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Quand l’exil trouve écho dans l’écriture

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  • Quand l’exil trouve écho dans l’écriture

    Le poète Malek Alloula et l’écrivaine Malika Mokkedem étaient les invités, samedi dernier, de la rencontre littéraire «l’écriture post-exil» organisée dans le cadre du programme culturel de la 16e édition du Salon international du livre d’Alger (Sila 2011).

    D’emblée, le modérateur de cette rencontre, Sofiane Hadjadj, auteur et responsable des éditions Barzakh, a soulevé le sens complexe de cette notion entre l’exil littéraire et l’exil géographique. Pour cela il convie l’assistance à partager la trajectoire de ces deux auteurs qui vivent en dehors de l’Algérie.

    L’écrivaine Malika Mokkedem confiera que depuis sa tendre enfance elle a aspiré à cet exil géographique afin de s’éloigner de la société et même de ses parents qui l’enfermaient dans un système répressif, miroir des mentalités de son époque.

    Sa frustration se transforme en une colère emplie de révolte qui l’amena d’abord loin de son désert pour poursuivre des études à Oran et ensuite loin de sa terre natale pour vivre en France. Elle ajoutera qu’en vérité «le savoir a été mon premier exil, la solitude et l’insomnie, des soirs où j’était couchée par terre à dévorer les livres. C’était la seule manière de m’exiler de mon vécu, la seule manière d’être enfin libre».

    Elle expliquera qu’après l’euphorie et l’ivresse de liberté qu’elle a connu en terre étrangère, l’écriture lui a permis de définir son propre territoire. Mais au fil du temps, Malika Mokadem qui considère que «l’écrivain est une caisse de résonance de son temps qui s’exprime notamment à travers la violence des mots illustrant la violence de la vie», avait besoin d’un nouvel espace pour que jaillisse l’écriture. Elle confie que c’est sur son voilier qu’elle a baptisé Vent de sable qu’elle peut enfin retrouver sa sérénité pour écrire l’esprit en paix. Elle explique à ce sujet : «Le besoin d’espace que j’avais en moi s’est révélé en naviguant. L’amour de la mer m’a rendu au désert et ainsi à l’écriture.»

    Pour sa part, le poète Malek Alloula estime que le mot exil n’est pas une notion simple car, pour lui, «l’exil s’est fait à voix basse, il s’est révélé au cours d’un long trajet et je n’ai pas l’impression de quitter l’Algérie car mon exclusion s’est faite très progressivement». Il illustrera ses propos en indiquant que pendant des années, même s’il vivait et travaillait en France, il avait toujours sa chambre dans la maison familial, puis un jour, il a trouvé sa chambre occupée par un neveu et c’est comme cela qu’il s’est retrouvé à dormir là où dorment les invités tel un étranger. Même quand sa mère lui a demandé s’il avait des projets de retour ou l’intention de rester en France, cela s’est fait au bout de plusieurs années et elle l’avait formulé à voix basse tel un non-dit.

    A propos de son exil littéraire, le poète expliquera que sa pratique littéraire était secrète par rapport à son écriture professionnelle. En effet, il travaillait dans l’édition française où son travail consistait à lire les textes des autres et à les rendre publiables. Cela l’a amené à une écriture très lente, afin de mieux se détacher de la nébuleuse du quotidien de son travail. Une écriture qui l’amènera à publier tous les cinq ans tel un biorythme auquel son esprit s’est attaché. Il confie à ce propos : «Cette lenteur flegmatique m’a amené à creuser le fait d’écrire. Comme s’il me fallait une autre formulation de l’enchaînement des mots pour me séparer de mon écriture professionnelle. Un creusement dans la chair du texte, dans la chair des mots.» Il poursuivra en soulignant que c’était là «une exigence qui m’a longtemps habité car j’essaye de trouver une écriture qui ne soit pas identifiable alors que c’est du français».

    Par La Tribune

  • #2
    Malika Mokeddem : “Écrire, c’est gagner une page de vie…”

    Auteure de plusieurs romans, Malika Mokeddem était présente au 16e Salon international du livre d’Alger pour signer son livre La Désirante (chez Grasset et Casbah éditions pour l’Algérie) et animer une conférence autour de la littérature postcoloniale. Dans cet entretien, Malika Mokeddem revient sur des éléments qui ont marqué sa vie, que l’on retrouve dans son écriture.

    Liberté : Vous avez participé, dans le cadre du Sila, portant sur le thème de la littérature post-exil. Qu’en est-il de cette littérature ?

    Malika Mokeddem : Elle est vaste. D’abord, il faudrait définir ce qu’on appelle l’exil. Je considère que l’exil pour moi ça a été ici (en Algérie). Ça a été l’acquisition du savoir, la sensation de devoir me battre contre mes propres parents pour qu’ils ne m’arrachent pas à l’école, et leur regard face à mes revendications, qui me signifiait que je ne pensais pas comme eux, que je n’étais pas comme eux, que j’avais des revendications anormales en quelque sorte. Et dans ce regard-là, qui était le plus dur à vivre, c’est de se sentir étrangère parmi ceux qui sont censés être ce qu’on appelle sa famille, les siens. Après cela, m’éloigner, la distance, franchir des frontières, ça a été plutôt une délivrance pour moi, un réel exil. Cependant, que je sois en France ou ici, il y a un certain regard pas violent, mais qui vous dit toujours : “Qui êtes-vous ?” Ça veut dire que je ne devrais pas être de cet endroit-là. En fait, c’est en écrivant, ce que vous appelez la littérature de l’exil, puisque que je continue à écrire sur l’Algérie. Mes romans se passent également en France et Algérie. Ce sont deux parties importantes de ma vie, et je reste vigilante à ce qui se passe ici. Le fait d’écrire sur cet espace géographique-là, c’est-à-dire entre deux méditerranéens, me transporte de façon différente ici et là-bas. Beaucoup de gens, dans le sud de la France notamment, me disent : “Madame, on est fier que vous soyez des nôtres.” Et en Algérie, quand je marche dans les rues d’Alger, les gens m’apostrophent : “Madame, on est fier de vous !” Si c’est ça la littérature d’exil, c’est cet exil-là que je prends volontiers.

    Vous signez votre dernier roman, La Désirante, dont l’histoire est un voyage dans le passé de la vie de Shamsa, le personnage principal qui n’a pas connu l’amour (filial, amical…) mais qui le vit sans le savoir…

    En fait, Shamsa est née dans le désert. Elle n’a pas grandi dans le désert. Enfant abandonné, elle a été emportée un jour par le grand vent de sable vers le nord de l’Algérie, précisément à Oran, où elle atterrit chez les Sœurs-Blanches qui s’occupaient des orphelins algériens. Elle devient une journaliste d’investigation. Elle s’est focalisée durant les années dites sanglantes plus sur les disparitions que sur les massacres. Elle allait percer ces regards qui se plaignaient, qui venaient revendiquer la disparition d’un frère, d’un ami…, mais elle n’arrivait pas à comprendre. Elle se retranchait donc dans son rôle de journaliste, s’empêchant même d’y penser, car elle n’éprouvait pas cela. Elle se retranchait derrière uniquement les faits, jusqu’au jour où elle découvre réellement l’amour et que cet amour disparaît dans des conditions troubles. A ce moment-là, c’est elle qui va prendre le bateau seule et essayer de le retrouver. Ce faisant, elle refuse tellement de le croire, qu’elle va lui parler pour le faire exister au quotidien avec elle. Un coup, c’est l’avancée de son enquête, le chapitre suivant, elle lui parle. Et dans cette traversée, elle apprend combien elle aimait cet homme. Et ce combien la fixe sur l’attente, la sensation de manque… Tout ce qui lui était inconnu. Et parce qu’elle éprouve ça, pour la première fois aussi, il y a quelque chose qui perce de son passé, de ses origines. Et pour la première fois, elle va mettre des mots sur ses origines qui sont à jamais perdues.

    Votre roman est une fiction mais avec des références à une réalité, celle de la tragédie nationale. Une catharsis ?


    Non, il n’y a pas d’écriture de catharsis. J’avais besoin d’aborder tous ces thèmes qui font ce concept, ce bassin méditerranéen. Il y a aussi tous ces trafics entre le Sahel et la Méditerranée : les trafics d’armes, de drogue… Tout cela est donc abordé pour créer un décor dans lequel survient cette disparition.

    Dans vos écrits, deux sentiments se côtoient : l’amour et la violence. Sont-ils réellement différents ?

    L’amour peut être violent. Une séparation d’avec un grand amoureux c’est violent, un coup de foudre où une seule personne est amoureuse c’est violent… C’est ce qui fait la saveur de la vie. Et quand je dis amour, c’est sous toutes ses formes. Comme l’amitié qui est, pour moi, une autre forme d’amour. C’est quelque chose de merveilleux. Je me souviens de l’ivresse que ça me donnait, quand j’étais adolescente, de me sentir amie avec des garçons. Avec cette intimité, on pouvait tout se dire. Ce que je ne disais pas à d’autres filles, parce qu’il n’y avait pas de filles autour de moi, et je trouvais que c’était un très beau cadeau de la vie. J’ai quelques amitiés en Algérie qui sont pour moi ma vraie famille, vu que mon histoire familiale était douloureuse, faite de ruptures violentes. A côté de cela, l’amour des amitiés anciennes qui sont toujours là, c’est cela ma famille d’adoption. C’est eux qui incarnent l’Algérie, mon pays natal.

    Le rapport homme-femme, dans l’équité, est présent dans vos romans. Une manière de dénoncer la réalité qui est totalement différente ?


    Je l’ai dit, cette réalité autre et différente. Je l’ai dit depuis toujours depuis longtemps. On ne peut pas demander à un romancier de faire des autobiographies ou être un “béni-oui-ouiste”. Sa matière, c’est une population, une contrée. Et quand on traverse notre pays, on se dit que c’est merveilleux, qu’on pourrait y vivre. Mais plus on reste, plus on s’enfonce dans l’Algérie profonde. Les disparités sont criantes : la misère, les différences sexuelles, l’embrigadement des filles par les années islamistes… Tout ça fait de l’Algérie un pays de paradoxes. Il y a des avancées fulgurantes et des reculades.

    Vous avez dit : “Écrire c’est gagner une page de vie.” Pouvez-vous nous expliquer ?

    C’est l’écriture qui fait mon quotidien. Mon quotidien est totalement habité par l’écriture, en dehors des quelques jours où je suis encore médecin. De par mon écriture, je suis souvent en Algérie, mais ce n’est pas seulement reprendre un empan de souffle à l’angoisse, c’est aussi rendre le présent plus dense, plus habité. C’est reprendre une page de vie dans sa densité, qui a une teneur et une tenue.

    Par Liberté

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