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Nacerddine Beghdadi: Nouba, hommage aux maîtres à Tlemcen

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  • Nacerddine Beghdadi: Nouba, hommage aux maîtres à Tlemcen

    Nacerddine Beghdadi est directeur des archives à la Radio algérienne. Il est musicologue et chercheur dans le domaine du patrimoine.Il fait partie du comité scientifique qui a préparé l’exposition «Nouba, hommage aux maîtres », qui se tient actuellement et jusqu’au 17 novembre 2011 à la maison de la culture Abdelkader Alloula, à Tlemcen.

    -Quelle est la place de Cheikh Larbi Bensari dans la musique andalouse algérienne ?

    Le fait, c’est qu’ en 1961 on a fait appel à lui pour remettre un cadeau au nom de la Radio algérienne à Pierre Brasseur, cela veut dire qu’on le considérait comme le doyen de la musique algérienne. Il représente beaucoup de choses dans la conservation du patrimoine national. 30 à 40 % de ses chansons ont été enregistrées par la radio. Les autres enregistrements ont été faits lors des célébrations de mariages. Sur son lit de mort, il a enregistré, a capella, pendant vingt heures, les morceaux qui nous manquaient. Vieux et malade, il avait quand même fait des efforts extraordinaires pour tout donner. C’est la mémoire et un grand patrimoine. Il avait représenté l’Algérie à l’Exposition universelle de Paris, en 1900. Il avait pris part au Congrès de la musique arabe au Caire en 1932. Il avait animé des concerts en Turquie et au Maroc.

    A chaque fois, il s’arrangeait pour faire le brassage entre certains doualib de la musique charqui avec la musique algérienne. Il avait ajouté des chants turcs. Il avait rassemblé beaucoup de morceaux. Ses sources étaient diverses. Son maître était Mohamed Benchaâbane, qu’on surnommait Boudelfa. Il avait aussi appris de Echoua Medioni, dit Mekchich, grand père de Saoud l’Oranais, maître de Reinette l’Oranaise (Reinette Daoud), qui lui a communiqué beaucoup de choses. Il avait des contacts avec les maîtres d’Alger comme Sfindja, Bentefahi et les autres. Cheikh Larbi Bensari avait contribué également au livre de Yafil. Il était présent lorsque Jules Rouanet avait commencé à retranscrire la musique andalouse. Il a été utile même après sa mort puisque ses «kounèche» (carnets) ont servi pour éditer les trois tomes des Mouachahatt oua al azdjal édités par l’Institut supérieur de musique. Ses enregistrements sont réactualisés et numérisés.

    -Vous trouvez visiblement toujours des inédits de Cheikh Larbi…

    Oui, on en trouve toujours. Cheikh Larbi Bensari représente la mémoire de la musique andalouse algérienne. Il avait eu des élèves en dehors de Tlemcen, indirectement comme Sid Ahmed Serri d’Alger ou directement comme Saddek Béjaoui. Il avait eu donc un impact très important. Il avait même interprété le Aye aye et des chants en kabyle, cela veut dire qu’il connaissait bien le patrimoine algérien. En plus, c’était un homme poli, raffiné qui exécutait avec intelligence les morceaux de musique dans le contexte qu’il fallait. C’était un homme d’une grande amabilité. Petit, je me rappelle avoir reçu des bonbons de ses mains dans un café en face du Mechouar à Tlemcen.

    -Son fils Redouane a-t-il su assurer la relève comme il le fallait ?


    On ne rendra jamais assez d’hommages à Redouane Bensari. Installé à Casablanca, au Maroc, il avait, dès 1958, compris la nécessité de sauver le patrimoine andalou. Plus de 150 heures d’enregistrement ont été retransmises grâce à ses efforts. Yahia El Ghoul, Kamel Malti, Amin Morseli, Mohamed Bouali et Salah Boukli ont, de leur côté, fait un grand travail de recherche et de conservation. Grâce à eux, une partie du patrimoine andalou a été sauvé de l’oubli. Redouane Bensari avait des mélodies nuancées et belles sur le plan esthétique. Son apport dans le jeu d’instruments, come le oûd, n’est pas négligeable.

    Il a révolutionné le oûd. Lorsqu’on écoute ses enregistrements de 1958, on a l’impression d’écouter un orchestre et non pas Redouane Bensari jouer en solo sur le oûd. Aujourd’hui, les jeunes ont comme référence Redouane pour jouer cet instrument. Il ne connaissait pas le solfège, mais il jouait avec l’intuition les contretemps, les contrepoints…En 1932, au Caire, il avait charmé Oum Keltoum qui avait demandé à cheikh Larbi de le laisser en Egypte. Le père avait refusé.

    -Et où se fait la relève dans l’Ecole de musique andalouse de Tlemcen ?

    Dans les associations. Les artistes en solo ne résistent pas à l’épreuve du temps. Ils sont parfois obnubilés par le succès et ne cherchent pas à faire un travail en profondeur dans le patrimoine. Le travail fait dans les associations est élaboré. Il est effectué avec passion, sérieux et rigueur. Ce n’est pas le cas pour certains «professionnels». Il faudra peut-être un siècle pour avoir un autre Redouane Bensari et un autre Abdelkrim Dali, qui, aidé par Larbi Abdesselam et Omar Bekhchi, a puisé dans le patrimoine algérois et tlemcénien. Il a, sur le plan esthétique, fait évoluer cette musique, en donnant plus d’envolée et réduisant la monotonie. Il avait aussi une voix agréable et forte. Il jouait du luth.

    Il avait fait un mixage exceptionnel entre le maghribi (patrimoine marocain) et le patrimoine algérien…Il était parmi les fondateurs de l’orchestre kabyle dont il en avait fait partie. Il était, entre autres, avec cheikh Noureddine à l’époque. Dès 1952, Abdelkrim Dali commençait à enseigner au conservatoire de Hussein Dey. Après l’indépendance, il enseigna au Conservatoire de la place des Martyrs tout en restant à la Radio et à la Télévision. Il a laissé 700 heures d’enregistrements, entre ceux réalisés à la radio, au Conservatoire de musique et au cours des fêtes privées, etc. C’est un record. Une partie de ces enregistrements est archivée à la Radio. Il interprétait le hawzi, le medh, le maghribi, c’était un travail colossal…

    -Pourquoi parle-t-on si peu de Cheikha Tetma ?

    Cheikha Tetma a enregisré 73 disques. Elle avait arrêté les enregistrements dans les années 1940. Elle avait fait partie de l’orchestre féminin avec Reinette l’Oranaise, Fadéla Dziria, Aouichette, parfois Latifa. Fatiha Berber était présente également comme danseuse. Cheikha Tetma a une longue histoire ici à Tlemcen. Elle y a chanté malgré les tabous. Elle avait été exilée à Fès de 1919 à 1924. Elle avait fourni beaucoupd’efforts et s’est imposée. Elle a aussi habité Alger. Cette grande dame n’a pas eu la consécration qu’elle méritait. Ses enregistrements radio avec Mustapha Skandrani ont disparu, je ne sais pas comment. C’est une grande dame à redécouvrir. On va bientôt rééditer ses disques.


    Par Fayçal Métaoui, El Watan
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