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Les nouveaux pouvoirs du Conseil de la concurrence au Maroc

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  • Les nouveaux pouvoirs du Conseil de la concurrence au Maroc

    L'indépendance du Conseil de la concurrence au Maroc est consacrée : il sera doté de son propre budget et ne dépendra plus de l'Exécutif. Il pourra s'autosaisir, engager des enquêtes et sanctionner les fautifs. Les amendes peuvent atteindre jusqu'à 7% du chiffre d'affaires HT.

    Après une polémique qui aura duré près de deux ans, la réforme du Conseil de la concurrence voit enfin le jour. Le projet de loi le concernant a été élaboré et remis au Secrétariat général du gouvernement (SGG). A l’issue de longues discussions entre les deux parties qui avaient la tutelle du dossier de la concurrence, en l’occurrence le ministère des affaires générales et économiques et le Conseil de la concurrence depuis sa résurrection en août 2009, le projet de réforme conçu par ce dernier a été validé à l’unanimité. Nizar Baraka, ministre des affaires économiques et générales, a donc tenu sa promesse, avec un léger décalage dans le temps, il est vrai, indépendant de sa volonté. Il avait prévu de soumettre le texte au Parlement en octobre 2011. En effet, tout a été fait pour respecter ce délai, puisque le projet a été remis au SGG en juin dernier. Mais les événements politiques qu’a connus récemment le pays ont retardé le processus de traitement au sein du département de Driss Dahak, qui était plutôt préoccupé par l’examen des affaires prioritaires liées surtout aux législatives de novembre, et des dossiers urgents présentés par le gouvernement sortant.

    Le conseil pourra être saisi par toute personne physique ou morale

    Il faut reconnaître que les changements intervenus récemment au Maroc, en particulier la nouvelle Constitution adoptée en juillet dernier, ont donné un coup d’accélérateur à ce processus de réforme. «La nouvelle Constitution a doté le conseil de pouvoirs plus importants et même élargis par rapport à ce qu’on demandait», souligne un responsable qui fait allusion à la lutte contre la concurrence déloyale, regroupant les fraudes liées à la contrebande et à la contrefaçon, un volet qui s’ajoute aux prérogatives de cette instance (voir encadré). De manière générale, les changements contenus dans le nouveau texte sont radicaux. L’indépendance du conseil est ainsi consacrée. Une indépendance financière d’abord ; l’institution ne devra plus passer par la Primature comme c’est le cas actuellement, pour subvenir à tous ses besoins de fonctionnement, ce qui était en soi (et est toujours en attendant l’adoption de la loi) une dépendance vis-à-vis de l’Exécutif qui peut nuire à l’accomplissement de sa mission. Désormais, elle est dotée d’un budget propre, à l’instar de la Cour des comptes ou de toute autre institution autonome.
    Indépendance ensuite du fait d’un pouvoir décisionnel et de nouvelles prérogatives qui lui permettront d’assumer son rôle de gendarme du marché économique.

    Le conseil saisit la justice pour les cas relevant de l’infraction pénale

    Jusque-là, la mission du conseil se limite à un aspect consultatif, au point de ne pas avoir le droit d’engager lui-même des enquêtes et encore moins de s’autosaisir. Même les organes qui sont habilités à le saisir sont très limités : ne peuvent le faire que les organisations professionnelles et commissions parlementaires ainsi que certaines entités à caractère professionnel comme les Chambres de commerce.
    Tout cela est appelé à changer. La mouture du texte proposé au SGG dote le conseil de pouvoirs tellement larges qu’il peut décider de lui-même d’engager une enquête, s’il détient des éléments de soupçons d’entente ou d’atteinte à la concurrence loyale dans une activité économique quelconque ; les études qu’il élabore régulièrement servant de «baromètres et d’outils de veille pour la détection de dysfonctionnements», indique un membre de cette institution qui pourra être saisie par tout le monde, personne physique ou morale. La loi oblige d’ailleurs les entreprises, personnes physiques et acteurs concernés à accepter le contrôle et la vérification de leurs comptes.
    Autre nouveauté, le conseil mènera lui-même ses investigations et prospections avant de rendre ses verdicts, alors qu’auparavant c’est la direction des prix et de la concurrence, relevant de ministère des affaires générales, qui avait ce pouvoir. Et là, le conseil sera fort du pouvoir décisionnaire, nouveau lui aussi, qui lui octroie le droit d’infliger, à l’encontre des auteurs d’infractions, des sanctions pécuniaires en particulier. Les amendes peuvent atteindre au maximum 2 MDH pour les personnes physiques et 7% du chiffre d’affaires hors taxe pour les personnes morales. Outre les pénalités financières, le conseil peut saisir la justice pour les cas de fraude qui relèvent du pénal.

    Une Chambre spéciale pour le traitement des recours en appel

    Mais avant d’arriver à ce stade, la procédure de l’enquête prévoit certaines mesures qui visent à préserver les droits des personnes physiques ou morales visées. Celles-ci ont ainsi le droit d’être informées des résultats préliminaires et d’y répondre avant l’adoption finale du verdict. Le conseil est obligé par la nouvelle loi de leur donner un délai de deux mois afin d’apporter des éléments de réponse avant d’annoncer les sanctions, s’il y en a. Ses décisions ne sont d’ailleurs pas irrévocables. Le projet de loi garantit en fait le droit de recours aux personnes qui se sentent lésées par les décisions de cette institution. A ce propos, il est prévu de mettre en place une Chambre spéciale au sein des cours d’appel administratives pour réexaminer les dossiers en question. Après un débat à propos de ce point au sein de la commission interministérielle chargée de la réforme du Conseil de la concurrence, l’option de l’appel dans une juridiction administrative a été adoptée et justifiée par le fait que les décisions du conseil émanent d’une administration et non d’une instance juridique. De même, le recours à des Chambres spéciales pour le traitement des recours est justifié par le souci d’assurer une célérité au traitement des affaires qui, «en raison de leur caractère commercial et économique, ne tolèrent pas de retard», explique un membre de cette commission. La même source a donné l’exemple du dossier du beurre dans lequel le conseil avait livré son avis consultatif. «En attendant la suite à donner par la justice à cette affaire où plusieurs dysfonctionnements, abus de position dominante et d’entente ont été révélés, l’entreprise mise en cause a changé de propriétaire», se désole notre interlocuteur.
    Mais si ce choix promet une rapidité de l’examen des dossiers, il reste un autre point qui, semble-t-il, risque de poser problème. Il s’agit des compétences humaines qui se pencheront au sein de ces Chambres spéciales sur les questions aussi compliquées que celles de la concurrence. Les magistrats sont formés beaucoup plus dans le domaine juridique. Cet aspect inquiète déjà les responsables du Conseil de la concurrence. «On tient absolument à avoir un contre-pouvoir mais il faut que les juges qui siégeront dans cette Chambre spéciale soient au fait des questions économiques et des dossiers qu’ils seront amenés à traiter», plaide un cadre de cette instance. A cet effet, on appelle à la programmation de sessions de formation au profit de ces magistrats.


    Instances : Des magistrats, des experts et des ONG dans le bureau
    Au delà de la Chambre spéciale auprès des Cours d’appel administratives appelée à statuer sur les recours, le corps judiciaire a focalisé les débats au sein de la commission chargée de la réforme sur leur représentation dans la composition du conseil. De vives divergences ont surgi sur ce point entre les représentants de cette instance et les responsables du ministère des affaires générales et économiques. Ces derniers ont voulu une présence majoritaire de juges au sein du bureau de cette instance. Tandis que les porte-parole du conseil ont présenté une objection sous prétexte que «la prédominance des magistrats risque de judiciariser cet appareil et de lui répercuter la lenteur du mode de fonctionnement actuel de la justice», confie un membre de la commission. A l’issue des discussions, on a ainsi coupé la poire en deux et réduit le nombre des juges à trois. Il n’empêche que malgré cette divergence, le projet de loi a produit un changement profond dans la composition du conseil dont l’effectif est resté le même, soit 12 membres.
    A côté des 3 magistrats, siégeront 3 experts dans le domaine économique et les questions de concurrence. S’y ajoutent deux compétences dans le domaine juridique et autant de représentants des associations de défense des consommateurs. Le monde des affaires sera également représenté par deux membres.


    Concurrence Déloyale : Il ne s'occupe pas des conflits entre opérateurs
    Selon l’article 166 de la Constitution, «le Conseil de la concurrence est une institution indépendante chargée (…) d’assurer la transparence et l’équité dans les relations économiques, notamment à travers l’analyse et la régulation de la concurrence sur les marchés, le contrôle des pratiques commerciales déloyales et des opérations de concentration économique et de monopole». Or, d’après des responsables de cette instance, la prérogative de la lutte contre la concurrence déloyale est à nuancer car «la gestion des conflits de cette nature suppose parfois des décisions et arbitrages sous forme de dommages et intérêts entre des parties en conflit, et que cela est du ressort de la justice». C’est pourquoi les dirigeants du conseil proposeront un amendement de «limiter son intervention dans ce domaine uniquement lorsque le conflit touche tout un secteur et non pas quelques opérateurs qui y interviennent», indique la même source.

    lavieeco
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