La Guerre de Libération Nationale c'est aussi une multitude d'actes de courage à une échelle circonscrite mais qui, mis bout à bout, ont donné l'essentiel de cette grande force qui a libéré le pays du colonialisme.
"La Montagne et la Plaine" de Abdelhamid Benzine, est une série de récits authentiques très courts, qui relatent certains de ces faits. En voici un:
La guerre. Un commissariat de police. Une cellule. Un lycéen de 18 ans: Slimane.
Le soleil roulé en petits cylindres clignote sur le ciment hachuré du sol. Quand il couvrira la grosse tache noire sur le mur, il sera 11 heures...
Slimane regarde ses ongles en lambeaux, ses pieds gonflés, sa poitrine striée. Puis il fixe près de lui un tricot marin presque neuf, celui de Youcef, compagnon et ami de quelques jours, mort la veille sous la torture.
Slimane essaie de compter les jours qu'il a passés là et se demande combien de temps il peut encore tenir.
La lumière en barreaux clignote sur le ciment. Elle s'approche de la grosse tache noire sur le mur. Dans un bruit de ferraille, la cellule voisine vient de s'ouvrir. On entend des insultes, des cris.
Les pas s'approchent. Une clef tourne dans la porte de sa cellule, Slimane s'habille avec peine. Sur le mur, le soleil a entièrement couvert la grosse tache noire.
— Allez, debout là-dedans! Et que ça saute!
Difficilement, Slimane arrive à se mettre sur ses jambes. D’un coup de poing dans le dos, le policier le pousse vers la porte: plus vite que ça! " hurle-t-il.
• • •
Le lycéen est nu, allongé sur le dos, lié à un banc, les poignets et les chevilles attachés. Depuis plus d'une heure le courant électrique secoue son corps. Douleur, douleur. Mais, à toutes les questions, il répond: NON!
Les tortionnaires s'énervent. Ils ne le lâcheront pas avant qu’il ne parle. Ils ont tout leur temps; ils recommenceront tous les jours. Les policiers se relaient pour la besogne. Slimane n'en peut plus. Ils vont peut-être se calmer s'il dit quelque chose, un petit rien sans conséquence... Il fait signe qu'il va parler, reprend son souffle. On le fait asseoir.
— Il commence à comprendre!, dit un policier. Ce dernier, Slimane l'aperçoit vaguement, assis sur un autre banc. Et sur ce banc, son regard tombe sur des vêtements posés en tas. Il distingue son pantalon, sa chemise, son tricot, le tricot marin presque neuf que lui a laissé Youcef.
— Je ne sais rien!, dit alors Slitnane.
• • •
Slimane ne se souvient pas si c'est la dixième ou douzième séance. Jusqu'à présent, il a tenu bon. Malgré l'électricité, le nerf de bœuf, l'eau, le savon, le Crésyl. Que vont-ils encore inventer?
Dans la petite cour du commissariat, Slimane est suspendu par les poignets à une grosse poutre en fer. Une fois de plus, le soleil — comme s'il était leur complice — lance ses rayons comme des boulets sur la tête, et Slimane sent comme des fourmis qui creusent, creusent dans son crâne. Ses poignets vont éclater et plus il gigote, plus il a mal. Il saigne.
Le policier a l'air tout à fait indifférent. Il fume tranquillement à l’ombre assis sur un banc, une règle d'acier à la main.
Une heure... deux heures... La tête, les poignets, le sexe... toutes les fois que Slimane est évanoui, il est descendu, arrosé d'eau sale, jusqu'à ce qu'il se réveille. Puis comme il s'entête à ne rien dire, il est de nouveau suspendu et frappé jusqu'à évanouissement.
Trois heures... quatre heures.... d'autres heures... Évanouissement. Eau, gifles... Slimane reprend connaissance. Il saigne. Il souffre. Il fait signe qu'il veut parler, qu'il va parler. Le policier appelle son chef.
— Alors!, dit le chef. Tu te décides enfin, tête de mule! Tu veux qu'il t'arrive la même chose qu'à l'autre?
Slimane est dans le brouillard. De honte, il baisse la tête... et voit, à ses pieds, tout mouillé, son tricot, le tricot marin de son ami mort.
— Non, je ne sais rien! Rien!
"La Montagne et la Plaine" de Abdelhamid Benzine, est une série de récits authentiques très courts, qui relatent certains de ces faits. En voici un:
LE TRICOT
La guerre. Un commissariat de police. Une cellule. Un lycéen de 18 ans: Slimane.
Le soleil roulé en petits cylindres clignote sur le ciment hachuré du sol. Quand il couvrira la grosse tache noire sur le mur, il sera 11 heures...
Slimane regarde ses ongles en lambeaux, ses pieds gonflés, sa poitrine striée. Puis il fixe près de lui un tricot marin presque neuf, celui de Youcef, compagnon et ami de quelques jours, mort la veille sous la torture.
Slimane essaie de compter les jours qu'il a passés là et se demande combien de temps il peut encore tenir.
La lumière en barreaux clignote sur le ciment. Elle s'approche de la grosse tache noire sur le mur. Dans un bruit de ferraille, la cellule voisine vient de s'ouvrir. On entend des insultes, des cris.
Les pas s'approchent. Une clef tourne dans la porte de sa cellule, Slimane s'habille avec peine. Sur le mur, le soleil a entièrement couvert la grosse tache noire.
— Allez, debout là-dedans! Et que ça saute!
Difficilement, Slimane arrive à se mettre sur ses jambes. D’un coup de poing dans le dos, le policier le pousse vers la porte: plus vite que ça! " hurle-t-il.
• • •
Le lycéen est nu, allongé sur le dos, lié à un banc, les poignets et les chevilles attachés. Depuis plus d'une heure le courant électrique secoue son corps. Douleur, douleur. Mais, à toutes les questions, il répond: NON!
Les tortionnaires s'énervent. Ils ne le lâcheront pas avant qu’il ne parle. Ils ont tout leur temps; ils recommenceront tous les jours. Les policiers se relaient pour la besogne. Slimane n'en peut plus. Ils vont peut-être se calmer s'il dit quelque chose, un petit rien sans conséquence... Il fait signe qu'il va parler, reprend son souffle. On le fait asseoir.
— Il commence à comprendre!, dit un policier. Ce dernier, Slimane l'aperçoit vaguement, assis sur un autre banc. Et sur ce banc, son regard tombe sur des vêtements posés en tas. Il distingue son pantalon, sa chemise, son tricot, le tricot marin presque neuf que lui a laissé Youcef.
— Je ne sais rien!, dit alors Slitnane.
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Slimane ne se souvient pas si c'est la dixième ou douzième séance. Jusqu'à présent, il a tenu bon. Malgré l'électricité, le nerf de bœuf, l'eau, le savon, le Crésyl. Que vont-ils encore inventer?
Dans la petite cour du commissariat, Slimane est suspendu par les poignets à une grosse poutre en fer. Une fois de plus, le soleil — comme s'il était leur complice — lance ses rayons comme des boulets sur la tête, et Slimane sent comme des fourmis qui creusent, creusent dans son crâne. Ses poignets vont éclater et plus il gigote, plus il a mal. Il saigne.
Le policier a l'air tout à fait indifférent. Il fume tranquillement à l’ombre assis sur un banc, une règle d'acier à la main.
Une heure... deux heures... La tête, les poignets, le sexe... toutes les fois que Slimane est évanoui, il est descendu, arrosé d'eau sale, jusqu'à ce qu'il se réveille. Puis comme il s'entête à ne rien dire, il est de nouveau suspendu et frappé jusqu'à évanouissement.
Trois heures... quatre heures.... d'autres heures... Évanouissement. Eau, gifles... Slimane reprend connaissance. Il saigne. Il souffre. Il fait signe qu'il veut parler, qu'il va parler. Le policier appelle son chef.
— Alors!, dit le chef. Tu te décides enfin, tête de mule! Tu veux qu'il t'arrive la même chose qu'à l'autre?
Slimane est dans le brouillard. De honte, il baisse la tête... et voit, à ses pieds, tout mouillé, son tricot, le tricot marin de son ami mort.
— Non, je ne sais rien! Rien!
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