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"En Europe, on assiste à un vide politique dans lequel s'engouffre la spéculation"

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  • "En Europe, on assiste à un vide politique dans lequel s'engouffre la spéculation"

    Après la Grèce, la crise de la dette de la zone euro fait denouvelles victimes. Si l'Espagne semble pour le moment épargnée par les marchés, l'Italie se retrouve aujourd'hui au cœur de la tourmente et les rumeurs s'amplifient sur les difficultés qui attendront demain la France. Depuis le sommet du G20 à Cannes, les 3 et 4 novembre, l'Italie est entrée dans une zone de turbulences dont l'issue devrait être la chute du gouvernement Berlusconi, réclamée par les marchés. Et ce, malgré, un plan d'austérité acté durant l'été et qui a été voté au Sénat italien, vendredi 11 novembre.

    Le Monde.fr a interrogé Francesco Saraceno, économiste senior au département innovation et concurrence de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), le centre de recherche en économie de Sciences Po Paris, sur ce rôle crucial que joue la crédibilité politique dans l'opinion que se forgent les marchés sur la stabilité économique.

    A voir la façon dont les marchés cristallisent leur attention sur la personne de Silvio Berlusconi, peut-on dire que la crédibilité politique d'un gouvernement joue un rôle aussi important, si ce n'est plus, que sa gestion économique de la dette ?


    Effectivement, l'Italie est un pays qui connaît de grosses difficultés mais pas davantage que certains autres pays de la zone euro. Le fait nouveau en Italie n'est pas la dégradation de la situation économique, qui est identique à ce qu'elle était il y a six mois. Il y a une nouvelle donnée qui est l'accélération de la dette grecque. Mais le véritable fait nouveau en Italie est l'affaiblissement du gouvernement Berlusconi. Ce n'est pas tellement la faute personnelle de Berlusconi, c'est un cycle politique qui se termine. Le gouvernement Berlusconi n'a pas tenu ses promesses et s'est empêtré dans les affaires. Cela a créé un vide politique dans lequel les marchés se sont engouffrés.

    L'Italie réplique à l'échelle nationale ce que l'on observe à l'échelle européenne. On ne peut pas imaginer aujourd'hui un monde où il y ait une économie qui n'est pas gouvernée par une politique. En Europe, on assiste à un vide politique, un processus décisionnaire trop long pour les défis auxquels elle est confrontée. L'Europe est dans la tourmente non pas parce que ses fondamentaux sont radicalement pires que dans d'autres zones du monde, comme aux Etats-Unis, mais parce que contrairement aux Etats-Unis, on n'a pas une banque centrale qui fait son boulot, on n'a pas un gouvernement fédéral qui prend des décisions… Dans ce vide politique s'engouffre la spéculation. Il ne faut pas blâmer les spéculateurs qui font leur boulot mais les politiques qui ne sont pas capables de s'y opposer. Même un gouvernement faible comme le gouvernement Obama, mais qui a une ligne politique, arrive à confronter les marchés.

    La politique économique définie par le gouvernement Berlusconi pour faire face à la crise de la dette n'est donc pas la cause principale de la tourmente dans laquelle se trouve l'Italie ?

    Le plan de rigueur italien n'était pas si mal mais il prenait la même direction que le plan grec. Ce sont des plans qui visent uniquement à réduire les déficits sans rien faire pour la croissance. On ne peut pas espérer résoudre le problème européen seulement par l'austérité et la rigueur. Il faut qu'il y ait des plans de relance à court terme, accompagnés par des redressements budgétaires à moyen-long terme.

    Cela aurait été plus crédible et on aurait été financés à des taux plus bas que ce que l'on fait maintenant. Mais ce n'est pas l'Italie qui a choisi. C'est la ligne qui a été imposée par les institutions européennes, comme à la Grèce qui, affaiblie politiquement, a dû l'accepter. Un gouvernement plus fort aurait pu convaincre les marchés que c'était une ligne meilleure et que ça aurait rendu la dette plus soutenable. Le cas grec est probant : chaque six mois, il faut revoir à la baisse les prévisions de croissance car on est en train de lentement étouffer l'économie, et tous les six mois, les problèmes de finances publiques ressurgissent car la croissance est revue à la baisse.

    Je suis encore dans l'espoir qu'une éclaircie politique en Italie calme les marchés et fasse baisser ces fameux spreads [écart de taux entre les pays]. Et après, le nouveau gouvernement quel qu'il soit doit remettre le moteur en marche. Tout cela va permettre d'assumer la dette. Après, des actions substantielles seront nécessaires : que l'Europe décide de se mettre enfin au travail pour sortir de la crise et notamment que la Banque centrale européenne accepte de garantir la dette des pays membres. Donc, le problème à court terme est politique et à long terme, c'est un problème de politique économique. Il faudrait donc à terme un gouvernement politique, issu d'élections, ayant la crédibilité nécessaire pour faire des choix de long terme.

    Dans le cas de l'Espagne, est-ce la crédibilité politique du gouvernement Zapatero qui lui a permis d'être relativement épargnée par les marchés ?

    José Luis Rodriguez Zapatero a fait un choix très courageux car après avoir géré une crise dont il avait quelque peu hérité, il a fait le choix du changement. Il y a eu une certaine harmonie dans la série de mesures qui ont été passées, en accord, par les deux partis principaux et donc, une baisse considérable du niveau de conflit politique, chose qui rassure toujours les marchés. Sur les mesures, j'aurais beaucoup de choses à redire mais le signal qui a été donné est que l'on peut faire des choses tous ensemble. Après les prochaines élections législatives, il faudra que le nouveau gouvernement, probablement un gouvernement conservateur, nous dise ce qu'il compte faire pour sortir l'Espagne de ses problèmes structurels. On verra alors s'il arrive à rester à l'écart des pressions spéculatives ou s'il revient au cœur de la tourmente. Il sera alors jugé sur ses politiques et non plus seulement sur l'incertitude du cadre politique institutionnel.

    En demandant l'organisation d'un référendum sur le plan d'aide à la Grèce, Georges Papandréou a-t-il perdu toute crédibilité face aux marchés ?

    D'un côté, on peut y voir un signe de faiblesse : "je n'arrive plus à imposer mes politiques au parti, à la population, donc je jette l'éponge et ne décide pas". De l'autre, ça aurait pu être, au contraire, une façon de soulever le débat sur la question de savoir si ce type de choix ne doit pas être issu d'un processus démocratique. Il faut arrêter de penser aux marchés tout le temps. Cela nous a conduit à la crise et à une mauvaise gestion de la crise. C'est le marché qui dicte l'agenda alors qu'il faut que le politique reprenne le dessus. Le geste de Papandréou était pour moi une façon de dire que ni la Commission européenne ni les marchés ne décident de la politique grecque.

    C'était une tentative de faire au niveau grec ce que l'on aurait dû faire au niveau de la politique européenne en 2009 : défendre la Grèce. Au lieu de cela, on a dit que c'était des voyous et de ce fait, les marchés se sont lancés sur la Grèce, voyant qu'elle n'avait pas de soutien politique. Donc, c'est encore bien le manque de politique qui a créé tout le problème européen, ce ne sont pas les fondamentaux. Tous les pays, sauf peut-être la Grèce, auraient pu être sauvés par les autres pays s'il y avait eu une volonté politique, car aucun n'est en difficulté majeure, même pas l'Italie. Ce qui nous a enfoncés dans cette crise est le manque total de politique et une vision très idéologique de l'économie de la part des institutions économiques, notamment de la BCE.

    Certains prédisent qu'après l'Italie, ce sera au tour de la France de se retrouver au cœur de la tourmente. Qu'en pensez-vous ?


    Je pense que la politique de rigueur adoptée par la France n'est pas le bon choix, comme pour tous les autres pays. Mais, sinon, on a un gouvernement en fonction qui marche, qui prend des décisions qui sont plus ou moins justes, populaires. Je ne vois pas aujourd'hui un risque d'instabilité financière induite par la politique. C'est toujours délicat d'avoir des campagnes électorales en pleine turbulence économique mais aucun des deux partis majoritaires ne serait a priori pénalisé par les marchés. Il faudra voir, une fois finie la campagne électorale, ce que le gagnant met en place pour résoudre les problèmes de la France.

    Propos recueillis par Hélène Sallon

    le monde
    Dernière modification par soufiane-oujda, 11 novembre 2011, 18h40.

  • #2
    la france a des marges de manoeuvres le plan de 100 milliards est certes insuffisant mais ce pays a encore des ressources

    Commentaire

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