Wallah que cette photo me fait mal. Celle où l’on voit Abdekka, au sommet du gaz à Doha, côte à côte avec Abdeljalil, le Libyen. Elle me fait mal, parce que je suis un être grossièrement algérien. Je m’explique : certes, j’ai fait quelques petites études, certes, je manie le stylo un chouïa, certes, les deux hémisphères de mon cerveau ne sont pas complètement gelés, mais je reste algérien «Kh’chin». Oui ! Oui ! Je sais ! Pas la peine de me le préciser, la diplomatie ne se fait pas avec des êtres grossiers comme moi. Mais tout de même ! Un pays, ce n’est pas que de la diplomatie, non ? Un pays, c’est aussi une part – ya Sidi une toute petite part – de redjla, de frémissement d’un fond de dignité et de farouche envie de ne pas la voir traîner au sol, n’est-ce pas ? Non ? Je vois à votre regard dubitatif que vous n’êtes pas d’accord. Un pays, donc, ce serait selon vous, déclarer dans un premier temps, sur tous les toits du monde, que l’on ne s’acoquinera jamais avec untel, que l’on n’entretiendra pas de relations avec des gens au pedigree douteux, que l’on s’en tient à sa propre analyse d’une situation sans céder d’un pouce aux pressions fussent-elles portées par des avions de l’OTAN, pour, ensuite, après tout ce barouf et ce baroud aller embrasser le même pestiféré sur la bouche, à Doha ? Mon Dieu, décidément, je ne comprendrais rien à la diplomatie, ni à l’amour, du reste. Cet amour-là ! Même aux «Feux de l’amour» ou dans «Amour, gloire et beauté», des séries où les scénaristes osent pourtant des renversements… renversants et abracadabrantesques, ils ne se seraient pas permis un tel rebondissement : bonjour Abdeljalil ! Allez ! On s’embrasse ! Smack ! Smack ! Il ne s’est rien passé entre nous. Nous sommes les meilleurs amis du monde ! Quelle mystérieuse alchimie a réussi cette performance ? Comment en est-on arrivé là ? N’aurions-nous pas pu, dès le départ, dès l’encerclement de Benghazi et les promesses de Kadhafi de réduire en cendres cette ville et ses habitants, voler au secours des Libyens, reconnaître le CNT et l’aider ? Ça aurait tout de même économisé du temps, sacrément de temps ! Et puis, surtout, nous n’aurions pas eu besoin de nous faire prendre par la main par un cheikh qatari au bord de l’orgasme pétrolier parce qu’il a réussi à nous ramener «à la raison». Oui ! Oui ! Je sais ! Le Qatar est une monarchie pétrolière et gazière hyperpuissante et influente. Oui ! Oui ! Je sais, le Qatar, contrée sablonneuse, s’est construit en un rien de temps et est devenu une mégalopole courue par toute la planète d’argent. Mais dites-moi, bark : et nous, nous ne sommes pas une puissance pétrolière et gazière ? Ah ! D’accord ! Nous n’avons pratiquement rien fait de nos richesses. Bien au contraire, nous avons petit à petit transformé un verger en désert. Bon ! Présenté comme ça, vous avez peut-être raison. D’ailleurs, vous n’êtes pas les seuls à avoir raison, dans cette optique. Les Camerounais aussi ont eu raison. De ne pas venir jouer à Alger contre nos footballeurs. Eh oui, au point où nous en sommes, à ce degré de camouflets et de dégradation de notre note sur l’échelle de la dignité, même la formation de Noisy-le-Sec a le doit de nous snober. Quant au Qatar, peut-être aurons-nous l’insigne honneur de jouer contre leur équipe olympique B en 2034 ! Je fume du thé et je reste éveillé, le cauchemar continue.
Par Hakim Laâlam
Par Hakim Laâlam
Commentaire