scandale coupe du monde (Dimanche 04 Juin 2006)
Hamraoui habib chawki, dg de l’ENTV
“J’étais prêt à mettre 100 millions de dollars”
Par : Samia Lokmane
Lu : (1425 fois)
Pour le responsable de la Télévision nationale, la difficulté n’est pas d’ordre pécuniaire. ART ne veut tout simplement pas vendre ses images aux chaînes terrestres arabes.
“Des affairistes de la Fifa ont pris en otage le football”, s’indigne Hamraoui Habib Chawki. Faisant sien le réquisitoire de Frantz Beckenbauer, président du comité d’organisation du Mondial 2006, le patron de l’ENTV déplore que la balle ronde soit devenue “l’otage de marchandages commerciaux” et “l’enjeu d’enchères, toujours plus hautes” que disputent des groupes finances féroces. L’un des prédateurs est Cheikh Salah Kamel, un magnat saoudien, qui a raflé la mise devant toutes les chaînes de télévision nationales du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, en accaparant, à travers sa propre société de télédiffusion, ART, les droits de retransmission des 64 matches de la Coupe du monde.
Cette exclusivité obtenue à coups de millions de dollars auprès d’Infront, le bras commercial de la Fifa, est une bénédiction pour son bénéficiaire, qui ambitionne d’épuiser ses décodeurs et ses fameuses cartes Full (au prix unitaire de 9 900 dinars en Algérie) dans tout le monde arabe. Son objectif est rendu possible grâce au deal conclu avec les autres acheteurs des droits, en Europe notamment, par la mise en place d’un système de verrouillage : nom du code : Sport Bill. “Nous craignons que le Mondial se déroule à huis clos. Ne profiteront du spectacle que les supporters ayant accès aux gradins et les acquéreurs des cartes d’abonnement sur les chaînes payantes”, regrette HHC. À J-6 du rendez-vous planétaire de Berlin, il avoue tristement l’échec de l’ENTV et plus globalement des télévisions arabes à faire front à Cheikh Salah Kamel. Au cours d’une conférence de presse tenue hier au siège de l’entreprise, il mettait fin aux ultimes espoirs des tifosis algériens : pas de matches de Coupe du monde sur l’Unique. Nos amoureux du ballon rond devront se contenter de résumés de 1 heures et 1h30 qui seront diffusés quotidiennement, dans la soirée en prime time. Leur achat est négocié avec des annonceurs nationaux, en contrepartie de spots publicitaires. “Le football n’est pas une marchandise, mais on nous a imposé une logique commerciale qui fait que ceux qui ont de l’argent peuvent aller loin et faire monter les enchères alors que ceux qui n’en ont pas sont systématiquement exclus. Les évènements sportifs seront de plus en plus chers”, prévient HHC. L’issue malheureuse des dernières négociations à Zurich sur l’achat des droits de transmission des matches des mondiaux de 2010 et de 2014 lui donne raison.
En sa qualité de président de l’Union des radios et des télévisions arabes (Asbu), le directeur général de l’ENTV est revenu bredouille. Son offre de 85 millions de dollars (la quote-part de l’Algérie est estimée à environ 6 millions de dollars) était dérisoire face aux propositions du propriétaire d’ART. Entrée en lice, la chaîne sportive qatarie Jazeera Sport a fait monter les enchères jusqu’à 148 millions de dollars. “En 1969, les images de la finale de la Coupe d’Angleterre était acquises à 200 (anciens) francs français, aujourd’hui, il faut débourser des dizaines de millions de dollars pour un match similaire. Nous assistons à une grande dérive qui est un danger pour la Fifa”, note le boss de l’ENTV. Au sein de la Fédération internationale de football, il accuse “des responsables de commettre un hold-up”, en privant de spectacle footballistique “les populations pauvres” de la planète. “On nous dit que l’argent des matches aide à la promotion de cette discipline dans les États qui manquent de moyens, par la construction de stades, la dotation d’équipements, etc. Mais, ce ne sont que des prétextes. À quoi sert tout cela, si les populations de ces pays n’ont même pas le droit de regarder les matches à la télé ? Au train où vont les choses, le monde va se diviser entre supporters riches qui ont les moyens de se payer des matches et les démunis”, s’emporte M. Hamraoui. Avec l’avènement du “fric”, le fair-play, mais surtout la morale se sont évanouis. “Je mets au défi quiconque d’obtenir les droits de retransmission. Je suis prêt à mettre 100 millions de dollars sur la table s’il le faut”, brave-t-il les journalistes qui soupçonnent une mauvaise négociation de la cession des droits avec ART. Selon lui, la difficulté n’est pas d’ordre pécuniaire. “Ce n’est pas un problème d’argent. Nous avons les moyens”, martèle-t-il. Toutefois, ART ne veut léguer ses images à aucune des chaînes terrestres arabes. “La Tunisie et l’Arabie Saoudite uniquement ont obtenu l’autorisation de diffuser les parties que disputeront leurs équipes. Jusqu’à maintenant, la Tunisie ne sait pas si elle peut retransmettre le reste des matches”, révèle HHC. L’impulsion des monopoles de télédiffusion est encouragée par l’atonie des organismes régionaux d’audiovisuels qui manquent d’initiatives et de cohésion. Face à l’impuissance de l’Asbu, les chaînes nationales arabes se sont engagées dans des négociations bilatérales avec la Fifa, puis avec ART, sans résultat. “Auparavant, ces organisations obtenaient la transmission des compétitions directement et sans grande difficulté, que ce soit pour la Coupe du monde de football, les Jeux olympiques, etc. Mais désormais, les fédérations sportives vendent les droits aux plus offrants, TV, agences et groupes financiers”, observe HHC dépité. Bien que présente à tous les postes de décision, au sein de l’Asbu, mais également dans les unions africaines et euroméditerranéenne, l’Algérie n’est pas mieux lotie que ses partenaires. En 2002, elle lançait l’initiative d’un espace maghrébin de radiotélévision, comme lobby. Mais, l’organisme est toujours à l’état de projet. Une OMC (Organisation mondiale du commerce) du sport est également envisagée pour garantir le libre accès des téléspectateurs aux compétitions. Verra-t-elle le jour ? En attendant, de l’avis du patron de la Télévision algérienne, même l’implication des politiques dans cette guerre sans merci sur la planète foot, risque d’être aléatoire. “Diplomatiquement, nous pouvons nous mobiliser, mais c’est la logique de l’argent qui primera”, assure-t-il. Cet instinct mercantiliste a même eu raison du patriotisme des fédérations nationales qui, en contrepartie de dotations financières de la Fifa, ont renoncé à leur droit de parole au sein de l’assemblée. “Pourquoi ne font-elles pas pression pour que le foot reste un sport populaire ?” se révolte HHC.
Pour sa part, il entend bien aller jusqu’au bout et arracher à ART tout au moins les matches des phases finales. “Si ces droits sont accordés à d’autres pays et pas à nous, nous n’offrirons à ART aucune prestation technique dans le cadre de la Coupe arabe (en Algérie)”, avertit le patron de l’Unique.
Samia Lokmane
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Hamraoui habib chawki, dg de l’ENTV
“J’étais prêt à mettre 100 millions de dollars”
Par : Samia Lokmane
Lu : (1425 fois)
Pour le responsable de la Télévision nationale, la difficulté n’est pas d’ordre pécuniaire. ART ne veut tout simplement pas vendre ses images aux chaînes terrestres arabes.
“Des affairistes de la Fifa ont pris en otage le football”, s’indigne Hamraoui Habib Chawki. Faisant sien le réquisitoire de Frantz Beckenbauer, président du comité d’organisation du Mondial 2006, le patron de l’ENTV déplore que la balle ronde soit devenue “l’otage de marchandages commerciaux” et “l’enjeu d’enchères, toujours plus hautes” que disputent des groupes finances féroces. L’un des prédateurs est Cheikh Salah Kamel, un magnat saoudien, qui a raflé la mise devant toutes les chaînes de télévision nationales du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, en accaparant, à travers sa propre société de télédiffusion, ART, les droits de retransmission des 64 matches de la Coupe du monde.
Cette exclusivité obtenue à coups de millions de dollars auprès d’Infront, le bras commercial de la Fifa, est une bénédiction pour son bénéficiaire, qui ambitionne d’épuiser ses décodeurs et ses fameuses cartes Full (au prix unitaire de 9 900 dinars en Algérie) dans tout le monde arabe. Son objectif est rendu possible grâce au deal conclu avec les autres acheteurs des droits, en Europe notamment, par la mise en place d’un système de verrouillage : nom du code : Sport Bill. “Nous craignons que le Mondial se déroule à huis clos. Ne profiteront du spectacle que les supporters ayant accès aux gradins et les acquéreurs des cartes d’abonnement sur les chaînes payantes”, regrette HHC. À J-6 du rendez-vous planétaire de Berlin, il avoue tristement l’échec de l’ENTV et plus globalement des télévisions arabes à faire front à Cheikh Salah Kamel. Au cours d’une conférence de presse tenue hier au siège de l’entreprise, il mettait fin aux ultimes espoirs des tifosis algériens : pas de matches de Coupe du monde sur l’Unique. Nos amoureux du ballon rond devront se contenter de résumés de 1 heures et 1h30 qui seront diffusés quotidiennement, dans la soirée en prime time. Leur achat est négocié avec des annonceurs nationaux, en contrepartie de spots publicitaires. “Le football n’est pas une marchandise, mais on nous a imposé une logique commerciale qui fait que ceux qui ont de l’argent peuvent aller loin et faire monter les enchères alors que ceux qui n’en ont pas sont systématiquement exclus. Les évènements sportifs seront de plus en plus chers”, prévient HHC. L’issue malheureuse des dernières négociations à Zurich sur l’achat des droits de transmission des matches des mondiaux de 2010 et de 2014 lui donne raison.
En sa qualité de président de l’Union des radios et des télévisions arabes (Asbu), le directeur général de l’ENTV est revenu bredouille. Son offre de 85 millions de dollars (la quote-part de l’Algérie est estimée à environ 6 millions de dollars) était dérisoire face aux propositions du propriétaire d’ART. Entrée en lice, la chaîne sportive qatarie Jazeera Sport a fait monter les enchères jusqu’à 148 millions de dollars. “En 1969, les images de la finale de la Coupe d’Angleterre était acquises à 200 (anciens) francs français, aujourd’hui, il faut débourser des dizaines de millions de dollars pour un match similaire. Nous assistons à une grande dérive qui est un danger pour la Fifa”, note le boss de l’ENTV. Au sein de la Fédération internationale de football, il accuse “des responsables de commettre un hold-up”, en privant de spectacle footballistique “les populations pauvres” de la planète. “On nous dit que l’argent des matches aide à la promotion de cette discipline dans les États qui manquent de moyens, par la construction de stades, la dotation d’équipements, etc. Mais, ce ne sont que des prétextes. À quoi sert tout cela, si les populations de ces pays n’ont même pas le droit de regarder les matches à la télé ? Au train où vont les choses, le monde va se diviser entre supporters riches qui ont les moyens de se payer des matches et les démunis”, s’emporte M. Hamraoui. Avec l’avènement du “fric”, le fair-play, mais surtout la morale se sont évanouis. “Je mets au défi quiconque d’obtenir les droits de retransmission. Je suis prêt à mettre 100 millions de dollars sur la table s’il le faut”, brave-t-il les journalistes qui soupçonnent une mauvaise négociation de la cession des droits avec ART. Selon lui, la difficulté n’est pas d’ordre pécuniaire. “Ce n’est pas un problème d’argent. Nous avons les moyens”, martèle-t-il. Toutefois, ART ne veut léguer ses images à aucune des chaînes terrestres arabes. “La Tunisie et l’Arabie Saoudite uniquement ont obtenu l’autorisation de diffuser les parties que disputeront leurs équipes. Jusqu’à maintenant, la Tunisie ne sait pas si elle peut retransmettre le reste des matches”, révèle HHC. L’impulsion des monopoles de télédiffusion est encouragée par l’atonie des organismes régionaux d’audiovisuels qui manquent d’initiatives et de cohésion. Face à l’impuissance de l’Asbu, les chaînes nationales arabes se sont engagées dans des négociations bilatérales avec la Fifa, puis avec ART, sans résultat. “Auparavant, ces organisations obtenaient la transmission des compétitions directement et sans grande difficulté, que ce soit pour la Coupe du monde de football, les Jeux olympiques, etc. Mais désormais, les fédérations sportives vendent les droits aux plus offrants, TV, agences et groupes financiers”, observe HHC dépité. Bien que présente à tous les postes de décision, au sein de l’Asbu, mais également dans les unions africaines et euroméditerranéenne, l’Algérie n’est pas mieux lotie que ses partenaires. En 2002, elle lançait l’initiative d’un espace maghrébin de radiotélévision, comme lobby. Mais, l’organisme est toujours à l’état de projet. Une OMC (Organisation mondiale du commerce) du sport est également envisagée pour garantir le libre accès des téléspectateurs aux compétitions. Verra-t-elle le jour ? En attendant, de l’avis du patron de la Télévision algérienne, même l’implication des politiques dans cette guerre sans merci sur la planète foot, risque d’être aléatoire. “Diplomatiquement, nous pouvons nous mobiliser, mais c’est la logique de l’argent qui primera”, assure-t-il. Cet instinct mercantiliste a même eu raison du patriotisme des fédérations nationales qui, en contrepartie de dotations financières de la Fifa, ont renoncé à leur droit de parole au sein de l’assemblée. “Pourquoi ne font-elles pas pression pour que le foot reste un sport populaire ?” se révolte HHC.
Pour sa part, il entend bien aller jusqu’au bout et arracher à ART tout au moins les matches des phases finales. “Si ces droits sont accordés à d’autres pays et pas à nous, nous n’offrirons à ART aucune prestation technique dans le cadre de la Coupe arabe (en Algérie)”, avertit le patron de l’Unique.
Samia Lokmane
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