Près d’un tiers des quelque 12.000 salafistes français sont des catholiques ou protestants convertis. Suivant les préceptes des théologiens d’Arabie saoudite, ils portent la barbe et la djellaba du Prophète Mohamed. Egalement férus de high-tech. Terroristes ou non, ils sont assurés d’aller au paradis.
Cela prend plus ou moins de temps mais l’impétrant finit un jour par «se réveiller salafi, dormir salafi, penser salafi, manger salafi, bref vivre salafi». Comme cela est (presque) arrivé au chercheur Samir Amghar, dont l’ouvrage Le salafisme d’aujourd’hui. Mouvements sectaires en Occident, propose une immersion dans le quotidien des salafistes.
Pour nous, ces derniers se résument souvent à d’hâtives silhouettes croisées dans la rue. Hâtives, étonnantes, dérangeantes, effrayantes même. Mais Samir Amghar, lui, est allé bien au-delà. «J’ai développé une relation d’amour-haine avec eux, dont il a fallu que je m’extirpe pour retrouver l’objectivité du chercheur», reconnaît-il.
C’est au lendemain des attentats du 11 septembre 2001 que ce jeune sociologue décide de consacrer sa thèse de doctorat aux salafistes qu’on accuse d’être des proches d’al-Qaida. Samir Amghar ne conçoit pas son boulot de chercheur autrement que sur le terrain, immergé dans le matériel qu’il étudie, bien loin des tours d’ivoire académiques. Normal après tout, et signe de sérieux –excepté que son «objet», son «matériel» d’étude à lui est constitué par une véritable «organisation sectaire», l’un des groupes religieux les plus hermétiques qui soient.
Qu’est-ce qu’un salafiste (français)? Nous avons soumis à Samir Amghar neuf clichés qui circulent à propos de ces «musulmans primitifs».
1 L’habit fait le salafiste
VRAI. Le plus souvent, le salafiste porte une longue barbe, une calotte et un qamîs (djellaba) qui s’arrête au-dessus des chevilles comme en son temps le prophète Mohamed (VIIe siècle). Sa tenue a pour but de renouer avec les fondements de l’islam originel.
Les salafistes femmes revêtent le jilbâb, un voile ample à large emmanchure et de couleur sombre qui laisse le visage visible, ou bien le niqâb qui ne laisse découverts que les yeux ou encore le sitar qui leur permet de voir sans être vue. Elles peuvent y adjoindre des accessoires de marque, ceinture, sac et chaussures siglées. Porter du Chanel ou du Dior n’est pas en contradiction avec les valeurs religieuses qu’elles défendent.
D’ailleurs, la «mode salafiste» est à l’origine de certaines lignes de vêtements streetwear, comme Billal Wear, qui propose un look hybride entre la tenue islamique traditionnelle et la tenue américanisée hip hop des banlieues (baskets et jean qui laissent visibles les chevilles).
2 Un vrai musulman est salafiste
FAUX. Le salafiste peut être considéré comme un musulman ultra-orthodoxe. Un musulman qui considère que l’islam doit régir l’ensemble des comportements autant sacrés que profanes. Il a une approche littéraliste des versets coraniques. Il pense que le Coran doit être compris et appliqué à la lettre.
L’enseignement de Muhammad Ibn Abd al Wahhab, un théologien du XVIIIe, qui a tenté de revivifier l’islam des origines et domine le salafisme, forme aujourd’hui la doctrine officielle de l’Arabie saoudite.
Parmi l’ensemble des musulmans dans le monde, les salafistes représentent une minorité. Mais une minorité active. Cependant, de plus en plus de musulmans jugent leur pratique religieuse à l’aune de l’islam salafiste. Celui-ci est en passe de devenir la norme islamique mondiale.
3 On ne naît pas salafiste, on le devient
VRAI. On devient salafiste de son plein gré sans pression d’un quelconque gourou car on estime que c’est la voie la plus pure, celle qui incarne l’orthodoxie musulmane et qui garantit d’aller au paradis. Il n’y a pas de transmission de père à fils puisque les salafistes européens, âgés de 18 ans à 35 ans, sont un phénomène nouveau.
L’individu n’est pas victime d’un lavage de cerveau; il intériorise le fait que le salafisme est une norme religieuse légitime et s’autopersuade sur une base volontaire. A partir du moment où il fait le «minimum syndical» (aller à la prière, aux réunions, s’habiller comme un salafiste, etc) il est coopté par le groupe.
Devenir salafiste est une façon de refuser l’alternative «racaille ou assimilé type Rachida Dati», pour certains jeunes beurs. Ils retrouvent une fierté et une nouvelle identité. Les guerres en Irak, en Afghanistan et le conflit israélo-palestinien ont noirci l’image de l’islam et du salafisme auprès de l’opinion publique, mais en ont rehaussé le prestige dans les quartiers populaires qui tiennent leur «revanche» car le salafiste est redouté et fait peur.
En France, le mouvement salafiste compte un quart à un tiers de convertis, issus des milieux catholiques ou protestants, «français de souche», Antillais, Congolais, Zaïrois. Ces convertis sont souvent les plus radicaux car il leur faut «compenser» une vie qui n’a pas été musulmane jusqu’alors.
4 Salafisme et terrorisme vont de pair
FAUX. Tous les djihadistes (al-Qaida et affiliés) sont salafistes, mais tous les salafistes ne sont pas djihadistes.
Les salafistes ne sont pas forcément violents. Il y a même des branches salafistes qui condamnent de façon unanime la violence. Les salafistes «quiétistes» par exemple, qui sont légalistes et soumis au système législatif occidental quand bien même une norme contreviendrait à un principe religieux. Ainsi les salafistes quiétistes ont-ils appelé les musulmanes occidentales portant le voile à l’ôter si la loi l’exige.
Après les attentats du 11-Septembre, les salafistes quiétistes ont condamné toutes les formes de violence politique et d’actions terroristes. Certains exhortent même les musulmans occidentaux à collaborer avec les services de sécurité afin de dénoncer une personne ou une organisation qui voudrait commettre des attentats.
Une petite minorité de salafistes fait une lecture révolutionnaire de l’islam qui rendrait légitime l’usage de la violence. Le salafiste révolutionnaire se voit comme un «juste» combattant pour une cause légitime, l’instauration d’un Etat islamique qui préfigurera l’avènement de la justice de Dieu sur terre.
Depuis le 11 septembre 2001 à New York, toutes les tentatives d’attentat ont été évités –sauf en 2004 à Londres et en 2005 à Madrid. A Londres, le «seuil de tolérance» vis-à-vis des salafistes est plus élevé qu’en France. Chez nous, les pouvoirs publics sont secondés par la plupart des imams qui dirigent les mosquées et qui empêchent que des prédications violentes soient prononcées. De plus, les services de renseignements mènent un remarquable travail d’infiltration des milieux salafistes, en particulier dans les prisons.
Cela prend plus ou moins de temps mais l’impétrant finit un jour par «se réveiller salafi, dormir salafi, penser salafi, manger salafi, bref vivre salafi». Comme cela est (presque) arrivé au chercheur Samir Amghar, dont l’ouvrage Le salafisme d’aujourd’hui. Mouvements sectaires en Occident, propose une immersion dans le quotidien des salafistes.
Pour nous, ces derniers se résument souvent à d’hâtives silhouettes croisées dans la rue. Hâtives, étonnantes, dérangeantes, effrayantes même. Mais Samir Amghar, lui, est allé bien au-delà. «J’ai développé une relation d’amour-haine avec eux, dont il a fallu que je m’extirpe pour retrouver l’objectivité du chercheur», reconnaît-il.
C’est au lendemain des attentats du 11 septembre 2001 que ce jeune sociologue décide de consacrer sa thèse de doctorat aux salafistes qu’on accuse d’être des proches d’al-Qaida. Samir Amghar ne conçoit pas son boulot de chercheur autrement que sur le terrain, immergé dans le matériel qu’il étudie, bien loin des tours d’ivoire académiques. Normal après tout, et signe de sérieux –excepté que son «objet», son «matériel» d’étude à lui est constitué par une véritable «organisation sectaire», l’un des groupes religieux les plus hermétiques qui soient.
Qu’est-ce qu’un salafiste (français)? Nous avons soumis à Samir Amghar neuf clichés qui circulent à propos de ces «musulmans primitifs».
1 L’habit fait le salafiste
VRAI. Le plus souvent, le salafiste porte une longue barbe, une calotte et un qamîs (djellaba) qui s’arrête au-dessus des chevilles comme en son temps le prophète Mohamed (VIIe siècle). Sa tenue a pour but de renouer avec les fondements de l’islam originel.
Les salafistes femmes revêtent le jilbâb, un voile ample à large emmanchure et de couleur sombre qui laisse le visage visible, ou bien le niqâb qui ne laisse découverts que les yeux ou encore le sitar qui leur permet de voir sans être vue. Elles peuvent y adjoindre des accessoires de marque, ceinture, sac et chaussures siglées. Porter du Chanel ou du Dior n’est pas en contradiction avec les valeurs religieuses qu’elles défendent.
D’ailleurs, la «mode salafiste» est à l’origine de certaines lignes de vêtements streetwear, comme Billal Wear, qui propose un look hybride entre la tenue islamique traditionnelle et la tenue américanisée hip hop des banlieues (baskets et jean qui laissent visibles les chevilles).
2 Un vrai musulman est salafiste
FAUX. Le salafiste peut être considéré comme un musulman ultra-orthodoxe. Un musulman qui considère que l’islam doit régir l’ensemble des comportements autant sacrés que profanes. Il a une approche littéraliste des versets coraniques. Il pense que le Coran doit être compris et appliqué à la lettre.
L’enseignement de Muhammad Ibn Abd al Wahhab, un théologien du XVIIIe, qui a tenté de revivifier l’islam des origines et domine le salafisme, forme aujourd’hui la doctrine officielle de l’Arabie saoudite.
Parmi l’ensemble des musulmans dans le monde, les salafistes représentent une minorité. Mais une minorité active. Cependant, de plus en plus de musulmans jugent leur pratique religieuse à l’aune de l’islam salafiste. Celui-ci est en passe de devenir la norme islamique mondiale.
3 On ne naît pas salafiste, on le devient
VRAI. On devient salafiste de son plein gré sans pression d’un quelconque gourou car on estime que c’est la voie la plus pure, celle qui incarne l’orthodoxie musulmane et qui garantit d’aller au paradis. Il n’y a pas de transmission de père à fils puisque les salafistes européens, âgés de 18 ans à 35 ans, sont un phénomène nouveau.
L’individu n’est pas victime d’un lavage de cerveau; il intériorise le fait que le salafisme est une norme religieuse légitime et s’autopersuade sur une base volontaire. A partir du moment où il fait le «minimum syndical» (aller à la prière, aux réunions, s’habiller comme un salafiste, etc) il est coopté par le groupe.
Devenir salafiste est une façon de refuser l’alternative «racaille ou assimilé type Rachida Dati», pour certains jeunes beurs. Ils retrouvent une fierté et une nouvelle identité. Les guerres en Irak, en Afghanistan et le conflit israélo-palestinien ont noirci l’image de l’islam et du salafisme auprès de l’opinion publique, mais en ont rehaussé le prestige dans les quartiers populaires qui tiennent leur «revanche» car le salafiste est redouté et fait peur.
En France, le mouvement salafiste compte un quart à un tiers de convertis, issus des milieux catholiques ou protestants, «français de souche», Antillais, Congolais, Zaïrois. Ces convertis sont souvent les plus radicaux car il leur faut «compenser» une vie qui n’a pas été musulmane jusqu’alors.
4 Salafisme et terrorisme vont de pair
FAUX. Tous les djihadistes (al-Qaida et affiliés) sont salafistes, mais tous les salafistes ne sont pas djihadistes.
Les salafistes ne sont pas forcément violents. Il y a même des branches salafistes qui condamnent de façon unanime la violence. Les salafistes «quiétistes» par exemple, qui sont légalistes et soumis au système législatif occidental quand bien même une norme contreviendrait à un principe religieux. Ainsi les salafistes quiétistes ont-ils appelé les musulmanes occidentales portant le voile à l’ôter si la loi l’exige.
Après les attentats du 11-Septembre, les salafistes quiétistes ont condamné toutes les formes de violence politique et d’actions terroristes. Certains exhortent même les musulmans occidentaux à collaborer avec les services de sécurité afin de dénoncer une personne ou une organisation qui voudrait commettre des attentats.
Une petite minorité de salafistes fait une lecture révolutionnaire de l’islam qui rendrait légitime l’usage de la violence. Le salafiste révolutionnaire se voit comme un «juste» combattant pour une cause légitime, l’instauration d’un Etat islamique qui préfigurera l’avènement de la justice de Dieu sur terre.
Depuis le 11 septembre 2001 à New York, toutes les tentatives d’attentat ont été évités –sauf en 2004 à Londres et en 2005 à Madrid. A Londres, le «seuil de tolérance» vis-à-vis des salafistes est plus élevé qu’en France. Chez nous, les pouvoirs publics sont secondés par la plupart des imams qui dirigent les mosquées et qui empêchent que des prédications violentes soient prononcées. De plus, les services de renseignements mènent un remarquable travail d’infiltration des milieux salafistes, en particulier dans les prisons.
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