En ce début du mois d’octobre 2011, la faillite virtuelle de la banque franco-belge Dexia est un signe supplémentaire de l’ampleur de la crise qui amène les pouvoirs publics à se mettre entièrement au service des intérêts privés en abusant des finances publiques.
Cette faillite de Dexia montre que le maillon faible de la chaîne de la crise de la dette est constitué par les banques privées alors que les gouvernants et les médias dominants mettent l’accent sur la crise de la dette publique (1).
En septembre 2011, devant l’ampleur des menaces qui pèsent sur l’ensemble du secteur financier privé confronté aux effets de sa politique aventuriste, les banques centrales d’Europe occidentale (la Banque centrale européenne - BCE, la Banque d’Angleterre et la Banque de Suisse) et la Réserve fédérale des Etats-Unis ont pris une mesure d’une exceptionnelle importance : elles mettent à disposition des banques privées toutes les liquidités nécessaires en dollars et en euros pour une période supérieure à trois mois afin de permettre aux organismes financiers de passer le cap de l’année 2011.
C’est dire à quel point les gouvernants et les grands argentiers publics ont peur de ce qui peut arriver au dernier trimestre 2011. Les banques européennes qui empruntaient à court terme en dollars auprès des money market funds états-uniens ont vu se fermer le robinet. Il a fallu que les banques centrales prennent la relève sous peine d’assister à un possible krach bancaire d’organismes comme BNP Paribas, Dexia, la Société générale, le Crédit Agricole, Natixis pour ne parler que de quelques banques françaises et belges. Ce nouveau krach de Dexia (2) montre que cette mesure ne suffit pas à résoudre le problème perçu à tort comme un problème simple de liquidités. Dexia n’est peut-être que le premier domino à tomber en ce quatrième trimestre 2011.
Les pouvoirs publics comme le prêteur principal en premier et en dernier ressort.
On assiste une fois de plus à une belle démonstration : dans l’UE, les banques centrales des pays membres et la BCE ne peuvent pas prêter d’argent aux pouvoirs publics qui doivent donc se financer auprès des banques et autres investisseurs institutionnels. Le secteur privé est donc supposé capable de financer seul et sans soutien étatique les besoins des pouvoirs publics, des entreprises et des ménages. Or voici que les banquiers centraux, c’est-à-dire les pouvoirs publics, apparaissent de plus en plus clairement comme le prêteur principal en premier et en dernier ressort. Les banques privées européennes se financent de quatre manières : 1. elles empruntent aux autres banques sur le marché interbancaire ; 2. elles empruntent aux ménages qui déposent en banque leurs liquidités –leur salaire en début de mois et leur épargne ; 3. elles empruntent aux entre prises non financières ; 4. elles empruntent en dollars aux money market funds des Etats-Unis (qui empruntent eux-mêmes auprès de la Réserve fédérale) ; 5. elles empruntent aux banques centrales.
Or, le marché interbancaire s’est rétréci comme peau de chagrin car les banques doutent les unes des autres tant elles ont d’actifs toxiques dans leur bilan ; les dépôts des ménages, en période de crise, ne sont pas extensibles et, plus grave, si les ménages perdent confiance dans une ou plusieurs banques, ils risquent de se ruer vers les guichets pour retirer leur argent et tenter de le mettre en sécurité (ce qui fait paniquer les banquiers, les banques centrales et les gouvernements dont certains, comme en France, ont limité les retraits de fonds par les particuliers) ; des entreprises non financières retirent leurs liquidités des banques (en septembre le Financial Times a révélé que la transnationale allemande Siemens avait retiré 500 millions d’€ de la banque française Société Générale pour les déposer à la BCE) (3) ; les money market funds ont largement fermé le robinet de leur crédit à partir de juin 2011. Du coup, les banques privées se financent essentiellement auprès des banques centrales.
Rachat massif sur le marché secondaire de la dette par la BCE
Ce n’est pas tout. La BCE a poursuivi sa politique de rachat massif, sur le marché secondaire de la dette, de titres italiens, espagnols, grecs, portugais et irlandais. Entre le 8 août 2011 et le 12 septembre 2011, elle en a acheté pour 77 milliards d’euros, dont 40 milliards de titres italiens (4). L’objectif est double : 1. délester les banques privées d’Europe occidentale qui jusqu’en 2010 ont acheté à tour de bras des titres de la dette de ces pays considérés aujourd’hui à plus ou moins haut risque ; 2. essayer d’éviter que l’Italie et l’Espagne ne se retrouvent dans la situation de la Grèce, de l’Irlande et du Portugal qui, à cause des taux d’intérêt qui ont explosé, ne peuvent plus emprunter sur les marchés au-delà d’un an. Les besoins d’emprunts de l’Italie d’ici juillet 2012 s’élèvent à 300 milliards d’euros et ceux de l’Espagne à 80 milliards.
Si l’Italie et l’Espagne devaient renoncer à emprunter sur les marchés financiers à cause de taux d’intérêt trop élevés, le Fonds européen de stabilité financière (FESF) ne disposerait pas des moyens suffisants pour répondre aux besoins de financement de ces deux pays, d’autant qu’il devra aussi acheter des titres grecs, portugais, irlandais, et peut-être d’autres pays membres de la zone euro…(5) De plus, le FESF est un instrument très peu pratique créé par les pays de la zone euro en mai 2010 pour répondre à la tourmente dans laquelle la Grèce se trouvait. Preuve du peu de maniabilité du FESF : la décision d’augmenter son volume d’intervention et de lui permettre de racheter des titres sur le marché secondaire ou d’injecter du capital dans des banques défaillantes prise par les gouvernements européens, la Commission européenne et la BCE le 21 juillet 2011 doit être ratifiée par chacun des 17 parlements de la zone euro. Dix semaines plus tard, le processus de ratification par les parlements n’est pas terminé.
Depuis le 21 juillet, la crise s’est encore accentuée : les Bourses ont continué à être très instables avec une très forte tendance à la baisse en particulier pour la capitalisation des banques ; la croissance économique a fléchi partout, même en Allemagne qui jusqu’en juin 2011 affichait des résultats supérieurs à la moyenne européenne ; la chute de la production et de la consommation en Grèce s’est aggravée ; le chômage augmente presque partout ; les recettes fiscales baissent partout, ce qui réduit les ressources des Etats pour rembourser la dette ; la possibilité de nouvelles faillites d’institutions financières privées est dans tous les esprits.
Les gouvernements européens sont pris à leur propre piège.
Les gouvernements européens sont pris à leur propre piège : lors de la création de l’UE et de la BCE, ils ont décidé que la Banque centrale européenne et les banques centrales des Etats membres de l’UE n’avaient pas le droit de prêter directement aux Etats. Ceux-ci doivent s’en remettre aux institutions financières privées (banques, assurances, fonds de pensions…) pour se financer. Si la BCE et les banques centrales des Etats membres pouvaient prêter aux pouvoirs publics comme le fait la Réserve fédérale des Etats-Unis, la crise de l’UE serait atténuée. Sans prendre les Etats-Unis pour modèle, loin de là, il faut signaler que la Fed a acheté au Trésor des titres de la dette publique (Treasury bonds) pour un peu plus de 1700 milliards de dollars, dont 900 milliards depuis la faillite de Lehman Brothers en septembre 2008 (6).
D’autres caractéristiques de l’UE renforcent la crise. Le budget de l’Union est minuscule et les transferts fiscaux en faveur des économies les plus faibles sont très limités. A titre de comparaison, si les Etats-Unis étaient régis par les mêmes contraintes et que les transferts du budget fédéral états-unien vers les Etats membres étaient aussi faibles que dans l’UE, une dizaine d’Etats seraient dans la même situation que la Grèce ou le Portugal : la Virginie, le Maryland, le Nouveau Mexique, la Floride…
Les économies faibles de la zone euro qui accusent un déficit commercial par rapport aux pays les plus forts (Allemagne, France, Pays-Bas, Belgique, Autriche…) n’ont pas la possibilité de jouer sur leur taux de change afin d’augmenter leurs exportations. L’appartenance à la zone euro s’est transformée en une camisole de force. C’est pourquoi l’éventualité d’une sortie de la zone euro fait partie du débat sur la sortie de la crise tant à gauche qu’à droite de l’échiquier politique.
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Cette faillite de Dexia montre que le maillon faible de la chaîne de la crise de la dette est constitué par les banques privées alors que les gouvernants et les médias dominants mettent l’accent sur la crise de la dette publique (1).
En septembre 2011, devant l’ampleur des menaces qui pèsent sur l’ensemble du secteur financier privé confronté aux effets de sa politique aventuriste, les banques centrales d’Europe occidentale (la Banque centrale européenne - BCE, la Banque d’Angleterre et la Banque de Suisse) et la Réserve fédérale des Etats-Unis ont pris une mesure d’une exceptionnelle importance : elles mettent à disposition des banques privées toutes les liquidités nécessaires en dollars et en euros pour une période supérieure à trois mois afin de permettre aux organismes financiers de passer le cap de l’année 2011.
C’est dire à quel point les gouvernants et les grands argentiers publics ont peur de ce qui peut arriver au dernier trimestre 2011. Les banques européennes qui empruntaient à court terme en dollars auprès des money market funds états-uniens ont vu se fermer le robinet. Il a fallu que les banques centrales prennent la relève sous peine d’assister à un possible krach bancaire d’organismes comme BNP Paribas, Dexia, la Société générale, le Crédit Agricole, Natixis pour ne parler que de quelques banques françaises et belges. Ce nouveau krach de Dexia (2) montre que cette mesure ne suffit pas à résoudre le problème perçu à tort comme un problème simple de liquidités. Dexia n’est peut-être que le premier domino à tomber en ce quatrième trimestre 2011.
Les pouvoirs publics comme le prêteur principal en premier et en dernier ressort.
On assiste une fois de plus à une belle démonstration : dans l’UE, les banques centrales des pays membres et la BCE ne peuvent pas prêter d’argent aux pouvoirs publics qui doivent donc se financer auprès des banques et autres investisseurs institutionnels. Le secteur privé est donc supposé capable de financer seul et sans soutien étatique les besoins des pouvoirs publics, des entreprises et des ménages. Or voici que les banquiers centraux, c’est-à-dire les pouvoirs publics, apparaissent de plus en plus clairement comme le prêteur principal en premier et en dernier ressort. Les banques privées européennes se financent de quatre manières : 1. elles empruntent aux autres banques sur le marché interbancaire ; 2. elles empruntent aux ménages qui déposent en banque leurs liquidités –leur salaire en début de mois et leur épargne ; 3. elles empruntent aux entre prises non financières ; 4. elles empruntent en dollars aux money market funds des Etats-Unis (qui empruntent eux-mêmes auprès de la Réserve fédérale) ; 5. elles empruntent aux banques centrales.
Or, le marché interbancaire s’est rétréci comme peau de chagrin car les banques doutent les unes des autres tant elles ont d’actifs toxiques dans leur bilan ; les dépôts des ménages, en période de crise, ne sont pas extensibles et, plus grave, si les ménages perdent confiance dans une ou plusieurs banques, ils risquent de se ruer vers les guichets pour retirer leur argent et tenter de le mettre en sécurité (ce qui fait paniquer les banquiers, les banques centrales et les gouvernements dont certains, comme en France, ont limité les retraits de fonds par les particuliers) ; des entreprises non financières retirent leurs liquidités des banques (en septembre le Financial Times a révélé que la transnationale allemande Siemens avait retiré 500 millions d’€ de la banque française Société Générale pour les déposer à la BCE) (3) ; les money market funds ont largement fermé le robinet de leur crédit à partir de juin 2011. Du coup, les banques privées se financent essentiellement auprès des banques centrales.
Rachat massif sur le marché secondaire de la dette par la BCE
Ce n’est pas tout. La BCE a poursuivi sa politique de rachat massif, sur le marché secondaire de la dette, de titres italiens, espagnols, grecs, portugais et irlandais. Entre le 8 août 2011 et le 12 septembre 2011, elle en a acheté pour 77 milliards d’euros, dont 40 milliards de titres italiens (4). L’objectif est double : 1. délester les banques privées d’Europe occidentale qui jusqu’en 2010 ont acheté à tour de bras des titres de la dette de ces pays considérés aujourd’hui à plus ou moins haut risque ; 2. essayer d’éviter que l’Italie et l’Espagne ne se retrouvent dans la situation de la Grèce, de l’Irlande et du Portugal qui, à cause des taux d’intérêt qui ont explosé, ne peuvent plus emprunter sur les marchés au-delà d’un an. Les besoins d’emprunts de l’Italie d’ici juillet 2012 s’élèvent à 300 milliards d’euros et ceux de l’Espagne à 80 milliards.
Si l’Italie et l’Espagne devaient renoncer à emprunter sur les marchés financiers à cause de taux d’intérêt trop élevés, le Fonds européen de stabilité financière (FESF) ne disposerait pas des moyens suffisants pour répondre aux besoins de financement de ces deux pays, d’autant qu’il devra aussi acheter des titres grecs, portugais, irlandais, et peut-être d’autres pays membres de la zone euro…(5) De plus, le FESF est un instrument très peu pratique créé par les pays de la zone euro en mai 2010 pour répondre à la tourmente dans laquelle la Grèce se trouvait. Preuve du peu de maniabilité du FESF : la décision d’augmenter son volume d’intervention et de lui permettre de racheter des titres sur le marché secondaire ou d’injecter du capital dans des banques défaillantes prise par les gouvernements européens, la Commission européenne et la BCE le 21 juillet 2011 doit être ratifiée par chacun des 17 parlements de la zone euro. Dix semaines plus tard, le processus de ratification par les parlements n’est pas terminé.
Depuis le 21 juillet, la crise s’est encore accentuée : les Bourses ont continué à être très instables avec une très forte tendance à la baisse en particulier pour la capitalisation des banques ; la croissance économique a fléchi partout, même en Allemagne qui jusqu’en juin 2011 affichait des résultats supérieurs à la moyenne européenne ; la chute de la production et de la consommation en Grèce s’est aggravée ; le chômage augmente presque partout ; les recettes fiscales baissent partout, ce qui réduit les ressources des Etats pour rembourser la dette ; la possibilité de nouvelles faillites d’institutions financières privées est dans tous les esprits.
Les gouvernements européens sont pris à leur propre piège.
Les gouvernements européens sont pris à leur propre piège : lors de la création de l’UE et de la BCE, ils ont décidé que la Banque centrale européenne et les banques centrales des Etats membres de l’UE n’avaient pas le droit de prêter directement aux Etats. Ceux-ci doivent s’en remettre aux institutions financières privées (banques, assurances, fonds de pensions…) pour se financer. Si la BCE et les banques centrales des Etats membres pouvaient prêter aux pouvoirs publics comme le fait la Réserve fédérale des Etats-Unis, la crise de l’UE serait atténuée. Sans prendre les Etats-Unis pour modèle, loin de là, il faut signaler que la Fed a acheté au Trésor des titres de la dette publique (Treasury bonds) pour un peu plus de 1700 milliards de dollars, dont 900 milliards depuis la faillite de Lehman Brothers en septembre 2008 (6).
D’autres caractéristiques de l’UE renforcent la crise. Le budget de l’Union est minuscule et les transferts fiscaux en faveur des économies les plus faibles sont très limités. A titre de comparaison, si les Etats-Unis étaient régis par les mêmes contraintes et que les transferts du budget fédéral états-unien vers les Etats membres étaient aussi faibles que dans l’UE, une dizaine d’Etats seraient dans la même situation que la Grèce ou le Portugal : la Virginie, le Maryland, le Nouveau Mexique, la Floride…
Les économies faibles de la zone euro qui accusent un déficit commercial par rapport aux pays les plus forts (Allemagne, France, Pays-Bas, Belgique, Autriche…) n’ont pas la possibilité de jouer sur leur taux de change afin d’augmenter leurs exportations. L’appartenance à la zone euro s’est transformée en une camisole de force. C’est pourquoi l’éventualité d’une sortie de la zone euro fait partie du débat sur la sortie de la crise tant à gauche qu’à droite de l’échiquier politique.
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