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La Corée tourne le dos à son modèle industriel

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  • La Corée tourne le dos à son modèle industriel

    REPORTAGE - Pour exporter et créer de l'emploi, le pays mise désormais sur la recherche et les technologies de pointe. La Corée du Sud compte, au regard de sa taille, le plus grand nombre d'universités au monde.

    Posco à Pohang, sur la côte est du pays, la deuxième plus grande aciérie du pays, est une ville dans la ville. Tentaculaire, étalée sur 8,9 kilomètres carrés, elle veut faire illusion avec ses immenses hangars peints en bleu, en orange, en jaune ou en vert. «Les ressources sont limitées, la créativité est illimitée!», proclame un panneau à l'entrée. Mais une fumée jaunâtre flotte dans l'air et partout l'odeur fétide du métal en fusion pique le nez. Du magma rouge orangé qui bouillonne 24 heures sur 24, jaillissent des étincelles dans le bruit assourdissant des aérateurs géants. Il n'y a personne devant les machines. Tout est piloté par ordinateur depuis le centre de commandement.

    Ici, c'est la Corée de l'industrie lourde, celle des chantiers navals, de l'automobile. Une Corée du Sud qui garde encore jalousement ses secrets -il faut mettre son appareil photo et même son téléphone mobile dans une pochette en plastique opaque pour visiter Posco- et ne veut pas renier son passé. Mais une Corée qui cherche aussi à tourner la page.

    À quelques kilomètres de là, l'aciériste a financé Postech, la Pohang University of Science and Technologie, l'une des meilleures universités coréennes spécialisée dans la recherche. Et le vaste campus qui l'abrite, jaune pâle sous ses couleurs d'hiver, accueille aussi l'un des accélérateurs de particules le plus moderne au monde, un centre de biotechnologies, un de nanotechnologies, un autre de robotique et, enfin, racines obligent, l'une des seules grandes écoles entièrement dédiée à l'étude scientifique du fer et de l'acier.

    Enseignants et élèves triés sur le volet
    Aujourd'hui, la Corée du Sud est sans doute le pays qui compte, au regard de sa taille, le plus grand nombre d'écoles et d'universités sur terre. En incluant les moins connues et les plus petites, on en a dénombré plus de 500! Un chiffre que le gouvernement voudrait voir réduit autour de 250 au grand dam des municipalités, qui en tirent la plus grande fierté, et des enseignants. «C'est ridicule, peu importe le nombre, ce qui compte c'est le niveau. Chez nous, plus de 80 % de nos étudiants sortent diplômés», affirme le responsable de Postech.

    À Daejeon, au centre du pays, Nam Pyo-suh, le président du prestigieux Korea Advanced Institute of Science and Technology (KAIST), est encore plus catégorique. Son établissement s'enorgueillit d'être l'un trois meilleurs de Corée, comparable au Massachusetts Institute of Technolgy. Tous les cours sont en anglais et les enseignants, tous chercheurs par ailleurs, triés sur le volet. Quant aux étudiants, venus du monde entier, ils ne sont pas choisis sur examen, mais sur une recommandation de l'université qu'ils fréquentaient avant et à l'issue d'un entretien particulièrement serré. «Ici, tous les étudiants trouvent le métier qu'ils veulent immédiatement à leur sortie. Ils n'ont jamais le moindre problème pour chercher. Ce sont d'ailleurs les entreprises qui viennent à nous», assure-t-il fièrement.

    Une priorité, créer des emplois
    Ce jour-là, ils étaient une vingtaine invités à venir témoigner. Décontractés, en jean et baskets, aucun d'entre eux n'avait le plus petit doute sur son avenir. Et KAIST, sollicité il y a un an par New York, envisage maintenant d'exporter son modèle à Abu Dhabi, loin de Daejeon. Daejeon qui se voit désormais en Silicon Valley de la Corée, aiguillonnée par l'arrivée cette année de presque tous les grands ministères actuellement installés au sud de Séoul, premier ministre compris. Cela va faire de la ville une deuxième capitale.

    Toutes ces universités, ce sont autant de symboles, de cette nouvelle Corée qui veut se construire sur la recherche, les technologies de pointe et la «croissance verte», chère au président de la République, Lee Myung-bak, dont le mandat s'achèvera en fin d'année.

    Lancée il y a plus de trois ans, cette croissance verte s'articule autour de la réduction de la facture énergétique du pays, de la recherche de nouveaux moteurs d'expansion et de la conquête de marchés étrangers inexplorés. Une idée à laquelle se sont ralliés sans problème certains industriels qui, comme Hyundai et Samsung, ont pris le virage de l'éolien et du photovoltaïque. Mais d'autres traînent les pieds et refusent d'investir dans des domaines qu'ils ne connaissent pas. «C'est pourtant une très bonne idée pour rebondir à l'exportation, analyse un chef d'entreprise européen. Mais la vraie question, c'est de savoir si la croissance verte va créer des emplois.»

    Le sujet est au cœur du budget 2012 du pays. Officiellement, le taux de chômage en Corée ne dépasse pas 3,5 %. En réalité, confie un économiste à Séoul, «il tourne autour de 19 % et touche tout particulièrement les jeunes et les femmes». Mais si l'on pose la question à Shin Suk-ha, analyste au très sérieux département de macroéconomie du Korea Development Institute, il sourit et répond sans hésiter: «Je crains que la croissance verte ne détruise plus d'emplois qu'elle ne pourra jamais en créer …»

    Les ménages s'enfoncent dans la spirale du surendettement
    Fin 2011, 50.000 restaurants de Séoul et des environs ont fermé leurs portes à l'heure du déjeuner. Du jamais vu. Tous protestaient contre les frais trop élevés qui leur sont imposés sur les cartes de crédit par les opérateurs privés.

    Lee Bong-e est le consultant de l'Association coréenne des restaurateurs à l'origine de la fronde. Lui-même dirige un établissement réputé à Suwon, dans la banlieue de Séoul. «Avec la hausse des prix des denrées alimentaires et une commission de 2,7% sur les cartes, on ne s'en sort plus. Et c'est d'autant plus injuste que cette commission n'est que de 1,5% dans les stations d'essence et dans les grands magasins», explique-t-il. Au-dessus, il n'y a en effet que les vêtements (de 3% à 4 %) et les enseignes de luxe (5%).

    L'affaire serait sans importance si les Sud-Coréens n'utilisaient pas la carte de crédit absolument pour tout, même quand les sommes sont modiques. Et les commerçants n'ont pas d'autre choix que de les accepter. Elles sont pratiquement imposées par les banques et les sociétés de crédit appartenant à Samsung ou à Hyundai. L'installation des terminaux nécessaires aux opérations est gratuite, effectuée par une filiale technique des banques. «Officiellement, on ne nous oblige pas, mais l'administration nous conseille fortement de les utiliser, et, si nous refusons, il existe une loi qui peut nous condamner à un an de prison et jusqu'à une amende de 100 millions de wons», poursuit Lee Bong-e.

    Distribution gratuite de carte de crédit
    Son association, qui regroupe 460.000 établissements, réalisant un chiffre d'affaires annuel de 70.000 milliards à 80.000 milliards de wons (entre 45,5 et 52 milliards d'euros), est loin de représenter la majorité des restaurateurs sud-coréens. Les non-membres, il le reconnaît volontiers, sont beaucoup plus nombreux. Mais les restaurateurs ne veulent pas désarmer et envisagent un nouveau coup d'éclat au début de cette année. «L'opinion publique nous est favorable. Tous nos clients nous disent qu'ils ne savaient pas que les taux étaient si élevés», assure le porte-parole.

    Il est vrai que le sujet embarrasse beaucoup de monde. Un Coréen utilise en moyenne 4,9 cartes de crédit chaque jour. L'une paie les dépassements de l'autre, puis la troisième prend le relais… Et, selon un spécialiste, les foyers sont endettés à hauteur de 150% de leurs revenus disponibles. «Ici, quand on veut quelque chose, c'est tout, tout de suite. Et on l'a quoi qu'il en coûte.»

    Un casse-tête pour les banques qui ont bien tenté de mettre un plafond sur les crédits, mais le système n'a fait que développer un «marché gris» de l'emprunt de plus en plus important. «Nous sommes conscients du problème», reconnaît Kim Young-jin, directeur de la stratégie du parti Démocratie, le parti d'opposition, qui calcule que les sociétés privées qui en profitent, «non seulement des coréennes, mais aussi des japonaises», pratiquent fréquemment des taux d'usure dépassant les 30%. Même ces derniers sont insuffisants pour dissuader les Coréens.

    Fin décembre, les dettes des ménages sud-coréens avaient atteint un record historique, à près de 900.000 milliards de wons (582,2 milliards d'euros). Un chiffre qui fait craindre que le pays retombe dans la spirale infernale de 2004, où l'on distribuait gratuitement les cartes de crédit aux sorties de métro et de grands magasins à Séoul. À cette époque, presque tous les cadres se retrouvaient devoir rembourser des sommes 50 à 60 fois supérieures à ce qu'ils gagnaient chaque mois.

    Des élèves qui travaillent 15 heures par jour…
    Dans le quartier d'Insa-dong, à Séoul, un dimanche matin, une dizaine d'enfants déboulent à la terrasse d'une maison de thé cachée dans un jardin entouré de galeries d'art. Les garçons comme les filles portent des sacs à dos visiblement chargés.

    Ils sont accompagnés par une jeune femme d'une trentaine d'années qui parle haut et fort. Ils l'écoutent un instant, puis s'éparpillent pour récupérer dans chaque boutique qui un crayon, qui un catalogue, qui une affiche. Mais ce n'est pas un jeu. C'est un programme éducatif du week-end. En Corée, les journées de 15 heures de cours sont la norme. Quand on quitte l'école, on file dans les «hagwons», des instituts privés hors de prix, souvent jusqu'à minuit. Le pays compte pas moins de 55.000 académies de ce type.

    Mi-novembre 2011, 693.000 étudiants passaient le test annuel de «capacité scolaire pour l'université». L'examen sur lequel ces dernières vont s'appuyer pour choisir les meilleurs. Ce jour-là, les bureaux ouvrent plus tard pour que les candidats ne se retrouvent pas bloqués dans les embouteillages. Les compagnies aériennes diffèrent leurs vols pour limiter le bruit et les automobilistes sont priés de ne pas utiliser leurs avertisseurs.

    La dernière année du secondaire, les jeunes Coréens ont moins d'une heure de temps libre par jour. Mais cette compétition a son revers. De plus en plus d'écoliers souffrent du stress. Et l'an dernier, à Daejeon, un jeune homme de 19 ans qui devait passer son test pour la deuxième fois s'est suicidé.

    source: Le Figaro.fr

  • #2
    quel développement, quelle croissance ?

    Décidément le monde n'a pas encore trouvé son équilibre. Nous avons certainement besoin de développement scientifique et technologique...
    Quand développerons-nous l'art de vivre ?
    A quoi sert-il d'être les meilleurs lorsqu'on pers notre humanité?

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    • #3
      Merci Neutrino pour ce superbe article, j'ai bp apprécié le lire, mais des sentiments paradoxales m'ont travercés, passant de l'émerveillement au début pour ce pays, à l'ampatie à la fin.

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      • #4
        Merci Neutrino pour ce superbe article, j'ai bp apprécié le lire, mais des sentiments paradoxales m'ont travercés, passant de l'émerveillement au début pour ce pays, à l'ampatie à la fin.

        Tout à fait AtlasLions!

        Rien qu'à lire la fin de l'article, j'ai commencé à stresser ?!

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        • #5
          de rien. j'ai posté en réaction au topic de Sidmark (Algérie, urgence d'une stratégie économique alternative).

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