAPAM (Parti ouvrier unifié) continuait de réclamer un État judéo-arabe. Au contraire à l’extrême-droite, le groupe Stern (ou Lehi)) commit des attentats contre les troupes britanniques [25], et en 1944 l’Irgoun, organisation militaire du parti révisionniste, suivit la même voie en assassinant le ministre britannique Lord Moyne, ce qui poussa Ben Gourion à collaborer avec les Anglais contre les extrémistes juifs. En 1945, la Palestine était peuplée d’environ 550.000 Juifs et 1.240.000 Arabes ; les terres acquises par les premiers représentaient 5,67% de la superficie du pays et 12,75% du domaine cultivable.

          De 1945 à 1947, les organisations sionistes combattirent la politique britannique par le terrorisme (notamment l’attentat meurtrier contre le quartier général britannique à l’hôtel King David le 22 juillet 1946 à Jérusalem) et par l’immigration clandestine des rescapés du génocide nazi (arrivée de France et refoulement en Allemagne des passagers de l’Exodus). Mais les Anglais, faute d’obtenir l’appui des Américains, dont le président Truman prit parti le 4 octobre 1946 pour un partage de la Palestine entre les Juifs et les Arabes, décidèrent de transmettre le dossier aux Nations Unies le 18 février 1947. L’Assemblée générale vota le plan de partage le 29 novembre 1947, par 33 voix contre 13 (une voix de plus que la majorité requise des deux tiers), avec l’appui de l’URSS. Ce plan partageait la Palestine entre un État juif et un État arabe de superficies presque égales et aux territoires étroitement imbriqués, et une zone internationale de Jérusalem. L’État juif avait, sur 905.000 habitants, 498.000 Juifs et 407.000 Arabes [26] ; l’État arabe, sur 735.000 habitants, 725.000 Arabes et 10.000 Juifs, et Jérusalem, sur 205.000 habitants, 100.000 Juifs et 105.000 Arabes. Mais les Palestiniens arabes et les États de la Ligue arabe le rejetèrent parce qu’il aboutissait à donner la majeure partie du territoire à une population minoritaire. Au contraire, l’Agence juive l’accepta parce qu’elle pensait que la guerre inévitable lui permettrait de modifier les données territoriales et démographiques à son avantage, notamment grâce à l’arrivée des réfugiés juifs d’Europe ayant survécu au génocide nazi.

          La guerre d’indépendance (1948-1949)

          La guerre commença en Palestine peu après le vote du plan de partage. Mais les Palestiniens étaient divisés entre les partisans de l’ancien mufti de Jérusalem, Hadj Amin el Husseini, qui s’était mis au service de Hitler pendant la guerre [27], et les Nachachibi, partisans du roi Abdallah de Transjordanie ; et la majorité des Palestiniens arabes, se rappelant l’échec de la révolte de 1936-1939, préféraient tenter de s’entendre avec leurs voisins juifs. Les États de la Ligue arabe [28] décidèrent d’intervenir militairement dès la fin du mandat britannique ; ils commencèrent d’y infiltrer une force de volontaires, puis la Légion arabe de l’armée transjordanienne, commandée par l’anglais Glubb Pacha, puis les armées de l’Égypte, de la Syrie, de l’Irak et du Liban intervinrent dès le 15 mai 1948. Mais les forces israéliennes, en cours d’unification à partir de la Haganah, de l’Irgoun et du Léhi, étaient plus nombreuses et mieux organisées, entraînées et armées.

          Le 14 mai 1948, dernier jour du mandat britannique, le président du comité exécutif de l’Agence juive David Ben Gourion lut, à Tel-Aviv, la déclaration d’indépendance de l’État d’Israël. Rappelant toutes les étapes de l’histoire du peuple juif, il proclama l’établissement de « l’État juif de Palestine qui se nomme Israël », gouverné provisoirement par un Conseil national et une Administration nationale en attendant l’élection d’une Assemblée constituante. « L’État d’Israël promouvra le développement du pays pour le bénéfice de tous ses habitants ; il sera basé sur les préceptes de liberté, de justice et de paix enseignés par les prophètes hébreux ; il accordera pleine et totale égalité sociale et politique à tous ses citoyens sans distinction de race, de croyance et de sexe ; il garantira pleine liberté de conscience, de culte, d’éducation et de culture ; il assurera la sauvegarde et l’inviolabilité des Lieux Saints et des sanctuaires de toutes les religions et respectera les principes de la Charte des Nations Unies ». L’État d’Israël faisait appel à l’ONU pour l’admettre dans la famille des nations, aux « habitants arabes du pays de Palestine en leur demandant de retourner sur les chemins de la paix et de jouer leur rôle dans le développement de l’État », en les assurant « qu’ils jouiront du droit de citoyenneté pleine et entière à égalité avec les Juifs ». Il invitait les États arabes voisins à « coopérer avec la nation juive indépendante pour le bien commun de tous », et enfin « tous les Juifs du monde à se rallier à nous dans la tâche d’immigration et de mise en valeur et à nous assister dans le grand combat qui est engage en vue de réaliser le rêve poursuivi de génération en génération : la rédemption d’Israël. » [29]

          Certaines phrases de ce texte pouvaient faire croire que l’État d’Israël serait judéo-arabe, comme sa population. En fait, ses dirigeants étaient bien décidés à renforcer son caractère majoritairement juif à la fois en organisant l’immigration des survivants du génocide nazi et en poussant le maximum d’Arabes à fuir vers l’extérieur [30]. Ce mouvement de fuite et d’exil, que les Palestiniens arabes appellent la Nakba (catastrophe) avait déjà commencé en mars 1948, avant la proclamation de l’État d’Israël, et il avait été accéléré par le massacre de la population du village de Deïr Yassin, près de Jérusalem [31], le 9 avril. Il continua au cours de la guerre opposant l’armée israélienne aux armées des États arabes à partir du 15 mai 1948. Cette guerre, interrompue à la demande de l’ONU par plusieurs cessez-le-feu, aboutit à la victoire d’Israël, qui obtint la signature d’armistices avec l’Égypte le 24 février 1949, le 23 mars avec le Liban, le 3 avril avec la Jordanie, le 20 juillet avec la Syrie. Puis la conférence de Lausanne siégea du 27 avril au 15 septembre 1949 pour tenter de régler le problème des réfugiés palestiniens sur la base du plan de partage du 29 novembre 1947 (reconnu pour la première fois par les États arabes) et de la résolution votée le 11 décembre 1948 par l’Assemblée générale de l’ONU sur le droit au retour. Les États arabes acceptèrent de recaser la majorité des réfugiés, mais Israël n’en accepta que 100.000 (sur environ 750.000 réfugiés palestiniens), en y incluant 25.000 déjà rentrés chez eux par infiltration à travers les lignes de cessez-le-feu et 30.000 déjà acceptés au titre de la réunification des familles. En fin de compte, Israël ne proposant que la reconnaissance de ses conquêtes, les États arabes renoncèrent à un accord de paix, et les deux camps restèrent séparés par les lignes d’armistice. Israël estima que le problème des réfugiés était réglé par un échange de facto entre les réfugiés palestiniens et les réfugiés juifs presque aussi nombreux chassés des États arabes par de violentes émeutes depuis le plan de partage de 1947 ; mais cet échange de fait ne fut jamais ratifié par un accord international, et la plupart des réfugiés palestiniens continuèrent d’attendre un meilleur avenir dans des camps organisés par l’ONU. Au contraire, la loi du retour (5 juillet 1950) reconnut à tous les Juifs du monde le droit d’immigrer en Israël et d’en être citoyens. La situation sur les lignes d’armistice resta très tendue à cause des nombreuses tentatives de réfugiés palestiniens de rentrer chez eux ou de se venger, et des représailles israéliennes.

          La création de l’État d’Israël et sa victoire sur les États arabes entraînèrent des conséquences décisives pour ses habitants juifs et arabes. Les premiers disposèrent pour la première fois depuis vingt siècles d’une souveraineté pleine et entière sur le pays, qui leur permit de redistribuer à des Juifs la propriété des terres et des biens abandonnés par les exilés, et aussi de confisquer et redistribuer une grande partie de ceux dont les propriétaires étaient encore présents, afin d’assurer dans tout le pays une majorité juive. Cette discrimination, évidemment contraire aux promesses de la déclaration d’indépendance, était une conséquence logique de l’absence de paix, mais aussi de l’extrême exiguïté du territoire d’Israël. En effet, bien qu’agrandi par la guerre, celui-ci ne couvrait que 20 000 km2, soit les deux tiers de l’ancienne Palestine ; sa plus faible largeur, à mi-chemin entre Tel-Aviv et Haïfa, ne dépassait pas 15 km. Des centaines de villages arabes abandonnés par les réfugiés furent rasés. Les habitants non-juifs restés dans le pays furent soumis de 1948 à 1966 à un régime de gouvernement militaire fondé sur la législation d’exception adoptée par le mandat britannique pour lutter contre les insurgés palestiniens de 1936 à 1939 et contre les militants sionistes ensuite. La nationalité et la citoyenneté israéliennes avaient néanmoins été reconnues aux habitants non-juifs, mais suivant des conditions beaucoup plus restrictives qu’aux juifs, et le service militaire n’était obligatoire que pour les citoyens juifs. Cet ensemble de pratiques discriminatoires présentait des ressemblances frappantes avec la situation des « indigènes » de l’Algérie coloniale, mais les deux situations étaient nettement distinguées par un fait majeur : le caractère incontestablement majoritaire de la population juive d’Israël. En effet, la guerre d’indépendance et les migrations consécutives avaient fait passer en quelques mois la population juive de 30% de la population palestinienne à 86% de la population d’Israël [32].

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          • #6
            Suite -5-

            D’une guerre à l’autre (expédition de Suez en 1956, « guerre des six jours » de juin 1967...)

            Durant les vingt premières années de l’État d’Israël, cette situation resta la même. Elle aurait pu être modifiée en 1956 par l’alliance avec la France et, indirectement, le Royaume-Uni contre l’Égypte du colonel Nasser après sa nationalisation du canal de Suez, qui avait permis à Israël de conquérir la presqu’île du Sinaï et le territoire de Gaza sur les soldats égyptiens et les premiers fedayin palestiniens. C’était, dans l’esprit du Premier ministre Ben Gourion, une guerre préventive nécessaire pour empêcher Nasser de tenter sa revanche avec le nouvel armement fourni par l’URSS (qui courtisait désormais le nationalisme arabe). Mais le recul des deux puissances coloniales, devant les pressions internationales qui les forcèrent à évacuer le canal de Suez, obligea aussi Israël à évacuer les territoires occupés en 1957, moyennant le déploiement de casques bleus de l’ONU le long de la frontière égypto-israélienne, de celle du territoire palestinien sous protection égyptienne de Gaza, et à l’entrée du détroit de Tiran donnant accès de la Mer rouge au port israélien d’Eilat.

            C’est dix ans plus tard que le colonel Nasser, ayant voulu menacer Israël pour le dissuader d’attaquer la Syrie à la suite d’une tension sur la zone démilitarisée qui séparait ces deux États au bord du lac de Tibériade, se résolut à demander le retrait des Casques bleus. Dès lors, la situation échappa à tout contrôle à cause de l’explosion de discours guerriers menaçants qui exalta les foules dans tous les pays arabes, et de la résolution israélienne d’attaquer en premier pour ne pas se laisser surprendre. La guerre des six jours, déclenchée par l’attaque israélienne du 6 juin 1967, balaya les armées égyptienne, syrienne, et jordanienne (laquelle avait cru se joindre à la victoire arabe). Elle permit à Israël de réunifier la Palestine et de réoccuper la presqu’île du Sinaï. Cette victoire, d’une rapidité et d’une ampleur sans précédent, créa une situation radicalement nouvelle. Israël se déclara d’abord prêt à rendre les territoires occupés aux États arabes à la seule condition qu’ils le reconnaissent enfin. Mais les États arabes, réunis à la conférence de Khartoum en septembre 1967, refusèrent [33]. Dès lors, les Israéliens en vinrent à se demander s’il ne valait pas mieux profiter de leur victoire pour continuer dans les territoires nouvellement occupés l’œuvre de colonisation qui avait construit leur État [34], et d’autant plus que leur victoire leur avait redonné accès à la vieille ville de Jérusalem et aux anciennes provinces juives de Judée et de Samarie qui leur avaient été interdites depuis vingt ans. Il en résulta un essor sans précédent du sionisme religieux, jusque-là relativement peu influent. La réunification de la Terre d’Israël n’était-elle pas la plus grande victoire possible ?

            L’OLP et le réveil des Palestiniens

            Or les Palestiniens arabes, qui avaient commencé depuis 1964 à regrouper leurs mouvements dans une Organisation de libération de la Palestine (OLP) contrôlée par la Ligue arabe, ne voulaient plus se laisser oublier. Si plus de la moitié des générations âgées de 15 à 24 ans fuirent les territoires occupés, ce n’était pas pour laisser les Israéliens prendre leur place. L’OLP réorganisée après juin 1967 en une fédération des mouvements de la résistance palestinienne sous la direction de Yasser Arafat (leader du principal mouvement, Al Fatah), se dota de forces armées qui résistèrent à une attaque israélienne à Karameh en Jordanie en 1968. Mais le roi Hussein de Jordanie refusa de perdre son autorité sur son royaume, et entreprit de chasser les forces de l’OLP vers la Syrie et le Liban en 1970-1971, ce qui poussa l’OLP à se reconvertir vers des actes de terrorisme de plus en plus radicaux (détournements d’avions en 1970, prise d’otages israéliens aux Jeux olympiques de Munich en 1972...). Bien que privés de bases sûres et de forces armées efficaces, les Palestiniens restèrent une menace permanente, et inquiétèrent les Israéliens par leur nombre sans cesse croissant à l’intérieur et à l’extérieur des territoires occupés. Cette crainte renforça une autre tendance chez ceux des Israéliens juifs qui constataient que la victoire de juin 1967 avait fait chuter leur pourcentage à 64% dans leur pays réunifié, et qu’ils risquaient d’y perdre la majorité dans un délai plus ou moins court en fonction de l’arrêt de l’immigration de masse. Israël pouvait-il accepter de devenir une nouvelle Afrique du Sud ? Ne valait-il pas mieux renoncer aux territoires occupés pour conserver une majorité incontestablement juive dans l’État juif ?

            Ainsi les Israéliens se partagèrent-ils entre deux tendances que l’on peut appeler les « territorialistes » et les « populationnistes », partisans du « grand Israël » ou du « petit Israël ». Mais un choix clair entre ces deux options exigeait qu’Israël sache s’il pourrait trouver des interlocuteurs acceptant sincèrement de négocier avec lui en reconnaissant son droit à l’existence parmi ses ennemis arabes et palestiniens. Jusqu’en octobre 1973, date à laquelle les armées de l’Égypte et de la Syrie déclenchèrent une attaque imprévue qui réussit d’abord à surprendre l’armée israélienne avant que celle-ci puisse passer à la contre-offensive (Guerre du Kippour), rien ne laissait espérer un changement de l’attitude arabe de refus.

            Pourquoi le conflit n’a-t-il pas trouvé de solution ?

            Les négociations de paix

            Pendant plus de trente ans, Israël fut le seul État au monde entouré de simples lignes d’armistice, sans frontières reconnues par ses voisins. Et pourtant, quelques années après la Guerre du Kippour et la nouvelle stabilisation des fronts (négociée par le secrétaire d’État américain Henry Kissinger), la paix fut proposée, à la surprise générale, par le président égyptien Anouar Es-Sadate à son homologue israélien Manahem Begin. Invité par ce dernier, Sadate vint à Jérusalem le 21 novembre 1977. La négociation de paix, qui devait d’après lui combiner les droits de l’Égypte, d’Israël et des Palestiniens, fut difficile, mais aboutit grâce à la médiation des États-Unis (conférence de Camp David, septembre 1978) au traité de Washington (26 mars 1979). L’Égypte reconnut Israël, et récupéra par étapes le territoire du Sinaï, mais rien ne changea dans les territoires palestiniens occupés et colonisés, et la Ligue arabe exclut l’Égypte, en transférant son siège du Caire à Tunis.

            Ressenti comme un abandon de la cause arabe par l’État qui en avait jusque-là été le premier et le plus constant défenseur, cet exemple mit beaucoup de temps à être suivi. Le Liban, en guerre civile depuis 1975, et occupé jusqu’à Beyrouth par l’armée israélienne en 1983, accepta de signer la paix le 17 mai 1983. Mais ce traité, bien que ratifié par le Parlement libanais, fut annulé par le gouvernement sous la pression syrienne le 5 mars 1984. La Jordanie participa à une conférence ouverte à Madrid à la fin octobre 1991 entre Israël d’un côté, et ses voisins arabes d’Asie (Jordanie, Liban et Syrie) et des représentants palestiniens ; elle finit par signer la paix le 26 octobre 1994, mais les négociations entre la Syrie et Israël n’aboutirent pas [35].

            Mais le plus difficile était d’entamer une négociation israélo-palestinienne. Pendant des dizaines d’années, les deux parties ne s’étaient pas considérées autrement que comme des « terroristes » ou des « impérialistes ». L’OLP avait remporté des succès symboliques, tels que sa reconnaissance par les États arabes comme « seul et légitime représentant du peuple palestinien » en 1974, et la définition du sionisme par l’ONU comme une « forme de racisme et de discrimination raciale » le 10 novembre 1975. Mais elle n’avait enregistré aucun succès la rapprochant de son but déclaré : la libération de la Palestine entière. Au contraire, l’invasion de la moitié du Liban par Israël l’obligea à transférer son siège à Tunis en 1984. À partir de 1987, le déclenchement de la « guerre des pierres » (première Intifada) dans les territoires occupés lui permit de prouver sa représentativité et de donner à ses jeunes partisans une image plus favorable que celle des terroristes, celle du jeune David maniant la fronde contre le géant Goliath. Mais en 1991, le soutien accordé à l’Irak dans la guerre du Golfe et la joie de foules palestiniennes applaudissant les missiles irakiens Scud devant les caméras de télévision firent encore une fois des Palestiniens des vaincus, expulsés par dizaines de milliers du Koweït. L’OLP fut officiellement tenue à l’écart de la conférence de Madrid.

            Et pourtant, le 1er septembre 1993, on apprit brusquement que des discussions secrètes entamées quelque part en Europe (à Oslo) entre Israël et l’OLP venaient d’aboutir à un accord. La « déclaration de principe sur des arrangements intérimaires d’autonomie » commençait par le préambule suivant : « Le gouvernement de l’État d’Israël et l’équipe palestinienne [36] (“la délégation palestinienne”) représentant les Palestiniens, sont d’accord qu’il est temps de mettre fin à des décennies de confrontation et de conflit, de reconnaître leurs droits légitimes et politiques mutuels, de s’efforcer de vivre dans la coexistence pacifique, la dignité et la sécurité, et d’aboutir à un accord de paix juste, total et durable ainsi qu’à une réconciliation historique dans le cadre du processus politique agréé » [37]. Mais l’accord comportait la mise en application très progressive d’un processus d’autonomie commençant par « Gaza et Jéricho d’abord ». Malgré une poignée de mains symbolique échangée non sans réticences le 13 septembre 1993 devant le président américain Clinton entre le Premier ministre israélien Yitzhak Rabin et Yasser Arafat (qui reçurent ensemble le prix Nobel de la paix en 1994), l’application des accords fut très lente, et controversée des deux côtés. L’assassinat de Yitzhak Rabin par un militant du « grand Israël » en 1995, la continuation de la colonisation israélienne dans les territoires occupés et la persistance du terrorisme du Hamas [38], minèrent peu à peu la confiance des deux parties.

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            • #7
              Suite -6-

              La rechute dans la violence

              L’échec de la négociation de Camp David (juillet 2000) et celui de la conférence de la dernière chance à Taba (janvier 2001) encadrèrent le début de la deuxième Intifada palestinienne, déclenchée à Jérusalem en réaction à une visite sur le mont du Temple (28 septembre 2000) du général Ariel Sharon, qui gagna les élections de février 2001. En quatre ans (de septembre 2000 à septembre 2004), la violence a causé 4.345 morts, dont 3.326 Palestiniens et 948 Israéliens [39]. Aucun résultat décisif n’a été enregistré des deux côtés. Israël a entrepris la construction d’un mur de béton qui réalise un partage unilatéral de fait sans négociation avec les Palestiniens, et compte de moins en moins sur le loyalisme des Arabes israéliens à son égard [40]. Yasser Arafat, mort en 2004 à l’âge de 75 ans, a été remplacé par Mahmoud Abbas à la présidence de l’autorité palestinienne, mais celui-ci a perdu les élections de janvier 2006 face au parti islamiste Hamas, qui ne reconnaît pas Israël. Après une tentative de cohabitation avec un gouvernement du Hamas dirigé par Ismaïl Haniyeh, il l’a limogé en juin 2007 à la suite de la prise du pouvoir par le Hamas dans la bande de Gaza (évacuée par Israël en septembre 2005). Actuellement, aucune issue n’est en vue, et l’offensive israélienne contre Gaza (décembre 2008-janvier 2009) n’a fait qu’affaiblir davantage les espoirs de paix [41].

              Quelles sont donc les causes de cet échec total ? Les causes immédiates paraissent évidentes : manque de confiance réciproque, et d’unité des deux camps en présence. D’un côté, les Israéliens ne sont pas tous certains que tous les Palestiniens veuillent une paix compatible avec la reconnaissance définitive de l’État d’Israël, et une partie d’entre eux ne croit un accord avec l’OLP ni possible, ni souhaitable. De l’autre, les Palestiniens ont longtemps évité de clarifier leurs positions par rapport à l’acceptation définitive du partage de la Palestine avec l’État sioniste d’Israël et à la renonciation au retour des réfugiés ; et le Hamas a l’avantage de sa fidélité proclamée à l’objectif qui était celui de l’OLP. Dans ces conditions, il est presque miraculeux que les principaux négociateurs des accords de paix israélo-palestiniens se soient entendus pour continuer la négociation à titre privé et présenter les « accords de Genève » d’octobre 2003 [42]. Mais un récent sondage [43], réalisé à la fin mai 2008, n’incite pas à l’optimisme : si 83% des Palestiniens interrogés soutiennent le cessez-le feu et si une majorité absolue d’entre eux se prononce pour la coexistence de deux États (59,8%) et contre les attentats-suicides en Israël (56%), 89,8% sont opposés à la renonciation au droit au retour des réfugiés, ce qui est contradictoire avec la reconnaissance d’Israël.

              Approche comparative de conflits analogues

              D’autres causes plus profondes méritent d’être rappelées. Mais avant de les identifier, il convient d’élargir notre perspective en comparant ce conflit à d’autres dans le monde. Le conflit israélo-palestinien et israélo-arabe est-il unique en son genre, ou non ? Et si non, en quoi se distingue-t-il des autres cas comparables ?

              Précisons tout d’abord que l’entreprise sioniste en Palestine ne peut être sérieusement comparée ni au génocide entrepris par les nazis contre les Juifs, ni à celui que les Turcs ottomans ont organisé contre les Arméniens en 1915 [44]. Même si des massacres ont trop souvent été commis par des Israéliens contre des Palestiniens (notamment à Deir Yassin [45] en 1948, Qibya [46] en 1953, Kafr Kassem [47] en 1956), le nombre de leurs victimes est beaucoup trop faible pour prouver une telle intention. On doit reconnaître que le sionisme le plus radical n’est pas allé au-delà de l’intention de refouler la plus grande partie des Arabes palestiniens vers les vastes territoires que les Arabes possèdent à proximité de la « Terre d’Israël ».

              Au contraire, une comparaison pertinente peut être faite avec le refoulement des Indiens d’Amérique du Nord par les États-Unis. Ceux qui ont pris le nom d’Américains sont arrivés sur la côte atlantique du Nouveau monde au début du XVIIe siècle. Ils ont dû s’habituer à ce nouveau milieu avec l’aide des Indiens, avant de les refouler vers l’Ouest par la force de leur nombre et de leurs armes, et avec la bonne conscience de lecteurs de la Bible qui s’appliquaient à eux-mêmes les promesses divines. De même, une comparaison est possible avec le Grand Trek des Boers venus des Pays-Bas fonder la colonie du Cap au XVIIe siècle, et qui ont pénétré dans l’intérieur de l’Afrique du Sud à partir des années 1830. Ces Boers étaient eux aussi des protestants fervents qui s’identifiaient au peuple de Moïse à la recherche de la Terre promise, et qui s’installaient dans le pays des éleveurs noirs en disant à leurs chefs : « Tu vis sur mes terres et tu travailleras pour moi ». Mais ces comparaisons ne sont pas des identifications. La colonisation sioniste s’est distinguée des deux cas précédents par l’extrême étroitesse de la « Terre promise » (la vraie), et par le fait que le rapport des forces démographiques n’a jamais été déséquilibré en faveur des nouveaux arrivants.

              D’autre part, le refoulement des réfugiés palestiniens par l’État d’Israël, et le sort de ces réfugiés, sont-ils des faits uniques ? Nous verrons que les exemples d’expulsions de populations sont très nombreux au cours du XXe siècle, mais que le sort des réfugiés palestiniens se distingue de tous les autres cas par l’absence de recasement ultérieur.

              Les massacres commis par des armées conquérantes pour faire déguerpir des populations jugées indésirables dans un pays conquis ne sont pas des faits nouveaux : l’histoire des provinces européennes de l’empire ottoman et des nouveaux États nationaux qui s’y sont formés au cours du XIXe siècle en est remplie, aussi bien de la part de l’ancienne puissance impériale ottomane réprimant des révoltes que des nouveaux États qui ont fini par se partager la plus grande partie de son territoire balkanique en 1912 et 1913 [48]. À la suite de ces migrations forcées, des traités prévoyant des échanges facultatifs de populations avaient été signés par les Turcs et les Bulgares en 1913, par les Grecs et les Turcs en 1914, puis par les Grecs et les Bulgares en 1919.

              Mais un pas décisif fut franchi ensuite : l’échange obligatoire des populations grecques et turques imposé par le traité de Lausanne en 1923, après la victoire sur les Grecs de la Turquie kémaliste. Les Grecs, auxquels le traité de Sèvres (août 1920) avait redonné la province de Smyrne (dont la population était à moitié grecque), avaient voulu profiter du refus de ce traité par Mustapha Kemal pour reconquérir le plus possible de territoires en Asie mineure. L’armée kémaliste avait réussi à bloquer leur avance, puis à contre-attaquer victorieusement jusqu’à Smyrne en 1922. Les Anglais et les Français, qui occupaient Constantinople et les détroits, préférèrent accepter de réviser le traité de Sèvres à l’avantage des nouveaux vainqueurs. Le traité de Lausanne imposa donc un échange de populations obligatoire [49] (à l’exception de Constantinople pour les Grecs, et de la Thrace occidentale pour les Turcs) entre les vainqueurs et les vaincus. Cette obligation était particulièrement lourde pour la Grèce vaincue, dont les 4 millions d’habitants durent accueillir et recaser près de 1,5 millions de réfugiés grecs de Turquie (définis par leur confession, et non par leur langue). Cette tâche sans précédent fut accomplie en un temps record, grâce à un emprunt international, et permit à la Grèce de repeupler de Grecs ses nouvelles provinces du Nord (Macédoine et Thrace), à majorité slave jusque-là. La Turquie, dont la population déplacée de Grèce était bien moindre (environ 125.000 réfugiés de 1912 à 1923, et 350.000 entre 1923 et 1926), aurait dû contribuer à l’indemnisation par compensation de la valeur des biens abandonnés dans les deux pays, mais la Grèce renonça à cette indemnisation. Les minorités chrétiennes subsistant dans la Turquie actuelle, dont l’origine est antérieure aux conquêtes musulmanes, y représentent moins de 1% de la population totale.

              À la fin de la Deuxième guerre mondiale, l’expulsion de 13 millions d’Allemands des provinces redonnées à la Tchécoslovaquie (pays des Sudètes), à la Pologne (Silésie, Poméranie, Dantzig, et sud de la Prusse orientale) et à l’URSS (nord de la Prusse orientale) fut décidée par Staline, pour éloigner le danger allemand des frontières occidentales de l’URSS et dédommager la Pologne de la perte de ses provinces orientale situées à l’est de la « ligne Curzon ». Le leader de l’URSS et du mouvement communiste mondial avait, certainement, de bonnes raisons de vouloir affaiblir durablement l’Allemagne après l’agression raciste des nazis ; mais il n’en avait pas moins trahi sa propre doctrine, le marxisme, en oubliant que « les prolétaires n’ont pas de patrie ». L’histoire fut utilisée pour justifier ce retour aux frontières de l’an mille, en oubliant que la population expulsée descendait autant d’indigènes slaves que de colons germaniques (ce que prouve la fréquence des noms en -ov et en -ski parmi les expulsés). Les personnes déplacées furent réparties entre toutes les zones d’occupation de l’Allemagne, et les autorités des deux États allemands fondés en 1949, la RDA et la RFA, les recasèrent puisqu’il n’y avait pas d’autre solution [50].

              Deux ans plus tard, l’année 1947 ne fut pas marquée seulement par la décision du partage de la Palestine : la Grande-Bretagne décida en même temps d’accorder l’indépendance à son immense empire des Indes [51], mais en le partageant en deux États, l’Union indienne laïque, et le Pakistan musulman. Bien que le premier ait refusé de se fonder sur une base religieuse [52] (contrairement au second), cette décision entraîna deux vagues d’émigration qui se croisèrent dans la plus extrême violence. On estime qu’il y eut entre dix et quinze millions de personnes déplacées, et entre 300.000 et 500.000 morts. On ne peut assurer que tous ces réfugiés aient retrouvé des conditions de vie enviables, tant la majorité des habitants étaient pauvres, mais il n’y eut pas de discrimination entre ceux-ci et les populations de l’État qu’ils choisirent de rejoindre, et pas de revendication de retour. Les deux États se reconnurent, mais leurs relations sont restées marquées par une profonde méfiance, entretenue par le partage de fait du Cachemire suivant une ligne d’armistice. Il s’en est suivi trois guerres, puis de nombreux actes de terrorisme [53], et l’accession de l’Inde et du Pakistan au statut de puissances nucléaires depuis 1998.


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              • #8
                Suite -7-

                La décolonisation causa aussi des reflux de populations colonisatrices des pays émancipés vers leurs métropoles d’Europe occidentale. Les plus importants concernèrent les Français d’Afrique du Nord (et surtout d’Algérie) dans les années 1954 à 1962, et les Portugais d’Angola et du Mozambique en 1975-1976. La France reçut en une dizaine d’années plus d’un million de Français d’Algérie et la grande majorité de ses ressortissants installés en Tunisie et au Maroc [54]. Le Portugal reçut en quelques mois plus de 300.000 personnes installées en Angola et 160.000 revenant du Mozambique. Les deux métropoles recasèrent très rapidement ces « rapatriés » ou « ritornados » [55].

                Mais à la même époque, deux pays du Proche-Orient, que l’on avait parfois avantageusement comparés à Israël, connurent eux aussi des événements graves qui déplacèrent un grand nombre de leurs habitants.

                D’abord l’île de Chypre [56], indépendante depuis 1964. Cette ancienne province ottomane, occupée par les Britanniques depuis 1878 et annexée par eux en 1914, avait une population en grande majorité grecque (4/5) et une minorité turque autrefois dominante. En 1955, le colonel Grivas, militaire chypriote qui avait fait sa carrière dans l’armée grecque, déclencha une guérilla pour le rattachement à la Grèce, et l’archevêque Makarios, ethnarque de la communauté grecque, soutint cette revendication. Comme en Palestine vingt ans plus tôt, la Grande-Bretagne voulut jouer les arbitres, en invitant la Grèce et la Turquie à une conférence tripartite. En février 1959, les premiers ministres grec et turc se mirent d’accord sur un compromis, et en août 1960, l’île devint indépendante sous la garantie des trois puissances (la Grande-Bretagne conservant ses deux bases militaires). Mais l’application de la Constitution, qui partageait le pouvoir politique et administratif entre les deux communautés en accordant aux Chypriotes turcs des quotas de postes très supérieurs à leur proportion dans la population (19%) aboutit à une paralysie. En 1964, Chypre s’enfonça dans la guerre civile, et le 8 août, l’aviation turque bombarda les positions chypriotes grecques. Dix ans plus tard, le 15 juillet 1974, à l’instigation du gouvernement militaire d’Athènes, la garde nationale chypriote fit un coup d’État contre le président Makarios. Le 20 juillet, la Turquie débarqua des troupes sur la côte nord à Kyrénia. Le 23 juillet, la dictature militaire grecque s’effondra et, aussi bien à Athènes qu’à Nicosie, des modérés prirent le pouvoir pour négocier avec la Turquie. Mais le 14 août, l’armée turque reprit son avance, et occupa rapidement 37% du territoire, jusqu’à Nicosie la capitale (qui reste coupée en deux) et Famagouste (qui reste une ville fantôme dans un no man’s land) : 225.000 Chypriotes, dont 4/5 de Grecs, furent obligés de fuir leur résidence, et au moins 1.619 de ces Grecs disparurent à jamais. En février 1975 fut créé un « État fédéré turc de Chypre », que seule la Turquie reconnut. Ce coup de force suscita une crise diplomatique entre la Turquie, dont l’abus de la force était évident, et ses alliés occidentaux. Mais sa position stratégique à l’entrée de la Mer noire et auprès du Caucase était trop importante pour que ces alliés entreprennent aucune action militaire ou sanction économique contre elle. Depuis, la situation est restée foncièrement inchangée, malgré la poursuite de négociations sur un plan de paix proposé par l’ONU et repoussé par la partie grecque le 24 avril 2004. Mais les Chypriotes grecs (620.000) sont devenus beaucoup plus prospères que leurs ex-compatriotes turcs, dont le nombre (190.000) a été renforcé par l’installation de Turcs de Turquie, anciens soldats pour la plupart [57].

                Le Liban, le plus libéral de tous les États arabes, souffrit lui aussi des retombées du conflit israélo-arabe, d’autant plus que l’afflux de réfugiés palestiniens (en grande majorité musulmans) fragilisait encore plus l’équilibre artificiel entre chrétiens et musulmans sur lequel était fondé la Constitution de 1943 [58]. Contrairement au postulat de l’existence de la nation arabe, les réfugiés palestiniens installés dans de nombreux camps furent donc privés des droits des citoyens libanais et considérés comme des étrangers destinés à repartir un jour chez eux (tout au moins par les partis chrétiens), alors que les musulmans étaient plus sensibles à l’idéal de solidarité arabe. Après la guerre des six jours, puis le reflux de l’OLP chassée de Jordanie vers le Liban en 1970-1971, le pays sombra à partir de 1975 dans une guerre civile [59] qui opposa d’abord les principales milices chrétiennes aux « palestino-progressistes », mais qui évolua ensuite en fonction des ruptures et des alliances nouvelles entre toutes les forces politico-religieuses [60], et qui se compliqua par l’intervention ouverte de la Syrie à partir de 1976 et d’Israël à partir de 1978. L’épisode qui a le plus marqué les mémoires fut l’offensive israélienne de 1983 jusqu’à Beyrouth, et les massacres de civils commis par des milices chrétiennes dans les camps palestiniens de Sabra et Chatila sans opposition des troupes d’Israël [61]. Mais cette guerre civile de quinze ans (1975-1990) fut marquée par de nombreux massacres individuels et collectifs qui ne furent pas le fait d’un seul camp, et par une forte émigration qui affaiblit encore davantage la population chrétienne. Il semble même que les communautés chrétiennes, plus anciennes mais devenues minoritaires dans le pays, aient subi des pertes beaucoup plus lourdes que celles de leurs vainqueurs musulmans [62]. Israël finit par évacuer en 2000 la zone-tampon tenue par une « armée du Liban-Sud » qu’il protégeait à sa frontière, mais le sud du Liban resta occupé par la dernière armée libanaise partisane, celle du Hezbollah (parti de Dieu) chiite puissamment armée et soutenue par la Syrie et par l’Iran. Sa volonté de continuer la lutte contre Israël au nom de la solidarité avec les Palestiniens provoqua la guerre de juillet-août 2006, dans laquelle l’armée israélienne fut incapable d’arrêter par des bombardements aériens massifs les tirs de roquettes du Hezbollah sur la Galilée.

                Enfin, dans l’ancienne Yougoslavie communiste démantelée par les proclamations d’indépendance des républiques nationales à partir de janvier 1992, le président serbe Milosevic a tenté de reconstituer une grande Serbie en appuyant des contingents serbes locaux pour reconquérir par la force les régions à population en majorité serbe de Croatie et de Bosnie-Herzégovine. Dans un premier temps, cette tentative de reconquête fut un succès, et les forces serbes pratiquèrent systématiquement des tirs de harcèlement, des bombardements et des massacres de populations civiles en vue de réaliser le « nettoyage ethnique » [63] pour chasser les populations non-serbes (bataille de Vukovar, bombardement de Dubrovnik, siège de Sarajevo, massacre de Srebrenica...). Puis dans un deuxième temps, en juillet 1995, l’aide de l’OTAN et des États-Unis permit une contre-offensive générale en Croatie et en Bosnie-Herzégovine, qui entraîna la fuite des populations serbes de Croatie et de l’Ouest de la Bosnie. Dès le 25 mai 1993, l’ONU avait réagi à toutes ces atrocités en créant un Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie à La Haye. Enfin, en 1999,l’OTAN intervint directement contre la Serbie pour mettre fin aux massacres d’Albanais commis auKossovo,d’abord par une offensive aérienne lancée contre la Serbie le 26 mars, puis en occupant le Kossovo à partir du 12 juin. On constate que dans la guerre de 1992-1995, tous les camps pratiquèrent le « nettoyage ethnique » les uns contre les autres, mais davantage les Serbes durant la plus grande partie de la guerre [64]. En conséquence, les départs de populations menacées furent massifs, et la Serbie fut à son tour en 1996, selon le Haut commissariat aux réfugiés de l’ONU, le premier pays d’Europe pour le nombre de réfugiés (plus de 500.000) et le cinquième dans le monde. Les accords de Dayton (1995) ont reconnu le droit au retour de tous ces réfugiés, qui étaient particulièrement nombreux (2,2 millions de personnes en Bosnie et Herzégovine, soit un habitant sur deux), mais ils n’imposèrent pas le retour des personnes déplacées n’appartenant pas aux États nationaux rétablis dans leurs frontières historiques (alors que les Serbes avaient essayé d’aligner les frontières politiques et ethniques sur leurs conquêtes). Depuis la fin de la guerre, le nombre des réfugiés à beaucoup diminué [65], mais la plupart ne sont pas retournés à leur lieu de départ : la répartition des populations est beaucoup plus homogène ethniquement qu’elle l’était avant la guerre. L’ONU a occupé le Kossovo en 1999 pour permettre le retour de 848.000 réfugiés appartenant à la majorité albanaise sans vouloir expulser la minorité serbe, dont une grande partie (250.000 personnes) rejoignit alors la Serbie, mais la récente indépendance du Kossovo (2008) fait douter de l’avenir de cette minorité dans ce pays où se trouvait le berceau du premier État serbe, que Milosevic avait voulu conserver à tout prix.

                Les singularités du cas palestinien

                Nous voyons ainsi que les déplacements de populations plus ou moins forcés à l’occasion de guerres extérieures ou internes ou de partages d’États sont un phénomène malheureusement très répandu. Le cas de la Palestine n’a donc rien d’unique. Mais ce cas se distingue nettement des autres par le fait que les réfugiés palestiniens n’ont pas été recasés dans leurs pays d’accueil, contrairement à toutes les populations réfugiées dont il a été question. Comment donc expliquer cette singularité ?

                La première explication est que l’ONU a reconnu le droit des réfugiés palestiniens à choisir entre leur retour et une juste indemnisation. Cette solution a été discutée, on l’a dit, lors de la conférence de Lausanne en 1949, mais Israël l’a jugée en fait incompatible avec sa volonté de former un État incontestablement juif, dans un territoire dont il faut rappeler l’extrême exiguïté.

                D’autre part, on a mentionné l’absence de prise en compte de l’exode des Juifs des pays arabes, chassés par des actes de violence commis contre eux dans leurs pays en liaison avec la guerre israélo-palestinienne et israélo-arabe. Cet exode a conduit la grande majorité de ces Juifs, dont le nombre s’est rapproché de celui des réfugiés palestiniens, à se réfugier en Israël, qu’ils l’aient délibérément voulu ou non, et ils y ont été recasés [66]. Ce fait aurait pu être pris en considération dans un règlement global du conflit israélo-arabe, comme le souhaitait Albert Memmi [67], mais le fait est qu’il n’en a pas été question dans les résolutions de l’ONU, limitées au seul problème israélo-palestinien.



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                  La différence essentielle est ailleurs. Dans presque tous les cas que nous avons évoqués, les réfugiés ont été recasés parce qu’ils dépendaient d’un seul État qui ne voyait plus aucune possibilité de revanche, quel que fût à leur avis le bien-fondé de leur cause. Au contraire, le problème des réfugiés palestiniens n’a pas été considéré comme une responsabilité directe et urgente des États arabes, parce qu’il n’y avait ni un État palestinien, ni un seul État de toute la nation arabe, pour prendre la responsabilité de l’échec de l’intervention militaire commune. Les chefs de ces États n’ont donc pas résolu le problème des réfugiés, ni par la guerre, ni par la paix. Ils ont laissé le problème durer et s’aggraver au lieu de le résoudre. Il est vrai que les responsables de la défaite manquaient d’autorité pour imposer une solution : plusieurs d’entre eux ont été assassinés [68] dans les années qui ont suivi la guerre, et plusieurs coups d’État militaires se sont produits en Syrie en 1949, puis en Égypte en 1952.

                  D’autre part, le rapport des forces était profondément inégal en termes démographiques, ce qui a fait que les Arabes n’ont pas pu accepter leur défaite comme un fait inévitable. Ils ont voulu y voir un accident dû à une infériorité provisoire, susceptible d’être réparé par une juste revanche le moment venu. À moins d’expliquer leurs défaites répétées par l’intervention condamnable de grandes puissances impérialistes dont Israël ne serait que l’instrument, dans une logique de complot. Il est vrai que les États-Unis sont devenus depuis 1967 le plus solide allié d’Israël, mais ce fait s’explique davantage par la pression électorale de la population américaine d’origine juive (la plus importante du monde), et par l’importance de la culture biblique et de la tradition pionnière dans la mentalité américaine, que par des intérêts économiques ou stratégiques américains.

                  De plus, le poids des mentalités religieuses traditionnelles a pesé contre la recherche de solutions nouvelles. Au progrès du sionisme religieux sacralisant les promesses de Dieu à son peuple chez les Israéliens a correspondu la montée de l’islamisme dans les pays arabes et musulmans (notamment l’Iran), y compris la Palestine dont la population chrétienne est de plus en plus minoritaire. Or l’islam traditionaliste raisonne en fonction de précédents tels que la lutte du Prophète contre les Juifs de Médine et de Khaïbar, et la reprise de Jérusalem sur les Croisés par Saladin après près d’un siècle d’occupation chrétienne. Il se réclame de la Révélation faite par Dieu aux juifs et aux chrétiens, mais il s’interdit de lire la Bible parce qu’elle aurait été falsifiée par eux, ce qui le rend insensible à la revendication de ses adversaires. Il faut malheureusement ajouter que de nombreuses réactions anti-sionistes dérivent vers un antijudaïsme d’origine religieuse, mais contaminé par les propagandes antisémites venues d’Europe orientale (comme les « Protocoles des sages de Sion ») voire de l’Allemagne nazie [69].

                  Enfin, il faut tenir compte de l’aggravation considérable du problème des réfugiés par leur multiplication, sous l’effet de taux d’accroissement démographique démesurés. La population arabe palestinienne approchait en 1947 de 1,5 million ; elle approche aujourd’hui de 5,5 millions, et de 10 millions avec les réfugiés hors des limites de la Palestine, ce qui représente une multiplication par plus de six en soixante ans [70]. Le cas de la bande de Gaza est particulièrement frappant. Selon un expert, « entre 1950 et 2007, sa population est passée de 240.000 à près de 1,5 millions d’habitants », et cela grâce à l’UNRWA (United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East) : « en vertu du droit international, l’UNRWA considère en effet tout résident de Gaza comme un réfugié. L’organisme fournit donc un logement et assure les frais de scolarité et de santé à tout nouveau-né, que celui-ci soit le premier ou le dixième enfant d’une famille. » Selon le même auteur, « si la population américaine avait suivi le même taux de croissance que celle de Gaza, les États-Unis seraient passés d’une population de 152 millions en 1950 à 945 millions en 2007, soit près du triple de son chiffre actuel, de 301 millions » [71]. Ce qui veut dire que la grande majorité de ces « réfugiés » sont en réalité des descendants de réfugiés nés en exil.

                  On doit pourtant constater que l’évolution la plus récente ne confirme pas le pronostic d’une victoire démographique palestinienne devant survenir tôt ou tard par la « revanche des berceaux ». Contrairement à ce qui avait été annoncé, il semble que la natalité palestinienne soit en train de s’effondrer à cause des difficultés économiques et de l’évolution des mentalités, alors que la natalité israélienne connaît une hausse constante, et plus encore celle des Juifs intégristes qui se sont installés dans les territoires occupés. De ce fait, selon le démographe Youssef Courbage, « la fécondité des Palestiniens, qu’ils vivent en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, à Gaza, en Israël ou encore dans les camps de réfugiés de Jordanie ou du Liban, est à la baisse. Celle des Juifs en Israël proprement dit et dans les colonies est à la hausse ». Cet auteur estime probable qu’en 2025 Israël passera à environ 9,3 millions d’habitants dont 6,9 millions de Juifs et 1,8 millions de Palestiniens (sans Jérusalem-Est). Dans les territoires occupés, il prévoit 4,1 millions de Palestiniens, dont 1,7 à Gaza et 2,4 en Cisjordanie, mais la population juive des colonies pourrait passer à 833.000 personnes, soit 26 % de la population cisjordanienne [72]. La « guerre des berceaux » pourrait donc être gagnée par Israël.

                  Quoi qu’il en soit, la comparaison entre ces différents cas nous conduit à nous demander si l’exception palestinienne est préférable aux exemples beaucoup plus nombreux de problèmes de réfugiés qui ont trouvé une solution, peut-être regrettable, mais en tout cas efficace et durable, dans leur recasement.

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                  • #10
                    En guise de conclusion

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                    Il ne nous appartient pourtant pas de prendre parti pour ou contre une issue de ce conflit, mais nous pouvons évoquer les diverses solutions envisagées par les uns et par les autres. Pour les nationalistes arabes et les islamistes extrémistes, notamment le président iranien Ahmadinejad, la seule solution est la réédition des victoires d’Omar et de Saladin, mettant fin à la domination d’un État illégitime sur une terre sainte appartenant aux Musulmans. Mais cette issue serait un terrible désaveu de la décision prise par l’ONU le 29 novembre 1947, même si les guerres suivantes en ont profondément modifié l’application. De l’autre côté, les Israéliens n’ont pas encore nettement choisi entre le maintien du « grand Israël » voulu par les intégristes juifs et le repli sur le mur de séparation en voie d’achèvement (que plus des deux tiers des Israéliens souhaiteraient pouvoir compléter par l’expulsion des Palestiniens d’Israël, afin d’aboutir à un partage du pays clair et net [74]). Pour imposer cette solution, même sans accord avec les Palestiniens, Israël dispose d’un atout suprême dont on parle très peu : la bombe atomique, fabriquée en plusieurs centaines d’exemplaires dans la centrale nucléaire construite par la France à Dimona [75]. Il est vrai qu’on ne voit pas bien comment cette arme pourrait être utilisée pour débarrasser Israël de ses ennemis sur un territoire aussi exigu sans mettre son existence même en danger. En tout cas, la volonté d’en conserver le monopole explique la destruction par l’aviation israélienne du réacteur Osirak en 1981, et tout récemment d’un réacteur syrien (2008), qui sert d’avertissement pour l’Iran.

                    Restent les solutions pacifiques, les plus difficiles à réaliser [76]. D’un côté, deux groupes de négociateurs israéliens et palestiniens ont persévéré malgré l’échec des négociations officielles, jusqu’à la signature des accords officieux de Genève (fin octobre 2003), qui prétendent fonder la paix entre Israël et la Palestine sur la base d’un partage attribuant à chacun des deux États une superficie égale à celles d’avant le 6 juin 1967 (Israël compensant ses quelques acquisitions de territoires par des cessions de terres peu peuplées dans le sud). Mais cette solution suppose la renonciation au droit au retour des réfugiés, que la très grande majorité des Palestiniens continue à soutenir. De l’autre, une minorité des Palestiniens [77] et quelques très rares Israéliens estiment encore que la seule solution juste serait la formation d’un État palestinien vraiment laïque et démocratique (conformément à la charte initiale de l’OLP), dans laquelle tous les habitants arabes et juifs auraient effectivement les mêmes droits et devoirs. Cette solution paraît satisfaisante sur le papier, mais il faut se garder de supposer le problème résolu avant de l’avoir réglé : on se demande comment elle pourrait être appliquée sans déclencher le chaos si tous les réfugiés palestiniens retrouvaient le droit de rentrer dans leur pays, où ils ont été depuis longtemps remplacés par des immigrants juifs. Une solution viable suppose comme condition nécessaire une stabilisation de la population du pays, qui s’est énormément accrue des deux côtés depuis soixante ans. Cela paraît imposer de remplacer le droit au retour des réfugiés par une indemnisation, comme il était déjà envisagé lors des négociations de 1949. Mais comment refuser le « droit au retour » des uns sans abolir la « loi du retour » des autres ? Israël peut-il définir la « nation juive » dont il se réclame sans se référer à une légitimité religieuse, comme les intégristes juifs le croient indispensable ? Et comment peut-il être un État pleinement démocratique, un « État du peuple tout entier », s’il maintient au nom de la raison d’État (d’un État juif) des discriminations entre deux catégories de citoyens, les juifs et les non-juifs, même si les premiers sont majoritaires et les seconds minoritaires ?

                    En tout cas, il semble bien qu’une stabilisation effective des populations des deux États soit une condition préalable à leur coexistence. Si cette coexistence arrivait à entrer dans les faits, ils pourraient alors envisager les moyens les plus efficaces de diminuer ou de supprimer les inconvénients résultant de la frontière qui sépare un pays très étroit en deux États différents, par une confédération, une fédération, ou une fusion. Mais il ne nous appartient pas d’en décider à la place des intéressés.

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                    • #11
                      Statistiques :

                      Population d’Israël (avec Jérusalem réunifiée dans ses limites de 1967, mais sans les autres territoires occupés) d’après le recensement d’avril 2007 : 7.150.000 habitants, dont 76% de juifs et 20 % d’Arabes. Répartition par religions : 76,5% de juifs, 15,9% de musulmans, 1,7% de chrétiens arabes, 1,6% de druzes. Densité moyenne : 310 h/km2.

                      Population de la "Palestine" géographique en mai 2008 :

                      en Israël : 7.112.359 h, dont 5.433.842 juifs, 1.137.977 musulmans, 149.360 chrétiens arabes, 113.798 Druzes.

                      dans les territoires occupés : 2.611.969 habitants en Cisjordanie et 1.537.269 à Gaza, soit 4.149.238 habitants.

                      total pour la Palestine : 5.550.308 habitants palestiniens, soit plus que la population juive d’Israël. Une autre source estime que la population palestinienne (Arabes israéliens compris) rattrapera la population juive à la fin 2010.

                      Population palestinienne totale, en "Palestine" et ailleurs : environ le double de la population restée dans le pays. Répartition approximative : 1,1 million en Israël, 4 millions dans les territoires palestiniens occupés (2,5 millions en Cisjordanie, 1,5 à Gaza), 2,8 millions en Jordanie, 1,6 millions dans les autres pays arabes, 573.000 dans d’autres pays. Total près de 10 millions (5 millions en 1985). NB : les Palestiniens vivant en Jordanie y ont la nationalité jordanienne à part entière, et sont la majorité (60%) des habitants du pays. Ailleurs, ils sont généralement considérés comme des réfugiés palestiniens.

                      Statistiques de l’UNRWA en mars 2005 sur la répartition des réfugiés palestiniens dans ses camps et hors des camps :

                      Pays d’accueil Dans les camps Hors des camps Total
                      Jordanie 283.183 1.497.518 1.781.701
                      Liban 210.952 189.630 400.582
                      Syrie 112.882 311.768 424.650
                      Cisjordanie 181.241 506.301 687.542
                      Gaza 471.555 490.590 961.645
                      Total 1.259.813 2.995.307 4.255.120

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                      • #12
                        Chronologie du conflit israélo-palestinien et israélo-arabe :

                        La première moitié de cet article, publiée dans Historiens et géographes n° 406, était illustrée par trois cartes (Le royaume juif au 1er siècle avant Jésus-Christ,p. 130, le plan de partage de 1947 et les frontières à la fin des hostilités en 1949, p. 137, et le Proche-Orient depuis 1967, p. 140) que je ne reprends pas ici. D’autre part, je l’avais accompagné d’une chronologie sommaire qui n’a pas été publiée faute de place, et que voici.

                        Chronologie du conflit israélo-palestinien et israélo-arabe :

                        XXème-XIXème siècle avant J.C. : Les « papyrus d’exécration » égyptiens mentionnent Jérusalem (Ourousalim) parmi les Etats ennemis de l’Egypte.
                        Milieu du XIIIème siècle : Le roi de Jérusalem Abdi-Heba écrit au pharaon Akhenaton pour se plaindre des incursions des « Hapirou » (terme que certains historiens estiment apparenté au nom Hébreux).
                        1210 : Inscription du pharaon Merneptah (fils et successeur de Ramsès II), signalant avoir anéanti le peuple d’Israël.
                        1190 : Inscription du pharaon Ramsès III exaltant sa victoire sur les « peuples de la Mer », dont les Philistins.
                        925 : Inscription du pharaon Sheshonq Ier, mentionnant ses victoires sur les cités de Canaan et sur les rois de Juda et d’Israël.
                        853 : Invasion assyrienne repoussée à Qarqar sur l’Oronte par une coalition de rois, dont ceux de Damas et d’Israël (Achab).
                        722 : Destruction de Samarie et du royaume d’Israël par les Assyriens.
                        587 et 586 : Destruction de Jérusalem et du royaume de Juda par les Babyloniens.
                        539 : Prise de Babylone et autorisation du retour des juifs à Jérusalem par le roi de Perse Cyrus.
                        167-164 : Révolte des frères Macchabées contre le roi séleucide de Syrie, qui reconnaît l’indépendance du royaume asmonéen en 142.
                        63 : Prise de Jérusalem par les Romains (Pompée).
                        37-4 avant JC : Règne d’Hérode le Grand sous la protection romaine. Il reconstruit fastueusement le temple de Jérusalem de 25 à 13.
                        30 après JC : mort de Jésus crucifié à Jérusalem.
                        66-70 : Grande révolte des juifs contre les Romains, qui détruisent la ville et le temple de Jérusalem.
                        132-135 : Révolte de Bar Kochba contre les Romains, qui après leur victoire interdisent la ville de Jérusalem aux juifs, et donnent au pays le nom de Palestine.
                        324 : Constantin, premier empereur chrétien de l’Orient romain.
                        363 : L’empereur Julien l’Apostat, peu avant sa mort, promet aux juifs d’autoriser la reconstruction du temple de Jérusalem.
                        425 : Suppression du patriarcat juif de Tibériade par l’empereur Théodose II.
                        614 : Prise de Jérusalem par les Perses.
                        629 : Reprise de la ville par l’empereur byzantin Héraclius.
                        638 : Prise de la ville par le calife Omar.
                        1099 : Prise de Jérusalem par les Croisés et fondation du royaume de Jérusalem.
                        1187 : Reprise de la ville par Saladin.
                        1229-1240 : Traité négocié par l’empereur Frédéric II rendant Jérusalem aux chrétiens.
                        1516 : Prise de Jérusalem et de l’Egypte par le sultan ottoman Sélim Ier.
                        1799 : Un appel aux juifs, « héritiers légitimes de la Palestine », est attribué à Napoléon Bonaparte assiégeant Saint Jean d’Acre.
                        1855 : Création du premier quartier juif hors les murs de Jérusalem par Moïse Montefiore.
                        1882 : Première vague d’immigration sioniste venant de Russie.
                        1897 : Création du mouvement sioniste par Théodor Herzl au congrès de Bâle.
                        1917 : Déclaration Balfour.
                        1922 : Mandat britannique sur la Palestine.
                        1936-1939 : Grande révolte arabe en Palestine.
                        1937 : Plans de partage de la Palestine examinés par la commission Peel.
                        1939 : Livre blanc du mandat britannique, annulant la déclaration Balfour et promettant l’indépendance aux Palestiniens.
                        1947 : Adoption du plan de partage de la Palestine par l’ONU.
                        1948 (15 mai) : Fin du mandat britannique, proclamation de l’indépendance d’Israël et entrée en guerre des Etats arabes.
                        1948-1949 : Guerre entre Israël et les Etats arabes, interrompue par des accords d’armistice.
                        1956-1957 : Conquête du Sinaï par Israël, allié à la France et à la Grande-Bretagne.
                        1967 : Guerre des six jours, réunifiant Jérusalem et la Palestine entre les mains d’Israël.
                        1973 : guerre du Kippour, déclenchée par des attaques coordonnées de l’Egypte et de la Syrie.
                        1977 : Voyage du président égyptien Sadate à Jérusalem.
                        1978 : Accords de Camp David entre l’Egypte et Israël.
                        1982 : L’armée israélienne envahit le Liban jusqu’à Beyrouth.
                        1987 : Début de la première Intifada.
                        1988 : Le roi de Jordanie renonce à la Cisjordanie. L’OLP proclame l’Etat de Palestine fondé sur les résolutions de l’ONU. Création du Hamas à Gaza.
                        1991 : Conférence de la paix à Madrid, avec la participation d’une délégation jordano-palestinienne.
                        1993 : Annonce de l’accord israélo-palestinien d’Oslo (1er septembre 1993) et signature de cet accord à Washington par Yasser Arafat et Yitzhak Rabin.
                        1994 : Traité de paix jordano-israélien.
                        2000 : Echec de la conférence de paix de Camp David et début de la deuxième Intifada.
                        2005 : Evacuation de Gaza par les Israéliens.
                        2006 : Victoire du Hamas dans les élections palestiniennes, et guerre d’Israël contre le Hezbollah au Liban.
                        2007 : Le Hamas prend le pouvoir à Gaza et rompt avec l’OLP.
                        Fin 2008- début 2009 : Guerre d’Israël contre le Hamas à Gaza.

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                        • #13
                          References -1-

                          [1] La province de Samarie fut repeuplée par des immigrants déplacés d’autres pays, qui adoptèrent la religion d’Israël et formèrent le peuple des Samaritains, que les Juifs ne reconnurent pas comme leurs compatriotes. Il existe encore aujourd’hui quelques centaines de Samaritains en Cisjordanie et en Israël.

                          [2] Il y eut pourtant une autorité religieuse centrale reconnue par les Romains, d’abord à Iamnia (Judée occidentale), puis à Tibériade (Galilée) jusqu’en 425 de l’ère chrétienne. La dernière tentative de restauration d’un pouvoir juif eut lieu, semble-t-il, après la prise de Jérusalem par les Perses sur les Byzantins en 614 après J.-C. (voir les articles de Bernard Flusin et de Simon Mimouni dans Le monde de la Bible, n° 129, septembre-octobre 2000, pp. 44-47).

                          [3] Michel Abitbol, Le passé d’une discorde. Juifs et Arabes depuis le VIIe siècle. Paris, Perrin (collection Tempus), 2003.

                          [4] La tradition biblique concernant Moïse peut néanmoins remonter à des faits réels démesurement grossis par une longue tradition orale, selon Thomas Römer, Moïse, “lui que Yahvé a connu face à face”, Paris, Découvertes-Gallimard, 2002, pp. 60-65.

                          [5] Rachid Khalidi, L’identité palestinienne, Editions La Fabrique, 2003 (compte rendu par Sylvain Cypel dans Le Monde des livres, 20 février 2004, repris dans Le Monde 2 hors série, 1948-2008, Israël, le rêve inachevé, p. 32).

                          [6] Cédérom Palestine, collection Terres d’histoire, distribué par l’Université de Bordeaux III, 2000.

                          [7] Mais pas partout : la région de Gaza n’a jamais été peuplée en majorité de juifs. Voir l’article de Maurice Sartre, “La splendeur oubliée de Gaza”, L’Histoire, n° 340, mars 2009, pp. 8-17 (avec une mise au point sur la période contemporaine par Henry Laurens, p. 16).

                          [8] Ce nom a été inventé par Nathan Birnbaum, fondateur à Vienne du journal Selbst-Emancipation (auto-émancipation), en 1890.

                          [9] Les temps modernes, juillet 1967, n° 253 bis, Le conflit israélo-arabe, dossier, 991 p, préfaces de Jean-Paul Sartre et de Claude Lanzmann.

                          [10] Maxime Rodinson, “Israël, fait colonial ?”, Les temps modernes, op.cit., pp. 17-88.

                          [11] Albert Memmi, Juifs et Arabes, Paris, Gallimard-NRF (collection Idées, 1974, 219 p. (voir p. 155 : “Pire encore, un auteur, juif de naissance, a été jusqu’à stigmatiser Israël comme un fait colonial”.). Albert Memmi était bien connu pour son Portrait du colonisé, précédé du portrait du colonisateur, préface de Jean-Paul Sartre, Paris, 1957.

                          [12] Robert Misrahi, “La coexistence ou la guerre”, Les temps modernes, op. cit., pp. 537-558 (article qui paraît une réponse à Maxime Rodinson, mentionné dans une note).

                          [13] Rodinson, op. cit., p. 24.

                          [14] Alain Boyer, Les origines du sionisme, Paris, PUF, Que sais-je ? n° 2397, 1988, 123 p.

                          [15] Voir Eli Lobel, Les juifs et la Palestine, précédant Sabri Geries, Les Arabes en Israël, Paris, Maspéro, 1969 (pp. 7-94) ; et Nathan Weinstock, Le conflit israélo-arabe, même éditeur, 1969, 622 p. Ce dernier auteur s’est ensuite éloigné de l’antisionisme, parce qu’il a constaté que celui-ci se confondait trop souvent avec l’antisémitisme.

                          [16] Voir Michel Abitbol, op.cit., pp. 234-242, qui cite notamment Neguib Azouri, l’un des premiers théoriciens du nationalisme arabe.

                          [17] Nous suivons les livres remarquables de Henry Laurens, Le grand jeu, Orient arabe et relations internationales, Paris, Armand Colin, 1991, L’Orient arabe, arabisme et islamisme de 1798 à 1945, même éditeur, 1993, et sa somme en trois volumes, La question de Palestine, t. 1, 1799-1922, L’invention de la Terre sainte, t. 2, 1922-1947, Une mission sacrée de civilisation, et t. 3, 1947-1967, L’accomplissement des prophéties, Paris, Fayard, 1999, 2002 et 2007.

                          [18] Memmi, op. cit., p. 155.

                          [19] V. Z. Jabotinsky, “L’Orient”, cité par Denis Charbit, Sionisme, textes fondamentaux, Paris, Albin Michel, 1998, pp. 378-379, et par Michel Abitbol, op. cit., p. 248.

                          [20] Dès 1870, les Juifs devinrent majoritaires dans la population de Jérusalem.

                          [21] Mais il répondit à une lettre d’un notable palestinien, Youssouf Diya al-Khalidi, qui, tout en reconnaissant la légitimité théorique du sionisme, l’avertissait qu’il conduirait nécessairement à une guerre (Benny Morris, Victimes. Histoire revisitée du conflit arabo-sioniste, Bruxelles, Complexe, 2003, p. 51, et Rachid Khalidi, op. cit.).

                          [22] Voir Renée Neher Bernheim, La déclaration Balfour, 1917. Création d’un foyer national du peuple juif en Palestine. Paris, Julliard, Archives, 1969, 473 p.

                          [23] Henry Laurens, Le grand jeu, op. cit., p. 62.

                          [24] David Ben Gourion, “Le droit au travail” (1933), cité par Denis Charbit, Sionisme, textes fondamentaux, Paris, Albin Michel, 1998, pp. 558-559, et par Michel Abitbol, op. cit., p. 318. Un autre sioniste, Moshé Beilinson, également cité par ces auteurs, estimait que la Palestine n’avait pas la même valeur unique pour les Arabes que pour les Juifs, ce qui justifiait la revendication de ces derniers. C’était le même argument utilisé dans ses Mémoires par le premier président tchécoslovaque Thomas Masaryk pour rejeter la revendication de rattachement au Reich des Allemands des Sudètes.

                          [25] Il alla jusqu’à demander l’aide des Allemands, en vain (Henry Laurens, Le grand jeu, p. 66).

                          [26] En fait, la population nomade du désert n’était pas prise en compte. Selon les Anglais, elle était de 22.000 bédouins dans l’État arabe, mais de 105.000 dans l’État juif, qui n’avait donc pas de majorité juive. Laurens, op. cit., p. 73.

                          [27] Voir son récit de sa rencontre avec Hitler du 28 novembre 1941, cite par Henry Laurens, Le retour des exilés, Paris, Robert Laffont, 1998, pp. 554-559, et par Michel Abitbol, op. cit., pp. 361-362.

                          [28] Confédération des États arabes indépendants, fondée au Caire en mars 1945.

                          [29] Déclaration d’indépendance d’Israël, présentée et reproduite dans Les 100 discours qui ont marqué le XXe siècle, par Hervé Broquet, Catherine Lanneau et Simon Petermann, Bruxelles, Editions André Versaille, 2008.

                          [30] La préméditation de cet exode forcé dans le “Plan Daleth” de la future armée israélienne a été longtemps un point de discorde entre auteurs arabes et israéliens, avant d’être rééxaminée par les “nouveaux historiens” israéliens après l’ouverture des archives. Voir Benny Morris, Victimes. Histoire revisitée du conflit arabo-sioniste, Bruxelles, Editions Complexe, 2003, 853 p., et Ilan Pappe, Le nettoyage ethnique de la Palestine, Paris, Fayard, 2008 (et l’article de Nicolas Weill sur “L’exode des Arabes, ‘péché originel’ d’Israël ?”, Le Monde des livres, 26 janvier 1996, repris dans le n° spécial du Monde 2 hors série, Israël, le rêve inachevé, pp. 30-32) .

                          [31] Voir le récit (fondé sur des témoignages d’acteurs des deux camps) de Dominique Lapierre et Larry Collins, Ô Jérusalem, Paris, Robert Laffont, 1971, 698 p, et son réexamen par les historiens israéliens cités Benny Morris et Ilan Pappe.

                          [32] Cité dans l’Atlas du monde arabe de Rafic Boustani et Philippe Fargue, Paris, Bordas, 1990, p. 120.

                          [33] Peu après, la résolution 242 du Conseil de sécurité de l’ONU, votée le 22 novembre 1967, définit les principes d’un règlement de paix, notamment le retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés (ou de territoires occupés, suivant la version française), la reconnaissance de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique de chaque État de la région et de son droit de vivre en paix à l’intérieur de frontières sûres et reconnues, l’inviolabilité territoriale de chaque État de la région, et la nécessité d’un juste règlement du problème des réfugiés. Israël, l’Égypte et la Jordanie acceptèrent la résolution mais suivant leurs propres interprétations ; la Syrie et l’OLP la rejetèrent.

                          [34] Voir les cartes montrant la progression des colonies sionistes en Palestine dans l’article de Alain Dieckhoff, “Les trajectoires territoriales du sionisme”, Vingtième siècle, revue d’histoire, janvier-mars 1989, pp. 29-43, et les implantations actuelles dans Courrier international hors-série de février-mars-avril 2009, p. 85.

                          [35] Elles viennent pourtant de reprendre, suivant Le Monde du 24 mai 2008, pp. 1 et 4.

                          [36] Faisant partie de la délégation jordano-palestinienne à la conférence de paix de Madrid sur le Proche-Orient.

                          [37] Le Monde, 2 septembre 1993, pp. 1 et 2.

                          [38] Le Mouvement de la résistance armée palestinienne, plus connu sous son acronyme Hamas, a été fondé à Gaza le 14 décembre 1987 au début de la première Intifada. Les Israéliens avaient longtemps favorisé ce courant islamiste pour affaiblir le Fatah. Voir les articles du Monde reproduits dans le dossier du Monde 2, n° 260, 7 février 2009, pp. 55-63.

                          [39] Le Monde, 29 septembre 2004, p. 4.

                          [40] Voir l’article d’Ilana Löwy, « Les ‘présents-absents’ : la situation impossible des Arabes d’Israël, dans la revue Mouvements 2001, n° 13, pp. 109-114, sur le site Cairn (http://www.cairn.info/article_p.php ?ID_ARTICLE=MOUV_013_010=.

                          [41] Le livre de Samy Cohen, Tsahal à l’épreuve du terrorisme, Le Seuil, 2009, met en cause l’absence d’une doctrine israélienne de riposte proportionnée à l’attaque dans la “guerre asymétrique”.

                          [42] Le Monde, 4 novembre 2003, pp. 14-15.

                          [43] Palestinian center for public opinion, http://www.pcpo.ps/, traduction française par Gérard Eizenberg pour La paix maintenant, http://www.lapaixmaintenant.org/article181.


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                            [44] La question de savoir si la déportation massive des Arméniens décidée en 1915 par le gouvernement ottoman rélève ou non du même concept de “génocide” que l’extermination des Juifs par les nazis ne change rien au fait que le sort des Palestinien ne peut être identifié ni à l’un ni à l’autre. Sur cette question très controversée, voir le dossier de L’Histoire, n° 187, avril 1995, pp. 22-44, “Les Turcs et le massacre des Arméniens”, où s’exprimaient des partisans des deux tendances, tels qu’Yves Ternon et Gilles Veinstein.

                            [45] Le bilan de 254 morts fut annoncé en 1948, mais il n’aurait été en réalité que de 100 ou 110 morts selon Benny Morris, Victimes, histoire revisitée du conflit arabo-sioniste, op. cit., p. 231.

                            [46] Ibid., p. 305.

                            [47] Ibid., p. 325.

                            [48] Voir le rapport de la commission d’enquête envoyée dans les Balkans par la Dotation Carnegie pour la paix internationale, Paris, 1914, reproduit et commenté par Patrick Cabanel dans son recueil de textes Nation, nationalités et nationalismes en Europe, 1850-1920, Paris et Gap, Ophrys, 1995, pp. 203-217.

                            [49] Le représentant de la SDN chargé des réfugiés, Nansen, avait proposé un échange facultatif, mais la Turquie exigea un échange obligatoire. En fait, 1.300.000 Grecs avaient déjà fui : il n’en restait plus que 200.000 à expulser.

                            [50] La RDA a officiellement accepté sa frontière orientale (ligne Oder-Neisse) dès 1950. La RFA s’est engagée à ne pas la modifier par la force en 1970, puis l’a officiellement reconnue par deux traités en 1990.

                            [51] Lire le récit de Dominique Lapierre et Larry Collins, Cette nuit la liberté, le triomphe et la tragédie de Gandhi, Paris, Robert Laffont, 1975.

                            [52] Le chef du premier gouvernement indien, Nehru, était défavorable à la création de l’État d’Israël parce qu’il y voyait un État religieux comme le Pakistan musulman.

                            [53] Dont les récents attentats de Bombay (26-29 novembre 2008).

                            [54] Voir le bilan propose par Jacques Frémeaux dans sa communication sur “Le reflux des français d’Afrique du Nord” au colloque Marseille et le choc des décolonisations, s.dir. Jean-Jacques Jordi et Emile Témime, Aix-en-Provence, Edisud, 1996, pp. 13-28.

                            [55] Voir notamment l’ouvrage collectif dirigé par Jean-Louis Miège et Colette Dubois, L’Europe retrouvée, les migrations de la décolonisation, Paris, l’Harmattan, 1994.

                            [56] Voir Jean-Pierre Derriennic, Le Moyen-Orient au XXe siècle, Paris, Armand Colin, 1980, pp. 237-247.

                            [57] Voir Jean-François Pérouse, “Chypre-Nord : l’île aux “Loups gris” en sursis. Quelques notes et impressions furtives”, dans les Cahiers d’histoire immédiate, Toulouse, n° 13, printemps 1998, pp. 109-119.

                            [58] Les chrétiens étaient incontestablement majoritaires dans la province ottomane du “petit Liban” confiée à un gouverneur chrétien par la volonté des puissances européennes de 1864 à 1914 (et qui correspondait à peu près à la zone chrétienne des années 1975-1990). Ils l’étaient encore de peu dans le “grand Liban” créé par la France en 1920. Mais aucun recensement n’a eu lieu depuis 1931, pour ne pas prouver la disparition de la majorité chrétienne. Aujourd’hui, les chrétiens sont estimés à moins de 30% des Libanais.

                            [59] Voir Derriennic, op. cit., pp. 222-226.

                            [60] Voir ces étapes dans le dossier très clair publié dans Le Monde du 20 décembre 2006, pp. 24-25.

                            [61] Voir le film d’animation d’Ari Folman, Valse avec Bachir (2008).

                            [62] Voir le bilan proposé par Elias Khatar sur le site opuslibani.org, et le livre de Boutros Labaki et Khalil Abou Rjeily, Bilan des guerres du Liban, 1975-1990, Paris, L’Harmattan, 1994 et 2003, 256 p. Ils mentionnent 71.328 tués (2,7% de la population), 97.144 blessés (4%), 9.627 handicapés (0,36%), 19.860 disparus (0,75%), plus de 800.000 personnes déplacées (dont 670.000 chrétiens et 157.500 musulmans), et 894.717 émigrés (plus du tiers de la population).

                            [63] Voir Le nettoyage ethnique, documents historiques sur une idéologie serbe, par Mirko Grmek, Marc Gjidara et Neven Simac, et Paul Garde, Vie et mort de la Yougoslavie, édition augmentée, Fayard, 1993 et 1994, et l’extrait de l’Enquête dans les Balkans de la Dotation Carnegie pour la paix internationale, Paris, 1914, expliqué par Patrick Cabanel dans son recueil de textes Nations, nationalités, nationalismes en Europe, 1850-1920, déjà cité.

                            [64] Le Livre des morts de Bosnie-Herzégovine, publié après quatre ans d’enquête par le Centre de recherche et de documentation de Sarajevo, rassemble 96.895 noms de morts appartenant à toutes les catégories ethniques (65,88% de Bosniaques, 25,62 % de Serbes, 8,01% de Croates), parmi lesquels 85 % des cas sont complets, alors que les autres (15 %) manquent d’informations. Voir le Livre des morts de Bosnie-Herzégovine, traduit par Benoît Frogerais, dans Le Courrier des Balkans (publié dans la presse : 21 juin 2007, mis en ligne : 3 juillet 2007).

                            [65] Plus d’un million de réfugiés étaient rentrés en 2006, contre plus de 300.000 encore en exil. Voir l’article de Mirjana Morokvasic dans l’Atlas des migrations, Paris, Le Monde, et La vie, 2008, pp. 84-85.

                            [66] Voir le tableau des populations juives dans les pays arabes et musulmans entre 1948 et 1998 dans le livre cité de Michel Abitbol, p. 429, et la carte p. 519 indiquant le pourcentage parti vers Israël : 70% des Juifs du Maroc, 10% d’Algérie, 50% de Tunisie, 90% de Libye, 40% d’Égypte, 80% de Syrie, 90% d’Irak, 95% du Yémen, 100% d’Afghanistan, 70% d’Iran, 70% de Turquie.

                            [67] Albert Memmi proposait cette solution dans l’introduction de son livre (op.cit., p. 14) : “Osons le dire : il s’est produit un échange de fait des populations : une partie des Palestiniens a gagné les nations arabes, une partie des Juifs de ces nations a gagné Israël. (...) Il faudra reclasser les uns, indemniser les autres, recevoir certains ou quelquefois même accentuer ce mouvement, marchander enfin !” C’est aussi ce que réclamait la “World Organisation of Jews from Arab Countries” (WOJAC), fondée en 1975. Voir les points de vue de plusieurs Israéliens originaires de pays arabes dans Courrier international hors-série de février-mars-avril 2009, “Juifs et Arabes : les haines, les conflits, les espoirs”, pp. 62-75.

                            [68] Le premier ministre égyptien Nokrachi, le roi de Jordanie Abdallah, le général syrien Husni Zaïm.

                            [69] Voir plusieurs articles du numéro spécial déjà cité de Courrier international, pp. 10-25, et notamment le florilège de citations de la p. 17 (« Aucun d’entre eux ne survivra »). La même revue donne aussi des exemples de réactions israéliennes envers les Arabes marquées de mépris ou de haine (citations p. 15 : « Expulser les Arabes et prendre leur place »).

                            [70] Voir le tableau statistique en annexe.

                            [71] “Gaza, les raisons de la violence”, par Gunnar Heinsohn, directeur du Raphael Lemkin Institut de l’Université de Brême, Le Monde, 20 juin 2007, p. 20.

                            [72] “La guerre des berceaux”, entretien avec Youssef Courbage, directeur de recherches à l’INED, Les collections de L’Histoire, n° 39, avril 2008, pp. 90-91.

                            [73] Zéev Jabotinsky, “La muraille de fer” (1933), cité par Denis Charbit, Sionisme, textes fondamentaux, Paris, Albin Michel, 1998, pp. 538-539, et Michel Abitbol, op. cit., pp. 313-314.

                            [74] Sur ce sondage, voir Courrier international n° 519, 12 octobre 2000.Voir aussi l’article de Moshe Zimmermann, « Une société malade de sa minorité », dans CI hors série, n° cité, pp. 18-19, article d’abord paru dans CI n° 883, 4 octobre 2007.

                            [75] Mémoire de maîtrise d’histoire de Nicolas Ténèze, Approches historiographique et médiatique de la question des “armes de destruction massive” israéliennes, dirigé par Jean-François Soulet, Université de Toulouse-le Mirail, 2005, et sa thèse sur La dissuasion israélienne : histoire et paradoxe, IEP de Toulouse, 2009.

                            [76] Voir la remarquable analyse de Hazem Saghieh sur « La peur de l’autre en partage » dans le n° spécial cité de Courrier international, pp. 26-31 (article paru à Londres dans Al-Hayat et déjà traduit dans CI n° 653 du 7 mai 2003).

                            [77] C’était le cas du grand intellectuel Edward Saïd, aujourd’hui décédé, et c’est celui du juriste palestino-helvétique Sami Al Deeb, qui a répondu à l’accord de Genève par une “Initiative pour un seul État démocratique en Palestine/Israël”, soutenue par une conférence réunie à l’Université de Lausanne du 23 au 25 juin 2004.

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                            • #15
                              Tres interessant, merci pour le partage.

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