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“Salas d Nuja” de Brahim Tazaghart

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  • “Salas d Nuja” de Brahim Tazaghart

    Quand les mots simples parlent de la vie...a decouvrir!


    Entre Ljerrat (les traces) et Akkin i tira (au-delà de l’écrit), Brahim Tazaghart a concocté à compte d’auteur “Salas d Nuja”, un roman qui prend un malin plaisir à tenir en haleine un lecteur agréablement surpris par la fluidité du texte et la contemporanéité de la trame cousue.

    “Acimi a Rebbi d nek i textared akken ad d-begned yes-i tazmert-ik (pourquoi mon Dieu m’as-tu choisi, moi, pour prouver ta puissance) !.

    C’est par cette phrase-prière ou phrase-blasphème, c’est selon le profil psychologique que le lecteur aurait décidé de coller à Salas, personnage central du roman, que Tazaghart Brahim aborde “Salas d Nuja”. La première maille de la trame annoncée rappelle “hier, ma mère est morte” de l’Etranger de A. Camus. Et toc ! pour les habitudes linéaires et les esprits qui considèrent que le ungal (roman) est un produit dérivé d’une revendication folklorique.
    Salas, un jeune boxeur, est admis à l’hôpital. Il subira une intervention chirurgicale. Du coup, il voit le verre à moitié plein. Il est aigri. Il ne se projette pas dans le futur. Il admet que son avenir est dans le passé. Le acerrig (la cicatrice) qu’il a au ventre semble être là pour le lui rappeler. Il quitte l’hôpital avec la certitude que sa vie ne sera plus comme avant. Le souvenir de la mort de sa mère l’attend au sortir de l’hôpital. Se souvenir d’un amour inachevé est récurent. Il surgit aux moments d’incertitudes et de flottements. Même l’amour avec lequel l’entourent son père, sa sœur et se amis ne réussit pas à lui faire voir le verre à moitié plein. Tous ces égards, cette affection, ne parviennent pas à inspirer Salas. Il sembourbe dans l’indifférence et le scepticisme.
    Et vint… Nuja, une Algéroise en vacances à Boulimat. Salas la sauve de la noyade. L’image de Nuja, tirée des griffes de la mer et allongée sur le sable, lui rappelle celle de sa mère mourante.
    Ce sauvetage aurait-il un effet thérapeutique ? A travers Nuja, Salas aurait-il sauvé sa mère qu’il voyait mourir ? C’est dire que l’auteur s’est aussi intéressé à la mécanique psychologique.
    Salas est amoureux de Nuja. Cet amour remplit carrément le verre de Salas. “Ouf ! il est tiré d’affaire !”, s’exclame forcément le lecteur accroché par l’intrigue. Son “ouf” ne durera pas longtemps. Nuja est “écrite” au fils de son oncle que, du reste, elle n’aime pas. Tazaghart souligne subtilement un comportement kabylo-kabyle qui, malgré les façades BCBG d’une société qui se dit émancipée, moderne et moderniste, dure encore. Nous regrettons cependant que l’auteur ait à peine effleuré le rapport mère fille. Une relation complexe et compliquée. Une non-relation dans le cas de Nuja et sa mère qui semble aimer son frère plus que sa fille.
    Par effet d’enchâssement, l’auteur replonge le lecteur dans le passé, dans un autre contexte social où les amours sont ou interdits ou clandestins, mais toujours refoulés et jamais assumés. Tazaghart remonte le temps et nous débusque un Dda Qasi hors norme. Son histoire vient rencontrer celle de Salas dans un bar, à Alger. Le personnage, un septuagénaire, rappelle superbement les aléas des amours clandestins et impossibles de Cheikh El Hasnaoui. Par fidélité à son amour interdit, Dda Qasi refuse de se “compromettre” avec une autre femme. Il vieillit avec le souvenir de sa dulcinée qui a préféré mourir qu’être “vendue” à un autre.
    Alors que tout finira par s’arranger et que Salas et Nuja sont bien partis pour vivre heureux longtemps et avoir beaucoup d’enfants, Salas découvre que Nuja ressemble à sa mère.
    Transfert psychologique ? Situation œdipienne ? Tazaghart nous laissera sur notre faim et notre fin.
    “Salas d Nuja” confirme qu’avec des mots simples, des mots de tous les jours Tamazight se réapproprie sa langue et peut s’inventer une littérature. On peut surtout donner l’impression, et quelquefois la certitude, que le awal de tous les jours aborde sans complexes la vie de tous les jours.


    - La depeche de Kabylie
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