Toute la semaine, la colère est montée du fond des wilayas. Les habitants des communes isolées cherchent du butane pour se chauffer, de quoi manger et même de quoi boire. Ils redoutent les nouvelles intempéries annoncées et les mêmes questions reviennent…
-Pourquoi Sonelgaz est-elle prise au dépourvu été comme hiver ?
«Le délestage est une opération volontaire qu’effectue l’entreprise pour maintenir un équilibre entre l’offre et la demande en période de très forte consommation électrique, explique Manel Aït Mekidèche, directrice des relations avec les médias. Alors que la situation actuelle échappe totalement au contrôle de l’entreprise. Sonelgaz (qui a annoncé hier un pic historique de consommation, ndlr), doit faire face à une situation exceptionnelle à laquelle elle n’est pas préparée (plus de 900 000 foyers sans électricité). Ajoutez à cela l’absence de moyens spécifiques pour les zones aux reliefs inaccessibles – quand les accès aux hameaux enclavés sont bloqués par la neige.» Sonelgaz assure faire tout ce qui est en son pouvoir pour rétablir le courant aux 13 000 foyers qui en sont encore privés. «Nous avons mobilisé toutes les équipes du groupe, même celles des sociétés sous-traitantes, déclare-t-elle. Mais les techniciens de l’entreprise doivent faire face au relief et à l’épaisseur de la neige, qui empêchent les véhicules d’accéder aux hameaux éloignés et obligent nos agents à avancer à pied.» Ce n’est pas tout : Sonelgaz attend d’autres records de consommation pour les jours à venir.
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-Pourquoi personne n’est d’accord sur le nombre de morts ?
C’est un mystère car même si le recensement des victimes diffère, le nombre de morts dépasse largement l’«étrange» bilan officiel. Hier à 17h11, le ministère de l’Intérieur insistait : «Le nombre de personnes décédées, deux, demeure inchangé.» L’AFP avance le chiffre de 44 personnes décédées en une semaine. La Chaîne III, quant à elle, comptabilise au moins 30 personnes décédées dans des accidents de la route et 14 par asphyxie due à des émanations de gaz, depuis le début des intempéries. A Aït Tizi (Sétif), un adolescent de 14 ans est mort d’hypothermie. «Son village n’était plus alimenté en butane. Il est tombé dans le coma, relève Kamel Beniaiche, notre correspondant à Sétif. Il a été transporté à pied jusqu’au service des urgences d’Aokas où il est décédé.» Les services de la Protection civile de la wilaya de Annaba sont intervenus, avant-hier vers 19h, pour constater le décès de deux personnes. Habitant seule à la cité Guirèche dans la commune de Berrahal, la première victime est une femme de 60 ans ; elle est décédée, selon le médecin de l’hôpital de Berrahal, d’hypothermie. A défaut de moyen de chauffage, la seconde victime, un homme de 40 ans, a trouvé la mort, quelques heures après, dans un dépôt de transformation de bois à la zone industrielle Pont Bouchet (Annaba). Originaire de la cité déshéritée de Sidi Salem, le défunt a été intoxiqué par le monoxyde de carbone d’un poêlon de charbon. A Hammadi Krouma (10 km au sud de Skikda), un jeune de 20 ans a été emporté par les eaux alors qu’il tentait de traverser un chaâba (torrent). Son corps n’a toujours pas été retrouvé.
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-A quoi sert un bulletin météo spécial (BMS) ?
Le BMS, seul, ne sert à rien. Il doit être suivi d’une organisation spécifique. Le service des prévisions météorologiques publie un bulletin météo spécial destiné aux pouvoirs publics (ministère de l’Intérieur, Gendarmerie nationale, Protection civile) pour signaler que d’importantes perturbations climatiques, sur les plans pluviométrique, des températures, du vent et de la neige dans une région donnée, sont attendues. Après la catastrophe de Bab El Oued, il était prévu que des études de terrain et des travaux de coordination avec les destinataires de ces bulletins soient menées pour permettre une meilleure connaissance, entre autres, des seuils de pluie à partir desquels les terres risquent d’être inondables. Ce travail n’a toujours pas été effectué.
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-Pourquoi tout le monde cherche du gaz butane ?
Essentiellement parce que les camions de Naftal ne peuvent plus approvisionner les stations-service à cause des routes enneigées. L’entreprise doit aussi faire face à une très forte demande qu’elle n’a pas su anticipée. Au marché noir, la bouteille de gaz butane est cédée à 1500 DA, alors qu’elle ne coûte que 250 DA. A Boumerdès, la bonbonne a même flambé jusqu’à 2000 DA. Devant l’ampleur de la catastrophe, certaines APC, comme celle de Larbaâ Nath Irathen, propose aux citoyens de s’organiser et d’aller eux-mêmes chercher leur gaz, en mettant à leur disposition un camion de la commune. Les gendarmes sont obligés d’escorter les camions pour sécuriser la distribution. A Sétif, plus de 2000 bouteilles ont pu ainsi être distribuées dans les zones enclavées.
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-Pourquoi le plan Orsec n’a-t-il pas été déclenché ?
La diffusion d’un BMS génère automatiquement une cellule de crise. En fonction de la gravité des perturbations, un plan Orsec (Organisation de la réponse de sécurité civile) est lancé. Ce qui a été le cas dans les 15 wilayas touchées : il a été mis en place dès samedi dans la majorité des wilayas, à l’exception de celle de Tizi Ouzou, qui a attendu 48 heures avant de juger utile de déclencher l’alerte. «Les autorités n’ont pas pris au sérieux les BMS et ont été surprises par l’ampleur du phénomène», relèvent nos correspondants à Sétif, Chlef, Skikda… Le problème, c’est que le plan Orsec ne bénéficie pas de moyens supplémentaires, comme cela devrait être le cas. «Il n’y a eu aucune stratégie de gestion surtout pour les zones montagneuses et les douars, les zones les plus touchées», précise-t-on aussi à Chlef.
A Skikda, même la mort d’une personne (suite à une chute dans un oued) n’y a rien fait. Hsen, habitant la localité de Aïn Makhlouf, à 45 km de Souk Ahras, affirme que «les autorités n’ont rien fait pour remédier à cette situation. Sous d’autres cieux, il aurait été largement possible de saler les routes. Comment expliquer que, pendant 4 jours, il nous était impossible de nous rendre ni à Constantine ni à Guelma ?»
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-Comment fonctionne la cellule de crise d’une wilaya ?
Une cellule de crise est toujours composée des mêmes acteurs : des représentants de la wilaya, de la Protection civile, de la police, de la gendarmerie, de l’hydraulique, des travaux publics, de l’énergie et des mines, de la santé et parfois du commerce. Si elle a, dans la plupart des wilayas, été mise en place dès samedi 4 février, elle ne répond pas toujours. Exemple à Boumerdès où sa ligne téléphonique est la plupart du temps saturée. Ou à Tizi Ouzou. «Depuis le début de cette tempête de neige exceptionnelle qui a isolé de nombreuses communes, nous avons beau essayer de joindre cette cellule de crise, en vain, rapporte notre bureau sur place. Au moment où des étudiants étaient rassemblés devant la wilaya pour demander des aides pour leurs familles bloquées dans la montagne, nous avons reçu, à 10h, un appel de la cellule de communication nous invitant à un point de presse avec le chef de cabinet du wali, à 11h. Mais, finalement, cette rencontre avec les journalistes a été annulée…»
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Faten Hayed - Elwatan
-Pourquoi Sonelgaz est-elle prise au dépourvu été comme hiver ?
«Le délestage est une opération volontaire qu’effectue l’entreprise pour maintenir un équilibre entre l’offre et la demande en période de très forte consommation électrique, explique Manel Aït Mekidèche, directrice des relations avec les médias. Alors que la situation actuelle échappe totalement au contrôle de l’entreprise. Sonelgaz (qui a annoncé hier un pic historique de consommation, ndlr), doit faire face à une situation exceptionnelle à laquelle elle n’est pas préparée (plus de 900 000 foyers sans électricité). Ajoutez à cela l’absence de moyens spécifiques pour les zones aux reliefs inaccessibles – quand les accès aux hameaux enclavés sont bloqués par la neige.» Sonelgaz assure faire tout ce qui est en son pouvoir pour rétablir le courant aux 13 000 foyers qui en sont encore privés. «Nous avons mobilisé toutes les équipes du groupe, même celles des sociétés sous-traitantes, déclare-t-elle. Mais les techniciens de l’entreprise doivent faire face au relief et à l’épaisseur de la neige, qui empêchent les véhicules d’accéder aux hameaux éloignés et obligent nos agents à avancer à pied.» Ce n’est pas tout : Sonelgaz attend d’autres records de consommation pour les jours à venir.
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-Pourquoi personne n’est d’accord sur le nombre de morts ?
C’est un mystère car même si le recensement des victimes diffère, le nombre de morts dépasse largement l’«étrange» bilan officiel. Hier à 17h11, le ministère de l’Intérieur insistait : «Le nombre de personnes décédées, deux, demeure inchangé.» L’AFP avance le chiffre de 44 personnes décédées en une semaine. La Chaîne III, quant à elle, comptabilise au moins 30 personnes décédées dans des accidents de la route et 14 par asphyxie due à des émanations de gaz, depuis le début des intempéries. A Aït Tizi (Sétif), un adolescent de 14 ans est mort d’hypothermie. «Son village n’était plus alimenté en butane. Il est tombé dans le coma, relève Kamel Beniaiche, notre correspondant à Sétif. Il a été transporté à pied jusqu’au service des urgences d’Aokas où il est décédé.» Les services de la Protection civile de la wilaya de Annaba sont intervenus, avant-hier vers 19h, pour constater le décès de deux personnes. Habitant seule à la cité Guirèche dans la commune de Berrahal, la première victime est une femme de 60 ans ; elle est décédée, selon le médecin de l’hôpital de Berrahal, d’hypothermie. A défaut de moyen de chauffage, la seconde victime, un homme de 40 ans, a trouvé la mort, quelques heures après, dans un dépôt de transformation de bois à la zone industrielle Pont Bouchet (Annaba). Originaire de la cité déshéritée de Sidi Salem, le défunt a été intoxiqué par le monoxyde de carbone d’un poêlon de charbon. A Hammadi Krouma (10 km au sud de Skikda), un jeune de 20 ans a été emporté par les eaux alors qu’il tentait de traverser un chaâba (torrent). Son corps n’a toujours pas été retrouvé.
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-A quoi sert un bulletin météo spécial (BMS) ?
Le BMS, seul, ne sert à rien. Il doit être suivi d’une organisation spécifique. Le service des prévisions météorologiques publie un bulletin météo spécial destiné aux pouvoirs publics (ministère de l’Intérieur, Gendarmerie nationale, Protection civile) pour signaler que d’importantes perturbations climatiques, sur les plans pluviométrique, des températures, du vent et de la neige dans une région donnée, sont attendues. Après la catastrophe de Bab El Oued, il était prévu que des études de terrain et des travaux de coordination avec les destinataires de ces bulletins soient menées pour permettre une meilleure connaissance, entre autres, des seuils de pluie à partir desquels les terres risquent d’être inondables. Ce travail n’a toujours pas été effectué.
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-Pourquoi tout le monde cherche du gaz butane ?
Essentiellement parce que les camions de Naftal ne peuvent plus approvisionner les stations-service à cause des routes enneigées. L’entreprise doit aussi faire face à une très forte demande qu’elle n’a pas su anticipée. Au marché noir, la bouteille de gaz butane est cédée à 1500 DA, alors qu’elle ne coûte que 250 DA. A Boumerdès, la bonbonne a même flambé jusqu’à 2000 DA. Devant l’ampleur de la catastrophe, certaines APC, comme celle de Larbaâ Nath Irathen, propose aux citoyens de s’organiser et d’aller eux-mêmes chercher leur gaz, en mettant à leur disposition un camion de la commune. Les gendarmes sont obligés d’escorter les camions pour sécuriser la distribution. A Sétif, plus de 2000 bouteilles ont pu ainsi être distribuées dans les zones enclavées.
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-Pourquoi le plan Orsec n’a-t-il pas été déclenché ?
La diffusion d’un BMS génère automatiquement une cellule de crise. En fonction de la gravité des perturbations, un plan Orsec (Organisation de la réponse de sécurité civile) est lancé. Ce qui a été le cas dans les 15 wilayas touchées : il a été mis en place dès samedi dans la majorité des wilayas, à l’exception de celle de Tizi Ouzou, qui a attendu 48 heures avant de juger utile de déclencher l’alerte. «Les autorités n’ont pas pris au sérieux les BMS et ont été surprises par l’ampleur du phénomène», relèvent nos correspondants à Sétif, Chlef, Skikda… Le problème, c’est que le plan Orsec ne bénéficie pas de moyens supplémentaires, comme cela devrait être le cas. «Il n’y a eu aucune stratégie de gestion surtout pour les zones montagneuses et les douars, les zones les plus touchées», précise-t-on aussi à Chlef.
A Skikda, même la mort d’une personne (suite à une chute dans un oued) n’y a rien fait. Hsen, habitant la localité de Aïn Makhlouf, à 45 km de Souk Ahras, affirme que «les autorités n’ont rien fait pour remédier à cette situation. Sous d’autres cieux, il aurait été largement possible de saler les routes. Comment expliquer que, pendant 4 jours, il nous était impossible de nous rendre ni à Constantine ni à Guelma ?»
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-Comment fonctionne la cellule de crise d’une wilaya ?
Une cellule de crise est toujours composée des mêmes acteurs : des représentants de la wilaya, de la Protection civile, de la police, de la gendarmerie, de l’hydraulique, des travaux publics, de l’énergie et des mines, de la santé et parfois du commerce. Si elle a, dans la plupart des wilayas, été mise en place dès samedi 4 février, elle ne répond pas toujours. Exemple à Boumerdès où sa ligne téléphonique est la plupart du temps saturée. Ou à Tizi Ouzou. «Depuis le début de cette tempête de neige exceptionnelle qui a isolé de nombreuses communes, nous avons beau essayer de joindre cette cellule de crise, en vain, rapporte notre bureau sur place. Au moment où des étudiants étaient rassemblés devant la wilaya pour demander des aides pour leurs familles bloquées dans la montagne, nous avons reçu, à 10h, un appel de la cellule de communication nous invitant à un point de presse avec le chef de cabinet du wali, à 11h. Mais, finalement, cette rencontre avec les journalistes a été annulée…»
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Faten Hayed - Elwatan
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