Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Nos lecteurs se souviennent du 11 janvier 1992.

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Nos lecteurs se souviennent du 11 janvier 1992.

    Qu’est-ce qu’on va faire avec le portrait géant de Chadli sur le mur de la wilaya ?

    Nous vous avons sollicités et vous avez été nombreux à répondre à la question : «Comment avez-vous vécu l’annonce de la démission du président Chadli au soir du 11 janvier 1992 et l’arrêt du processus électoral ?»

    - On allait vers le pire. Je m’en souviens très bien, à l’époque j’étais au lycée, et le soir au 20h, j’ai vu la démission en direct. On était choqués à la maison, et le premier réflexe a été de dire qu’on allait vers le pire, vers des trucs violents, il y avait ça dans l’air.

    - Une petite anecdote sur cette journée. J’étais officier au long cours sur un navire de la Caltram. En ce jour du 12 janvier 1992, nous devions accoster au port d’Alger, mais à la dernière minute, la capitainerie du port nous ordonne d’attendre le lendemain. Mais ce qui nous a étonnés le plus, c’était l’ordre reçu de jeter l’ancre non pas dans la baie d’Alger comme d’habitude, mais loin des 12 miles, soit la limite des eaux territoriales !

    - Le mayday que nous n’avons jamais entendu. A 20h dans le mess, j’ai pris la télécommande de la télé pour passer sur la chaîne nationale, ce qui a énervé quelques officiers croates et serbes qui suivaient un programme espagnol et les malheurs de leur Yougoslavie natale. Et voilà, Chadli démissionne, c’était le mayday que nous n’avons jamais entendu. J’explique au commandant polonais que l’heure est grave, le président vient de démissionner. Il lui a fallu juste 24 heures pour que ce commandant contacte son ambassade, prenne sa valise, nous abandonne nous et le navire même à Alger et sans le moindre bye-bye. Bientôt, c’était au tour des dizaines de marins algériens de tirer le rideau sur cette Algérie en larmes, dont votre humble témoin.

    - Ils l’ont plaqué contre le mur pour le forcer à démissionner. On était surpris, quelqu’un m’a raconté que des officiers sont entrés dans le bureau du Président et qu’ils l’ont plaqué contre le mur pour le forcer à démissionner. Chadli était parti. Eux sont restés. On voit bien le résultat.

    - J’avais un sentiment que quelque chose allait mal. J’avais seulement 13 ans à cette date, mais je me rappelle bien de la journée après la démission de Chadli. Je me dirigeais vers mon école, et je me disais : «Aujourd’hui, le pays est sans Président, comment est-ce possible ?» «Les pays sans Président peuvent-ils exister ?» «Et si un Président d’un autre pays décide de venir, qui va l’accueillir ?» «Qu’est-ce qu’on va faire avec le portrait géant de Chadli sur le mur de la wilaya ? (Oran)» J’étais gamin, et je me posais ces questions le matin du 13 janvier, j’avais un sentiment que quelque chose allait mal. Mon père était dans l’armée de terre et il a été en alerte plusieurs semaines auparavant… Quelques mois après, quand les attentats ont commencé, je ne savais qu’une chose : des méchants barbus sont venus d’Afghanistan pour établir une République islamique et tuer tous les gens qui s’y opposent … Des années plus tard, j’ai compris que c’était beaucoup plus compliqué que ça…

    - Il y a prescription, donc je témoigne ! La question est fichtrement intéressante, mais personne ne s’y risque ! Il y a prescription, donc je témoigne ! J’étais en France, les témoignages me parvenant (souvenez-vous : courriers longs, téléphones perturbés, pas d’internet !) n’étaient pas rassurants. Une de mes nièces est venue passer les vacances de fin d’année, étudiante à Constantine, elle racontait «en direct». De Annaba, les nouvelles étaient mauvaises ! Annaba ! Donc, j’ai été soulagée que ce processus soit interrompu, oui, soulagée, comme si le pire était évité. Mais, mais j’ai dû affronter mes amis français démocrates qui ne comprenaient pas, qui prenaient des positions à la Kouchner, au nom du respect des peuples. Les tensions étaient vives.

    - Pour moi, la situation était la même que celle du coup d’état fait contre Allende. El Watan arrivait avec des jours de retard, mais avait bien décrit : les listes de démocrates, la préparation des stades, scénario bien rôdé. Allende, le président chilien, a été renversé par la junte militaire aidée par les mercenaires US, un peu presque comme Chadli, mais les deux hommes ne se ressemblent pas...
    Salvador Allende, dans son style tout en douceur, était le continuateur des idées généreuses progressistes des grands révolutionnaires : Che Guevara, Fidel Castro et Simon Bolivar. Chadli était hostile à ces idées et a copiné avec les islamistes...

    - Comment une poignée d’ignares a pris la décision de mon sort et celle de tous les Algériens ? Comme tous les Algériens, j’ai vécu cette période dans un état de choc et de colère sans précédent. Comment une poignée d’ignares a pris la décision de mon sort et celle de tous les Algériens ? Et qui leur a donné le droit de le faire ? Nous vivions toujours ces moments dramatiques et le plus malheureux, c’est que ses acteurs sont toujours impunis.

    - Un acte digne d’un homme honnête. J’avais 8 ans et je me rappelle que des manifestations. Mais aujourd’hui, je considère que l’acte de quitter le pouvoir par Chadli est un acte digne d’un homme honnête, mais il était le seul à empêcher ces criminels d’envoyer l’Algérie dans une guerre civile. Il n’avait pas assez de courage pour sauver notre pays. Qui sont les criminels ? Khaled Nezzar et ceux qui ont approuvé sa décision d’interrompre le seul processus électoral non trafiqué dans l’histoire de l’Algérie. Quelle que soit la partie qui allait gagner, pour moi, ces gens doivent être présentés devant la justice, pour s’expliquer et assumer les milliers de morts...

    - J’ai pris mon chat dans mes bras et je l’ai serré contre moi. Le soir du 11 janvier 1992, j’étais en famille. J’avais
    11 ans. Le journal télévisé a commencé avec cette image du président du Conseil constitutionnel aux cheveux blancs et Chadli assis à côté de lui... Il lui a remis cette lettre blanche et ils sont partis... C’était le silence dans la maison... J’ai compris au visage de mon père que ça allait très mal. Alors je suis allé dans la cuisine... Tout seul... J’ai pris mon chat dans mes bras et je l’ai serré contre moi... Je lui ai dit : «Oh mon chat, inch Allah rabi yester… J’ai peur… Je ne sais pas ce qui nous attend, mais t’inquiète pas je serai toujours là pour toi et rien ne t’arrivera… Promis.»

    Par El Watan.
    Il y a des gens si intelligents que lorsqu'ils font les imbéciles, ils réussissent mieux que quiconque. - Maurice Donnay
Chargement...
X