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Les islamistes d’Ennahda ont su inspirer confiance aux Tunisiens

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  • Les islamistes d’Ennahda ont su inspirer confiance aux Tunisiens

    «Je ne suis pas vraiment pratiquant. Je bois de l’alcool. Mais c’est le seul parti en lequel j’ai confiance», se confie Jamel, 40 ans, sans emploi, dans un bar enfumé de Tunis. Jamel n’a pas vraiment le profil du «barbu». Mais dimanche, lors de l’élection de l’Assemblée constituante, première élection libre du pays, c’est la liste d’Ennahda, le parti islamiste de Rached Ghannouchi, de retour au pays après vingt-deux ans d’exil, qu’il glissera dans l’urne. Selon les sondages, entre 20 et 30% des votants en feront de même. Peut-être bien davantage. C’est d’ailleurs la seule formation qui semble se dégager des quelque 110 partis lancés dans la course.

    Nombreux sont ceux qui s’en inquiètent, y voyant un péril pour la Tunisie moderne, dans un spectre d’arguments allant du prix de la bière à la défense des valeurs laïques dont est emprunte la société. Il y a quatre jours, 5000 personnes sont d’ailleurs descendues dans la rue à Tunis pour crier leur attachement à la laïcité.

    Convaincu que l’islamisme, comme ailleurs, conduira à l’aliénation et, inévitablement, à l’affrontement, Bechir, professeur de philosophie à Nabeul, se lamente: «Les figures de la gauche qui auraient pu prendre le relais de la révolution paient aujourd’hui le prix de leur compromission avec Ben Ali, qui leur avait laissé des ministères – l’éducation, la police – pour mieux contrer les islamistes. Aujourd’hui, Ennahda, «renaissance» en français, apparaît aux yeux de nombre de Tunisiens comme la seule mouvance à avoir véritablement les mains propres.»

    Emergence fulgurante
    Ennahda, 30 000 prisonniers politiques sous Ben Ali, a le poids des vrais résistants. Il présente son mouvement comme un brasier jamais éteint malgré l’étouffoir de l’ancien régime. La rapidité avec laquelle il émerge, avec des listes dans chacune des 27 circonscriptions, étonne toutefois. Victime d’éradication par le régime hier, le voilà omniprésent dans la campagne, au point que toutes les rumeurs circulent sur son «financement international». «Ennahda est incontestablement le mieux organisé de tous les partis», commente sous anonymat l’un des observateurs internationaux qui suit le déroulement du scrutin. «A la campagne, contrairement à d’autres, Ennahda n’a eu aucun mal à trouver des hommes et des femmes (ndlr: le scrutin impose la parité) très bien formés pour figurer sur ses listes. Ses membres vont chercher les gens par bus entiers dans les villages pour les amener dans ses meetings.» Le parti, censuré par les grands médias, a même son propre journal.

    C’est à Sidi Bouzid, 40% de sans-emploi, la ville où s’est déclenchée la révolution, qu’Ennahda avait choisi le 1er octobre de lancer sa campagne nationale. Dans un immeuble luxueux pour la région, qui héberge aussi un organe baasiste à l’effigie de Saddam Hussein et le siège du Parti maghrébin, ses bureaux se distinguent des très modestes QG des autres partis. Une nuée de personnes s’y affairent: «Sidi Bouzid est bien sûr une ville symbole. Nous y avons de grands projets», affirme Beya Jawadi, avocate et tête de liste No 2 d’Ennahda dans cette circonscription. «Par un système de bonus favorisant le centre du pays, totalement oublié de Ben Ali, nous créerons toutes les infrastructures nécessaires au développement économique et social», précise le No 3, un instituteur dont les convictions l’ont contraint à vingt-quatre ans de chômage forcé.

    Redistribution des terres avec mécanisation de l’agriculture, création d’usines et d’un campus universitaire en sciences, technologie, médecine et pharmacie, le parti a des idées pour tous les secteurs. Nasreddine, 38 ans, enseignant du secondaire à Sidi Bouzid, est convaincu: «Lorsqu’on respecte autant les enseignements de Dieu, on ne peut pas être mauvais. Ce sont des purs.»

    Moralisation de la société et développement socio-économique pour les défavorisés sont les clés du discours d’Ennahda, qui cite souvent le modèle turc. Non, «aucune contrainte liée à la tenue vestimentaire de la femme» n’est prévue dans son programme, jure-t-il à tous ceux qui se méfient d’un double langage. Et il a trouvé des alliés inattendus. Abou Yaareb Marzouki, philosophe et figure des intellectuels tunisiens, s’est porté en tête de liste des couleurs islamistes à Tunis, dans les quartiers populaires, à la surprise générale. «Je suis indépendant, mais j’adhère au projet d’Ennahda car il est le seul à promouvoir la justice sociale et la vraie modernité authentique: celle qui valorise le travail et la fraternité, pas celle de la consommation», nous confie-t-il.

    Un vrai programme
    Le parti sait aussi ajuster son discours là où il le faut. Sur les côtes, où l’on semble plus réticent à voter islamiste de peur d’une désertion des touristes, Ennahda a promis le développement d’un tourisme d’affaires, notamment tourné vers le Moyen-Orient, mais aussi la fin des formules «all inclusive» dans les hôtels qui privent les petites gens des retombées du tourisme. Mourad, 25 ans, qui tient un petit commerce près de la plage de Nabeul, y est réceptif: «C’est le seul parti qui est venu nous présenter un vrai programme. Les autres savent juste brandir des dépliants publicitaires sous notre nez. Parfois même de l’argent. Mais que proposent-ils de concret? Rien.»

    Tribune De Geneve
    There's nothing wrong with being shallow as long as you're insightful about it.
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