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Smain au Sila: le rire une arme de cohabitation massive

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  • Smain au Sila: le rire une arme de cohabitation massive

    Invité au Sila pour présenter sa biographie Je reviens me chercher, Smain s'est présenté à nous, affable et généreux, simple et souriant. Avec nous, il a accepté de dérouler le fil de son histoire, émaillée de douleur mais de réussite aussi, incontestablement. Smain, un homme extraordinaire avec un vrai «H» comme il y en a très peu dans ce monde...

    L'Expression: Smain, vous avez donc 50 ans et vous décidez grâce à ce livre sorti chez Laffont de revenir «vous chercher» et retracer le fil de votre histoire. Ma première question serait: vous êtes-vous retrouvés?

    Smain: Quand on se cherche, on se retrouve un peu puisqu'on a pris l'initiative de se chercher. On s'avoue en fin de compte vainqueur d'avoir émis l'intention de se rechercher. Alors, c'est une victoire. J'avais besoin durant cette partie importante de ma vie de faire le point. Je suis très heureux et satisfait que cette histoire qui n'est pas vraiment banale, celle d'un enfant de Constantine qui a été rapatrié dans les années 1960, qui a rencontré une famille d'adoption et qui a décidé d'épouser un métier artistique, connu puis reconnu, je trouvais bien de raconter ce parcours, pour donner à la fois de l'espoir et du sens à leur vie, à ceux qui n'étant parti de rien. C'est-à-dire qu'on peut partir de rien et réussir sa vie.

    Le but était donc de donner de l'espoir aux gens qui étaient comme vous orphelin...


    Vous savez ce n'est pas intéressant de raconter un livre qui ne va que vers soi. Un livre c'est aussi une passation, un témoignage. C'est ce que je dis en quatrième de couverture, il donne de l'espoir à ceux qui ont été suspendus d'identité de pouvoir trouver un sens à leur existence.

    On comprend dès l'entame de votre récit que vous avez appris très tôt (à l'âge de 11 ans) le fait d'avoir été adopté, et ce n'est pas venu de vos parents mais d'une institutrice un peu malveillante. Quel a été votre sentiment à cet instant précis?

    Ça a confirmé ce que je redoutais, ce que je pressentais. Quand on est enfant, on observe le monde qui nous entoure et puis il y a des indices. Je ne comprenais pas pourquoi mon père n'avait pas le même prénom que moi, pourquoi il était âgé mais cela a été extrêmement brutal.
    Il fallait bien que je le sache un jour. Je l'ai su de cette manière-là. D'habitude je mets un quart d'heure pour rentrer chez moi, ce jour-là j'ai mis deux heures pour rentrer à la maison, à m'interroger mais ça été pour moi un déclencheur d'un sentiment d'amour intense à l'égard de mes parents. Parce qu'ils n'étaient pas mes parents et soudain ce questionnement: pourquoi m'a-t-on accueilli? C'était une preuve d'amour énorme pour moi.

    On a l'impression que vous apprenez très tôt à jouer de la comédie en excellant dans ce rôle de celui qui «fait semblant» de ne pas savoir. Un jeu de rôle qui a indubitablement façonné votre personnalité et a fait ce que vous êtes aujourd'hui. Vous le dites à la page 63/ «inventer ma vie. Me lancer des défis...» vous prétendez d'ailleurs que votre père c'est le directeur de l'Ortf...

    J'inventais ma vie, je coloriais les images de mon existence. Oui, j'avais compris très vite que le mensonge est une manière de réinventer ma vie. C'est ce que je continue à faire en étant acteur, sauf que j'apprends mes mensonges. Mon père est parti effectivement avec ce secret pensant que je ne savais pas et pourtant, je savais. J'ai gardé donc ce secret intensément au fond de moi.

    Il y avait de l'amour qui se confirmait en moi. Je comprenais en fin de compte, la pudeur de mon père, cette attache.. Après, je voulais être acteur et donner un sens à ma vie.

    Comme j'étais un enfant presque sans identité, eh bien, je trouvais le fait d'être connu, d'être un personnage public, je trouvais dans chacun des auditeurs ou des spectateurs une partie d'une famille absente et que je me réinventais.

    Vous dites à la page 183 que «le rire est une arme de cohabitation massive» et que vous étiez à «la lisière de Jerry Lewis et les envolées lyriques de Léo Ferré».

    Les artistes oui. Par, ce qu'ils étaient connus. A partir du moment où ils étaient connus par le grand nombre c'était la reconnaissance et moi j'avais besoin de reconnaissance.

    Une excroissance, une quête, une demande essentielle d'exister. J'aurais pu passer au travers. Il se trouve que la vie a été ainsi faite pour moi et j'ai eu beaucoup de bonheur à faire ce métier, bien évidemment avec beaucoup de douleur aussi car cela fait partie de ce métier.

    Mais c'est vrai que les prémices et les démarrages pour moi ça a été un cadeau extraordinaire. Un enfant de Constantine qui arrive à Paris, de père et mère inconnus, qui perd ses parents adoptifs et qui soudain, épouse une carrière artistique, il monte sur scène et il fait rire et qui réunit... Je retrouvais dans ces grandes salles, que ce soit l'Olympia ou les théâtres une famille unie par le même mot, le même son, les applaudissements et ça a été pour moi un palliatif et comme on dit en psychanalyse, une résilience. Ça a été très intense pour moi et ça continue de l'être. Maintenant j'ai des enfants. Je continue, je perpétue mais c'est magnifique aussi. Je rassure aussi les gens qui m'écoutent, j'ai des problèmes aussi comme tout le monde.

    J'aime bien cette phrase tirée du livre qui rejoint ce que vous venez de dire: «Je suis vu donc j'existe.»


    Cela résume tout à fait mon parcours, après ce sont que des accidents, des incidents, des bonnes rencontres. Je suis arrivé au bon moment. Si j'étais arrivé aujourd'hui j'aurais été un simple petit comique. Je suis arrivé dans les années 1980. Il se trouve que j'étais le premier et je l'ai payé d'avoir été le premier. Bien voilà, je marquerai l'histoire des comiques, j'ai été le premier... (sourire)

    Vous dites que vous l'avez payé très cher et vous dites à juste titre dans votre livre «la politique et le showbiz ont la particularité d'être cruels pour les perdants».


    Ils ne font pas de cadeau, en même temps cela fait partie du jeu, mais j'ai le talent de rebondir. J'ai un super mental. Je suis un vrai tennisman!, Donc j'ai plein de projets à venir. Le bouquin c'est une parenthèse. J'en avais envie, on me l'a proposé, je l'ai fait. Maintenant je suis autre part. Cela me fait très plaisir d'être à Alger, notamment au Salon du livre. J'ai été au Salon du livre de Nice mais cela n'a pas la même résonance. Ici, cela porte une vrai résonnance affective d'où ma présence.

    Ça fait quoi de revenir en Algérie avec un livre qui remet les pendules à l'heure si on peut dire les choses ainsi?

    A chaque fois que je viens en Algérie, je dénoue mon passé, je dénoue le mouchoir ou j'ai tant pleuré (sourire).

    Finalement, vous êtes plus poète qu'humoriste, c'est ce que ce livre révèle de vous.


    Oui je pense que les artistes sont poètes. J'adore les mots. J'adore la langue française, les jeux de mots, ma réussite à mes débuts je la dois au fait que je mélangeais le peu d'arabe que je connaissais et le français. Je mélangeais ces deux identités, ce qui a fait que j'ai relié ces deux côtés de la Méditerranée et pansé les douleurs de l'histoire.

    Vous avez aussi réhabilité en quelque sorte cette communauté française d'origine maghrébine, dite «beure»

    Tout à fait, il était hors de question que je paie les pots cassés. Nous ne sommes que des enfants de cette guerre, des victimes. Le rire a été pour moi donc une arme extraordinaire. Pour certains, j'étais l'étendard, je ne sais pas, moi ce que je voulais c'était de monter sur scène et faire rire.

    Vous parlez beaucoup de votre volet artistique mais dans ce livre vous touchez aussi beaucoup à l'aspect politique, notamment de la France...

    Oui, cela m'a intéressé car je me suis rapproché d'eux. Ils sont tous des acteurs mais je ne m'étale pas trop là-dessus.

    Coluche?

    Coluche a été un personnage important pour nous. C'était un détracteur. Il représentait cette génération des soixante-huitards. Il était un symbole comme moi avec ma théière...C'était un symbole. Dans toutes les décennies il y a comme ça des comiques qui marquent. Il m'impressionnait oui, car il représentait une génération et j'avais aussi envie de présenter malgré moi une génération sans le vouloir. Il est parti un peu trop vite. J'aimais bien Coluche et son personnage. Je ne le connaissais pas. On se connaissait de loin. C'était un homme que j'ai ressenti très sensible et parfois très mal entouré aussi.

    Cette année, la France a célébré les 20 ans de SOS Racisme «touche pas à mon pote», vous avez bien vécu cette période. Comment percevez-vous celle d'aujourd'hui et pensez-vous que cela a changé?

    Cela n'a pas changé il y a toujours les esprit frondeurs, Le Pen qui est aujourd'hui à 19%. Il y a toujours cette haine pour certains, il ne faut pas généraliser, aussi la haine de l'étranger, de l'émigrant sans cesse. En même temps, ce qui a changé ce sont ces enfants de la seconde génération qui, aujourd'hui, travaillent, ont des postes importants, ont des rôles-clés dans cette société, c'est extrêmement positif mais bon, il y a toujours les hommes politiques qui ramènent sans cesse ce sempiternel sujet de l'immigré, alors SOS Racisme est là, il combat les racismes quels qu'ils soient. Sinon, cela a toujours été présent mais nous veillons!

    Votre actualité ou vos projets?

    Je viens de tourner deux films, l'un s'appelle Le sac de farine de Khadija Leclerc, un très beau film que j'ai tourné au Maroc sur la biculturalité et puis j'ai fait une comédie qui s'appelle Pauvre richard et là, je commence un autre film qui s'intitule Le petit gars de Ménil-Montant, un film policier et puis je monte sur scène avec une pièce de théâtre au mois de janvier.

    Si on vous invitait à donner un spectacle en Algérie, vous diriez quoi?
    Je ne fais jamais une chose à la fois. C'est-à-dire que je suis ici pour discuter d'un spectacle à Alger. Je suis malin. Je suis venu pour le Salon du livre et en même temps pour discuter autour de l'idée de donner un spectacle ici.

    Avez-vous entendu parler de la décision politique concernant l'ouverture du champ audiovisuel en Algérie, c'est-à-dire la création d'ici 2012 de plusieurs chaînes privées? Et qu'en pensez-vous?

    Mais quelle bonne nouvelle! C'est une très bonne nouvelle! C'est ce qu'on appelle la diversité. Ça a tardé peut-être mais chaque chose en son temps. Je ne peux que dire bravo! Et si on me sollicite pour une quelconque aide je suis ici.

    Par L'Expression
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