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Pourquoi les raffineries françaises ferment les unes après les autres

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  • Pourquoi les raffineries françaises ferment les unes après les autres

    Le groupe LyondellBasell veut fermer sa raffinerie de Berre, dans les Bouches-du-Rhône. Si le projet est mené à son terme, la France aura perdu trois raffineries en un an. Le nombre de site hexagonaux sera alors passé de 23 à 10 en l'espace de 40 ans.


    Les salariés de la Raffinerie LyondellBasell de Berre, lors d'un mouvement social en 2010.
    Jean-Paul Pelissier / Reuters
    L'hécatombe des raffineries pétrolières continue. Après Total à Dunkerque en 2010 et Petroplus à Reichstett (Bas-Rhin) en juin dernier, la compagnie pétrochimique américaine LyondellBasell a annoncé mardi son projet de fermer sa raffinerie de Berre, dans les Bouches-du-Rhône, qu'elle juge non rentable.

    Le site, qui emploie 370 salariés au sein d'un complexe pétrochimique de 1270 employés, perdrait 120 millions d'euros par an selon la direction. Or le groupe n'a pas réussi à le revendre. Pas moins de "85 entités à travers le monde ont été approchées au cours de ce processus de mise en vente, en vain. La raffinerie n'a en effet fait l'objet d'aucune offre de rachat" s'est-il expliqué. Celui-ci assure que seuls les 370 emplois directement affectés au raffinage sont menacés. Mais les syndicats soutiennent que les pertes de postes pourraient s'étendre à tout le complexe.

    En réaction, près d'un millier de salariés ont voté mardi en assemblée générale le début d'une "grève dure" de 48 heures. Mercredi, l'ensemble du complexe pétrochimique était à l'arrêt. Entre 200 et 300 salariés y sont présents pour assurer le blocage, selon les syndicats. La prochaine assemblée générale est prévue ce jeudi à midi. Ces décisions interviennent un an jour pour jour après le démarrage du grand mouvement social qui avait paralysé la quasi-totalité des raffineries françaises et entraîné une pénurie de carburant.

    Des assemblées générales dans neuf sites sur dix
    Et le risque d'une nouvelle grève d'ampleur commence à se dessiner. Le mouvement des salariés de LyondellBasell pourrait faire tache d'huile, même si la solidarité reste timide pour le moment. Les salariés de neuf des dix autres raffineries françaises ont tenu des assemblées générales ce mercredi. Et elles pourraient déboucher sur d'éventuelles actions. Mais pour l'heure, seuls les salariés de la raffinerie Total de Donges, en Loire-Atlantique, se sont prononcés en faveur d'un mouvement immédiat mais symbolique: une baisse de la production à un débit minimum pendant 24 heures.

    Du côté de la raffinerie Total de Gonfreville l'Orcher, près du Havre, des assemblées générales se sont également tenues. Mais seul un tiers des participants a voté en faveur d'une grève et les syndicats n'ont pas jugé le résultat suffisant pour entamer une action. A Fos-sur-Mer, dans la raffinerie d'Exxonmobil , il n'y a pas eu d'assemblée générale.

    La situation pourrait évoluer vendredi. Une réunion des salariés des quatre sites situés dans la zone de Berre doit se tenir et pourrait déboucher sur d'éventuelles actions. Si la grève est décidée, elle pourrait s'étendre aux autres raffineries.

    La France a perdu 12 raffineries en 40 ans
    L'avenir des raffineries Françaises semble s'assombrir d'année en année. On en comptait 23 à la fin des années 70, il n'en reste plus que 11 encore en activité aujourd'hui. Et la fermeture du site de Berre pourrait en ajouter une à cette triste liste. Les raffineries "sont en surcapacité de production, et n'ont pas de débouchés suffisants" en raison d'une "demande très peu soutenue", explique Jean-Louis Schilansky président de l'Union française des industries pétrolières (Ufip). Elle seront même en "perte d'exploitation de plusieurs centaines de millions d'euros" en 2011, dans une tendance "voisine" de 2009, quand elles avaient perdu 1 milliard d'euros" a-t-il ajouté. Selon Les Echos, les marges de raffinages, qui représentent la différence entre le prix des produits raffinés et leurs coûts de production, ont baissé de 60% entre 2008 et 2009. Et elles sont aujourd'hui à un "niveau de crise".

    Les raffineries françaises ont en effet produit, en 2010, près de 82 millions de tonnes de produits pétroliers de type essence, gazole ou fioul. Mais la demande reste bien inférieure à cette capacité. La consommation en France en 2010 a atteint 33,6 millions de tonnes de gazole et 8,2 millions de tonnes d'essence. "Depuis 2007, on constate une baisse de la consommation en Europe liée aux économies d'énergie, et le phénomène est accentué par les crises économiques", souligne Constancio Silva, économiste à l'Institut français du pétrole-Energies nouvelles.

    "Des cessions ou des fermetures de sites inévitables"
    Selon lui, les raffineurs n'ont pas su s'adapter aux changements de la demande. Ils ont souffert de la montée en puissance du parc nucléaire français. Celle-ci a en effet entraîné une baisse de la demande de fioul lourd, qui servait jusqu'alors à faire fonctionner les centrales électriques.
    De plus, les raffineurs ont investi, dans les années 70 et 80, dans des unités de production d'essence, qui était alors le carburant le plus consommé en France. Mais ils ont été surpris par l'explosion de la demande de gazole, accentuée par une fiscalité avantageuse et la moindre consommation des moteurs diesel. La vente de gazole représente actuellement 75% des ventes de carburant en France. Les automobilistes en consomment 33 millions de tonnes, mais la capacité de production française ne s'élève qu'à 20 millions. Les raffineries hexagonales se retrouvent donc actuellement obligées d'exporter 30% de sa production d'essence, notamment aux Etats-Unis où, là aussi, la demande a ralenti. Selon le comité professionnel du pétrole, les ventes d'essence à l'étranger ont en effet chuté de 20%. Et paréllèlement, les groupes pétroliers sont contraints d'acheter du gazole à l'étranger, ce qui accentue leurs dépenses.

    Dans ce contexte, "à terme, des cessions ou fermetures de sites seront inévitables", assure l'Ufip. Un pessimisme que refuse d'admettre les syndicats. En réaction à la fermeture du site de Berre, les fédérations CFDT et CGT de la branche chimie-pétrole ont hurlé "halte à l'hécatombe". "Cette annonce est inacceptable. Car elle n'est pas liée uniquement aux problèmes des faibles marges du raffinage et de l'inadéquation de l'outil de production par rapport au marché, à l'excédent d'essence et au déficit de gazole" ont-ils dénoncé.

    Selon eux, les fermetures de raffineries répondent à une logique boursière et à un défaut d'investissement. La Fnic-CGT réclame "un plan pluriannuel d'investissement" sur la base du rapport de l'Institut français de pétrole présenté le 22 juin qui, moyennant des investissements, présentait des pistes de développement pour les raffineries françaises.

    Un argument que partage Thomas Porcher, docteur en économie auteur du livre "Un baril de pétrole contre 100 mensonges." Selon lui, le manque d'investissement pour changer la structure de production des raffineries françaises explique leur défaut de rentabilité. "Malgré les bénéfices record tirés par l'effet-prix du à la hausse des cours du brut, ces investissements ont été évincés au profit d'une préférence pour des investissements dans les raffineries proches des zones d'extraction. C'est le cas de Total en Arabie Saoudite avec la raffinerie de Jubail par exemple. Elle permet de produire à coût faible, en raison de la proximité avec les gisements. Mais elle est surtout dotée d'un système productif moderne permettant d'adapter le ratio gazole/essence souhaité. Le problème du raffinage français pourrait donc plus s'apparenter " à un chômage technique du secteur " dont les moyens de production sont devenus inadaptés qu'à un réel problème de compétitivité. Bien que le premier engendre le deuxième" affirme-t-il.
    l expansion.com
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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