Henri Alleg, de son vrai nom Harry Salem, est né à Londres le 20 juillet 1921. Journaliste franco-algérien, membre du PCF, il a été aussi ancien directeur d'Alger républicain. A plus de 90 ans, ce militant n’a rien perdu de sa verve. Il se livre dans cet entretien à notre collaboratrice.
De notre envoyée spéciale à Paris Sihem Oubraham
Henri Alleg, de son vrai nom Harry Salem, est né à Londres le 20 juillet 1921. Journaliste franco-algérien, membre du PCF, il a été aussi ancien directeur d'Alger républicain. A plus de 90 ans, ce militant n’a rien perdu de sa verve. Il se livre dans cet entretien à notre collaboratrice.
Nous sommes à la veille du 1er Novembre, cela évoque quoi pour vous ?
Henri Alleg : A cette époque, quand le 1er Novembre a éclaté, en vérité, certains qui sont encore vivants prétendent aujourd’hui qu’ils ont prévu et qu’ils savaient que ça allait se passer comme ça et par conséquent, le 1er novembre était un jour éblouissant. En réalité, ça n’a pas été, à mon avis, aussi clair, que certains veulent le dire. Quand il y a eu les premiers coups de feu, ceux qui, à l’époque, étaient en âge de réfléchir, dont j’étais (je le dis sans fierté), les gens qui étaient trop politisés, les gens qui étaient déjà en lutte pour une autre Algérie qui se battaient contre l’esprit colonial qui imbibait l’Algérie, qui luttaient contre le racisme et tout ce que les Algériens détestaient, se rendaient compte qu’il y avait quelque chose de nouveau qui commençait. C’est-à-dire qu’on commençait une période où les Algériens allaient refuser d’accepter le système colonial et ce que prétendait le gouvernement français. Lorsque François Mitterrand, qui était ministre du gouvernement, évidemment colonialiste, est venue en Algérie, sa conclusion après sa visite était que « l’Algérie était calme » et « qu’il n’y avait pas de problèmes énormes à régler », par conséquent « l’Algérie et la France allaient continuer ensemble ». Des déclarations qui démontrent le refus de comprendre que certains Français voulaient éviter que l’Algérie se tourne vers une orientation qui ressemble absolument à ce qu’avait été la vie du peuple vietnamien. Et bien, si la France refusait de comprendre qu’il y avait une chose de fondamental à changer et bien on arriverait à une situation, qui non seulement rappellerait mais ouvrirait la voie à ce que les Algériens choisissent la seule possibilité qui leur restait, c’est-à-dire la lutte armée. Comme cela a été le cas au Vietnam (en Indochine). Alors, je pense que lorsqu’on revoit ce qu’a été novembre pour les Algériens, les jeunes qui l’ont pas connu doivent y réfléchissent maintenant. C’était une date majeure pour l’Algérie.
Vous avez fait le choix d'épouser la cause algérienne alors que vous aviez à peine 20 ans, pourquoi ?
Ce n’est pas 20 ou 19 ans qui ont compté pour moi. C’est le fait que j’avais fait des études à Paris, dans un lycée français et dans ce lycée, on nous parlait de ce qu’était « l’empire français », tout en essayant d’exalter chez les jeunes Français la soif de défendre ce qui apparaissait comme « une chose remarquable » par rapport à tous les autres pays, c’était l’existence d’un « empire français ». On expliquait que l’empire était constitué de colonies françaises, toutes ces colonies étaient une joie pour ceux qui avaient été conquis par les troupes françaises d’être dans l’empire français, parce que c’est ainsi qu’ils pouvaient d’abord parler la langue française, qu’ils pouvaient, grâce à l’appartenance à l’empire français, développer des idées qui étaient celles de la Révolution française. Par conséquent, les personnes qui appartenaient à l’empire, que ce soit en Afrique noire, en Asie ou en Amérique, les jeunes Français devaient se réjouir de cette situation pour eux. Mais il y avait quelques organisations qui se levaient pour démolir cette idée, elles disaient : « Attendez, vous vous trompez. Le colonialisme, c’est l’oppression des gens qui ont été soi-disant conquis par le colonialisme pour leur bien. » Dans tous les pays qui ont étaient soumis au colonialisme français, ça été pour eux une catastrophe. Je suis arrivé en Algérie, non pas avec l’idée d’y rester, mais curieux de connaître ce pays. En descendant du bateau, il y avait des enfants pieds nus, en loques. Ils ne parlaient pas le français mais ils connaissaient, juste quelques mots pour proposer leurs prestations aux passagers européens. Celui qui arrivait de Paris, à qui on avait dit que les peuples qui étaient sous l’empire français avaient de la chance d’être colonisés est frappé par la découverte d’une autre réalité et des mensonges dont ils nous avaient nourris depuis longtemps. Il y avait à l’époque pour les gens qui voulaient voyager, des auberges de jeunesse. La seule qui existait dans le Maghreb, se trouvait à Alger. Dans cette auberge, il y avait des types qui arrivaient d’Europe et aussi d’Amérique, c’était un endroit pas cher et où il était possible de côtoyer des gens de l’extérieur au pays, mais en même temps, chose très surprenante, y avait quelques Algériens qui venaient et faisaient connaissance. Moi j’ai eu de la chance de tomber sur des jeunes Algériens qui n’étaient pas des étudiants et qui étaient charmés de pouvoir répondre aux questions qui étaient innocentes que des personnes comme moi pouvaient poser. Il ne m’ont pas dit directement qu’ils étaient membres du Parti du peuple algérien (PPA), mais sans dire qu’ils aimaient Messali car ils risquaient d’aller en prison. L’une de ces personnes avec qui j’étais très copain s’appelait Kateb, ce n’était pas Kateb Yacine, celui-là je l’ai connu après, c’était Mustapha Kateb qui n’était pas encore au théâtre. A cette époque il était postier. Assez rapidement je me suis débarrassé, peut-être pas de toutes, des idées des colonialistes français.
De notre envoyée spéciale à Paris Sihem Oubraham
Henri Alleg, de son vrai nom Harry Salem, est né à Londres le 20 juillet 1921. Journaliste franco-algérien, membre du PCF, il a été aussi ancien directeur d'Alger républicain. A plus de 90 ans, ce militant n’a rien perdu de sa verve. Il se livre dans cet entretien à notre collaboratrice.
Nous sommes à la veille du 1er Novembre, cela évoque quoi pour vous ?
Henri Alleg : A cette époque, quand le 1er Novembre a éclaté, en vérité, certains qui sont encore vivants prétendent aujourd’hui qu’ils ont prévu et qu’ils savaient que ça allait se passer comme ça et par conséquent, le 1er novembre était un jour éblouissant. En réalité, ça n’a pas été, à mon avis, aussi clair, que certains veulent le dire. Quand il y a eu les premiers coups de feu, ceux qui, à l’époque, étaient en âge de réfléchir, dont j’étais (je le dis sans fierté), les gens qui étaient trop politisés, les gens qui étaient déjà en lutte pour une autre Algérie qui se battaient contre l’esprit colonial qui imbibait l’Algérie, qui luttaient contre le racisme et tout ce que les Algériens détestaient, se rendaient compte qu’il y avait quelque chose de nouveau qui commençait. C’est-à-dire qu’on commençait une période où les Algériens allaient refuser d’accepter le système colonial et ce que prétendait le gouvernement français. Lorsque François Mitterrand, qui était ministre du gouvernement, évidemment colonialiste, est venue en Algérie, sa conclusion après sa visite était que « l’Algérie était calme » et « qu’il n’y avait pas de problèmes énormes à régler », par conséquent « l’Algérie et la France allaient continuer ensemble ». Des déclarations qui démontrent le refus de comprendre que certains Français voulaient éviter que l’Algérie se tourne vers une orientation qui ressemble absolument à ce qu’avait été la vie du peuple vietnamien. Et bien, si la France refusait de comprendre qu’il y avait une chose de fondamental à changer et bien on arriverait à une situation, qui non seulement rappellerait mais ouvrirait la voie à ce que les Algériens choisissent la seule possibilité qui leur restait, c’est-à-dire la lutte armée. Comme cela a été le cas au Vietnam (en Indochine). Alors, je pense que lorsqu’on revoit ce qu’a été novembre pour les Algériens, les jeunes qui l’ont pas connu doivent y réfléchissent maintenant. C’était une date majeure pour l’Algérie.
Vous avez fait le choix d'épouser la cause algérienne alors que vous aviez à peine 20 ans, pourquoi ?
Ce n’est pas 20 ou 19 ans qui ont compté pour moi. C’est le fait que j’avais fait des études à Paris, dans un lycée français et dans ce lycée, on nous parlait de ce qu’était « l’empire français », tout en essayant d’exalter chez les jeunes Français la soif de défendre ce qui apparaissait comme « une chose remarquable » par rapport à tous les autres pays, c’était l’existence d’un « empire français ». On expliquait que l’empire était constitué de colonies françaises, toutes ces colonies étaient une joie pour ceux qui avaient été conquis par les troupes françaises d’être dans l’empire français, parce que c’est ainsi qu’ils pouvaient d’abord parler la langue française, qu’ils pouvaient, grâce à l’appartenance à l’empire français, développer des idées qui étaient celles de la Révolution française. Par conséquent, les personnes qui appartenaient à l’empire, que ce soit en Afrique noire, en Asie ou en Amérique, les jeunes Français devaient se réjouir de cette situation pour eux. Mais il y avait quelques organisations qui se levaient pour démolir cette idée, elles disaient : « Attendez, vous vous trompez. Le colonialisme, c’est l’oppression des gens qui ont été soi-disant conquis par le colonialisme pour leur bien. » Dans tous les pays qui ont étaient soumis au colonialisme français, ça été pour eux une catastrophe. Je suis arrivé en Algérie, non pas avec l’idée d’y rester, mais curieux de connaître ce pays. En descendant du bateau, il y avait des enfants pieds nus, en loques. Ils ne parlaient pas le français mais ils connaissaient, juste quelques mots pour proposer leurs prestations aux passagers européens. Celui qui arrivait de Paris, à qui on avait dit que les peuples qui étaient sous l’empire français avaient de la chance d’être colonisés est frappé par la découverte d’une autre réalité et des mensonges dont ils nous avaient nourris depuis longtemps. Il y avait à l’époque pour les gens qui voulaient voyager, des auberges de jeunesse. La seule qui existait dans le Maghreb, se trouvait à Alger. Dans cette auberge, il y avait des types qui arrivaient d’Europe et aussi d’Amérique, c’était un endroit pas cher et où il était possible de côtoyer des gens de l’extérieur au pays, mais en même temps, chose très surprenante, y avait quelques Algériens qui venaient et faisaient connaissance. Moi j’ai eu de la chance de tomber sur des jeunes Algériens qui n’étaient pas des étudiants et qui étaient charmés de pouvoir répondre aux questions qui étaient innocentes que des personnes comme moi pouvaient poser. Il ne m’ont pas dit directement qu’ils étaient membres du Parti du peuple algérien (PPA), mais sans dire qu’ils aimaient Messali car ils risquaient d’aller en prison. L’une de ces personnes avec qui j’étais très copain s’appelait Kateb, ce n’était pas Kateb Yacine, celui-là je l’ai connu après, c’était Mustapha Kateb qui n’était pas encore au théâtre. A cette époque il était postier. Assez rapidement je me suis débarrassé, peut-être pas de toutes, des idées des colonialistes français.
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