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C'est la théorie des cycles : c'est quand certains peuples n'ont pas d'autres philosophies de l'histoire que celle de l'épuisement. Un proverbe clandestin fourni au chroniqueur explique, par exemple, que « la présidence a commencé avec H'med et elle finira avec un autre H'med ». Le premier est Ben Bella, le dernier serait Ouyahia ? Plausible. Dans tous les cas, les Algériens regardent l'histoire du pouvoir comme un spectacle de fatalité où se mêlent destin, amusement astrologique, malédiction collective et « Feux de l'amour ». Les Algériens gardent la même distance précise et kilométrique entre eux et le pouvoir que celle qu'il y avait entre leurs ancêtres et les Ottomans. C'est une histoire de Beys, d'anecdotes, de désobéissance à Allah, d'officiers félons et de glissade du haut d'un cheval ou d'assassinat dans un bain. D'ailleurs, la théorie des cycles a atteint même les perceptions des élites : en Algérie, certains parlent du fameux cycle des vingt ans et ses troubles sociaux cycliques. Chaque vingt ans, on a droit à une grosse émeute, un nouveau président, une crise économique et un quota de morts pour rien, morts officiellement pour la liberté ou la démocratie par exemple.
Pour les «cycliens», l'histoire politique de l'Algérie serait donc une version grandiose de la lutte entre un Marabout qui maudit une ville et le Bey qui va lui couper la tête. L'Algérie actuelle serait, par exemple, maudite par des martyrs algériens morts avec une balle dans le dos tirée par des «frères», alors qu'ils attendaient une balle dans la poitrine tirée par la France. C'est parce qu'on a trahi une sorte de Père ou des ancêtres que nous subissons aujourd'hui le «sous développement» vécue comme une sanction magique et pas comme un mauvais indice de croissance.
Le pays «tiendrait» encore debout à cause des vieux saints, des enfants et de quelques hommes de bonne volonté. Sans eux, on aurait tous disparu dans une sorte d'éternuement nucléaire du ciel en colère.
Pour vérifier encore plus cette théorie des cycles, les gens montrent même aujourd'hui l'actuel pouvoir. Depuis la mort de Boumediene, le sommet du Pouvoir aurait « re-vécu » la même histoire algérienne du pouvoir que celle de 1956 à 1962. Révolution, tractations avec un président exogène (Bouteflika aujourd'hui, Ben Bella à cette époque), coup d'Etat discret contre le GPRA, démission (Zeroual ou Ferhat Abbas), armée des frontières, zone autonome d'Alger prise à son propre piège. Chaque vingt ans, la crise du pouvoir ou sa vacance ramènent le pays au congrès de la Soummam ou au premier coup d'Etat de l'indépendance. Avec les mêmes figurants, les même rancunes. C'est même une histoire close où les uns et les autres s'embrassent, se tuent, se réélisent ou se réconcilient : Bouteflika peut avoir culbuté Ben Bella, un demi-siècle plus tard il accueillera celui-ci comme un Père et enterra l'épouse de ce dernier comme une sœur. Et ainsi de suite jusqu'à l'épuisement biologique de cette génération. Et ensuite ? Ensuite, on recommencera avec un autre H'med, disent les astrologues.
Kamel Daoud
Pour les «cycliens», l'histoire politique de l'Algérie serait donc une version grandiose de la lutte entre un Marabout qui maudit une ville et le Bey qui va lui couper la tête. L'Algérie actuelle serait, par exemple, maudite par des martyrs algériens morts avec une balle dans le dos tirée par des «frères», alors qu'ils attendaient une balle dans la poitrine tirée par la France. C'est parce qu'on a trahi une sorte de Père ou des ancêtres que nous subissons aujourd'hui le «sous développement» vécue comme une sanction magique et pas comme un mauvais indice de croissance.
Le pays «tiendrait» encore debout à cause des vieux saints, des enfants et de quelques hommes de bonne volonté. Sans eux, on aurait tous disparu dans une sorte d'éternuement nucléaire du ciel en colère.
Pour vérifier encore plus cette théorie des cycles, les gens montrent même aujourd'hui l'actuel pouvoir. Depuis la mort de Boumediene, le sommet du Pouvoir aurait « re-vécu » la même histoire algérienne du pouvoir que celle de 1956 à 1962. Révolution, tractations avec un président exogène (Bouteflika aujourd'hui, Ben Bella à cette époque), coup d'Etat discret contre le GPRA, démission (Zeroual ou Ferhat Abbas), armée des frontières, zone autonome d'Alger prise à son propre piège. Chaque vingt ans, la crise du pouvoir ou sa vacance ramènent le pays au congrès de la Soummam ou au premier coup d'Etat de l'indépendance. Avec les mêmes figurants, les même rancunes. C'est même une histoire close où les uns et les autres s'embrassent, se tuent, se réélisent ou se réconcilient : Bouteflika peut avoir culbuté Ben Bella, un demi-siècle plus tard il accueillera celui-ci comme un Père et enterra l'épouse de ce dernier comme une sœur. Et ainsi de suite jusqu'à l'épuisement biologique de cette génération. Et ensuite ? Ensuite, on recommencera avec un autre H'med, disent les astrologues.
Kamel Daoud
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