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L'Amérique veut plus de Chine

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  • L'Amérique veut plus de Chine

    Avant même d'être intronisé à Pékin, l'homme qui va diriger la Chine passe par Washington. C'est devenu une tradition. Elle relève de la visite à la belle famille, geste de courtoisie et d'hommage à la seule superpuissance que reconnaissent les Chinois. Elle est aussi à usage intérieur : l'entretien à la Maison Blanche achève de donner sa stature impériale au candidat désigné.

    Xi Jinping est cette semaine à Washington. A 58 ans, l'actuel vice-président chinois est programmé pour le pouvoir suprême, celui qu'occupe encore pour quelques mois le discret Hu Jintao. M. Xi doit être nommé secrétaire général du Parti communiste chinois en octobre, à l'occasion du dix-huitième congrès. Il présidera alors la Commission militaire centrale, puis sera appointé à la présidence du pays en 2013. Fort de ce triple imprimatur - celui du parti, de l'armée et de l'Etat - il dirigera la Chine, le temps de deux mandats quinquennaux.

    L'étape de Washington est le prélude à cette lente accession aux commandes de la deuxième puissance économique mondiale. Elle marque la relation privilégiée qui unit la Chine aux Etats-Unis, le drôle de tango que dansent ces deux-là : embrassade obligée du fait d'une interdépendance économique et financière croissante, succédant à d'inévitables moments de défiance, voire de franche hostilité, entre la superpuissance installée et celle qui pourrait guigner sa place.

    M. Xi a beaucoup pour séduire l'Amérique. L'allure générale est à l'opposé de celle du président Hu, caricature d'apparatchik policé, fines lunettes, coiffure au cordeau, maintien discret. Le futur président chinois a une dégaine à la John Wayne, haute silhouette, une certaine nonchalance cultivée, des épaules de costaud, l'humeur volontiers joviale.

    Il appartient à l'aristocratie de ceux qu'on appelle à Pékin les princelings, les enfants des ex-dirigeants maoïstes. Il est né après la création de la République populaire de Chine en 1949. Il a voyagé, il s'est déjà rendu plusieurs fois aux Etats-Unis, sa fille est étudiante à Harvard. Un frère vit à Hongkong, une sœur au Canada.

    Méfiance : pareil CV est la marque d'une nouvelle génération de dirigeants, pas nécessairement la promesse de nouvelles orientations. Avec Xi Jinping, les Etats-Unis ne s'attendent pas à un Gorbatchev chinois ; ils aimeraient sortir de l'immobilisme qui a marqué le mandat de M. Hu. Sur les dossiers économiques et stratégiques, M. Xi arrive au pouvoir à un moment où les relations sino-américaines traversent une phase difficile.

    Depuis quelques années, les campagnes électorales aux Etats-Unis résonnent d'une volée de slogans antichinois. La Chine est accusée d'avoir dérobé des millions d'emplois aux Américains et d'être, à tous points de vue, un concurrent déloyal. Cité par Fareed Zakaria dans Time (28 novembre 2011), un récent sondage Pew estime que "plus de la moitié des Américains voient la croissance de la Chine comme une mauvaise chose pour les Etats-Unis".

    Mais il y a, cette fois, un élément nouveau : "Les milieux d'affaires, qui plaident traditionnellement pour de bonnes relations avec la Chine, sont en train de changer de camp." "A un état d'émerveillement béat vis-à-vis de la Chine succède chez les gensd'affaires américains, écrit Zakaria, un état d'inquiétude devant la politique menée à Pékin" - firmes chinoises privilégiées par rapport aux autres, marchés publics hermétiques, refus de faire respecter la propriété intellectuelle, doutes sur la protection des investissements étrangers, etc.

    Le volet stratégique de la relation n'est plus apaisé. Paradoxalement, Washington reproche à Pékin trop de timidité sur la scène internationale. La diplomatie Hu a été celle que préconisait le père de l'ouverture économique chinoise, Deng Xiaoping : profil bas et non-interventionnisme. Elle a d'abord pour objet d'assurer l'approvisionnement énergétique du pays.

    La Chine est à l'extérieur une puissance du statu quo, hyperconservatrice. La scène internationale idéale pour Pékin : un monde où aucun régime ne change ! Héritière du maoïsme, la République populaire de Chine abhorre révoltes, révolutions et autres guérillas, tout ce qui, d'une façon ou d'autre, peut venir perturber l'ordre international et, par ricochet, son propre développement.

    La Chine a sacralisé le principe de souveraineté des nations : elle est contre les sanctions économiques (à de très rares exceptions près) et contre toute ingérence militaire. Ce n'est pas seulement le désir de se protéger elle-même des critiques contre la politique qu'elle mène à l'intérieur de ses frontières, au Tibet et au Xinjiang, notamment. C'est aussi une vraie prudence, le souci de digérer une puissance économique si rapidement acquise et qu'elle ne sait, ni ne semble d'ailleurs vouloir transformer en prépondérance politique (sauf en mer de Chine méridionale).
    C'est encore le privilège qu'elle s'accorde ainsi de bénéficier d'un ordre international qui lui a profité sans qu'elle ait à y contribuer : qu'il s'agisse de la lutte contre le terrorisme, du combat contre la prolifération nucléaire ou de la stabilité du Proche-Orient, la Chine ne fait rien, ou presque.

    Elle s'étonne qu'on ose lui reprocher cette passivité succédant à l'activisme révolutionnaire maoïste. "Il y a certains étrangers au ventre plein qui n'ont rien de mieux à faire que de nous pointer du doigt", a lancé M. Xi, à un parterre d'Occidentaux lors d'une conférence à Mexico, en février 2009. "La Chine n'exporte pas la révolution, ni la faim ni la pauvreté, pas plus qu'elle ne vous flanque la migraine", a-t-il poursuivi, avant de lancer : "Alors, qu'est-ce que vous voulez de nous ?"

    Barack Obama lui dira gentiment qu'il veut une Chine plus active sur la scène internationale, notamment au Proche-Orient ; une Chine qui participe à la lutte contre la prolifération nucléaire en ne torpillant pas les sanctions contre l'Iran ; une Chine moins suiviste à l'égard de la Russie au Conseil de sécurité de l'ONU ; une Chine plus enthousiaste dans la lutte contre le réchauffement climatique, etc. L'Amérique veut plus de Chine, pas moins.

    le monde
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