Le 12e Marathon des dunes : plus qu’une simple course sur le sable
le 06.01.12 | 01h00
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Du sable, des coureurs venus de toutes parts, de la danse traditionnelle, un bon couscous et un réveillon à la belle étoile. Le 12e Marathon des dunes, qui s’est déroulé du 26 au 31 décembre 2011 dans la région de Béchar, aura réussi à réunir les ingrédients les plus insolites. Carnet de bord d’un journaliste qui ne court pas, mais qui a lui aussi fait le marathon. A sa manière.
7 h 30. C’est le départ pour Béchar. A l’aéroport d’Alger, deux cafés tentent d’assurer un service tout juste acceptable par cette froide matinée de décembre. Les participants au 12e Marathon des dunes arrivent par petits groupes. Abdelmadjid Rezkane, responsable de Sport Events International (SEI) et organisateur de la manifestation sportive et culturelle, dispatche les billets d’avion et les cartes de police. L’Algérie demeure encore au stade «papier» des cartes de police que ses propres ressortissants remplissent avant d’embarquer dans les avions et après débarquement. Les réflexes bureaucratiques sécuritaires ont la vie dure ! L’ATR d’Air Algérie décolle avec un léger retard. C’est une habitude. Le retard est «une marque» commerciale de la compagnie aérienne algérienne. A Béchar, les visiteurs sont accueillis par une troupe folklorique. Un spectacle qui semble plaire aux Autrichiens, Belges et Français qui participent à l’édition 2011 du Marathon des dunes. Direction Igli, à 130 km au sud de Béchar. Cette palmeraie, aussi belle que toutes celles de la Saoura, a la malchance d’être moins connue que Taghit ou Beni Abbès. Les participants sont logés à l’Auberge de jeunes, une bâtisse nouvellement réceptionnée. C’est le seul endroit où les visiteurs de la localité peuvent trouver un coin où dormir. Le problème de la plupart des ksour et villages du Sud-Ouest algérien est le manque de structures décentes d’hébergement. Promotion du tourisme saharien, disent-ils !
Des participants parlent de la conférence animée la veille à l’Auberge des jeunes par l’ancien ministre et ambassadeur, Kamel Bouchama, sur le rapatriement de «l’éventail» du dey Hussein d’Alger. En poste à Damas, Kamel Bouchama a réussi à récupérer le précieux objet auprès des descendants de l’Emir Abdelkader en Syrie qui l’ont jalousement gardé. L’Emir Abdelkader avait pu, avec l’aide du sultan ottoman Mahmud II, récupérer «l’éventail» auprès du dey Hussein, réfugié à Naples en Italie après sa capitulation lors de la prise d’Alger par les Français en 1830. Ainsi, l’Emir Ali, fils de Abdelkader, avait remis l’«amana» à son aîné, l’Emir Mohamed Saïd El Djazaïri, devenu en 1918 premier chef du gouvernement de la République arabe de Syrie après l’effondrement de l’Empire ottoman. Kamel Bouchama a appris l’existence de «l’éventail» chez la famille de l’Emir Abdelkader grâce à Amira Zoulfa, son arrière-petite-fille. «Elle m’a été d’un soutien efficace pour récupérer ce qui revient de droit à son pays… l’Algérie. Et depuis, j’ai eu à emprunter un certain parcours où il fallait pénétrer les méandres de la sensibilisation et ensuite ceux de la négociation», a expliqué Kamel Bouchama. Il a révélé que «l’éventail» n’est en fait qu’un chasse-mouches que le dey Hussein avait utilisé pour lancer des coups au consul de France Pierre Deval. Le roi Charles X devait s’appuyer sur ce prétexte, «le fameux coup de l’éventail», pour expédier ses troupes envahir Alger. «La France devait mener une guerre continue contre les Algériens, balayant d’un revers de la main ‘‘l’Alliance du Lys et du Croissant’’ de 1534, quand François Ier, affaibli par ses affrontements avec les Espagnols, fit appel aux Algériens pour sauver sa couronne. Cela, l’histoire de France n’en parle pas ou… confusément», a relevé l’ancien ambassadeur. Il a rappelé que le Pape Paul III avait demandé en 1540 une croisade contre les Algériens. Selon lui, les historiens français ont voulu «anoblir» le geste du dey Hussein en évoquant «l’éventail» et pas «le chasse-mouches». Mais qu’ont fait les historiens algériens pour rétablir la vérité ? La réponse est évidente : rien ! Ce mardi, c’est le grand jour ! La première étape du marathon est lancée à partir d’un lieu situé à côté de la maison cantonnière à 12 km au nord d’Igli. Le froid perçant du matin n’empêche pas les 300 coureurs de se mettre à la ligne de départ…
Seddik Hamadi, 17 ans, fait parler de lui. Ce jeune d’Igli, qui court avec des chaussures en plastique, remporte la première étape du marathon. Non sportif, il a mis tout son cœur et sa détermination pour réussir la course. «Je n’aime voir personne devant moi !», confie-t-il à Abdelmadjid Rezkane. A-t-on pensé un jour à la prise en charge des athlètes en herbe du sud du pays ? A leur donner une chance, à s’intéresser à leurs performances ? A-t-on pensé à détecter des talents que «le mépris» des gens du Nord cache ? Aujourd’hui, c’est le deuxième jour de la course. Direction El Ouata, à 80 km d’Igli. L’accueil est habituel : thé vert et cacahuètes. Larbi Ahmed, chef de daïra, nous parle des projets pour la région. «Nous avons des ksour dispersés de l’autre côté de oued Saoura. Nous avons ouvert à l’intérieur de l’Erg une piste carrossable d’une distance de 8 km. Cette piste sera reliée à la route qui va vers Beni Abbès à 45 km d’ici», explique-t-il. Il nous parle du travail d’une association culturelle, créée récemment, pour mettre en valeur le ksar d’El Ouata. Et il évoque la poterie particulière d’El Bayadha. «Nous y avons créé des locaux pour les jeunes aux fins de valoriser cet artisanat», note-t-il. Il regrette la faible affluence des touristes, El Ouata n’étant pas encore connue. Yassin Allouit, Franco-Algérien, a, lui, fait le déplacement de la Nouvelle-Calédonie pour prendre part au Marathon des dunes. «Je fais des courses en milieu naturel en Nouvelle-Calédonie. J’ai toujours voulu courir en Algérie. Je connais Constantine et Khenchela, la région de ma famille, mais pas cette partie du pays. Il y a une semaine, j’étais sous les cocotiers, à la plage, en plein été, autant dire donc que le dépaysement est pour moi total !», dit-il se félicitant de l’ambiance familiale qui règne autour du marathon. De Nouméa, Yassin Allouit est parti jusqu’en Corée du Sud pour revenir à Paris avant de débarquer à Alger. Un sacré périple. «Les Algériens de Nouvelle-Calédonie en sont à la troisième génération. Les traditions commencent à se perdre. La petite communauté est regroupée autour de l’Association des Arabes et des amis des Arabes de Nouvelle-Calédonie. Elle essaie de renouer avec l’Algérie. Ces dernières années, plusieurs délégations ont visité le pays pour retrouver les traces de la famille. La plupart découvrent l’Algérie», souligne Yassin.
(à suivre)
le 06.01.12 | 01h00
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Du sable, des coureurs venus de toutes parts, de la danse traditionnelle, un bon couscous et un réveillon à la belle étoile. Le 12e Marathon des dunes, qui s’est déroulé du 26 au 31 décembre 2011 dans la région de Béchar, aura réussi à réunir les ingrédients les plus insolites. Carnet de bord d’un journaliste qui ne court pas, mais qui a lui aussi fait le marathon. A sa manière.
7 h 30. C’est le départ pour Béchar. A l’aéroport d’Alger, deux cafés tentent d’assurer un service tout juste acceptable par cette froide matinée de décembre. Les participants au 12e Marathon des dunes arrivent par petits groupes. Abdelmadjid Rezkane, responsable de Sport Events International (SEI) et organisateur de la manifestation sportive et culturelle, dispatche les billets d’avion et les cartes de police. L’Algérie demeure encore au stade «papier» des cartes de police que ses propres ressortissants remplissent avant d’embarquer dans les avions et après débarquement. Les réflexes bureaucratiques sécuritaires ont la vie dure ! L’ATR d’Air Algérie décolle avec un léger retard. C’est une habitude. Le retard est «une marque» commerciale de la compagnie aérienne algérienne. A Béchar, les visiteurs sont accueillis par une troupe folklorique. Un spectacle qui semble plaire aux Autrichiens, Belges et Français qui participent à l’édition 2011 du Marathon des dunes. Direction Igli, à 130 km au sud de Béchar. Cette palmeraie, aussi belle que toutes celles de la Saoura, a la malchance d’être moins connue que Taghit ou Beni Abbès. Les participants sont logés à l’Auberge de jeunes, une bâtisse nouvellement réceptionnée. C’est le seul endroit où les visiteurs de la localité peuvent trouver un coin où dormir. Le problème de la plupart des ksour et villages du Sud-Ouest algérien est le manque de structures décentes d’hébergement. Promotion du tourisme saharien, disent-ils !
Des participants parlent de la conférence animée la veille à l’Auberge des jeunes par l’ancien ministre et ambassadeur, Kamel Bouchama, sur le rapatriement de «l’éventail» du dey Hussein d’Alger. En poste à Damas, Kamel Bouchama a réussi à récupérer le précieux objet auprès des descendants de l’Emir Abdelkader en Syrie qui l’ont jalousement gardé. L’Emir Abdelkader avait pu, avec l’aide du sultan ottoman Mahmud II, récupérer «l’éventail» auprès du dey Hussein, réfugié à Naples en Italie après sa capitulation lors de la prise d’Alger par les Français en 1830. Ainsi, l’Emir Ali, fils de Abdelkader, avait remis l’«amana» à son aîné, l’Emir Mohamed Saïd El Djazaïri, devenu en 1918 premier chef du gouvernement de la République arabe de Syrie après l’effondrement de l’Empire ottoman. Kamel Bouchama a appris l’existence de «l’éventail» chez la famille de l’Emir Abdelkader grâce à Amira Zoulfa, son arrière-petite-fille. «Elle m’a été d’un soutien efficace pour récupérer ce qui revient de droit à son pays… l’Algérie. Et depuis, j’ai eu à emprunter un certain parcours où il fallait pénétrer les méandres de la sensibilisation et ensuite ceux de la négociation», a expliqué Kamel Bouchama. Il a révélé que «l’éventail» n’est en fait qu’un chasse-mouches que le dey Hussein avait utilisé pour lancer des coups au consul de France Pierre Deval. Le roi Charles X devait s’appuyer sur ce prétexte, «le fameux coup de l’éventail», pour expédier ses troupes envahir Alger. «La France devait mener une guerre continue contre les Algériens, balayant d’un revers de la main ‘‘l’Alliance du Lys et du Croissant’’ de 1534, quand François Ier, affaibli par ses affrontements avec les Espagnols, fit appel aux Algériens pour sauver sa couronne. Cela, l’histoire de France n’en parle pas ou… confusément», a relevé l’ancien ambassadeur. Il a rappelé que le Pape Paul III avait demandé en 1540 une croisade contre les Algériens. Selon lui, les historiens français ont voulu «anoblir» le geste du dey Hussein en évoquant «l’éventail» et pas «le chasse-mouches». Mais qu’ont fait les historiens algériens pour rétablir la vérité ? La réponse est évidente : rien ! Ce mardi, c’est le grand jour ! La première étape du marathon est lancée à partir d’un lieu situé à côté de la maison cantonnière à 12 km au nord d’Igli. Le froid perçant du matin n’empêche pas les 300 coureurs de se mettre à la ligne de départ…
Seddik Hamadi, 17 ans, fait parler de lui. Ce jeune d’Igli, qui court avec des chaussures en plastique, remporte la première étape du marathon. Non sportif, il a mis tout son cœur et sa détermination pour réussir la course. «Je n’aime voir personne devant moi !», confie-t-il à Abdelmadjid Rezkane. A-t-on pensé un jour à la prise en charge des athlètes en herbe du sud du pays ? A leur donner une chance, à s’intéresser à leurs performances ? A-t-on pensé à détecter des talents que «le mépris» des gens du Nord cache ? Aujourd’hui, c’est le deuxième jour de la course. Direction El Ouata, à 80 km d’Igli. L’accueil est habituel : thé vert et cacahuètes. Larbi Ahmed, chef de daïra, nous parle des projets pour la région. «Nous avons des ksour dispersés de l’autre côté de oued Saoura. Nous avons ouvert à l’intérieur de l’Erg une piste carrossable d’une distance de 8 km. Cette piste sera reliée à la route qui va vers Beni Abbès à 45 km d’ici», explique-t-il. Il nous parle du travail d’une association culturelle, créée récemment, pour mettre en valeur le ksar d’El Ouata. Et il évoque la poterie particulière d’El Bayadha. «Nous y avons créé des locaux pour les jeunes aux fins de valoriser cet artisanat», note-t-il. Il regrette la faible affluence des touristes, El Ouata n’étant pas encore connue. Yassin Allouit, Franco-Algérien, a, lui, fait le déplacement de la Nouvelle-Calédonie pour prendre part au Marathon des dunes. «Je fais des courses en milieu naturel en Nouvelle-Calédonie. J’ai toujours voulu courir en Algérie. Je connais Constantine et Khenchela, la région de ma famille, mais pas cette partie du pays. Il y a une semaine, j’étais sous les cocotiers, à la plage, en plein été, autant dire donc que le dépaysement est pour moi total !», dit-il se félicitant de l’ambiance familiale qui règne autour du marathon. De Nouméa, Yassin Allouit est parti jusqu’en Corée du Sud pour revenir à Paris avant de débarquer à Alger. Un sacré périple. «Les Algériens de Nouvelle-Calédonie en sont à la troisième génération. Les traditions commencent à se perdre. La petite communauté est regroupée autour de l’Association des Arabes et des amis des Arabes de Nouvelle-Calédonie. Elle essaie de renouer avec l’Algérie. Ces dernières années, plusieurs délégations ont visité le pays pour retrouver les traces de la famille. La plupart découvrent l’Algérie», souligne Yassin.
(à suivre)
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