Il y a de l’effervescence depuis quelque temps. Les états-majors de certains partis politiques bouillonnent. Les médias écrits s’en font l’écho. Il y a une dynamique intellectuelle dont l’objet est l’éventuelle révision constitutionnelle.
Le FLN a même ficelé pour ce faire, un projet d’amendement de la loi fondamentale de l’Etat, tenu secret, qu’il compte soumettre à Monsieur le Président de la République, après son adoption par l’instance délibérative du parti, début juin, selon son secrétaire général et fraîchement Premier ministre. Le chef d’El-Islah, également, désigne dans son projet les contours d’une réécriture de la première loi de la République.
Mais, au-delà des formes de gouvernement proposées, des techniques et des théories constitutionnelles, de préférence pour le régime présidentiel, mono ou bicéphale, ou bien parlementaire, mono ou bicaméral, pour les uns. Et de réviser les lois, décrets, arrêtés, pour les rendre conformes au Coran et à la Sunna. Ainsi que de différencier les méthodes d’enseignement des garçons et des filles. Ou de limiter l’emploi des femmes à l’éducation et à la santé féminine (*) des autres.
Il y a une question qui intéresse l’opinion publique lambda en général, au point où elle en fait une exclusive fixette: Quel sort est-il réservé au 2ème alinéa de l’article 74 de la Constitution de 1996 qui dispose: «La durée du mandat présidentiel est de 5 cinq ans. Le président de la République est rééligible une seule fois».
L’opinion publique algérienne friande de la curiosité croustillante de la chose politique, cherche particulièrement des réponses dans des faisceaux d’informations pas toujours saisissables. Pour les constitutionnalistes, les révisions des constitutions sont le signe de la santé de celles-ci, bien plus que les symptômes de leurs imperfections, défauts et malfaçons. C’est le droit qui doit s’adapter aux dynamiques, aux mutations et aux changements sociétaux. La constitution, c’est le cadre légal qui agence et qui structure la démocratie, dans ses institutions, dans les droits et libertés des citoyens et leurs devoirs. Dans les différents pouvoirs, dans les contrôles et aussi dans les mécanismes de sa révision. Et comme la perfection n’est pas de ce monde, la démocratie et toutes les constitutions écrites, oeuvres humaines, restent imparfaites et demeurent par conséquent perfectibles. Ensuite, tout dépend des desseins et projets des initiateurs des amendements - généralement l’exécutif - d’une part, et du degré, des pouvoirs et des latitudes qu’ont les citoyens électeurs, pour entériner ou rejeter les amendements et les réformes qu’ils induisent, d’une autre. Somme toute, les révisions constitutionnelles sont dans l’ordre des choses.
Cependant, certains, chez nous, n’hésitent pas à ériger les révisions qu’ont connues les différentes constitutions depuis celles de 1963, de 1976, de 1989 et peut-être celle de 1996 bientôt, en une instabilité politique. Et précipitamment font le parallèle avec les Etats-Unis d’Amérique qui gardent la même constitution depuis 1787. Effectivement, la constitution US a été rédigée il y a plus de 200 ans. Elle a été signée par les délégués des Etats présents à la convention du 17 septembre 1787, ratifiée par les Etats en 1788 et mise en vigueur le 04 mars 1789. Oui également, et il faut le mentionner, depuis plus de deux siècles la constitution des Etats-Unis n’est pas restée figée, ni immuable. Cette constitution qui compte 7 articles a connu depuis 1787, 27 amendements dont 12 au 20ème siècle. Plus longs, plus riches et surtout plus adaptés à leur temps que ne l’étaient les 7 articles initiaux. Ces derniers ne prévoyaient aucun des droits des citoyens américains, et il faudra attendre le 15 décembre 1791 pour que le Bill of Rights instituant ces droits, soit adopté par les amendements du 1er au 10ème. Et pour exemplifier, il y a eu en 1865 le 13ème amendement qui abolissait l’esclavage en 1870, le 15ème qui établissait l’égalité des votes des Blancs et des Noirs. Ces deux amendements n’ont pu être proposés et adoptés qu’après la fin de la Guerre de Sécession. D’où l’adaptation du droit aux données sociales nouvelles. Ainsi, est-il erroné d’affirmer que les Etats-Unis gardent la même constitution depuis 1787 et qu’elle n’a pas connu de modifications. Certainement, cette dernière détient le record de longévité de toutes les constitutions écrites du monde, mais cette prouesse, si tant est qu’elle en soit une, s’explique par le fait que les 27 amendements se sont ajoutés au texte originel sans en modifier, ni la structure, ni la teneur. Ils peuvent invalider des parties du texte premier, mais celles-ci demeurent écrites dans le corps de la constitution. Donc, cette longue durée de vie de la constitution n’est pas due aux attributs sui generis de cette dernière qui seraient éternels et valables en tout temps. Et la preuve de cela est matérialisée par le 21ème amendement qui abroge expressément le 18ème amendement portant prohibition des boissons alcoolisées, leur fabrication, leur vente, leur transport, leur importation et leur exportation, et qui met fin à cette prohibition. En relation avec notre propos, un autre cas d’amendement est venu réglementer le mandat présidentiel. En 1951, le 22ème amendement avait limité la législature présidentielle à un mandat d’une durée de quatre ans renouvelable une seule fois. A l’époque, il s’était agi de consacrer par la constitution, une coutume fixée par le premier président des Etats-Unis: George Washington qui accomplit deux mandats en cette qualité 1789-1797. Cet usage, strictement observé depuis, a été enfreint entre 1940 et 1944 par le 32ème président Franklin Delano Roosevelt qui fit, lui, trois mandats complets 1932-1944, et il entama brièvement un quatrième, interrompu par son décès.
En son article 5, la constitution US prévoit les mécanismes de son amendement. Elle est, comme toutes les constitutions du monde, objet, quand il est nécessaire, d’amendements, sauf que les procédures de révision et les méthodes de réformes lui sont propres et uniques. La constitution algérienne est amendée selon une autre technique aussi efficace. Cependant, la relation des Algériens à leur constitution n’est pas la même que celle qu’ont les Américains à l’endroit de la leur: presque sacrée.
La flexibilité et la disponibilité de la constitution US à accepter le nouveau sans se défaire de l’ancien, sauvegardant, au sens littéral et bureautique du terme, le texte initial et lui adjoindre les amendements, a son origine dans l’historique de l’émergence des Etats-Unis, qui ont gardé une constance idéologique portée par l’esprit philosophique des penseurs du 18ème siècle, tel John Locke, des travaux duquel s’est inspiré Montesquieu. Ils n’ont connu ni les oppositions, ni les crises politiques, ni les revers provoqués par les anciennes aristocraties en perte de vitesse, de privilèges et hostiles à ces idées dans les pays d’Europe du 19ème siècle.
L’héritage des autres
Cette intangibilité quasi religieuse de la constitution US est aussi liée à sa perception par tous les Américains qui la considèrent comme l’acte fondateur et de naissance de la Nation américaine. D’ailleurs elle est vénérée au point où les présidents des Etats-Unis et tous les officiels prêtent serment non sur la constitution, mais à la constitution. Dans le même sens ayant trait au mandat présidentiel, plus proche de nous, le système français qui institua le septennat par la loi du 20 novembre 1873 l’a maintenu jusqu’en 2002. Après cette modification, le mandat présidentiel français ouvert a été ramené à 5 ans. Cet amendement a été dicté par les difficultés induites par le décalage qu’il y a entre les élections législatives chaque 5 ans et l’élection présidentielle chaque 7 ans, ce qui a débouché deux fois au moins sur des situations de coexistence aux commandes de l’Etat d’un président et d’un gouvernement de tendances politiques opposées. Ce fut la cohabitation avec son lot de mésententes, de dissensions et de désaccords, préjudiciables aux affaires des citoyens.
Pour faire coïncider les deux élections, présidentielle et législatives, le quinquennat a été institué en France. Donc, la durée des constitutions écrites, et leur permanence, le cas US y compris, ne sont pas dues à leur intemporalité, mais à leur capacité à s’adapter à leur temps et recevoir des révisions et des amendements conjoncturels. La reconduction par la constitution algérienne de 1996 d’un mandat présidentiel de 5 ans et l’introduction d’une nouveauté, par rapport à toutes celles qu’a connues le pays depuis 1962, que le président de la République ne sera désormais rééligible qu’une seule fois, est un emprunt au 22ème amendement de la constitution US.
Le FLN a même ficelé pour ce faire, un projet d’amendement de la loi fondamentale de l’Etat, tenu secret, qu’il compte soumettre à Monsieur le Président de la République, après son adoption par l’instance délibérative du parti, début juin, selon son secrétaire général et fraîchement Premier ministre. Le chef d’El-Islah, également, désigne dans son projet les contours d’une réécriture de la première loi de la République.
Mais, au-delà des formes de gouvernement proposées, des techniques et des théories constitutionnelles, de préférence pour le régime présidentiel, mono ou bicéphale, ou bien parlementaire, mono ou bicaméral, pour les uns. Et de réviser les lois, décrets, arrêtés, pour les rendre conformes au Coran et à la Sunna. Ainsi que de différencier les méthodes d’enseignement des garçons et des filles. Ou de limiter l’emploi des femmes à l’éducation et à la santé féminine (*) des autres.
Il y a une question qui intéresse l’opinion publique lambda en général, au point où elle en fait une exclusive fixette: Quel sort est-il réservé au 2ème alinéa de l’article 74 de la Constitution de 1996 qui dispose: «La durée du mandat présidentiel est de 5 cinq ans. Le président de la République est rééligible une seule fois».
L’opinion publique algérienne friande de la curiosité croustillante de la chose politique, cherche particulièrement des réponses dans des faisceaux d’informations pas toujours saisissables. Pour les constitutionnalistes, les révisions des constitutions sont le signe de la santé de celles-ci, bien plus que les symptômes de leurs imperfections, défauts et malfaçons. C’est le droit qui doit s’adapter aux dynamiques, aux mutations et aux changements sociétaux. La constitution, c’est le cadre légal qui agence et qui structure la démocratie, dans ses institutions, dans les droits et libertés des citoyens et leurs devoirs. Dans les différents pouvoirs, dans les contrôles et aussi dans les mécanismes de sa révision. Et comme la perfection n’est pas de ce monde, la démocratie et toutes les constitutions écrites, oeuvres humaines, restent imparfaites et demeurent par conséquent perfectibles. Ensuite, tout dépend des desseins et projets des initiateurs des amendements - généralement l’exécutif - d’une part, et du degré, des pouvoirs et des latitudes qu’ont les citoyens électeurs, pour entériner ou rejeter les amendements et les réformes qu’ils induisent, d’une autre. Somme toute, les révisions constitutionnelles sont dans l’ordre des choses.
Cependant, certains, chez nous, n’hésitent pas à ériger les révisions qu’ont connues les différentes constitutions depuis celles de 1963, de 1976, de 1989 et peut-être celle de 1996 bientôt, en une instabilité politique. Et précipitamment font le parallèle avec les Etats-Unis d’Amérique qui gardent la même constitution depuis 1787. Effectivement, la constitution US a été rédigée il y a plus de 200 ans. Elle a été signée par les délégués des Etats présents à la convention du 17 septembre 1787, ratifiée par les Etats en 1788 et mise en vigueur le 04 mars 1789. Oui également, et il faut le mentionner, depuis plus de deux siècles la constitution des Etats-Unis n’est pas restée figée, ni immuable. Cette constitution qui compte 7 articles a connu depuis 1787, 27 amendements dont 12 au 20ème siècle. Plus longs, plus riches et surtout plus adaptés à leur temps que ne l’étaient les 7 articles initiaux. Ces derniers ne prévoyaient aucun des droits des citoyens américains, et il faudra attendre le 15 décembre 1791 pour que le Bill of Rights instituant ces droits, soit adopté par les amendements du 1er au 10ème. Et pour exemplifier, il y a eu en 1865 le 13ème amendement qui abolissait l’esclavage en 1870, le 15ème qui établissait l’égalité des votes des Blancs et des Noirs. Ces deux amendements n’ont pu être proposés et adoptés qu’après la fin de la Guerre de Sécession. D’où l’adaptation du droit aux données sociales nouvelles. Ainsi, est-il erroné d’affirmer que les Etats-Unis gardent la même constitution depuis 1787 et qu’elle n’a pas connu de modifications. Certainement, cette dernière détient le record de longévité de toutes les constitutions écrites du monde, mais cette prouesse, si tant est qu’elle en soit une, s’explique par le fait que les 27 amendements se sont ajoutés au texte originel sans en modifier, ni la structure, ni la teneur. Ils peuvent invalider des parties du texte premier, mais celles-ci demeurent écrites dans le corps de la constitution. Donc, cette longue durée de vie de la constitution n’est pas due aux attributs sui generis de cette dernière qui seraient éternels et valables en tout temps. Et la preuve de cela est matérialisée par le 21ème amendement qui abroge expressément le 18ème amendement portant prohibition des boissons alcoolisées, leur fabrication, leur vente, leur transport, leur importation et leur exportation, et qui met fin à cette prohibition. En relation avec notre propos, un autre cas d’amendement est venu réglementer le mandat présidentiel. En 1951, le 22ème amendement avait limité la législature présidentielle à un mandat d’une durée de quatre ans renouvelable une seule fois. A l’époque, il s’était agi de consacrer par la constitution, une coutume fixée par le premier président des Etats-Unis: George Washington qui accomplit deux mandats en cette qualité 1789-1797. Cet usage, strictement observé depuis, a été enfreint entre 1940 et 1944 par le 32ème président Franklin Delano Roosevelt qui fit, lui, trois mandats complets 1932-1944, et il entama brièvement un quatrième, interrompu par son décès.
En son article 5, la constitution US prévoit les mécanismes de son amendement. Elle est, comme toutes les constitutions du monde, objet, quand il est nécessaire, d’amendements, sauf que les procédures de révision et les méthodes de réformes lui sont propres et uniques. La constitution algérienne est amendée selon une autre technique aussi efficace. Cependant, la relation des Algériens à leur constitution n’est pas la même que celle qu’ont les Américains à l’endroit de la leur: presque sacrée.
La flexibilité et la disponibilité de la constitution US à accepter le nouveau sans se défaire de l’ancien, sauvegardant, au sens littéral et bureautique du terme, le texte initial et lui adjoindre les amendements, a son origine dans l’historique de l’émergence des Etats-Unis, qui ont gardé une constance idéologique portée par l’esprit philosophique des penseurs du 18ème siècle, tel John Locke, des travaux duquel s’est inspiré Montesquieu. Ils n’ont connu ni les oppositions, ni les crises politiques, ni les revers provoqués par les anciennes aristocraties en perte de vitesse, de privilèges et hostiles à ces idées dans les pays d’Europe du 19ème siècle.
L’héritage des autres
Cette intangibilité quasi religieuse de la constitution US est aussi liée à sa perception par tous les Américains qui la considèrent comme l’acte fondateur et de naissance de la Nation américaine. D’ailleurs elle est vénérée au point où les présidents des Etats-Unis et tous les officiels prêtent serment non sur la constitution, mais à la constitution. Dans le même sens ayant trait au mandat présidentiel, plus proche de nous, le système français qui institua le septennat par la loi du 20 novembre 1873 l’a maintenu jusqu’en 2002. Après cette modification, le mandat présidentiel français ouvert a été ramené à 5 ans. Cet amendement a été dicté par les difficultés induites par le décalage qu’il y a entre les élections législatives chaque 5 ans et l’élection présidentielle chaque 7 ans, ce qui a débouché deux fois au moins sur des situations de coexistence aux commandes de l’Etat d’un président et d’un gouvernement de tendances politiques opposées. Ce fut la cohabitation avec son lot de mésententes, de dissensions et de désaccords, préjudiciables aux affaires des citoyens.
Pour faire coïncider les deux élections, présidentielle et législatives, le quinquennat a été institué en France. Donc, la durée des constitutions écrites, et leur permanence, le cas US y compris, ne sont pas dues à leur intemporalité, mais à leur capacité à s’adapter à leur temps et recevoir des révisions et des amendements conjoncturels. La reconduction par la constitution algérienne de 1996 d’un mandat présidentiel de 5 ans et l’introduction d’une nouveauté, par rapport à toutes celles qu’a connues le pays depuis 1962, que le président de la République ne sera désormais rééligible qu’une seule fois, est un emprunt au 22ème amendement de la constitution US.
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