Dans son nouveau livre, dont "Le Monde" publie en exclusivité les bonnes feuilles, l'ex-président américain s'en prend à trente années d'idéologie anti-Etat et en décrit les ravages.
Voilà ce que l'Amérique doit faire. Nous devons revenir au centre de l'économie de demain. C'est pour cela que la politique, si frustrante et si incohérente soit-elle, garde toute son importance. Au cours des trente dernières années, chaque fois que nous avons cédé à la tentation d'accuser l'Etat de tous nos maux, nous avons failli à notre engagement en faveur de la prospérité partagée, de la croissance équilibrée, de la responsabilité financière et de l'investissement dans l'avenir. C'est là que se trouve en réalité l'origine de nos problèmes.
Même avant la crise financière, l'économie n'avait produit que 2,5 millions d'emplois dans les sept ans et huit mois précédents ; le revenu moyen par famille après inflation était de 2 000 dollars inférieur au niveau qui était le sien lorsque j'ai quitté le pouvoir ; les inégalités de revenus et la pauvreté avaient augmenté, et les saisies hypothécaires explosaient. La quasi-totalité de notre croissance économique était alimentée par la construction de logements, la consommation de biens et la finance, tout cela reposant sur le crédit facile et sur un fort effet de levier. Nous perdions des emplois industriels chaque année. Les citoyens ordinaires faisaient chauffer leurs cartes de crédit pour maintenir la consommation à un niveau élevé, alors qu'ils devaient faire face à la stagnation des revenus et à l'alourdissement des coûts, notamment ceux de la santé, qui augmentaient trois fois plus vite que l'inflation.
Lorsque le gouvernement a renoncé à l'équilibre budgétaire en 2001 en faveur d'importantes réductions fiscales et de fortes augmentations des dépenses publiques, la dette nationale, qui était tombée de 49 % à 33 % du PIB dans les années 1990, est remontée à 62 % en 2010. La dette des consommateurs est passée de 84 % du revenu moyen dans les années 1990 à un taux record de 127 % en 2007. Depuis la crise, l'épargne a un peu augmenté et certaines dettes ont été effacées, mais l'endettement des citoyens américains représente encore aujourd'hui 112 % du revenu moyen. Ce n'est pas comme cela que je voulais voir les Etats-Unis entrer dans le XXIe siècle. (...)
La seule manière de faire perdurer le rêve américain entre nous et de demeurer le principal acteur du monde dans la recherche de la liberté et de la prospérité, de la paix et de la sécurité, c'est d'avoir à la fois un secteur privé, fort et efficace, et un Etat, fort et efficace, qui travaillent ensemble pour promouvoir une économie faite de bons emplois, de revenus en hausse, de plus d'exportations et d'une plus grande indépendance énergétique. A l'échelle mondiale, dans les pays qui réussissent le mieux, dont bon nombre affichent un taux de chômage plus bas, moins d'inégalités et, pour la présente décennie, un plus grand nombre de diplômés universitaires que les Etats-Unis, les deux coexistent. Ils travaillent ensemble, avec parfois des désaccords mais avec des objectifs communs. (...)
L'obsession anti-étatiste qui a toujours été la nôtre a fait la preuve de son efficacité dans le débat politique, mais les échecs auxquels elle a mené dans l'action politique se lisent dans une économie anémiée et de plus en plus inégalitaire, où les emplois sont trop rares et où les revenus stagnent, dans une moindre compétitivité par rapport à d'autres pays, notamment dans les domaines des produits manufacturés et des énergies renouvelables, et dans cette dette qui pèse sur nos épaules, potentiellement invalidante alors même que les baby-boomeurs commencent à partir en retraite.
D'autres pays, en revanche, ainsi que certains Etats et certaines villes des Etats-Unis, parce qu'ils se sont engagés à établir des réseaux de coopération incluant les secteurs public, privé et à but non lucratif, créent actuellement des ouvertures économiques et entrent dans l'avenir avec confiance.
Je ne veux pas dire ici que les démocrates ont toujours raison et les républicains toujours tort. Ce que je veux dire, c'est que, en fourrant tous les problèmes dans la camisole de force antiétatique, anti-impôts et antiréglementation, nous nous entravons nous-mêmes et nous nous empêchons d'effectuer les changements nécessaires, quelle que soit la quantité d'arguments qui nous inciterait à le faire. Le paradigme antiétatique nous rend aveugles aux possibilités qui existent en dehors de son test décisif idéologique et nous empêche de créer de nouveaux réseaux de coopération capables de rétablir la croissance économique, d'offrir des opportunités économiques à plus d'individus et à plus de secteurs géographiques et de développer notre capacité à entraîner le monde vers un meilleur futur.
Pour élaborer une stratégie efficace permettant de faire redémarrer le moteur de l'emploi et de résoudre le problème de notre dette à long terme, nous devons nous débarrasser des oeillères idéologiques antiétatiques et nous concentrer sur le rôle que l'Etat doit jouer dans le renouveau de l'Amérique. (...)
Les pays qui réussissent le mieux au XXIe siècle ont à la fois une économie solide et un Etat fort et efficace. Pour le prouver, ce qui est l'un des principaux objectifs de ce livre, je voudrais comparer les Etats-Unis, quant à leur histoire, à leurs attentes et à la manière dont ils s'en sortent, avec d'autres pays qui sont leurs concurrents de demain, aussi bien ceux qui sont déjà riches que ceux qui connaissent actuellement un développement rapide. Aussi étonnant que cela puisse paraître, on constatera qu'un certain nombre d'entre eux sont mieux classés que nous en termes d'éducation, de technologie, d'infrastructures modernes, de recherche et développement, et de production haut de gamme.
Nombreux sont ceux qui affichent des taux de chômage plus bas, une croissance du nombre d'emplois plus rapide, des inégalités de revenus moindres et des taux de pauvreté inférieurs. Certains offrent même plus de possibilités à leurs populations défavorisées de gravir l'échelle économique pour intégrer la classe moyenne, évolution que nous connaissons sous le nom de rêve américain. Singapour, par exemple, île qui ne compte que 5 millions d'habitants et où le revenu par habitant est élevé et la fiscalité relativement réduite, a investi 3 milliards de dollars de fonds d'Etat, soit beaucoup plus que les Etats-Unis, dans le but de devenir le premier centre biotechnologique du monde. Les biotechnologies devraient permettre d'élaborer de nouveaux produits qui créeront des millions d'emplois dans les dix prochaines années. Ces dix dernières années, l'Allemagne, où le soleil brille en moyenne autant qu'à Londres, a dépassé les Etats-Unis en devenant le premier producteur et utilisateur de cellules photovoltaïques.
Voilà ce que l'Amérique doit faire. Nous devons revenir au centre de l'économie de demain. C'est pour cela que la politique, si frustrante et si incohérente soit-elle, garde toute son importance. Au cours des trente dernières années, chaque fois que nous avons cédé à la tentation d'accuser l'Etat de tous nos maux, nous avons failli à notre engagement en faveur de la prospérité partagée, de la croissance équilibrée, de la responsabilité financière et de l'investissement dans l'avenir. C'est là que se trouve en réalité l'origine de nos problèmes.
Même avant la crise financière, l'économie n'avait produit que 2,5 millions d'emplois dans les sept ans et huit mois précédents ; le revenu moyen par famille après inflation était de 2 000 dollars inférieur au niveau qui était le sien lorsque j'ai quitté le pouvoir ; les inégalités de revenus et la pauvreté avaient augmenté, et les saisies hypothécaires explosaient. La quasi-totalité de notre croissance économique était alimentée par la construction de logements, la consommation de biens et la finance, tout cela reposant sur le crédit facile et sur un fort effet de levier. Nous perdions des emplois industriels chaque année. Les citoyens ordinaires faisaient chauffer leurs cartes de crédit pour maintenir la consommation à un niveau élevé, alors qu'ils devaient faire face à la stagnation des revenus et à l'alourdissement des coûts, notamment ceux de la santé, qui augmentaient trois fois plus vite que l'inflation.
Lorsque le gouvernement a renoncé à l'équilibre budgétaire en 2001 en faveur d'importantes réductions fiscales et de fortes augmentations des dépenses publiques, la dette nationale, qui était tombée de 49 % à 33 % du PIB dans les années 1990, est remontée à 62 % en 2010. La dette des consommateurs est passée de 84 % du revenu moyen dans les années 1990 à un taux record de 127 % en 2007. Depuis la crise, l'épargne a un peu augmenté et certaines dettes ont été effacées, mais l'endettement des citoyens américains représente encore aujourd'hui 112 % du revenu moyen. Ce n'est pas comme cela que je voulais voir les Etats-Unis entrer dans le XXIe siècle. (...)
La seule manière de faire perdurer le rêve américain entre nous et de demeurer le principal acteur du monde dans la recherche de la liberté et de la prospérité, de la paix et de la sécurité, c'est d'avoir à la fois un secteur privé, fort et efficace, et un Etat, fort et efficace, qui travaillent ensemble pour promouvoir une économie faite de bons emplois, de revenus en hausse, de plus d'exportations et d'une plus grande indépendance énergétique. A l'échelle mondiale, dans les pays qui réussissent le mieux, dont bon nombre affichent un taux de chômage plus bas, moins d'inégalités et, pour la présente décennie, un plus grand nombre de diplômés universitaires que les Etats-Unis, les deux coexistent. Ils travaillent ensemble, avec parfois des désaccords mais avec des objectifs communs. (...)
L'obsession anti-étatiste qui a toujours été la nôtre a fait la preuve de son efficacité dans le débat politique, mais les échecs auxquels elle a mené dans l'action politique se lisent dans une économie anémiée et de plus en plus inégalitaire, où les emplois sont trop rares et où les revenus stagnent, dans une moindre compétitivité par rapport à d'autres pays, notamment dans les domaines des produits manufacturés et des énergies renouvelables, et dans cette dette qui pèse sur nos épaules, potentiellement invalidante alors même que les baby-boomeurs commencent à partir en retraite.
D'autres pays, en revanche, ainsi que certains Etats et certaines villes des Etats-Unis, parce qu'ils se sont engagés à établir des réseaux de coopération incluant les secteurs public, privé et à but non lucratif, créent actuellement des ouvertures économiques et entrent dans l'avenir avec confiance.
Je ne veux pas dire ici que les démocrates ont toujours raison et les républicains toujours tort. Ce que je veux dire, c'est que, en fourrant tous les problèmes dans la camisole de force antiétatique, anti-impôts et antiréglementation, nous nous entravons nous-mêmes et nous nous empêchons d'effectuer les changements nécessaires, quelle que soit la quantité d'arguments qui nous inciterait à le faire. Le paradigme antiétatique nous rend aveugles aux possibilités qui existent en dehors de son test décisif idéologique et nous empêche de créer de nouveaux réseaux de coopération capables de rétablir la croissance économique, d'offrir des opportunités économiques à plus d'individus et à plus de secteurs géographiques et de développer notre capacité à entraîner le monde vers un meilleur futur.
Pour élaborer une stratégie efficace permettant de faire redémarrer le moteur de l'emploi et de résoudre le problème de notre dette à long terme, nous devons nous débarrasser des oeillères idéologiques antiétatiques et nous concentrer sur le rôle que l'Etat doit jouer dans le renouveau de l'Amérique. (...)
Les pays qui réussissent le mieux au XXIe siècle ont à la fois une économie solide et un Etat fort et efficace. Pour le prouver, ce qui est l'un des principaux objectifs de ce livre, je voudrais comparer les Etats-Unis, quant à leur histoire, à leurs attentes et à la manière dont ils s'en sortent, avec d'autres pays qui sont leurs concurrents de demain, aussi bien ceux qui sont déjà riches que ceux qui connaissent actuellement un développement rapide. Aussi étonnant que cela puisse paraître, on constatera qu'un certain nombre d'entre eux sont mieux classés que nous en termes d'éducation, de technologie, d'infrastructures modernes, de recherche et développement, et de production haut de gamme.
Nombreux sont ceux qui affichent des taux de chômage plus bas, une croissance du nombre d'emplois plus rapide, des inégalités de revenus moindres et des taux de pauvreté inférieurs. Certains offrent même plus de possibilités à leurs populations défavorisées de gravir l'échelle économique pour intégrer la classe moyenne, évolution que nous connaissons sous le nom de rêve américain. Singapour, par exemple, île qui ne compte que 5 millions d'habitants et où le revenu par habitant est élevé et la fiscalité relativement réduite, a investi 3 milliards de dollars de fonds d'Etat, soit beaucoup plus que les Etats-Unis, dans le but de devenir le premier centre biotechnologique du monde. Les biotechnologies devraient permettre d'élaborer de nouveaux produits qui créeront des millions d'emplois dans les dix prochaines années. Ces dix dernières années, l'Allemagne, où le soleil brille en moyenne autant qu'à Londres, a dépassé les Etats-Unis en devenant le premier producteur et utilisateur de cellules photovoltaïques.
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