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PAKISTAN: Le pays aux deux visages

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  • PAKISTAN: Le pays aux deux visages

    Entre les groupes de la droite religieuse et l'élite urbaine prétendument ouverte au changement, les clivages politiques sont fortement marqués dans la société pakistanaise. The Express Tribune appelle les médias et le parti au pouvoir à aider ces deux sphères à communiquer.

    Le Pakistan d'aujourd'hui est un pays de deux sociétés séparées – l'une en apparence conservatrice, rigide et orthodoxe, l'autre présumée libérale, progressiste et ouverte au changement. Bien sûr, on pourrait aisément avancer que les libéraux du Pakistan sont aussi intolérants que les extrémistes qu'ils raillent parce que leurs opinions, comme celles de ces derniers, sont rigides, en particulier vis-à-vis de ceux qui ne partagent pas leur vision du monde. Il y a néanmoins une grande différence entre les gens de droite et les gens de gauche : le degré de violence et de force qu'un groupe utilise pour imposer son idéologie aux autres. Ce type de violence est habituellement pratiqué par ceux se situant à la droite du spectre politique, notamment ceux qui sont alliés avec les partis religieux. Ceux de la gauche ont peut-être des positions aussi inflexibles que les conservateurs, mais ils ne recourent pas à la force pour convaincre les autres de la validité et/ou de la prééminence de leurs convictions.

    En disant cela, nous gardons bien entendu à l'esprit que le week-end dernier, Karachi, la plus grande ville du pays, a été le théâtre de deux événements bien distincts – et même opposés. Le premier a été le Festival de littérature de Karachi (KLF) auquel ont assisté des milliers de personnes issues en majorité de l'élite urbaine. Parmi les invités figurait une poignée de célèbres écrivains et intellectuels internationaux. Ce type d'événement offre à l'élite anglophone de la ville une plateforme publique dont elle a bien besoin. Il lui permet aussi, peut-être, de pousser un soupir de soulagement en se rendant compte qu'il y a au Pakistan d'autres personnes qui pensent comme elle.

    L'autre événement de ce week-end a été la réunion le 12 février de la coalition de partis politiques et d'organisations religieuses, Difa-e-Pakistan Council (DPC). Elle a attiré une foule relativement nombreuse, ce qui est inquiétant – les participants au KLF ne diront pas le contraire – parce que les principaux composants du DPC sont le Jamaat-ud-Dawa [branche politique du groupe terroriste Lashkar-e-Taiba] et le Sipah-e-Sahaba Pakistan [parti sunnite affilié à l'école de Deoband et interdit en 2002] aujourd'hui rebaptisé Ahl-e-Sunnat-wal-Jamaat. Le DPC compte également des gens comme Ejazul Haq [ancien officier devenu ministre sous la dictature de Pervez Musharraf], Rasheed Ahmed [également ministre du temps de Musharraf] et Hamid Gul, l'ancien chef de l'ISI [les services de renseignements], si bien que nombreux ont l'impression que le DPC constitue peut-être une autre plateforme permettant à l'armée d'envoyer des signaux aux civils.

    Jetons un œil à son programme. Le DPC appelle expressément à une prolongation de l'interdiction faite aux camions de l'Otan de circuler au Pakistan et promet de les arrêter par tous les moyens si le gouvernement les autorisait à circuler. [A la suite du bombardement d'un poste frontière pakistanais par un drone américain en novembre, le Pakistan a fermé le passage aux camions de l'Otan, mais l'espace aérien leur reste ouvert.] Ceci s'inscrit dans le cadre d'un programme antiaméricain plus général axé sur le soutien aux talibans afghans et pakistanais qui sont considérés comme une force de résistance légitime aux Etats-Unis. A l'heure où nos relations avec les Etats-Unis, dont l'aide maintient le pays à flots, sont au plus bas, le fait qu'une organisation comme le DPC endosse ce rôle – en tant que défenseur du pays – renforce le soupçon qu'elle s'inscrit peut-être dans le cadre d'un programme plus vaste. Sur d'autres questions clés, le DPC a des opinions similaires à celles des analystes et décideurs "faucons" du Pakistan.

    Il insiste par exemple pour qu'on revienne sur la décision d'accorder à l'Inde la clause de la nation la plus favorisée [clause limitant les droits de douane que paie l'Inde pour ses exportations] parce que le voisin indien a toujours été et sera toujours l'ennemi juré du Pakistan. Position à mettre en parallèle avec le KLF, où membres du public et invités n'ont cessé de répéter que l'Inde et le Pakistan devaient relâcher leur système de visa pour faciliter les déplacements entre les deux pays (l'un des participants a également expliqué que les correspondants pakistanais du journal indien The Hindu et de l'agence Press Trust of India s'étaient vu refuser la permission de quitter Islamabad, leur base, pour couvrir le festival).

    La question se pose donc : que peut-on faire à propos de ces deux Pakistan ? Dans un monde idéal, il faudrait un certain dialogue entre les deux camps, ou du moins une tolérance vis-à-vis des opinions et de la vision du monde de l'autre. Les médias pourraient à cet égard jouer un rôle d'interlocuteur, même si la plupart d'entre eux semblent actuellement alignés sur la droite, sinon ils ne feront que prêcher des convertis, ce qui est le cas actuellement. Et c'est là que les partis politiques du pays, en particulier le Parti populaire pakistanais (PPP) qui est en théorie un parti socialiste penchant vers la gauche, doivent intervenir et reconquérir l'espace public pour présenter des idées et une vision du monde modérées.

    Courrier International
    la curiosité est un vilain défaut.
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