Pour certains, le MSP est une confrérie de bienfaiteurs. Pour d’autres, un club fermé d’entrepreneurs. En vue des prochaines législatives, pour lesquelles le MSP espère rafler la majorité, d’ anciens mécènes et de nouveaux pourvoyeurs de fonds frappent à la porte du parti islamiste. Le cheikh Bouguerra Soltani se frotte déjà les mains. La saison des enchères (et des bonnes affaires) vient de commencer. Enquête.
«Je vais adhérer au MSP car Bouguerra Soltani sera le futur Premier ministre !» Rachid*, 31 ans, fils d’un notable d’El Eulma, importateur installé à El Hamiz, est sûr de ce qu’il avance. Rencontré à Draria, un quartier très fréquenté par les militants du parti islamiste, ce jeune importateur est passé en cinq ans par le FLN, du temps où Abdelaziz Belkhadem était chef de gouvernement, puis par le RND dont le patron Ahmed Ouyahia est toujours Premier ministre. Rachid scrute la moindre information sur les prochaines législatives. Grâce à ses relais, hauts placés, il croit savoir que «le MSP va remporter les prochaines législatives, que ce soit la presse ou les informations que j’ai pu obtenir de mes amis hauts gradés, Bouguerra Soltani est pressenti, voire même soutenu pour mener le prochain gouvernement», révèle-t-il. Une occasion pour Rachid de se replacer et de s’inscrire dans une nouvelle aventure politico-financière. «Vous savez, par le passé, nous, les importateurs, étions sollicités par de nombreuses formations politiques, notamment le FLN et le RND, pour leur apporter notre soutien. Le MSP a toujours été un club fermé constitué d’entrepreneurs maison, d’importateurs, de gros commerçants et d’agriculteurs. Aujourd’hui, le MSP veut élargir sa base, ses responsables savent pertinemment que les membres de leurs club ne leur suffisent pas», nous renseigne-t-il.
Portefeuilles
La connexion entre le MSP et les réseaux d’affaires ne date pas d’hier, puisque, à l’époque de Mahfoud Nahnah, décédé en 2003, des alliances se concluaient déjà entre des commerçants, des bijoutiers, des chefs d’entreprise… pour la plupart issus de Blida, la région natale de Nahnah. La plus célèbre : l’alliance avec l’homme d’affaires Djilali Mehri que l’ex-Hamas avait soutenu, en candidat indépendant à El Oued. Ou encore sa relation avec la banque Al Baraka. Depuis, le MSP ne cesse d’attirer les affairistes de tous bords. Ce phénomène a atteint son paroxysme lorsque le parti islamiste est entré dans le gouvernement de coalition en 1999, lors du premier mandat de Abdelaziz Bouteflika. Les commerçants ont compris alors que le MSP va devenir puissant. «A l’époque, on ne pensait pas que le Hamas puisse intégrer le gouvernement et que quelques années plus tard, il gérerait de gros portefeuilles ministériels comme ceux du Commerce ou des Travaux publics», se souvient un entrepreneur de Médéa, rencontré dans un restaurant à Draria, lors de notre enquête. «Nahnah ne m’appréciait pas vraiment. Il a profité de mon soutien financier sans jamais m’offrir quoi que ce soit en retour, car j’avais osé un jour critiquer ses nouvelles orientations politiques. Et j’ai été écarté pendant longtemps des rangs du MSP», raconte-t-il. Avec Bouguerra Soltani, les choses semblent avoir beaucoup changé.
«Confrérie»
«L’actuel patron du MSP navigue dans le milieu des affaires et nombreux sont ceux qui ont renoué le contact avec le parti pour cette raison. Aujourd’hui, ils lui vouent fidélité, loyauté et allégeance. De son côté, Soltani a compris que sans le soutien des hommes d’affaires, pourvoyeurs de financements pour sa formation, il n’aurait pu asseoir une notoriété et affirmer son autorité au sein du parti», explique notre entrepreneur. Au fil des années, Hamas devenu Hems a mué en un réseau d’affaires aux ramifications sans frontières, qu’un haut gradé de l’armée qualifie de «confrérie de bienfaiteurs». Une transformation facilitée par le fait que le MSP a accaparé depuis plus de dix ans des départements à gros budget, tels que le commerce, les travaux publics, le tourisme et la pêche. Des secteurs où l’Etat avait et continue d’investir des sommes colossales. Des «chasses gardées» du MSP, selon les termes de nos interlocuteurs. En précisant que ces propos n’engagent que lui, notre cadre militaire s’interroge : «On se demande comment il est possible que le MSP ait pu accaparer de tels départements où l’argent coule à flots ? Je pense que le clan Bouteflika mène depuis longtemps une réelle stratégie de soutien au MSP. En contrepartie d’un appui politique au sein de l’Alliance présidentielle. Une sorte de partenariat gagnant-gagnant, puisque les deux parties ont bénéficié des échanges de bons procédés, ils sont tous deux inscrits dans le secteur des affaires, une bonne base pour consolider les rapports», analyse le militaire. Mustapha, la quarantaine, entrepreneur des travaux publics, a fait sa carrière avec «les gens du MSP». Après insistance, il accepte de nous parler. «En 1997, je n’avais pas beaucoup de moyens. J’ai été sollicité par le chef des scouts de mon quartier pour apporter une contribution au Hamas. Il a fini par me convaincre, j’ai dû verser 40 000 DA, raconte-il.
«Générosité»
Après les élections, alors que j’avais perdu contact avec ce jeune, j’en ai conclu que cétait une escroquerie et me suis juré de ne plus faire confiance aux gens du Hamas.» Mais quelques années après, cet entrepreneur entre en conflit avec les autorités locales pour non paiement de ses créances. Grâce à un élu MSP, il obtient gain de cause et récupère son chèque. «J’ai fait savoir à cet élu que j’étais un donateur du Hamas. J’ai exposé ma situation, il a bien compris et vite fait, je me suis vu accorder nombre de chantiers jusqu’à partager avec d’autres amis entrepreneurs. Je versais des sommes importantes dans les caisses du MSP à titre de cotisations annuelles», confie-t-il. Au fur et à mesure, notre entrepreneur grimpe et atteint le sommet de la hiérarchie du parti. Il noue des relations solides avec de hauts responsables issus du MSP. «J’ai obtenu des marchés importants dans les travaux publics, dans la pêche, la réhabilitation d’immeubles», poursuit notre interlocuteur. Ils seraient une centaine à avoir ainsi bénéficié de la «générosité» du MSP. Dahmane, importateur, grâce à ses connexions avec le MSP, a pénétré l’une des agences étatiques les plus sollicitées actuellement : l’Office national interprofessionnel du lait et dérivés. «Les frères du MSP m’ont beaucoup aidé à faire prospérer mon business. J’ai bénéficié, à l’instar d’autres collègues, de quotas importants pour la fourniture de l’ONIL en lait en poudre», révèle-t-il. Les témoignages que nous avons pu recueillir lors de notre enquête, mènent tous à une seule conclusion : «Avec le MSP, on peut faire des affaires en toute loyauté, ces gens ont le sens des affaires, du partage, de la solidarité.» Le MSP, qui se pose actuellement en machine électorale, attire les convoitises, les appétits, en gros le mécénat.
( à suivre)
«Je vais adhérer au MSP car Bouguerra Soltani sera le futur Premier ministre !» Rachid*, 31 ans, fils d’un notable d’El Eulma, importateur installé à El Hamiz, est sûr de ce qu’il avance. Rencontré à Draria, un quartier très fréquenté par les militants du parti islamiste, ce jeune importateur est passé en cinq ans par le FLN, du temps où Abdelaziz Belkhadem était chef de gouvernement, puis par le RND dont le patron Ahmed Ouyahia est toujours Premier ministre. Rachid scrute la moindre information sur les prochaines législatives. Grâce à ses relais, hauts placés, il croit savoir que «le MSP va remporter les prochaines législatives, que ce soit la presse ou les informations que j’ai pu obtenir de mes amis hauts gradés, Bouguerra Soltani est pressenti, voire même soutenu pour mener le prochain gouvernement», révèle-t-il. Une occasion pour Rachid de se replacer et de s’inscrire dans une nouvelle aventure politico-financière. «Vous savez, par le passé, nous, les importateurs, étions sollicités par de nombreuses formations politiques, notamment le FLN et le RND, pour leur apporter notre soutien. Le MSP a toujours été un club fermé constitué d’entrepreneurs maison, d’importateurs, de gros commerçants et d’agriculteurs. Aujourd’hui, le MSP veut élargir sa base, ses responsables savent pertinemment que les membres de leurs club ne leur suffisent pas», nous renseigne-t-il.
Portefeuilles
La connexion entre le MSP et les réseaux d’affaires ne date pas d’hier, puisque, à l’époque de Mahfoud Nahnah, décédé en 2003, des alliances se concluaient déjà entre des commerçants, des bijoutiers, des chefs d’entreprise… pour la plupart issus de Blida, la région natale de Nahnah. La plus célèbre : l’alliance avec l’homme d’affaires Djilali Mehri que l’ex-Hamas avait soutenu, en candidat indépendant à El Oued. Ou encore sa relation avec la banque Al Baraka. Depuis, le MSP ne cesse d’attirer les affairistes de tous bords. Ce phénomène a atteint son paroxysme lorsque le parti islamiste est entré dans le gouvernement de coalition en 1999, lors du premier mandat de Abdelaziz Bouteflika. Les commerçants ont compris alors que le MSP va devenir puissant. «A l’époque, on ne pensait pas que le Hamas puisse intégrer le gouvernement et que quelques années plus tard, il gérerait de gros portefeuilles ministériels comme ceux du Commerce ou des Travaux publics», se souvient un entrepreneur de Médéa, rencontré dans un restaurant à Draria, lors de notre enquête. «Nahnah ne m’appréciait pas vraiment. Il a profité de mon soutien financier sans jamais m’offrir quoi que ce soit en retour, car j’avais osé un jour critiquer ses nouvelles orientations politiques. Et j’ai été écarté pendant longtemps des rangs du MSP», raconte-t-il. Avec Bouguerra Soltani, les choses semblent avoir beaucoup changé.
«Confrérie»
«L’actuel patron du MSP navigue dans le milieu des affaires et nombreux sont ceux qui ont renoué le contact avec le parti pour cette raison. Aujourd’hui, ils lui vouent fidélité, loyauté et allégeance. De son côté, Soltani a compris que sans le soutien des hommes d’affaires, pourvoyeurs de financements pour sa formation, il n’aurait pu asseoir une notoriété et affirmer son autorité au sein du parti», explique notre entrepreneur. Au fil des années, Hamas devenu Hems a mué en un réseau d’affaires aux ramifications sans frontières, qu’un haut gradé de l’armée qualifie de «confrérie de bienfaiteurs». Une transformation facilitée par le fait que le MSP a accaparé depuis plus de dix ans des départements à gros budget, tels que le commerce, les travaux publics, le tourisme et la pêche. Des secteurs où l’Etat avait et continue d’investir des sommes colossales. Des «chasses gardées» du MSP, selon les termes de nos interlocuteurs. En précisant que ces propos n’engagent que lui, notre cadre militaire s’interroge : «On se demande comment il est possible que le MSP ait pu accaparer de tels départements où l’argent coule à flots ? Je pense que le clan Bouteflika mène depuis longtemps une réelle stratégie de soutien au MSP. En contrepartie d’un appui politique au sein de l’Alliance présidentielle. Une sorte de partenariat gagnant-gagnant, puisque les deux parties ont bénéficié des échanges de bons procédés, ils sont tous deux inscrits dans le secteur des affaires, une bonne base pour consolider les rapports», analyse le militaire. Mustapha, la quarantaine, entrepreneur des travaux publics, a fait sa carrière avec «les gens du MSP». Après insistance, il accepte de nous parler. «En 1997, je n’avais pas beaucoup de moyens. J’ai été sollicité par le chef des scouts de mon quartier pour apporter une contribution au Hamas. Il a fini par me convaincre, j’ai dû verser 40 000 DA, raconte-il.
«Générosité»
Après les élections, alors que j’avais perdu contact avec ce jeune, j’en ai conclu que cétait une escroquerie et me suis juré de ne plus faire confiance aux gens du Hamas.» Mais quelques années après, cet entrepreneur entre en conflit avec les autorités locales pour non paiement de ses créances. Grâce à un élu MSP, il obtient gain de cause et récupère son chèque. «J’ai fait savoir à cet élu que j’étais un donateur du Hamas. J’ai exposé ma situation, il a bien compris et vite fait, je me suis vu accorder nombre de chantiers jusqu’à partager avec d’autres amis entrepreneurs. Je versais des sommes importantes dans les caisses du MSP à titre de cotisations annuelles», confie-t-il. Au fur et à mesure, notre entrepreneur grimpe et atteint le sommet de la hiérarchie du parti. Il noue des relations solides avec de hauts responsables issus du MSP. «J’ai obtenu des marchés importants dans les travaux publics, dans la pêche, la réhabilitation d’immeubles», poursuit notre interlocuteur. Ils seraient une centaine à avoir ainsi bénéficié de la «générosité» du MSP. Dahmane, importateur, grâce à ses connexions avec le MSP, a pénétré l’une des agences étatiques les plus sollicitées actuellement : l’Office national interprofessionnel du lait et dérivés. «Les frères du MSP m’ont beaucoup aidé à faire prospérer mon business. J’ai bénéficié, à l’instar d’autres collègues, de quotas importants pour la fourniture de l’ONIL en lait en poudre», révèle-t-il. Les témoignages que nous avons pu recueillir lors de notre enquête, mènent tous à une seule conclusion : «Avec le MSP, on peut faire des affaires en toute loyauté, ces gens ont le sens des affaires, du partage, de la solidarité.» Le MSP, qui se pose actuellement en machine électorale, attire les convoitises, les appétits, en gros le mécénat.
( à suivre)
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