Les premiers véhicules de présérie sont déjà sur les chaînes d'assemblage. Renault s'apprête à inaugurer sa nouvelle usine de Tanger, qui va doper la famille low cost de Dacia déjà garnie. Un investissement de 1 milliard d'euros, qui risque de relancer le débat sur les délocalisations.
Dans l'extrême nord du Maroc, entre Tanger et Tétouan, à près de 40 kilomètres à vol d'oiseau des côtes espagnoles, les bulldozers se sont tus et les véhicules de présérie commencent à passer sur les chaînes d'assemblage flambant neuves. Des monospaces compacts baptisés « Lodgy », dernier-nés de la gamme Dacia. Ils seront bientôt exportés à plus de 90 % vers l'Europe et d'autres régions du monde, à partir du nouveau port Tanger Med situé à 27 kilomètres de là.
Dès janvier si tout se passe bien, le « go industriel » sera donné et ces véhicules seront fabriqués à la cadence nominale de 30 unités par heure, par 2.000 ouvriers marocains fraîchement formés, momentanément épaulés par 230 « commuters », des salariés d'autres sites de Renault, notamment en Roumanie et en France. Quatre mois plus tard, le Lodgy sera rejoint sur les chaînes par un utilitaire Dacia dérivé du même véhicule. Une concurrence frontale à l'horizon pour les produits Renault assemblés en France, vendus plus cher, Grand Scénic et Kangoo.
Ici, Renault n'a pas hésité à investir environ 1 milliard d'euros (dont 400 millions pour la première ligne) en vertu d'un accord ratifié avec le roi Mohammed VI par Carlos Ghosn à l'été 2007, avec une feuille de route explicite : construire « l'usine la plus compétitive du groupe, en termes de coût rendu au client ».
L'idée est simple : il s'agit de construire des véhicules à des conditions encore plus économiques qu'en Turquie ou en Roumanie. A une ou deux journées des côtes européennes par bateau. Pour cela, le royaume chérifien a déroulé le tapis rouge, prévoyant de nombreuses exemptions fiscales et mettant à disposition un vaste terrain de 314 hectares, plus un centre de formation. Autre argument de poids : les salaires des nouveaux ouvriers Renault ne dépassent pas 240 euros par mois.
Un challenge inédit pour le groupe : « On démarre des produits nouveaux dans un site nouveau », explique aux « Echos » Michel Faivre-Duboz, le directeur général de Renault au Maroc. C'est en effet la première fois, depuis 1998 avec l'usine de Curitiba au Brésil, que le constructeur bâtit un site à partir de rien, pour installer son système de production. Ses autres usines étrangères acquises entre-temps, en Corée du Sud, à Moscou ou à Pitesti en Roumanie, étaient utilisées avant lui par d'autres constructeurs.
Sur le site de Melloussa,au sud-est de Tanger, le chantier ne fut pas de tout repos. L'impact de la crise économique de 2009 a contraint le groupe à retarder les travaux d'une bonne année et Nissan, qui devait construire un petit utilitaire à côté du Lodgy, a déclaré forfait.
Les oueds canalisés
En outre, les pluies diluviennes, durant les hivers 2008 et 2009, ont sensiblement gêné le chantier. En cause, la pélite, cette argile noire friable qui se transforme en poudre sous les effets du ruissellement. Cinq mois de retard au total, qu'il a fallu rattraper courant 2010, avec l'aide d'équipes de Vinci, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Les oueds, au beau milieu du site, ont été canalisés dans des égouts ad hoc et le terrain raviné passé au bitume.
A terme, Tanger sera l'une des plus importantes usines du groupe. Car non content de la phase 1, qui représente déjà 220.000 mètres carrés de bâtiments (emboutissage, peinture, carrosserie, montage...), Renault a déjà dessiné la phase 2, dont les travaux débuteront dès avril prochain : 120.000 mètres carrés couverts supplémentaires, pour une mise en service prévue mi-2013.
Côté cadences, tout dépendra évidemment de la demande. La première ligne devrait tourner sur un rythme d'environ 70.000 véhicules l'an prochain, mais pourrait grimper par la suite à 170.000 unités. Et avec l'appoint de la deuxième ligne, la production totale pourrait atteindre quelque 250.000 véhicules par an en deux équipes, voire un maximum théorique de 340.000 en ajoutant une équipe de nuit.
Pour quels modèles ? Là aussi, Renault a vu grand :la première ligne assemblera le Lodgy et son dérivé fourgonnette, et la deuxième chaîne un modèle encore secret, plus un éventuel surplus des deux premiers. « Tout n'est pas gelé, nous aurons des outillages flexibles pour pouvoir passer plusieurs types de plates-formes », explique Michel Faivre-Duboz. Quant à Nissan, il y a encore une place pour lui si besoin.
Lesechos.fr
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