Ils étaient usés à quinze ans
Ils finissaient en débutant
Les douze mois s'appelaient décembre
Quelle vie ont eu nos grand-parents
Entre l'absinthe et les grand-messes
Ils étaient vieux avant que d'être
Quinze heures par jour le corps en laisse
Laissent au visage un teint de cendres
Oui notre Monsieur, oui notre bon Maître
Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?
Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?
On ne peut pas dire qu'ils furent esclaves
De là à dire qu'ils ont vécu
Lorsque l'on part aussi vaincu
C'est dur de sortir de l'enclave
Et pourtant l'espoir fleurissait
Dans les rêves qui montaient aux cieux
Des quelques ceux qui refusaient
De ramper jusqu'à la vieillesse
Oui notre bon Maître, oui notre Monsieur
Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?
Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?
Si par malheur ils survivaient
C'était pour partir à la guerre
C'était pour finir à la guerre
Aux ordres de quelque sabreur
Qui exigeait du bout des lèvres
Qu'ils aillent ouvrir au champ d'horreur
Leurs vingt ans qui n'avaient pu naître
Et ils mouraient à pleine peur
Tout miséreux oui notre bon Maître
Couverts de prèles oui notre Monsieur
Demandez-vous belle jeunesse
Le temps de l'ombre d'un souvenir
Le temps de souffle d'un soupir
Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?
Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?
«La guerre, un massacre de gens qui ne se connaissent pas, au profit de gens qui se connaissent mais ne se massacrent pas», Paul Valéry.
Une chanson en guise de célébration du 11 novembre : contre la supercherie nationaliste et à la mémoire de ces millions de jeunes soldats de diverses nationalités, dont des Algériens, des Marocains, des Sénégalais, des Français, des Allemands, des Britanniques, des Russes, des Autrichiens, des Italiens et autres qui ont été cyniquement menés aux abattoirs aux seules fins de satisfaire l’insatiable cupidité d’une infime minorité.
Jaurès a été tué parce qu'il a su montrer que l'exaltation du chauvinisme et de l'esprit revanchard cachait en fait le dessein des puissants de l'époque de redessiner les limites de leurs empires coloniaux respectifs à un moment où le partage du monde était quasiment achevé, de leurs champs de rapine et d'exploitation sauvage des peuples métropolitains et des colonies sous le masque de la civilisation et des valeurs bourgeoises.
Une célébration pour rappeler que l'on n'en a pas encore fini avec les guerres coloniales même si elles se drapent de nouveaux atours moins choquants et font appel à des techniques managériales plus modernes.