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Le "printemps arabe", vedette du festival de cinéma de Rotterdam

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  • Le "printemps arabe", vedette du festival de cinéma de Rotterdam

    Rotterdam Envoyé spécial - Il n'est plus un seul grand festival de cinéma de par le monde qui ne paie désormais, d'une manière ou d'une autre, son tribut au "printemps arabe".

    Ouvert le 25 janvier, date anniversaire de la révolution égyptienne, le festival de Rotterdam, qui fermera ses portes le 5 février, a ainsi programmé une éclairante rétrospective du jeune cinéma égyptien et syrien. C'est toutefois "l'actualité chaude" qui a recueilli les faveurs du public, avec le documentaire Back to the Square, de Petr Lom, portrait brut de décoffrage de victimes de la répression postrévolutionnaire en Egypte.

    Le film évoque notamment le cas de Michael Nabil Sanad, un blogueur emprisonné, en suivant le combat mené pour sa libération par son jeune frère Mark, un étudiant en informatique de 19 ans, et par son père, tous deux soutenus par plusieurs associations des droits de l'homme. Heureuse surprise, quelques jours avant la projection du film à Rotterdam, cette libération a eu lieu, et la venue de Michael Nabil Sanad aux Pays-Bas fut aussitôt annoncée, avant d'être démentie en raison de son état de santé. La déconvenue n'interdit pas d'éclairer cette singulière figure de l'opposition égyptienne.

    Agé de 26 ans, vétérinaire de formation, il a renoncé à exercer son métier pour se lancer dans l'activisme politique. Son blog - qui a atteint depuis son emprisonnement des sommets de fréquentation - cultive une liberté d'opinion qui confine, rapportée au contexte, à l'hérésie. D'origine copte, athée revendiqué, pacifiste militant, défenseur du droit d'Israël à exister, protestataire des premières heures de la révolution et last but not least, objecteur de conscience.

    Depuis la chute d'Hosni Moubarak en février 2011, Michael reste fidèle à sa ligne, en ne cessant de stigmatiser la répression de l'armée contre les mouvements civiques. Cela fait beaucoup. Trop, même, pour le Conseil supérieur des forces armées qui dirige le pays sous l'autorité du maréchal Tantaoui, ex-ministre de la défense du régime défunt.

    Michael Nabil Sanad est donc arrêté le 28 mars 2011, emprisonné, puis déféré devant un tribunal militaire qui le condamne à trois ans de prison pour insulte à l'armée et trouble de l'ordre public. Il dénonce la violation de ses droits civils, refuse toute défense au procès que l'on veut lui intenter, et débute une grève de la faim le 23 août. Celle-ci le mène au bord du gouffre quand, après dix mois de détention, il bénéficie le 21 janvier d'une amnistie collective, avec quelque 2 000 autres prisonniers. Un geste qui précède de quelques jours l'anniversaire de la révolution, et surtout la menace d'une manifestation appelant à la liberté des prisonniers d'opinion.

    L'image de l'armée dégradée

    Joint par téléphone au Caire, Michael Nabil, affaibli, évoque la dureté de cette incarcération : "C'était une cohabitation pénible avec des criminels endurcis qui m'insultaient tous les jours." L'inconditionnalité de sa libération ne l'empêche pas de penser qu'il pourrait "retourner du jour au lendemain en prison", mais il se dit "déterminé à reprendre le combat". Il estime que, en dépit des bouleversements qu'a connus son pays, "le système répressif est toujours en place", et que les récentes élections, en portant au pouvoir des partis religieux, sont "tout bonnement anticonstitutionnelles". Il garde enfin bon espoir que le peuple finisse par retirer sa confiance "à ces partis qui ont récupéré la révolution, de connivence avec l'armée".

    Cet esprit de révolte, cette libération de la parole, cette exigence de justice et de démocratie, tous les personnages de Back to the Square, victimes de la férocité et de l'arbitraire du pouvoir, la partagent à égalité. Le film montre à travers eux la pérennité de l'appareil répressif égyptien, et la rapide dégradation de l'image d'une armée dont la bienveillance était célébrée voici encore un an.

    Son réalisateur, Petr Lom, est un citoyen canadien né à Prague en 1968. Autant dire qu'il était génétiquement programmé pour aller à la rencontre des luttes de libération. Abandonnant du jour au lendemain sa carrière d'enseignant (il est diplômé d'Harvard en philosophie politique), il s'est lancé en 2003 dans la réalisation de documentaires qui, du Kirghizistan à l'Iran en passant par l'Egypte, le nourrissent "d'une tout autre énergie créatrice".

    Le Monde
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