Il fallait être naïf pour penser que le printemps arabe suivrait le cours pacifique et harmonieux des révolutions est-européennes de 1989. Ces révolutions avaient un objectif précis, pensé et structuré : remplacer un système - l'ordre communiste, imposé de l'extérieur - par un autre - la démocratie et l'économie de marché.
Les révoltes arabes, elles, visent d'abord à renverser des régimes autoritaires et corrompus, sans que les révolutionnaires se soient préalablement entendus sur l'étape suivante : la construction d'un nouvel ordre.
En Tunisie, qui n'est pas prisonnière de tensions ethniques, religieuses ou tribales, le processus de transition paraît bien enclenché. Après des élections exemplaires, l'Assemblée constituante se met en place et un exécutif représentant les trois principales formations issues du scrutin a été formé.
Le contraste qu'offre l'Egypte n'en est que plus saisissant. Au Caire, l'armée s'accroche au pouvoir : cet entêtement provoque un deuxième sursaut révolutionnaire - et violent. Contrairement à la Tunisie, en Egypte, l'armée est un pilier fondamental du pays. Les quatre présidents (Naguib, Nasser, Sadate et Moubarak) qui ont dirigé l'Egypte depuis la chute de la monarchie, en 1953, émanaient tous des rangs des militaires. Dotée d'un budget hors normes, renforcée par une aide américaine annuelle de 1,3 milliard de dollars, l'armée égyptienne n'est pas seulement un corps de défense : c'est aussi une puissance industrielle et agricole. Fin janvier, les généraux ont sacrifié Hosni Moubarak aux manifestants de la place Tahrir, mais ils n'entendaient leur abandonner ni le pouvoir ni leurs intérêts économiques. Le Conseil suprême des forces armées (CSFA) veut graver la prééminence des militaires dans un projet de Constitution qui les met à l'abri de tout contrôle civil.
Or les Egyptiens n'ont plus confiance. Après avoir obtenu le départ de Moubarak, ils exigent aujourd'hui celui du maréchal Tantaoui, ex-ministre de la défense de Moubarak et chef du CSFA.
Un calendrier a bien été mis en place pour la transition, et des élections législatives doivent commencer vendredi, mais les manifestants s'impatientent. L'annonce de la démission du gouvernement ne les a pas rassurés. Ils ne croient plus les militaires capables de céder le pouvoir.
Il est impératif que l'armée donne des garanties sur son engagement dans le processus de transition, si elle veut éviter que le pays ne sombre dans le chaos. Le monde arabe tout entier a les yeux tournés vers l'Egypte, dont l'évolution postrévolutionnaire a valeur de test à la fois pour les pays qui ont entamé des transformations politiques, et pour ceux qui résistent encore à la dynamique du changement.
La situation est d'autant plus fragile qu'un autre pays-clé de la région, la Syrie, est sur le point de basculer dans la guerre civile, avec tous les risques que cela comporte dans un environnement géopolitique explosif. Inévitable et souhaité, le printemps arabe connaît son heure de vérité.
le monde
Les révoltes arabes, elles, visent d'abord à renverser des régimes autoritaires et corrompus, sans que les révolutionnaires se soient préalablement entendus sur l'étape suivante : la construction d'un nouvel ordre.
En Tunisie, qui n'est pas prisonnière de tensions ethniques, religieuses ou tribales, le processus de transition paraît bien enclenché. Après des élections exemplaires, l'Assemblée constituante se met en place et un exécutif représentant les trois principales formations issues du scrutin a été formé.
Le contraste qu'offre l'Egypte n'en est que plus saisissant. Au Caire, l'armée s'accroche au pouvoir : cet entêtement provoque un deuxième sursaut révolutionnaire - et violent. Contrairement à la Tunisie, en Egypte, l'armée est un pilier fondamental du pays. Les quatre présidents (Naguib, Nasser, Sadate et Moubarak) qui ont dirigé l'Egypte depuis la chute de la monarchie, en 1953, émanaient tous des rangs des militaires. Dotée d'un budget hors normes, renforcée par une aide américaine annuelle de 1,3 milliard de dollars, l'armée égyptienne n'est pas seulement un corps de défense : c'est aussi une puissance industrielle et agricole. Fin janvier, les généraux ont sacrifié Hosni Moubarak aux manifestants de la place Tahrir, mais ils n'entendaient leur abandonner ni le pouvoir ni leurs intérêts économiques. Le Conseil suprême des forces armées (CSFA) veut graver la prééminence des militaires dans un projet de Constitution qui les met à l'abri de tout contrôle civil.
Or les Egyptiens n'ont plus confiance. Après avoir obtenu le départ de Moubarak, ils exigent aujourd'hui celui du maréchal Tantaoui, ex-ministre de la défense de Moubarak et chef du CSFA.
Un calendrier a bien été mis en place pour la transition, et des élections législatives doivent commencer vendredi, mais les manifestants s'impatientent. L'annonce de la démission du gouvernement ne les a pas rassurés. Ils ne croient plus les militaires capables de céder le pouvoir.
Il est impératif que l'armée donne des garanties sur son engagement dans le processus de transition, si elle veut éviter que le pays ne sombre dans le chaos. Le monde arabe tout entier a les yeux tournés vers l'Egypte, dont l'évolution postrévolutionnaire a valeur de test à la fois pour les pays qui ont entamé des transformations politiques, et pour ceux qui résistent encore à la dynamique du changement.
La situation est d'autant plus fragile qu'un autre pays-clé de la région, la Syrie, est sur le point de basculer dans la guerre civile, avec tous les risques que cela comporte dans un environnement géopolitique explosif. Inévitable et souhaité, le printemps arabe connaît son heure de vérité.
le monde
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