Annonce

Réduire
Aucune annonce.

La construction d'une base militaire sème la discorde en Corée du Sud

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • La construction d'une base militaire sème la discorde en Corée du Sud

    Gangjeong (Corée du Sud) Envoyé spécial - Mille policiers antiémeute, équipés de canons à eau, avaient été mobilisés pour encadrer près de 1 500 manifestants, dont beaucoup de familles avec leurs enfants, venus le 1er octobre sur le quai du petit port sud-coréen de Gangjeong (île de Jeju) assister à un Festival de la paix en opposition à la construction, à proximité, d'une base navale.

    La paisible commune de pêcheurs et d'agriculteurs d'un millier d'habitants semblait en état de siège. Ce déploiement de force disproportionné témoigne de l'importance de l'enjeu pour les autorités. Le festival était la première manifestation importante depuis l'arrestation, en septembre, des chefs du mouvement d'opposition lors d'échauffourées avec les forces de l'ordre.

    Le périmètre de la future base (50 hectares) est désormais clos de plaques de fer de plusieurs mètres de hauteur le long desquelles se succèdent banderoles, drapeaux et graffitis des opposants.

    D'une affaire locale, la construction de cette base sur l'île volcanique de Jeju, grande destination touristique en Corée du Sud, est devenue un problème national : abcès de fixation des luttes citoyennes, la bataille mobilise 125 organisations non gouvernementales à travers le pays (écologistes, pacifistes, chrétiens, bouddhistes) et une centaine à l'étranger ainsi que les cinq partis d'opposition. "Depuis la décision en 2007 de construire une base à Gangjeong, nous avons lutté seuls. Désormais, une solidarité nationale et internationale s'est fait jour", se félicite Ko Kwon-il, chef du mouvement d'opposition.

    Les journaux conservateurs font valoir la nécessité de construire ce qui sera la plus grande base navale de Corée du Sud - capable d'accueillir une vingtaine de navires de guerre et de sous-marins - pour assurer la sécurité du pays tandis que le centre-gauche critique une intégration plus profonde du système national de défense à celui des Etats-Unis et la destruction d'une côte magnifique en dépit des promesses gouvernementales de respecter des normes écologiques.

    L'affaire reflète aussi le dilemme de la Corée du Sud prise en étau entre son alliance militaire avec les Etats-Unis et son souci de ne pas provoquer son voisin et premier partenaire commercial, la Chine.

    Selon le gouvernement, la base navale servira à la protection des voies de transport maritime. Mais elle sera aussi le point d'appui militaire le plus proche de la Chine permettant une projection rapide en cas de tension entre Pékin et Séoul à propos de la souveraineté d'un récif submergé (le roc Socotra, Ieodo en coréen) au sud de la mer de Chine orientale. Pour les habitants de Jeju, Ieodo est une île mythique, refuge des marins perdus en mer. Elle serait surtout située dans une zone de gisements pétroliers sous-marins.

    Les Etats-Unis ne sont pas impliqués dans le projet de base mais étant donné l'alliance entre les deux pays, elle sera, de fait, un avant-poste américain en mer de Chine orientale. "En cas de tension entre les Etats-Unis et la Chine, Jeju sera un des premiers objectifs", estime Choi Sung-hui, activiste pacifiste. "Baptisée "île de Paix" en 2005, Jeju est en train de devenir une base de guerre", renchérit Yoon Yong-taek, professeur de philosophie à l'université de Jeju.

    Sur une banderole, on peut lire : "N'apportez pas la guerre ici." Un appel qui prend sur l'île une signification particulière : en mars 1948, elle fut le théâtre de massacres par les milices de la dictature pro-américaine de l'époque. Bilan : 30 000 morts, soit 10 % de la population.

    Pour les habitants, les questions stratégiques sont moins déterminantes dans leur opposition que la protection de l'environnement et leurs modes de vie. "La Corée est une démocratie mais le gouvernement n'écoute pas la voix du peuple. Alors que dans le passé, les luttes pour les droits des citoyens ont souvent été violentes, celle-ci est pacifique. Les habitants entretiennent un rapport très émotionnel à la mer", souligne Gwon Gwi-sook, sociologue à l'université de Jeju.

    Pour entreprendre les travaux, l'assemblée municipale a abrogé une disposition faisant de la côte où sera construite la base militaire une zone protégée. Le gouvernement dit mettre en oeuvre une décision légalement approuvée. Les habitants demandent à être entendus.

    La question de cette installation navale divise l'opinion et, à Gangjeong, elle a brisé la solidarité communautaire qui était une caractéristique de l'île de Jeju : "Des membres d'une même famille ne s'adressent plus la parole et des voisins ne se saluent plus", déplore Ko Byong-hyun, mère du représentant des habitants, arrêté en septembre et toujours détenu.

    Les habitants favorables à la base font valoir les arguments du gouvernement : sécurité nationale, création d'emplois et investissements. "Ne touchez pas à une pierre, pas à une fleur de notre île, prévient Mme Kang Mi-kyong dont la maison disparaît entre les plaques de métal du chantier de construction. L'histoire de Jeju le montre : nous sommes une île de résistance."

    le monde
Chargement...
X