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Le nouveau gouvernement du Maroc : Avons-nous vraiment changé de Constitution ?

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  • Le nouveau gouvernement du Maroc : Avons-nous vraiment changé de Constitution ?

    Mû par les seules considérations susceptibles de faire progresser la construction démocratique dans notre pays, J’ai dit dans une précédente tribune, qu’au delà de nos divergences idéologiques, l’on pouvait accorder un préjugé favorable au chef du gouvernement nommé, en attendant son investiture par l’assemblée. A cela deux motifs : le premier, c’est l‘application pleine et entière par le Roi de la fameuse « méthodologie démocratique » désormais constitutionnalisée et qui marque un progrès incontestable dans une pratique politique ; dorénavant plus respectueuse du verdict des urnes. Le deuxième motif, renvoie à la volonté réformatrice affichée politiquement par le PJD, de n’avoir pour « religion politique » que la seule application de la constitution. On ne saurait mieux dire en attendant de le faire.
    La nature de nos nouvelles institutions fait que la formation du gouvernement est assurément le fruit d’un compromis au sein de la majorité d'une part, et entre le chef du gouvernement et le Roi d'autre part. Son architecture traduit les équilibres atteints, de même que la communication politique qui l’accompagne dit quelque chose des intentions du chef du gouvernement. Cependant ce sont là aussi autant de signes qui ont valeur de test de début de « mise en œuvre démocratique » de cette constitution. Comment l’apprécier en première approximation ?

    Si l’on met de côté les trois accrocs à la constitution que furent, la nomination des ambassadeurs imposée comme le fait du prince et la présentation par M. Benkirane au Roi de l’architecture du gouvernement (avant de présenter dans un deuxième round les candidats ) non prévue par la Constitution, et bien sûr l’isolement malheureux de Me Haqaoui, une question vient à l’esprit après l’annonce du nouveau gouvernement : La composition du gouvernement traduit elle, dans les équilibres entre les deux branches de l’exécutif, l’évolution politique voulue par le nouveau texte de la constitution ? Pour dire les choses autrement, est ce que l’ancienne constitution ne permettait-elle pas d’obtenir les mêmes équilibres ? Ma réponse est affirmative. La constitution de 1996 aurait pu aboutir à des équilibres proches. En effet la composition de l’actuel gouvernement me semble dominée par la constance dans le « partage » de l’exécutif. Elle ne marque, relativement aux gouvernements antérieurs qu’un timide progrès dans l’émancipation de l’équipe gouvernementale, dans tous les cas sans commune mesure avec ce qu’autorise la constitution. La continuité de l’emprise du cabinet royal sur l’action du gouvernement demeure la règle. En témoignent entre autres, les trois portefeuilles stratégiques par lesquels un changement, à la mesure des ambitions affichées et de l’esprit de la constitution, eut pu advenir, mais et qui demeurent dans le giron du palais. Ainsi en est-il de la maîtrise de l’ordre du jour de l’action gouvernementale, à travers le SGG. De même que l’on note que les ministres partisans de l’intérieur et des affaires étrangères sont, au-delà du tempérament des personnes qui en ont la charge, flanqués de ministres délégués qui assistent au conseil des ministres (contrairement aux secrétaires d’Etat dont ce gouvernement est d’ailleurs dépourvu), et qui de surcroit disposent d’un vis-à-vis explicite au cabinet royal. Cette configuration restreint à l’évidence la marge d’autonomie dans la conduite des affaires du gouvernent des titulaires partisans de ces portefeuilles.
    Au regard de ce constat, ne serait-on pas en définitive tenté de soutenir que la nouvelle constitution est manifestement surdimensionnée par rapport à la pratique institutionnelle et aux mœurs politiques qui la sous tendent ? Si avec la constitution de 2011, on ne fait pas vraiment mieux qu’avec celle de 1996, c’est que le lézard comme on dit, est sans doute ailleurs ? Il est vrai que nous n'en sommes qu'au début et qu'une constitution s'éprouve dans le temps, mais il n'empêche nous attendions les premiers signes qui sans en préjuger la portée n'en sont pas moins significatifs. L'avenir nous dira.

    En attendant, doit-on pour autant en conclure que le gouvernement est condamné à la résignation de voir lui échapper ce que la constitution lui octroie comme pouvoirs ? Ma réponse est Non. D’autres leviers existent qui préserveraient, dans l'intérêt du pays, un régime de collaboration nécessaire et rénové entre le palais et le gouvernement. Deux prioritairement permettraient aux ministres pleins d’asseoir quelque peu leur autorité sur les départements dont ils seront tenus pour politiquement responsables. D’abord, les décrets d’attribution de "leurs" ministres délégués, qu’ils seront appelés à signer dans les jours qui viennent. Ces décrets qui délimitent le périmètre et l’étendue des pouvoirs qu’ils consentent à octroyer, passent souvent inaperçus, mais sont d’une importance capitale. Les ministres pleins devraient y porter la plus grande attention avant de les signer, et veiller à communiquer sur le sujet. Ensuite, et c’est le deuxième levier ; les nominations des hauts fonctionnaires qui font fonctionner au quotidien la machine administrative, et qui doivent bénéficier de la confiance personnelle du ministre plein. Enfin, le cabinet du premier ministre devrait acquérir l’envergure politique qui lui fait défaut, et dont est tributaire la mise en œuvre effective des pouvoirs du chef du gouvernement. Le Chef du gouvernement investit par la chambre disposera alors de l’autorité requise en démocratie pour se donner les moyens d’exercer pleinement les pouvoirs qui vont avec.

    Ali bouabid (membre du conseil national de l'USFP)
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