" Il a été décidé qu’on reparlerait, dès les petites classes, d’éducation civique, d’honnêteté, de courage, de refus du racisme et d’amour de la République. Il est dommage que l’école ne soit fréquentée que par les enfants. "
André Frossard
Mon attention a été attirée à la lecture d’El Watan par deux articles qui, en apparence, sont disjoints mais qui, en fait, se rejoignent. Il s’agit de la déclaration faite à l’Assemblée nationale française à l’occasion de Yennayer, le 12 janvier. Déclaration dans laquelle le président du MAK aurait dit que la guerre d’indépendance a été un malentendu. Qu’en est-il exactement? Dans la même livraison, un article sur la condition de l’École algérienne amène à questionnement.
La guerre de libération : un malentendu ?
Nadjia Bouaricha écrit en substance:
" Il est des moments dans la vie d’un homme qui marquent son heure de gloire ou de déclin. Ferhat Mhenni a eu droit à ce deuxième sort réservé à ceux de qui l’Histoire se détourne et continue son chemin. L’initiateur et promoteur du projet d’"autonomie-indépendance" de la Kabylie, Ferhat Mhenni, a franchi, dans sa quête de crédibilisation de ce projet, le seuil de l’indélicatesse et de l’affront.
Le chef du MAK a tenu des propos insultants vis-à-vis de la Kabylie et de la guerre de libération nationale et ce, dans l’enceinte même de l’Assemblée nationale française, à l’invitation de son ami député et ex-ministre UMP, Éric Raoult. (…) Enlever la Kabylie du sein de l’Algérie pour l’arrimer à la France n’est sûrement pas rendre justice à ce bastion de la résistance qui ne cessera jamais de revendiquer son algérianité, malgré les tentatives de division instrumentalisées par le pouvoir ou par des nostalgiques de "l’Algérie française" d’ici ou d’ailleurs. "(1)
Nous avons voulu voir ce qu’il en était de ce " malentendu ", nous avons cherché en vain une trace de la commémoration de l’évènement sur le site de l’Assemblée française et même sur le site du député à la base de cette invitation du président du Mak. Rien! Nous nous sommes alors rabattu sur les sites. Ce que nous avons lu nous a rendu triste. Notamment ces phrases prononcées, je le reconnais, hors de leur contexte mais qui sont troublantes pour dit-on un fils de Chahid qui a donné sa vie pour cette Algérie trois fois millénaire. Nous lisons:
" La Kabylie n’ayant pas récupéré sa souveraineté à l’indépendance de l’Algérie, en 1962, par formalismes bureaucratique et protocolaire, son dossier a été transféré à l’État algérien qui en use et abuse pour éviter de refermer les plaies du passé qui compromettent la construction d’un avenir de solidarité entre nos deux peuples. (…) L’émergence d’une Kabylie de laïcité et de liberté ne peut que renforcer la communauté internationale éprise de paix et de stabilité.
Pour cela, il serait bon que cette même communauté internationale, à commencer par la France, reconnaisse à la Kabylie le droit à son autodétermination. Le Gouvernement provisoire kabyle a besoin du soutien de tous pour la réalisation de ce noble objectif. (…) Vous voyez à travers cet exposé que ce qui oppose aujourd’hui le pouvoir algérien à la Kabylie est bien plus lourd que le malentendu qui a pu exister de 1857 à 1962 entre la Kabylie et la France." (2)
Pour l’orateur qui met sur le même plan le pouvoir algérien et le système colonial, le contentieux est juste un malentendu qui doit être dissipé par la Kabylie qui sera indépendante par le soutien de l’ancienne puissance coloniale! On peut comprendre sans l’excuser les réactions de désespoir qui amènent certains algériens ou en tout cas qui se sentent encore Algériens à ces extrémités du fait que l’Algérie s’est installée dans les temps morts par le refus de l’alternance, du débat d’idées, de l’émergence d’autres légitimités que celles qui "s’attrapent le fonds de commerce" de la glorieuse révolution de Novembre.
Il n’empêche! La colonisation en Algérie ne fut pas une " œuvre positive " pour les indigènes que nous étions. Il n’y a pas de malentendu. Certes, il y eut des hommes et des femmes qui ont bravé les interdits dépassé les fils invisibles qui séparaient les deux communautés et qui sont à nous au nom de la dignité humaine pour nous aider, nous secourir, nous enseigner.
Il vient qu’à la veille de ce cinquantième anniversaire, les Algériens sont plus atomisés que jamais. Pour arriver à cette extrémité prônée par certains de la partition, il faut bien – au lieu d’aller vers la facilité de diaboliser tous ceux qui pensent différemment- se poser les vraies questions. Qu’on se le dise! L’Occident n’aura aucun état d’âme pour arriver à ses fins! S’il faut aller vers la partition, il l’encouragera. Méditons l’exemple de la partition du Soudan, qui a donné lieu à un Sud-Soudan déchiré et la première visite du nouveau président a été faite à Israël. Triste et dangereux privilège, l’Algérie est de ce fait le premier pays d’Afrique par la surface et les ressources potentielles que dans notre ignorance et naturellement nous ne savons pas mettre en œuvre.
Si cette partition amenait à des CNT type Libye ou Syrie, que restera-t- il de cette Algérie qui, quoi qu’en pense le président du MAK, a été défendue " min ta lata " pour paraphraser Nahnah qui à sa façon parlait d’un être ensemble de Tizi à Tamanrasset et de Tlemcen à Tebessa. Nulle part, il ne fut question de partition ni de malentendu avec la France. La colonisation fut atroce et sans faire dans la concurrence victimaire on dit que l’occupation française par le fer et par le feu pendant 132 ans fut un véritable génocide au ralenti. L’Algérie aurait perdu 6 millions de personnes hommes femmes enfants et surtout, surtout le séisme d’un certain 5 juillet 1830 continue et pour cause à avoir des répliques dans nos imaginaires de nos jours. Nous n’avons pas réglé le contentieux multidimensionnel avec notre ancien adversaire intime. De là à trouver des vertus à la colonisation, ce n’est ni juste ni responsable.
Pour autant, cinquante ans après nous ne pouvons pas rendre responsable la France de nos errances multidimensionnelles. Nous sommes à la croisée des chemins. L’Algérie ne connaîtra pas le repos tant qu’elle n’aura pas réglé l’épineux problème du vivre, ensemble. Qui sommes-nous? Il a fallu cinquante ans pour qu’à doses homéopathiques les tenants du pouvoir lâchent du lest et admettent qu’il existe un " fond rocheux berbère trois fois millénaire dans ce pays " et qu’il y a près de quatorze siècles, l’Islam a permis – de mon point de vue- la conquête des cœurs. Comme l’écrit Charles-Robert Julien, l’avènement de l’Islam au Maghreb fut un gigantesque événement, pour la première fois la cloison étanche Orient-Occident fut ouverte ce que n’a pas pu faire le christianisme ".
Cependant, cette reconnaissance du socle berbère ne se traduisit pas dans la réalité du terrain. Résultat des courses: depuis l’Indépendance, et pour avoir étouffé cette dimension importante de la personnalité algérienne, un combat sourd a lieu entre ceux qui ont mis le cap sur les métropoles moyen-orientales dont on connaît les lamentables performances au nom d’une accabya mythique, d’autant que personne au Moyen-Orient ne veut ni n’aime les Algériens (n’avons-nous pas été traités de baltaguias par nos frères égyptiens à cause d’un match?) et les partisans d’un cap vers l’Occident qui nous prend encore pour des demeurés qui ont vocation à être de nouveau "colonisables" à distance….
André Frossard
Mon attention a été attirée à la lecture d’El Watan par deux articles qui, en apparence, sont disjoints mais qui, en fait, se rejoignent. Il s’agit de la déclaration faite à l’Assemblée nationale française à l’occasion de Yennayer, le 12 janvier. Déclaration dans laquelle le président du MAK aurait dit que la guerre d’indépendance a été un malentendu. Qu’en est-il exactement? Dans la même livraison, un article sur la condition de l’École algérienne amène à questionnement.
La guerre de libération : un malentendu ?
Nadjia Bouaricha écrit en substance:
" Il est des moments dans la vie d’un homme qui marquent son heure de gloire ou de déclin. Ferhat Mhenni a eu droit à ce deuxième sort réservé à ceux de qui l’Histoire se détourne et continue son chemin. L’initiateur et promoteur du projet d’"autonomie-indépendance" de la Kabylie, Ferhat Mhenni, a franchi, dans sa quête de crédibilisation de ce projet, le seuil de l’indélicatesse et de l’affront.
Le chef du MAK a tenu des propos insultants vis-à-vis de la Kabylie et de la guerre de libération nationale et ce, dans l’enceinte même de l’Assemblée nationale française, à l’invitation de son ami député et ex-ministre UMP, Éric Raoult. (…) Enlever la Kabylie du sein de l’Algérie pour l’arrimer à la France n’est sûrement pas rendre justice à ce bastion de la résistance qui ne cessera jamais de revendiquer son algérianité, malgré les tentatives de division instrumentalisées par le pouvoir ou par des nostalgiques de "l’Algérie française" d’ici ou d’ailleurs. "(1)
Nous avons voulu voir ce qu’il en était de ce " malentendu ", nous avons cherché en vain une trace de la commémoration de l’évènement sur le site de l’Assemblée française et même sur le site du député à la base de cette invitation du président du Mak. Rien! Nous nous sommes alors rabattu sur les sites. Ce que nous avons lu nous a rendu triste. Notamment ces phrases prononcées, je le reconnais, hors de leur contexte mais qui sont troublantes pour dit-on un fils de Chahid qui a donné sa vie pour cette Algérie trois fois millénaire. Nous lisons:
" La Kabylie n’ayant pas récupéré sa souveraineté à l’indépendance de l’Algérie, en 1962, par formalismes bureaucratique et protocolaire, son dossier a été transféré à l’État algérien qui en use et abuse pour éviter de refermer les plaies du passé qui compromettent la construction d’un avenir de solidarité entre nos deux peuples. (…) L’émergence d’une Kabylie de laïcité et de liberté ne peut que renforcer la communauté internationale éprise de paix et de stabilité.
Pour cela, il serait bon que cette même communauté internationale, à commencer par la France, reconnaisse à la Kabylie le droit à son autodétermination. Le Gouvernement provisoire kabyle a besoin du soutien de tous pour la réalisation de ce noble objectif. (…) Vous voyez à travers cet exposé que ce qui oppose aujourd’hui le pouvoir algérien à la Kabylie est bien plus lourd que le malentendu qui a pu exister de 1857 à 1962 entre la Kabylie et la France." (2)
Pour l’orateur qui met sur le même plan le pouvoir algérien et le système colonial, le contentieux est juste un malentendu qui doit être dissipé par la Kabylie qui sera indépendante par le soutien de l’ancienne puissance coloniale! On peut comprendre sans l’excuser les réactions de désespoir qui amènent certains algériens ou en tout cas qui se sentent encore Algériens à ces extrémités du fait que l’Algérie s’est installée dans les temps morts par le refus de l’alternance, du débat d’idées, de l’émergence d’autres légitimités que celles qui "s’attrapent le fonds de commerce" de la glorieuse révolution de Novembre.
Il n’empêche! La colonisation en Algérie ne fut pas une " œuvre positive " pour les indigènes que nous étions. Il n’y a pas de malentendu. Certes, il y eut des hommes et des femmes qui ont bravé les interdits dépassé les fils invisibles qui séparaient les deux communautés et qui sont à nous au nom de la dignité humaine pour nous aider, nous secourir, nous enseigner.
Il vient qu’à la veille de ce cinquantième anniversaire, les Algériens sont plus atomisés que jamais. Pour arriver à cette extrémité prônée par certains de la partition, il faut bien – au lieu d’aller vers la facilité de diaboliser tous ceux qui pensent différemment- se poser les vraies questions. Qu’on se le dise! L’Occident n’aura aucun état d’âme pour arriver à ses fins! S’il faut aller vers la partition, il l’encouragera. Méditons l’exemple de la partition du Soudan, qui a donné lieu à un Sud-Soudan déchiré et la première visite du nouveau président a été faite à Israël. Triste et dangereux privilège, l’Algérie est de ce fait le premier pays d’Afrique par la surface et les ressources potentielles que dans notre ignorance et naturellement nous ne savons pas mettre en œuvre.
Si cette partition amenait à des CNT type Libye ou Syrie, que restera-t- il de cette Algérie qui, quoi qu’en pense le président du MAK, a été défendue " min ta lata " pour paraphraser Nahnah qui à sa façon parlait d’un être ensemble de Tizi à Tamanrasset et de Tlemcen à Tebessa. Nulle part, il ne fut question de partition ni de malentendu avec la France. La colonisation fut atroce et sans faire dans la concurrence victimaire on dit que l’occupation française par le fer et par le feu pendant 132 ans fut un véritable génocide au ralenti. L’Algérie aurait perdu 6 millions de personnes hommes femmes enfants et surtout, surtout le séisme d’un certain 5 juillet 1830 continue et pour cause à avoir des répliques dans nos imaginaires de nos jours. Nous n’avons pas réglé le contentieux multidimensionnel avec notre ancien adversaire intime. De là à trouver des vertus à la colonisation, ce n’est ni juste ni responsable.
Pour autant, cinquante ans après nous ne pouvons pas rendre responsable la France de nos errances multidimensionnelles. Nous sommes à la croisée des chemins. L’Algérie ne connaîtra pas le repos tant qu’elle n’aura pas réglé l’épineux problème du vivre, ensemble. Qui sommes-nous? Il a fallu cinquante ans pour qu’à doses homéopathiques les tenants du pouvoir lâchent du lest et admettent qu’il existe un " fond rocheux berbère trois fois millénaire dans ce pays " et qu’il y a près de quatorze siècles, l’Islam a permis – de mon point de vue- la conquête des cœurs. Comme l’écrit Charles-Robert Julien, l’avènement de l’Islam au Maghreb fut un gigantesque événement, pour la première fois la cloison étanche Orient-Occident fut ouverte ce que n’a pas pu faire le christianisme ".
Cependant, cette reconnaissance du socle berbère ne se traduisit pas dans la réalité du terrain. Résultat des courses: depuis l’Indépendance, et pour avoir étouffé cette dimension importante de la personnalité algérienne, un combat sourd a lieu entre ceux qui ont mis le cap sur les métropoles moyen-orientales dont on connaît les lamentables performances au nom d’une accabya mythique, d’autant que personne au Moyen-Orient ne veut ni n’aime les Algériens (n’avons-nous pas été traités de baltaguias par nos frères égyptiens à cause d’un match?) et les partisans d’un cap vers l’Occident qui nous prend encore pour des demeurés qui ont vocation à être de nouveau "colonisables" à distance….
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