Annonce

Réduire
Aucune annonce.

La Chine et l'Irak : Au delà d'une affaire de sous, est ce un facteur de restauration nationale irakienne ?

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • La Chine et l'Irak : Au delà d'une affaire de sous, est ce un facteur de restauration nationale irakienne ?

    C'est la Chine qui a gagné la guerre en Irak
    Tant la crédibilité financière que diplomatique des Etats-Unis s'en est retrouvée affaiblie au profit de la Chine, passée de puissance régionale à superpuissance.

    Le chemin vers un retrait d’Irak —que j’applaudis des deux mains — a pris de longues années. Depuis la mi-2005 et la prise de conscience par les responsables de l’administration Bush qu’une victoire en Irak n’était pas possible, du moins de la façon grossièrement simpliste qu’ils recherchaient, l’objectif n’était plus de guérir l’épanchement violent des passions déchaînées par notre invasion de 2003, mais sa cautérisation. De fait, il convient de se remémorer qu’au moment où Barack Obama prenait ses fonctions, les Etats-Unis avaient déjà fixé une date pour le retrait définitif de ses forces armées.

    Alors, maintenant que les troupes sont de retour, qui a gagné ? La question peut sembler naïve mais, soyez-en certain, beaucoup de gens vont exiger une réponse. Ceux, même, qui furent de chauds partisans de la guerre (et prétendent aujourd’hui le contraire), ont oublié la «promenade de santé» qu’ils prophétisaient. «La guerre, c’est l’enfer», lancent-ils avec un certain aplomb, «et puis, Dick Cheney et Condi Rice l’ont bien dit: en renversant Saddam, on a planté la première graine qui a ensuite donné naissance au printemps Arabe».

    Mais oui bien sûr.
    L'Iran, le vainqueur en apparence

    Les analystes plus réfléchis, dont Mohamad Bazzi, qui fut mon collègue au Council on Foreign Relations, ont suggéré non sans provocation que l’Iran avait gagné la guerre. À mon sens, on peut affirmer dans une certaine mesure que les alliés de l’Iran — les ennemis chiites de Saddam, réfugiés en Iran pendant une bonne partie du règne du dictateur — constituent aujourd’hui dans la démocratie balbutiante d’Irak la faction la plus puissante. Comme le dit Bazzi,

    «Les Etats-Unis ont écarté du pouvoir Saddam Hussein, ennemi juré de Téhéran. Puis, Washington a aidé à la mise en place d’un gouvernement chiite pour la première fois dans l’histoire de l’Irak moderne. Pendant que les troupes américaines se sont engluées dans la lutte contre l’insurrection et l’éclatement d’une guerre civile, l’Iran a conforté son influence sur l’ensemble des factions chiites en Irak.»

    C’est la vérité, et Bazzi n’est pas un analyste de salon. Il connaît la situation au premier chef. Néanmoins, quels que soient les bénéfices obtenus par l’Iran, je me demande s’il n’y aurait pas un plus grand vainqueur encore. Après tout, nombre de ces chiites irakiens ont passé leur jeunesse à se battre pour l’Irak dans la longue guerre contre l’Iran du début des années quatre-vingt. Ils devront peut-être trouver un terrain d’entente avec l’Iran après le départ des troupes américaines, mais il me semble difficile d’imaginer un Irak totalement allié de l’Iran.

    Je n’ai pas l’intention d’être un de ces blogueurs qui, renvoyant à leurs écrits antérieurs, rabâchent sans cesse «je vous l’avais bien dit». Mais, ce blog (The Reckoning, ndlr) étant nouveau, je veux que vous connaissiez mes antécédents. Vous voudrez bien excuser ces références dans les quelques semaines qui vont suivre.

    Selon moi, la véritable réponse à la question posée ci-dessus est simple: c’est la Chine qui a gagné la guerre d’Irak. C’est une hypothèse que j’ai avancée dans un article de 2004 (aujourd’hui vide de tout contenu, en raison du mépris de MSNBC pour l’archivage des données), au moment où le carnage en Irak connaissait un pic. Début 2008, alors que le système financier des Etats-Unis entamait sa spirale quasi-mortelle, j’en étais encore plus certain.
    La Chine, de puissance régionale à superpuissance

    Il est probable qu’aucun pays n’a autant bénéficié sur le long terme du bourbier irakien que la Chine. En cinq ans, la Chine est passée du statut de puissance régionale émergente, en quête de joint-ventures américaines et d’un parrainage des Etats-Unis pour son entrée dans l’OMC, à celui d’une superpuissance en devenir à l’influence, financière et autre, incontournable. Politiquement, au sens large, la Chine s’affiche de façon agressive comme une véritable alternative au modèle libéral démocratique de marché supposément vainqueur de la guerre froide. Son mélange de diplomatie cynique et de capitalisme de carnet de chèque remporte les suffrages de pays comme la Russie, le Venezuela, la Serbie et beaucoup de pays islamiques qui, eux aussi, ont adopté certains aspects du capitalisme, mais rejettent la pagaille associée aux libertés politiques prônées par l’Occident.

    Aujourd’hui, j’en suis totalement convaincu. Du point de vue de Pékin, quel meilleur service pouvait lui rendre l’Amérique que d’attaquer l’Irak au nom d’accusations qui se sont révélées fausses par la suite? Pour parachever le tout, c’est la crédibilité des prétentions américaines à emmener l’économie mondiale qui en a pris un sacré coup quand ses banques ont provoqué la pire crise économique depuis la grande dépression. Pour combler le gouffre budgétaire engendré par ces deux événements dévastateurs, George W. «Louis XIV» Bush a dû engager des milliards et des milliards de dollars, mettant le principal concurrent de la Chine pour le pouvoir en Asie, et dans la course vitale au leadership idéologique à l’échelon mondial, au bord de la faillite.



    Le perdant est déjà connu: le déficit public américain

    Pour des raisons qui tiennent aussi bien au militaire qu’au psychologique, ce retrait ne pouvait être précipité. Trop d’Américains sont morts, et encore plus ont pris comme argent comptant la prétendue menace mortelle que constituait Saddam pour le monde (ou les mensonges sur ses liens avec le 11-Septembre) pour que l’administration Bush risque une réédition de la Chute de Saigon. Aujourd’hui, espérons-le, la cicatrisation est plus avancée, mais une chose semble certaine: dès la fin de cette année, l’occupation de l’Irak par les Etats-Unis appartiendra au passé (petit clin d’œil sans complexe: les efforts en vue de mettre fin à ce cauchemar et jeter les bases d’un retrait américain sont chroniqués par mon vieil ami Eric Schmitt et son collègue au New York Times Thom Shanker dans leur nouveau livre: Counterstrike: The Untold Story of America’s Secret War Against Al-Qaeda. On pourra lire ici ma critique du livre).

    À l’instar des efforts entrepris pour vendre cette guerre, l’estimation de son coût est criblée de mensonges. Vous souvenez-vous du malheureux Lawrence Lindsey, ce conseiller économique de la Maison Blanche sous Bush, mis à la porte pour avoir osé suggérer que la guerre pourrait coûter 200 milliards de dollars? En fait, en recourant à une méthode simple, l’addition des lois de dotation budgétaire, le véritable chiffre est aujourd’hui supérieur à 800 milliards de dollars.

    Selon un certain nombre d’économistes, l’addition finale, y compris le coût des soins aux blessés, de la réparation des matériels endommagés au cours des opérations, des innombrables dossiers d’indemnisation présentés par Irakiens, sous-traitants, alliés et autres, pourrait dépasser les 4,6 mille milliards de dollars, selon le Nobel d’économie Joseph Stiglitz. Un chiffre qui, incidemment, est légèrement supérieur à la dette totale des Etats-Unis vis-à-vis de ses créanciers étrangers.

    Rien d’étonnant à ce que les Chinois soient toujours enclins à financer notre déficit.

    Michael Moran

    Traduit par David Korn

    Source: Slate
Chargement...
X