Dans "Le Quotidien d'Oran" d'aujourd'hui, j'ai trouvé cet éditorial intitulé "L'avenir en ruine".
Tout en le lisant, je me demandais si cet éditorial reflète réellement la situation que vivent nos écoles et nos universités. D'après moi, il ne reflète qu'un aspect de la situation tant le profil évoqué n'est pas général. Il y a d'autres enseignants qui agissent autrement. Il y auraient certains qui ne corrigent même pas les copies des étudiants et d'autres qui iraient jusqu'au harcèlement (sexuel) pour accorder une note souvent négociée.
Me trompe-je? Qu'en pensez-vous?
L'AVENIR EN RUINE
C'est un enseignant à l'université, là où se préparent, en théorie, les élites de demain. Son téléphone portable sonne. Il décroche. Au bout, quelqu'un qu'il ne connaît pas. Il l'appelle pour demander deux points de plus pour sauver l'année de sa fille. Il supplie, c'est une «question de vie ou de mort», explique-t-il. Sa mère risque l'infarctus. Et au passage, il l'invite à faire ripaille. Sans dire un mot, tremblant de colère, l'enseignant raccroche. Il éteint le téléphone. Il sait qu'il finira par le rallumer, par nécessité professionnelle. Mais là, il est trop dégoûté.
C'était le troisième appel de la journée et il n'était pas onze heures. Et un appel de plus de ce genre finira par le rendre malade. Il aime son métier mais il songe à le quitter. Cela devient lassant de vivre, au jour le jour, l'effondrement généralisé de la valeur du savoir. Combien sont-ils les enseignants au niveau de l'université à être sollicités pour un «coup de pouce», pour «une question de vie ou de mort», au profit d'étudiants qui oublient qu'ils sont là pour apprendre et pas seulement pour courir derrière un diplôme ? C'est général, explique l'universitaire. Il avait déjà explosé quand des étudiants, sans gêne, sont venus lui demander de les «aider» et de leur «donner» les notes qui manquent. Il leur avait dit qu'eux étaient des «impudents» qui osaient demander des notes, en plus sans travailler, et qu'il ne pouvait se permettre d'être injuste avec les étudiants qui n'osent jamais demander la même chose.
L'enseignant a fini par faire sa mise au point en plein cours : «Je ne suis pas un être humain, je ne suis pas responsable du côlon de votre maman, ni de l'ulcère de papa. Je ne suis pas un humanitaire. Je ne suis qu'une machine qui corrige. Je n'aide pas, je corrige. Celui qui ne mérite pas un dix ne l'aura pas !».
Son numéro de téléphone, qu'il donne par nécessité aux étudiants, a fini par être diffusé dans les familles et dans les fratries. Et les appels n'en finissent pas. Les uns supplient et pleurent, d'autres menacent. C'est inimaginable, dit-il, comme les choses se sont dégradées. Son récit donne froid dans le dos et fait craindre pour l'avenir. Il en parle avec une désespérance froide et le sentiment d'un grand gâchis. Il y a bien des perles, des étudiants qui ont compris qu'un diplôme n'est qu'un misérable bout de papier si l'on n'a pas acquis la connaissance et le savoir. Ceux-là ont compris qu'apprendre et savoir signifient se transformer, devenir meilleur et être capable. Mais justement, ces perles sont devenues rares. Trop rares. En face, il y a toute une masse qui a la certitude que travailler et apprendre ne sont pas nécessaires. Des étudiants qui ne font rien mais qui considèrent qu'ils ont droit à un «rachat» sont légion. Et ils pensent qu'il suffit d'aller voir l'enseignant et lui dire : «Allez, donnez-moi ce point qui manque. Qu'avez-vous à perdre ?».
Mais le pire, dit-il, est que ceux qui sont censés faire les vigiles, les enseignants, ont tendance à céder. Par fatigue, par lassitude, par démotivation, pour des raisons vénales… Solliciter des enseignants pour ajouter des notes indues est devenu un «ordre naturel des choses» car on a désappris la rigueur. Car la mentalité «jemenfou» se diffuse. Au train où vont les choses, des enseignants qui disent «non» à ces sollicitations pourraient devenir rares… «Il faut en parler», dit l'universitaire au journaliste. Il ne faut pas cesser de le faire. On est en train de ruiner l'avenir.
par M. Saadoune
Tout en le lisant, je me demandais si cet éditorial reflète réellement la situation que vivent nos écoles et nos universités. D'après moi, il ne reflète qu'un aspect de la situation tant le profil évoqué n'est pas général. Il y a d'autres enseignants qui agissent autrement. Il y auraient certains qui ne corrigent même pas les copies des étudiants et d'autres qui iraient jusqu'au harcèlement (sexuel) pour accorder une note souvent négociée.
Me trompe-je? Qu'en pensez-vous?
L'AVENIR EN RUINE
C'est un enseignant à l'université, là où se préparent, en théorie, les élites de demain. Son téléphone portable sonne. Il décroche. Au bout, quelqu'un qu'il ne connaît pas. Il l'appelle pour demander deux points de plus pour sauver l'année de sa fille. Il supplie, c'est une «question de vie ou de mort», explique-t-il. Sa mère risque l'infarctus. Et au passage, il l'invite à faire ripaille. Sans dire un mot, tremblant de colère, l'enseignant raccroche. Il éteint le téléphone. Il sait qu'il finira par le rallumer, par nécessité professionnelle. Mais là, il est trop dégoûté.
C'était le troisième appel de la journée et il n'était pas onze heures. Et un appel de plus de ce genre finira par le rendre malade. Il aime son métier mais il songe à le quitter. Cela devient lassant de vivre, au jour le jour, l'effondrement généralisé de la valeur du savoir. Combien sont-ils les enseignants au niveau de l'université à être sollicités pour un «coup de pouce», pour «une question de vie ou de mort», au profit d'étudiants qui oublient qu'ils sont là pour apprendre et pas seulement pour courir derrière un diplôme ? C'est général, explique l'universitaire. Il avait déjà explosé quand des étudiants, sans gêne, sont venus lui demander de les «aider» et de leur «donner» les notes qui manquent. Il leur avait dit qu'eux étaient des «impudents» qui osaient demander des notes, en plus sans travailler, et qu'il ne pouvait se permettre d'être injuste avec les étudiants qui n'osent jamais demander la même chose.
L'enseignant a fini par faire sa mise au point en plein cours : «Je ne suis pas un être humain, je ne suis pas responsable du côlon de votre maman, ni de l'ulcère de papa. Je ne suis pas un humanitaire. Je ne suis qu'une machine qui corrige. Je n'aide pas, je corrige. Celui qui ne mérite pas un dix ne l'aura pas !».
Son numéro de téléphone, qu'il donne par nécessité aux étudiants, a fini par être diffusé dans les familles et dans les fratries. Et les appels n'en finissent pas. Les uns supplient et pleurent, d'autres menacent. C'est inimaginable, dit-il, comme les choses se sont dégradées. Son récit donne froid dans le dos et fait craindre pour l'avenir. Il en parle avec une désespérance froide et le sentiment d'un grand gâchis. Il y a bien des perles, des étudiants qui ont compris qu'un diplôme n'est qu'un misérable bout de papier si l'on n'a pas acquis la connaissance et le savoir. Ceux-là ont compris qu'apprendre et savoir signifient se transformer, devenir meilleur et être capable. Mais justement, ces perles sont devenues rares. Trop rares. En face, il y a toute une masse qui a la certitude que travailler et apprendre ne sont pas nécessaires. Des étudiants qui ne font rien mais qui considèrent qu'ils ont droit à un «rachat» sont légion. Et ils pensent qu'il suffit d'aller voir l'enseignant et lui dire : «Allez, donnez-moi ce point qui manque. Qu'avez-vous à perdre ?».
Mais le pire, dit-il, est que ceux qui sont censés faire les vigiles, les enseignants, ont tendance à céder. Par fatigue, par lassitude, par démotivation, pour des raisons vénales… Solliciter des enseignants pour ajouter des notes indues est devenu un «ordre naturel des choses» car on a désappris la rigueur. Car la mentalité «jemenfou» se diffuse. Au train où vont les choses, des enseignants qui disent «non» à ces sollicitations pourraient devenir rares… «Il faut en parler», dit l'universitaire au journaliste. Il ne faut pas cesser de le faire. On est en train de ruiner l'avenir.
par M. Saadoune
Commentaire