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Trafic d’organes: Moscou règlera leur compte aux bouchers du Kosovo

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  • Trafic d’organes: Moscou règlera leur compte aux bouchers du Kosovo

    Andreï Fediachine

    Vendredi 20 Janvier 2012
    Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a promis mercredi, lors de la conférence de presse consacrée au bilan de la diplomatie russe en 2011, que la Russie ferait tout pour mener jusqu'au bout l’enquête sur l’implication des autorités du Kosovo dans le trafic d'organes. Bien que les capacités de Moscou soient limitées, cela porte l’affaire du niveau européen (l’enquête est menée par les organismes de l’UE) au niveau international.
    D’autant plus que des citoyens russes font partie des victimes. Comme l’a récemment annoncé le porte-parole du Comité d’enquête de Russie, Vladimir Markine, Moscou possède les dépositions de deux citoyens russes, qui ont été victimes des transplantations illégales à Pristina en 2008.
    Ils ont été attirés au Kosovo par des promesses d’argent, et après le prélèvement de leurs reins ils ont été renvoyés chez eux avec des queues de prunes. Et des dizaines de personnes originaires de Turquie, du Kazakhstan, de Moldavie et d’Azerbaïdjan ont subi le même sort. Les documents auraient dû être transmis à la mission de l’UE au Kosovo (EULEX) la semaine dernière, mais le dossier n'a pu être communiqué en temps voulu en raison d’un retard, fréquent dans le travail des organismes d’investigation.
    Massacre à la chaîne au bistouri
    Il est question de l’affaire de la clinique Medicus à Pristina, liée au scandale retentissant en 2008 qui suivit la publication du livre de l’ancienne procureure du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie Carla Del Ponte. Le procès de cette affaire a commencé en automne dernier. Notons tout de suite que Medicus n’est que la partie émergée de l’iceberg. Parallèlement, depuis l’automne dernier, le procureur spécial d’EULEX John Williamson mène une enquête sur des faits similaires pendant la seconde moitié des années 1990, qui ont été présentés dans le rapport du sénateur suisse et membre de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) Dick Marty en décembre 2010.
    En janvier 2011, l’APCE a approuvé une résolution spéciale sur ce document et a appelé à ouvrir une enquête. Chose qui a été faite par l’EULEX. Le 25 janvier une année se sera écoulée depuis l’approbation par l’APCE du rapport en tant que document officiel. Et les 25 et 26 janvier, l’assemblée organisera des audiences sur l’évolution de l’enquête. On suppose qu’elle prendra plusieurs mois. L’aide de la Russie avec ses témoignes sera très utile. Car il est très difficile de trouver des témoins au Kosovo.
    Tout a commencé à l’époque de la guerre civile yougoslave et de la guerre au Kosovo à la fin des années 1990, lorsque les prisonniers serbes étaient transportés par dizaines sur des bases spéciales de l’Armée de libération du Kosovo (UCK) paramilitaire, y compris en Albanie du Nord, pour prélever leurs organes. Certains étaient maintenus en vie pour être opérés plusieurs fois.
    Dans son rapport, Dick Marty déclare que l’UCK a utilisé près de 300 prisonniers en tant que donneurs d’organes. Quant aux Serbes, ils affirment avoir été au moins 2.000. Tout le monde le savait en Serbie depuis les années 1990 et tous les journaux en parlaient. Les médias britanniques et américains ont également évoqué ce sujet. Mais…
    Mais ni à la fin des années 1990, ni au début des années 2000, lorsque se préparait l’indépendance du Kosovo (proclamée en février 2008), il n’était "convenu" de croire les Serbes, car cela aurait pu saper les efforts visant la diabolisation des Serbes en tant que principaux bandits des Balkans. D’autant plus que, comme l’affirmait le rapport de Dick Marty, le chef de l’Armée de libération du Kosovo, le premier ministre actuel du Kosovo Hashim Thaçi, était directement impliqué dans le trafic d’organes.
    Dick Marty à mis deux ans à élaborer son rapport avec un groupe d’experts. En principe, il n’a rien découvert de nouveau, il a simplement rassemblé tous les faits et témoignages sur les affaires des mafias albanaise et kosovare et de l’UCK pendant le conflit yougoslave dans un seul dossier. D’après le rapport, Hashim Thaçi est le chef du clan le plus puissant et le plus violent de l’UCK – le Groupe de Drenica. Il affirme également que le FBI et la CIA, ainsi que cinq organismes antidrogues européens étaient au courant des affaires mafieuses et de drogue de Thaçi dès les années 1990.
    Il existe un lien direct entre les événements des années 1990 et l’affaire Medicus. D’autant plus que les faits montrent que depuis les années 1990 les transplantations illégales n’ont pas cessé et que les prélèvements se sont poursuivis jusqu’en 2008. Cela a fait surface par hasard, lorsqu’à l’aéroport de Pristina un Turc a perdu connaissance. Il avait des points de suture récents dans la région d’un rein. Et ce n’est qu’à ce moment-là que le scandale a éclaté.
    Or même la procureure générale du Tribunal pénal internationale pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) Carla Del Ponte était au courant du trafic d’organes pratiqué couvert par l’UCK au Kosovo. L’ex-procureure a publié début 2008 le livre La Traque: les criminels de guerre et moi sur son travail en tant que procureure du TPIY (1997-2007). Plus tard, le livre a été traduit en anglais et en français. Elle a écrit que selon les informations disponibles, les Albanais du Kosovo prélevaient les organes des prisonniers serbes afin de les envoyer en Occident aux fins de transplantation.
    Carla Del Ponte affirme qu’elle n’a rien pu faire, car il était impossible de recueillir des preuves au Kosovo, où les bandits et les criminels étaient à tous les coins de rue, ils intimidaient les témoins, et même les juges de la Haye craignaient les "combattants de la liberté" kosovars.
    "Je crois que certains juges du TPIY craignaient que les Albanais s’en prennent à eux", écrit-elle.
    Le principal figurant de l’affaire Medicus est le médecin turc Yusuf Sonmez, surnommé le docteur Frankenstein. Il a été appréhendé à Istanbul le 11 janvier 2012 suite à un mandat délivré par Interpol. Yusuf Sonmez, qui à la fin des années 1990 avait été arrêté en Turquie à plusieurs reprises sur le soupçon de trafic d’organes, a également laissé des traces en Azerbaïdjan et en Ukraine. Mais il n’a pas particulièrement cherché à se cacher. Il est arrivé à Istanbul en provenance de Bakou pour "rendre visite à la famille."
    Rappelons que selon la législation du Kosovo, toute transplantation dans une clinique privée kosovare est interdite. Rappelons également que toutes les opérations clandestines ont eu lieu précisément à l’époque où le Kosovo se trouvait sous les projecteurs de l’ONU et où tous les organismes juridiques et policiers étaient dirigés par les fonctionnaires de la Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK), créée en 1999. L’EULEX l’a remplacée en 2008.
    Mais la clinique Medicus avait un statut particulier. Elle était sous la protection du ministère de la Santé du Kosovo en la personne de son secrétaire (vice-ministre) de l’époque Ilir Rrecaj. La clinique recevait régulièrement des autorisations pour réaliser des prélèvements d’organes, qui partaient comme à la chaîne à destination de patients canadiens, israéliens, polonais, allemands, américains et bien d’autres. 15-20.000 euros étaient promis aux donneurs turcs, kazakhs, moldaves, ukrainiens, azerbaïdjanais et russes, mais ils ne voyaient pas la couleur de cet argent, et les organes étaient revendus 80-100.000 euros et plus. Rien qu’en une année Medicus réalisait jusqu’à 30 opérations.
    Peut-on découvrir la vérité au Kosovo?
    La liste des emplacements de fosses communes de Serbes et les adresses des prisons secrètes au Kosovo et en Albanie du Nord a été transmise à la Cour pénale internationale de la Haye par les autorités serbes en 2001 avec les listes des personnes portées disparues. Mais cela n’a rien donné. Et on ignore quel sera le résultat de l’enquête actuelle de John Williamson sur le rapport de Marty.
    Le Kosovo est un territoire particulier. La légalité au sens européen du terme est confinée au siège de l’EULEX à Pristina. Tout le reste est contrôlé par les autorités locales et les forces de l’ordre formées par l’UCK. Beaucoup de témoins dans l’affaire des "bouchers kosovars" qui ont voulu parler ont déjà disparu sans laisser de trace.
    Voici une parfaite illustration de l’état de choses au Kosovo. Le bureau de John Williamson n’est pas basé au Kosovo, où tous les crimes mentionnés ont eu lieu et où, selon toute logique, l’enquête devrait être menée, mais à Bruxelles. Il ne s’est rendu qu’une seule fois en Serbie, au Kosovo et en Albanie. Ainsi, Carla Del Ponte avait parfaitement raison lorsqu'elle déclarait dans son livre que les procureurs feraient mieux de se tenir à l’écart du Kosovo. Et c’est précisément ce qui se passe.
    Et très probablement l’enquête de Williamson ne confirmera pas les arguments du rapport. Les bases et les cliniques clandestines des années 1990 ont été depuis longtemps détruites par les Albanais et les Kosovars. Et il est difficile de trouver des témoins.
    Et cela ferait désordre s’il s’avérait qu’après la guerre de 1999 un gang mafieux, kidnappant des individus et se livrant au trafic d’organes, de stupéfiants, d’armes et au racket, était arrivé au pouvoir au Kosovo.

    L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction Ria Novosti
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