Le cousin de Mohammed VI réagit à une brève publiée dans l’avant-dernière édition de TelQuel (“Réformes : Quand Moulay Hicham se lâche”). Il précise notamment que “la démocratie doit supplanter le Makhzen”.
“TelQuel a résumé ma position exprimée dans la revue française Le Débat, en affirmant que je me suis “prononcé contre l’existence du Makhzen et de la Commanderie des croyants”. Sans mettre en doute votre bonne foi, cet écho peut prêter à équivoque si l’on confond monarchie et Makhzen. Or, les deux méritent d’être clairement distingués. Au Maroc comme ailleurs, la monarchie désigne le règne d’une personne et la dévolution de ce pouvoir personnel de façon héréditaire. En revanche, le Makhzen est un régime qui, historiquement, est unique au Maroc et qui, en tant que forme spécifique de gouvernance, se singularise par son caractère néo-patrimonial, par des pratiques de soumission et des réseaux de clientélisme et de contrôle social. De ce fait, le Makhzen peut être - et je pense “doit être” - abandonné (dans l’interview avec Stephen Smith, je disais même qu’il devait “mourir”) sans que cela tranche pour autant du sort de la monarchie. Maintenant, il est vrai que le pouvoir monarchique, s’il n’est que le “bon vouloir du prince”, peut faire obstacle à la démocratie, c’est-à-dire à la souveraineté populaire. De fait, au Maroc, ni la bey’a, ni la choura, ni l’admonestation n’ont servi de contre-poids efficaces aux tendances absolutistes de la monarchie marocaine. C’est pourquoi, dans mon esprit, la démocratie doit supplanter le Makhzen. Pour ce faire, la condition nécessaire, mais pas suffisante, est un nouveau contrat social qui redéfinisse les pouvoirs royaux d’unification et de représentation de la communauté nationale, ainsi que les prérogatives de la monarchie pour la sauvegarde nationale en cas de périls ou d’instabilité des majorités parlementaires ou du gouvernement. Or, le rôle moral du roi, référencé dans notre tradition comme étant celui du Commandeur des croyants, compte parmi ces moyens de représentation et de sauvegarde, dès lors que s’instaure une relation nouvelle entre le religieux et le politique. J’entends par là que la Commanderie des croyants devra exclure toute violence ou contrainte politique, sociale, administrative ou, a fortiori, militaire. Pour servir à la fois la nation et la démocratie, elle ne saurait être qu’un moyen d’orientation et de persuasion exercé au nom du bien supérieur du plus grand nombre. A ce titre, elle sera d’essence démocratique tout en protégeant notre pays, le Maroc, dans sa longue et continuelle traversée de l’Histoire. Voilà ma position, qui ne se résume donc pas à la suppression pure et simple de la Commanderie des croyants.
Je tiens à apporter ces précisions pour que le débat démocratique que connaît notre pays, et dont TelQuel est un forum important, ne souffre pas d’approximations ou de malentendus. Il m’importe également de réitérer ma position sur la diversité culturelle et la place de la langue amazighe au Maroc. J’ai toujours défendu la diversité culturelle de notre pays et le principe d’une reconnaissance claire de cette diversité. A ce titre, la nécessité de reconnaître constitutionnellement l’amazigh comme langue officielle, au même titre que l’arabe, est pour moi un acquis. Le principe ainsi posé, il reste toutefois à déterminer la meilleure voie à suivre pour garantir cette reconnaissance constitutionnelle. C’est à ce sujet que je me suis exprimé dans Le Débat sur la toile de fond plus large du Printemps arabe. J’y ai expliqué que, de mon point de vue, il en allait de cette revendication comme de toutes les revendications fondamentales, et fondamentalement justes, du mouvement social au Maroc, telles que l’instauration d’une monarchie parlementaire ou la séparation effective des pouvoirs. Partant, la garantie constitutionnelle pour l’amazigh comme langue officielle doit être tant dans sa forme que sur le fond démocratique, c’est-à-dire qu’elle doit couronner une volonté populaire au lieu d’être dictée, ou octroyée, d’en haut. Dans ce contexte, je ne me suis référé au Dahir berbère qu’en tant que précédent historique à éviter à tout prix. Car il ne faudrait pas que, une fois encore, des manœuvres politiciennes du Makhzen puissent instrumentaliser le bien de la diversité culturelle pour porter préjudice à un autre bien, à savoir l’unité nationale du Maroc, qui nous tient tous à cœur, quelle que soit la langue dans laquelle nous exprimons notre amour de la patrie.”
Telquel
“TelQuel a résumé ma position exprimée dans la revue française Le Débat, en affirmant que je me suis “prononcé contre l’existence du Makhzen et de la Commanderie des croyants”. Sans mettre en doute votre bonne foi, cet écho peut prêter à équivoque si l’on confond monarchie et Makhzen. Or, les deux méritent d’être clairement distingués. Au Maroc comme ailleurs, la monarchie désigne le règne d’une personne et la dévolution de ce pouvoir personnel de façon héréditaire. En revanche, le Makhzen est un régime qui, historiquement, est unique au Maroc et qui, en tant que forme spécifique de gouvernance, se singularise par son caractère néo-patrimonial, par des pratiques de soumission et des réseaux de clientélisme et de contrôle social. De ce fait, le Makhzen peut être - et je pense “doit être” - abandonné (dans l’interview avec Stephen Smith, je disais même qu’il devait “mourir”) sans que cela tranche pour autant du sort de la monarchie. Maintenant, il est vrai que le pouvoir monarchique, s’il n’est que le “bon vouloir du prince”, peut faire obstacle à la démocratie, c’est-à-dire à la souveraineté populaire. De fait, au Maroc, ni la bey’a, ni la choura, ni l’admonestation n’ont servi de contre-poids efficaces aux tendances absolutistes de la monarchie marocaine. C’est pourquoi, dans mon esprit, la démocratie doit supplanter le Makhzen. Pour ce faire, la condition nécessaire, mais pas suffisante, est un nouveau contrat social qui redéfinisse les pouvoirs royaux d’unification et de représentation de la communauté nationale, ainsi que les prérogatives de la monarchie pour la sauvegarde nationale en cas de périls ou d’instabilité des majorités parlementaires ou du gouvernement. Or, le rôle moral du roi, référencé dans notre tradition comme étant celui du Commandeur des croyants, compte parmi ces moyens de représentation et de sauvegarde, dès lors que s’instaure une relation nouvelle entre le religieux et le politique. J’entends par là que la Commanderie des croyants devra exclure toute violence ou contrainte politique, sociale, administrative ou, a fortiori, militaire. Pour servir à la fois la nation et la démocratie, elle ne saurait être qu’un moyen d’orientation et de persuasion exercé au nom du bien supérieur du plus grand nombre. A ce titre, elle sera d’essence démocratique tout en protégeant notre pays, le Maroc, dans sa longue et continuelle traversée de l’Histoire. Voilà ma position, qui ne se résume donc pas à la suppression pure et simple de la Commanderie des croyants.
Je tiens à apporter ces précisions pour que le débat démocratique que connaît notre pays, et dont TelQuel est un forum important, ne souffre pas d’approximations ou de malentendus. Il m’importe également de réitérer ma position sur la diversité culturelle et la place de la langue amazighe au Maroc. J’ai toujours défendu la diversité culturelle de notre pays et le principe d’une reconnaissance claire de cette diversité. A ce titre, la nécessité de reconnaître constitutionnellement l’amazigh comme langue officielle, au même titre que l’arabe, est pour moi un acquis. Le principe ainsi posé, il reste toutefois à déterminer la meilleure voie à suivre pour garantir cette reconnaissance constitutionnelle. C’est à ce sujet que je me suis exprimé dans Le Débat sur la toile de fond plus large du Printemps arabe. J’y ai expliqué que, de mon point de vue, il en allait de cette revendication comme de toutes les revendications fondamentales, et fondamentalement justes, du mouvement social au Maroc, telles que l’instauration d’une monarchie parlementaire ou la séparation effective des pouvoirs. Partant, la garantie constitutionnelle pour l’amazigh comme langue officielle doit être tant dans sa forme que sur le fond démocratique, c’est-à-dire qu’elle doit couronner une volonté populaire au lieu d’être dictée, ou octroyée, d’en haut. Dans ce contexte, je ne me suis référé au Dahir berbère qu’en tant que précédent historique à éviter à tout prix. Car il ne faudrait pas que, une fois encore, des manœuvres politiciennes du Makhzen puissent instrumentaliser le bien de la diversité culturelle pour porter préjudice à un autre bien, à savoir l’unité nationale du Maroc, qui nous tient tous à cœur, quelle que soit la langue dans laquelle nous exprimons notre amour de la patrie.”
Telquel
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