Le conflit israélo-palestinien et israélo-arabe (2009)
Guy Pervillé
vendredi 21 août 2009.
Cet article provient d’un cours complété chaque année depuis 1987, et a été soigneusement rédigé à l’intention des professeurs d’histoire, qui ont bien besoin d’aide pour enseigner objectivement dans leurs classes un sujet aussi difficile. Il a été publié en deux parties dans la revue Historiens et géographes, n° 406, mai 2009, pp. 129-140, et 407, juillet-août 2009, pp. 251-260.
Le conflit israélo-palestinien et israélo-arabe pose un défi capital aux historiens : un conflit qui n’est pas terminé, et qui ne semble pas devoir l’être dans un avenir prévisible, même s’il dure depuis déjà près d’un siècle, peut-il être considéré comme un sujet historique ? Ou bien au contraire les historiens doivent-ils attendre son éventuelle solution pour oser en parler ? Mais dans ce cas, que peuvent faire les professeurs d’histoire de l’enseignement secondaire, qui savent bien l’impossibilité de garder le silence devant des classes dont les élèves ont tendance à s’identifier aux acteurs de ce conflit tragique ? L’histoire est-elle vraiment incapable d’en rendre compte ? Je crois au contraire qu’elle en est tout à fait capable. La difficulté n’est pas tant de rendre compréhensible ce conflit que de lui proposer une solution ; mais cette tâche politique n’est pas à proprement parler celle de l’histoire.
Je ne suis pas un spécialiste de ce sujet, mais j’ai ressenti le besoin de lui consacrer un cours qui n’a cessé de s’enrichir depuis 1987. Son plan initial comportait deux parties, intitulées « de qui s’agit-il ? » et « de quoi s’agit-il ? » ; mais la persistance et l’aggravation du conflit m’ont conduit à lui en rajouter une troisième : « pourquoi ce conflit n’a-t-il pas encore trouvé de solution ? »
De qui s’agit-il ? Des peuples et un pays
Les peuples en présence
Avant de définir le conflit, une première difficulté est d’en nommer les acteurs, dont les noms sont multiples et plongent dans le plus lointain passé : les Juifs, les Arabes, les Palestiniens, et beaucoup d’autres noms, car les appellations sont multiples.
Les Juifs : tel est le nom le plus courant aujourd’hui pour désigner un groupe humain relativement peu nombreux (environ treize millions de personnes) et dispersé dans le monde. Mais historiquement, il faut distinguer trois noms qui semblent s’être appliqués à des ensembles de moins en moins larges. D’abord les Hébreux, nom qui paraît avoir désigné à la fin du deuxième millénaire avant l’ère chrétienne des populations nomades ou semi-nomades vivant en marge des terres cultivées de la Syrie, du pays de Canaan plus au sud, et de l’Égypte (où le nom de Hapirou aurait peut-être désigné les mêmes populations). Puis les Israélites ou enfants d’Israël (Beni Israël), nom cité dans des textes égyptiens de la fin du deuxième millénaire avant d’être repris dans la Bible, qui mentionne également le royaume d’Israël, détruit avec sa capitale Samarie par les Assyriens en 722 avant l’ère chrétienne. Ce nom fut repris beaucoup plus tard, en 1948, par le nouvel État d’Israël qui vient de fêter son soixantième anniversaire. Mais dans l’intervalle, le nom le plus courant a été celui des Juifs ou Judéens, habitants du royaume de Juda, voisin de celui d’Israël, qui fut détruit avec sa capitale Jérusalem par les Babyloniens en 587 avant notre ère. Contrairement aux élites du royaume d’Israël déportées en Assyrie, qui semblent s’être mélangées avec les populations locales [1], les déportés judéens en Babylonie réussirent à conserver leur identité nationale et religieuse grâce à la particularité sans précédent de leur religion : le culte d’un seul dieu, Yahvé, puis la croyance dans son caractère de seule divinité existante ayant créé le monde, à savoir le monothéisme. Cette foi monothéiste, exprimée dans un livre sacré, appelé en grec la Bible, donna aux Juifs une sorte de patrie spirituelle qui leur permit de survivre en tant que communauté humaine distincte de toute autre. Tout en restant dispersés en Babylonie et dans plusieurs autres pays, ils purent néanmoins retrouver leur ancienne patrie en reconstruisant la ville et le temple de Jérusalem avec l’autorisation du nouveau conquérant Cyrus, roi des Perses (538 avant J.-C.), puis en reconquérant leur indépendance contre les rois séleucides de Syrie sous la direction des frères Macchabées (167-142 avant J.-C.). Le temple de Jérusalem connut l’apogée de sa splendeur sous le règne du roi Hérode (37 à 4 avant J.-C.), mais le peuple juif perdit de nouveau sa patrie en se révoltant contre les Romains qui détruisirent la ville et le temple de Jérusalem en 70 après Jésus-Christ.
C’est après l’échec d’une dernière révolte, celle de Bar Kochba (132-135) que la province romaine de Judée reçut le nouveau nom officiel de Palestine, emprunté à d’anciens envahisseurs venus s’installer sur la côte du pays de Canaan au XIIe siècle avant l’ère chrétienne, les Philistins (originaires, semble-t-il, de Crète). À la suite de cette révolte, la ville de Jérusalem et le pays environnant perdirent peu à peu leur identité juive [2], et plus encore à partir de la conversion au christianisme de l’empereur Constantin qui fit de la Palestine la Terre sainte des chrétiens. Peu à peu, les Juifs cessèrent d’être majoritaires dans leur pays d’origine et devinrent une communauté religieuse dispersée parmi les nations. Ils furent dépassés en nombre, et en puissance politique, par les adeptes de nouvelles religions dérivées de la leur : le christianisme, qui se répandit dans tout l’empire romain puis dans toute l’Europe, et l’islam.
Les Arabes sont un peuple apparenté aux Juifs et aux autres peuples de la région, d’abord par leur langue appartenant comme l’hébreu et l’araméen à la famille sémitique, et ensuite par la religion musulmane (islam, c’est-à-dire soumission à Dieu) prêchée par le prophète Mohammed, qui se situe dans le prolongement de la révélation juive et chrétienne. Le nom « Arabes » est attesté dès la fin de l‘empire assyrien, et il paraît désigner les nomades du désert d’Arabie ; par extension, il désigna plus généralement le peuple vivant dans la péninsule arabique et parlant la langue arabe. La religion prêchée par Mohammed au VIIe siècle de l’ère chrétienne, entre 610 et 632, donna à la presque totalité des Arabes une foi monothéiste commune, et l’énergie nécessaire pour la répandre par la conquête, d’abord contre les païens de La Mecque et les juifs de Médine après l’Hégire (émigration du prophète de La Mecque vers Médine en 622, origine de l’ère islamique), puis, après sa mort en 632, contre les empires perse et byzantin. Le prophète de l’Islam et ses premiers disciples ont donc réalisé, mais à une toute autre échelle, l’émigration puis les conquêtes que les premiers livres de la Bible ont attribuées à Moïse et à son successeur Josué. En conséquence, les Arabes se sont répandus en dehors de leur première patrie (notamment vers l’Afrique du Nord), mais la diffusion de l’islam ne s’est pas toujours confondue avec celle des populations arabes. En effet, il existe aujourd’hui des peuples islamisés mais non arabisés, comme les Berbères d’Afrique du Nord, les Iraniens et les Turcs... ; il existe aussi des populations arabisées mais non islamisées, comme les minorités chrétiennes d’Égypte (les Coptes), du Liban, de Syrie et d’Irak.
Les Juifs et les Arabes ont donc de nombreux points communs. Les uns et les autres tirent leurs origines de populations nomades ou semi-nomades vivant à la limite des déserts et des terres cultivables du Proche-Orient, et parlant des langues sémitiques apparentées. Les traditions rapportées par le Coran confirment ces faits, en faisant descendre du même ancêtre biblique, Abraham, à la fois les Juifs, descendants de son fils Isaac et de son petit-fils Jacob ou Israël, et les Arabes, descendants de son autre fils Ismaël. L’islam a de nombreux points communs avec le judaïsme, notamment le monothéisme, le prophétisme, et le légalisme, c’est-à-dire l’idée que les croyants doivent obéir à la loi sacrée révélée par Dieu et non à une loi humaine. Sur ce dernier point, l’islam est beaucoup plus proche du judaïsme que du christianisme, car ce dernier a remplacé l’idée d’un code de lois révélées par la notion d’une loi spirituelle réduite à un petit nombre de principes (« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, et tu aimeras ton prochain comme toi-même ») et compatible avec l’obéissance à des législations humaines.
En dépit de ces ressemblances très nombreuses et profondes, l’islam, dont le prophète prétendait au début de sa mission continuer les révélations juive et chrétienne, et faisait prier ses disciples tournés vers Jérusalem, avait rompu avec les Juifs de Médine et les avait massacrés ou chassés. Mais les Juifs des pays conquis par les Arabes avaient trouvé le statut de dhimmi (protégés), imposé par les Musulmans à leurs sujets juifs et chrétiens, moins sévère que les persécutions de plus en plus fréquemment imposées aux juifs en vue de leur conversion par l’Empire byzantin et les autres royaumes chrétiens. Dans ces États chrétiens, les Juifs étaient de plus en plus discriminés et jalousés par les autorités et par les populations qui les accusaient à la fois de déicide (à cause de la condamnation à mort de Jésus-Christ à Jérusalem) et d’enrichissement par le commerce de l’argent. Ils furent souvent victimes de massacres (particulièrement au moment de la première croisade, quand les chrétiens entreprirent de reprendre Jérusalem et la Terre sainte en 1099) ou d’expulsions (notamment par les rois catholiques de Castille et d’Aragon en 1492), même si les papes les protégèrent souvent dans leurs propres États pour conserver des témoins de l’Évangile. À partir de 1492, de nombreux juifs d’Espagne furent accueillis dans l’empire ottoman, où ils s‘installèrent non seulement à Istanbul, Salonique et Smyrne, mais aussi en Palestine dans les quatre « villes saintes » de Jérusalem, Hébron, Tibériade et Safed. Mais dans le courant du XVIIe et du XVIIIe siècle, les progrès de la tolérance religieuse dans une grande partie de l’Europe (surtout dans les États protestants) firent que les Juifs commencèrent à se trouver mieux traités par « Edom » (l’Europe chrétienne) que par « Ismaël » [3].
A Suivre...
Guy Pervillé
vendredi 21 août 2009.
Cet article provient d’un cours complété chaque année depuis 1987, et a été soigneusement rédigé à l’intention des professeurs d’histoire, qui ont bien besoin d’aide pour enseigner objectivement dans leurs classes un sujet aussi difficile. Il a été publié en deux parties dans la revue Historiens et géographes, n° 406, mai 2009, pp. 129-140, et 407, juillet-août 2009, pp. 251-260.
Le conflit israélo-palestinien et israélo-arabe pose un défi capital aux historiens : un conflit qui n’est pas terminé, et qui ne semble pas devoir l’être dans un avenir prévisible, même s’il dure depuis déjà près d’un siècle, peut-il être considéré comme un sujet historique ? Ou bien au contraire les historiens doivent-ils attendre son éventuelle solution pour oser en parler ? Mais dans ce cas, que peuvent faire les professeurs d’histoire de l’enseignement secondaire, qui savent bien l’impossibilité de garder le silence devant des classes dont les élèves ont tendance à s’identifier aux acteurs de ce conflit tragique ? L’histoire est-elle vraiment incapable d’en rendre compte ? Je crois au contraire qu’elle en est tout à fait capable. La difficulté n’est pas tant de rendre compréhensible ce conflit que de lui proposer une solution ; mais cette tâche politique n’est pas à proprement parler celle de l’histoire.
Je ne suis pas un spécialiste de ce sujet, mais j’ai ressenti le besoin de lui consacrer un cours qui n’a cessé de s’enrichir depuis 1987. Son plan initial comportait deux parties, intitulées « de qui s’agit-il ? » et « de quoi s’agit-il ? » ; mais la persistance et l’aggravation du conflit m’ont conduit à lui en rajouter une troisième : « pourquoi ce conflit n’a-t-il pas encore trouvé de solution ? »
De qui s’agit-il ? Des peuples et un pays
Les peuples en présence
Avant de définir le conflit, une première difficulté est d’en nommer les acteurs, dont les noms sont multiples et plongent dans le plus lointain passé : les Juifs, les Arabes, les Palestiniens, et beaucoup d’autres noms, car les appellations sont multiples.
Les Juifs : tel est le nom le plus courant aujourd’hui pour désigner un groupe humain relativement peu nombreux (environ treize millions de personnes) et dispersé dans le monde. Mais historiquement, il faut distinguer trois noms qui semblent s’être appliqués à des ensembles de moins en moins larges. D’abord les Hébreux, nom qui paraît avoir désigné à la fin du deuxième millénaire avant l’ère chrétienne des populations nomades ou semi-nomades vivant en marge des terres cultivées de la Syrie, du pays de Canaan plus au sud, et de l’Égypte (où le nom de Hapirou aurait peut-être désigné les mêmes populations). Puis les Israélites ou enfants d’Israël (Beni Israël), nom cité dans des textes égyptiens de la fin du deuxième millénaire avant d’être repris dans la Bible, qui mentionne également le royaume d’Israël, détruit avec sa capitale Samarie par les Assyriens en 722 avant l’ère chrétienne. Ce nom fut repris beaucoup plus tard, en 1948, par le nouvel État d’Israël qui vient de fêter son soixantième anniversaire. Mais dans l’intervalle, le nom le plus courant a été celui des Juifs ou Judéens, habitants du royaume de Juda, voisin de celui d’Israël, qui fut détruit avec sa capitale Jérusalem par les Babyloniens en 587 avant notre ère. Contrairement aux élites du royaume d’Israël déportées en Assyrie, qui semblent s’être mélangées avec les populations locales [1], les déportés judéens en Babylonie réussirent à conserver leur identité nationale et religieuse grâce à la particularité sans précédent de leur religion : le culte d’un seul dieu, Yahvé, puis la croyance dans son caractère de seule divinité existante ayant créé le monde, à savoir le monothéisme. Cette foi monothéiste, exprimée dans un livre sacré, appelé en grec la Bible, donna aux Juifs une sorte de patrie spirituelle qui leur permit de survivre en tant que communauté humaine distincte de toute autre. Tout en restant dispersés en Babylonie et dans plusieurs autres pays, ils purent néanmoins retrouver leur ancienne patrie en reconstruisant la ville et le temple de Jérusalem avec l’autorisation du nouveau conquérant Cyrus, roi des Perses (538 avant J.-C.), puis en reconquérant leur indépendance contre les rois séleucides de Syrie sous la direction des frères Macchabées (167-142 avant J.-C.). Le temple de Jérusalem connut l’apogée de sa splendeur sous le règne du roi Hérode (37 à 4 avant J.-C.), mais le peuple juif perdit de nouveau sa patrie en se révoltant contre les Romains qui détruisirent la ville et le temple de Jérusalem en 70 après Jésus-Christ.
C’est après l’échec d’une dernière révolte, celle de Bar Kochba (132-135) que la province romaine de Judée reçut le nouveau nom officiel de Palestine, emprunté à d’anciens envahisseurs venus s’installer sur la côte du pays de Canaan au XIIe siècle avant l’ère chrétienne, les Philistins (originaires, semble-t-il, de Crète). À la suite de cette révolte, la ville de Jérusalem et le pays environnant perdirent peu à peu leur identité juive [2], et plus encore à partir de la conversion au christianisme de l’empereur Constantin qui fit de la Palestine la Terre sainte des chrétiens. Peu à peu, les Juifs cessèrent d’être majoritaires dans leur pays d’origine et devinrent une communauté religieuse dispersée parmi les nations. Ils furent dépassés en nombre, et en puissance politique, par les adeptes de nouvelles religions dérivées de la leur : le christianisme, qui se répandit dans tout l’empire romain puis dans toute l’Europe, et l’islam.
Les Arabes sont un peuple apparenté aux Juifs et aux autres peuples de la région, d’abord par leur langue appartenant comme l’hébreu et l’araméen à la famille sémitique, et ensuite par la religion musulmane (islam, c’est-à-dire soumission à Dieu) prêchée par le prophète Mohammed, qui se situe dans le prolongement de la révélation juive et chrétienne. Le nom « Arabes » est attesté dès la fin de l‘empire assyrien, et il paraît désigner les nomades du désert d’Arabie ; par extension, il désigna plus généralement le peuple vivant dans la péninsule arabique et parlant la langue arabe. La religion prêchée par Mohammed au VIIe siècle de l’ère chrétienne, entre 610 et 632, donna à la presque totalité des Arabes une foi monothéiste commune, et l’énergie nécessaire pour la répandre par la conquête, d’abord contre les païens de La Mecque et les juifs de Médine après l’Hégire (émigration du prophète de La Mecque vers Médine en 622, origine de l’ère islamique), puis, après sa mort en 632, contre les empires perse et byzantin. Le prophète de l’Islam et ses premiers disciples ont donc réalisé, mais à une toute autre échelle, l’émigration puis les conquêtes que les premiers livres de la Bible ont attribuées à Moïse et à son successeur Josué. En conséquence, les Arabes se sont répandus en dehors de leur première patrie (notamment vers l’Afrique du Nord), mais la diffusion de l’islam ne s’est pas toujours confondue avec celle des populations arabes. En effet, il existe aujourd’hui des peuples islamisés mais non arabisés, comme les Berbères d’Afrique du Nord, les Iraniens et les Turcs... ; il existe aussi des populations arabisées mais non islamisées, comme les minorités chrétiennes d’Égypte (les Coptes), du Liban, de Syrie et d’Irak.
Les Juifs et les Arabes ont donc de nombreux points communs. Les uns et les autres tirent leurs origines de populations nomades ou semi-nomades vivant à la limite des déserts et des terres cultivables du Proche-Orient, et parlant des langues sémitiques apparentées. Les traditions rapportées par le Coran confirment ces faits, en faisant descendre du même ancêtre biblique, Abraham, à la fois les Juifs, descendants de son fils Isaac et de son petit-fils Jacob ou Israël, et les Arabes, descendants de son autre fils Ismaël. L’islam a de nombreux points communs avec le judaïsme, notamment le monothéisme, le prophétisme, et le légalisme, c’est-à-dire l’idée que les croyants doivent obéir à la loi sacrée révélée par Dieu et non à une loi humaine. Sur ce dernier point, l’islam est beaucoup plus proche du judaïsme que du christianisme, car ce dernier a remplacé l’idée d’un code de lois révélées par la notion d’une loi spirituelle réduite à un petit nombre de principes (« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, et tu aimeras ton prochain comme toi-même ») et compatible avec l’obéissance à des législations humaines.
En dépit de ces ressemblances très nombreuses et profondes, l’islam, dont le prophète prétendait au début de sa mission continuer les révélations juive et chrétienne, et faisait prier ses disciples tournés vers Jérusalem, avait rompu avec les Juifs de Médine et les avait massacrés ou chassés. Mais les Juifs des pays conquis par les Arabes avaient trouvé le statut de dhimmi (protégés), imposé par les Musulmans à leurs sujets juifs et chrétiens, moins sévère que les persécutions de plus en plus fréquemment imposées aux juifs en vue de leur conversion par l’Empire byzantin et les autres royaumes chrétiens. Dans ces États chrétiens, les Juifs étaient de plus en plus discriminés et jalousés par les autorités et par les populations qui les accusaient à la fois de déicide (à cause de la condamnation à mort de Jésus-Christ à Jérusalem) et d’enrichissement par le commerce de l’argent. Ils furent souvent victimes de massacres (particulièrement au moment de la première croisade, quand les chrétiens entreprirent de reprendre Jérusalem et la Terre sainte en 1099) ou d’expulsions (notamment par les rois catholiques de Castille et d’Aragon en 1492), même si les papes les protégèrent souvent dans leurs propres États pour conserver des témoins de l’Évangile. À partir de 1492, de nombreux juifs d’Espagne furent accueillis dans l’empire ottoman, où ils s‘installèrent non seulement à Istanbul, Salonique et Smyrne, mais aussi en Palestine dans les quatre « villes saintes » de Jérusalem, Hébron, Tibériade et Safed. Mais dans le courant du XVIIe et du XVIIIe siècle, les progrès de la tolérance religieuse dans une grande partie de l’Europe (surtout dans les États protestants) firent que les Juifs commencèrent à se trouver mieux traités par « Edom » (l’Europe chrétienne) que par « Ismaël » [3].
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