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Hommage à Ahmed Bouda, un homme exceptionnel

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  • Hommage à Ahmed Bouda, un homme exceptionnel

    Le 20 février 1992, un monument du combat pour l’indépendance nationale, Si Ahmed Bouda, nous quittait. Cet homme d’une envergure exceptionnelle et d’une modestie sans pareil avait tout donné à son pays qu’il a servi sans jamais se servir. Profondément imprégné d’un islam militant voire révolutionnaire, Si Ahmed Bouda adhère à l’Association des Oulama Musulmans Algériens en 1932, peu après sa création en 1931. Il avait alors vingt-cinq ans.

    En 1936, il quitte l’AOMA qu’il trouve trop occupée à la Réforme religieuse et culturelle pour engager une révolution politique et sociale, et rejoint l’Etoile Nord-africaine qu’il considère mieux à même de se battre contre le colonialisme et pour l’émancipation des peuples du Maghreb.
    Si Ahmed Bouda entre de plain pied dans l’histoire du nationalisme algérien avec la création du Parti du Peuple Algérien en 1937. Il en deviendra, très vite, l’un de ses dirigeants les plus en vue et les plus exigeants politiquement.

    C’est à lui que la gestion du journal « Le Parlement algérien » créé par le PPA en 1939 est confiée par Messali Hadj emprisonné à El Harrach avec Hocine Lahouel, Moufdi Zakaria, Khalifa Ben Amar et Brahim Gherafa qui en constituait depuis la prison l’équipe animatrice de ce nouvel organe du parti.

    Ils sont tous libérés le 27 août 1939, après avoir purgé deux années d’emprisonnement, et, le 26 septembre 1939, le PPA est dissous par l’Administration coloniale qui interdit les journaux El Oumma et le Parlement algérien. Les dirigeants du PPA qui activent tous dans la clandestinité sont, de nouveau, arrêtés alors que la Seconde guerre mondiale vient d’éclater, ils sont emprisonnés à la prison militaire d’Alger. Cette fois-ci Si Ahmed Bouda est parmi les détenus.

    Partisan du Comité central dans la crise du MTLD à la fin des années 50, Si Ahmed Bouda qui n’est reconduit à la direction du parti ni par les Centralistes ni par les Messalistes, est arrêté dès le déclenchement de la lutte de libération nationale le 1er novembre 1954. A sa libération en avril 1955 de la prison de Barberousse, il rejoint immédiatement le Front de Libération nationale.

    Et c’est lui qui a envoyé au Caire prendre la direction de la délégation extérieure jusqu’en février 1956. Après avoir représenté le FLN en Irak, puis au Koweit, il est nommé ambassadeur en Libye par le GPRA jusqu’à l’indépendance en 1962, date à laquelle il rentre en Algérie.

    Face aux dissensions et à la course au pouvoir, Si Ahmed Bouda se retire de la vie politique. Il devient « vendeur de postes radio, de chaussures et enfin de meubles, avant de rejoindre le secteur de l’Education nationale en 1965. Il enseigne à l’école des Eucalyptus, à Bab Ejdid, jusqu’en 1970, il est ensuite responsable des cantines scolaires dans la même circonscription jusqu’à sa retraite en 1972. »

    Cet homme d’une probité et d’une honnêteté exemplaires « habitera jusqu’à la fin de sa vie en 1992 dans le même appartement du Ruisseau, rue Hélène Boucher, au 9ème étage sans ascenseur. Il occupe cet appartement depuis 1953. Il vivra modestement de sa retraite. Il n’a jamais réclamé son attestation communale d’ancien moudjahid pour bénéficier des avantages liés à ce titre. Les sacrifices qu’il s’imposera à lui-même, à sa défunte femme et à ses enfants lui ont valu la considération et l’affection générale. » [Hanafi Si Larbi, in El Watan].

    En créant l’UDM dont nous sommes convaincus que Si Ahmed Bouda aurait agréée, c’est sur les traces de ces grands militants qui incarnaient l’amour du peuple, la droiture, la fidélité à leurs principes et la loyauté aux martyrs, que le système algérien a bafoué, que nous marchons.

    Brahim younessi

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  • #2
    l y a 20 ans, le 20 février 1992, Ahmed Bouda nous a laissés. Il m’a semblé qu’à cette occasion, je pouvais reprendre l’essentiel de l’article que je lui avais consacré dans ces mêmes colonnes, le jour de son décès.

    L’article qui révélait un pan de sa vie militante et les condoléances élogieuses de feu Mohamed Boudiaf, président du HCE, à l’adresse de sa famille, lues au 20h de l’Unique, avaient étonné plus d’un, notamment parmi les jeunes des quartiers du Ruisseau et de Belcourt tellement l’homme était modeste, ne parlait jamais de lui-même. Ils découvraient, abasourdis, avec un mélange de curiosité et de respect, que l’homme au visage sévère et austère, souvent à pied, était un monument du combat libérateur et que le pouvoir officiel occultait sciemment la vraie histoire de l’Algérie et de ses héros. Il vivait parmi eux, partageait leurs difficultés quotidiennes et s’opposait à toute forme de compromission, refusant, jusqu’à sa mort, les aspects extérieurs de puissance et de richesse qu’exhibent ostensiblement les dignitaires du régime, dont il aurait pu largement profiter. Ce vieux militant chaleureux, serviable, rude, rieur aussi parfois, qu’on appelait par son prénom, à qui on demandait conseil et qui ne se dérobait jamais, est né le 3 août 1907 à Aïn Taya, dans une famille de modestes paysans.
    Sa mémoire, son entêtement à faire éclater toujours la vérité, la précision historique à redresser des clichés, à rétablir les faits, n’en faisaient pas seulement un militant précieux pour le mouvement national indépendantiste, mais aussi un homme, un voisin extrêmement solidaire, réconfortant, avec un sens permanent de l’enseignement, de l’éducation, de la discussion toujours liée à des expériences pratiques. Pourtant, rien ne prédestinait ce fils de paysan à affronter, à la fois la France colonisatrice et le zaïmisme de Messali Hadj.



    La prise de conscience

    En 1929, Ahmed Bouda commençait à se nourrir de l’Islam populaire au sein de la zaouïa de cheikh Abdelkader El Hamami, à Belcourt et à Lakhdaria, jusqu’à son adhésion en 1932 à l’Association des oulémas de cheikh Ben Badis «pour la propagation de l’Islam, le réveil des consciences, la lutte contre le charlatanisme et la superstition qui avaient déformé le vrai visage de l’Islam», m’avait-il confié lors d’un entretien chez lui à Alger.
    L’injustice, la pauvreté et la misère du peuple algérien réveillaient en lui un sentiment de révolte et conclura que la politique réformiste menée par les oulémas ne pouvait briser le joug colonial. Il dira à cet effet que «cheikh El Okbi se méfiait de l’action politique et mettait en avant la réforme religieuse et culturelle. Ben Badis, trop prudent, ménageait le plus possible les susceptibilités de l’administration coloniale avant toute action politique. Par contre, le message véhiculé par les militants de l’Etoile nord-africaine me subjuguait. C’est ce qui m’a mené à militer dans les rangs de cette organisation nationaliste depuis 1936». Ainsi, Ahmed Bouda devient militant actif de l’Etoile nord-africaine et accède à des postes de responsabilité au PPA qu’il a vu naître en 1937.

    En 1939, il est gérant du Parlement algérien, une publication radicale qui dénonçait les exactions du colonialisme et relayait l’idée indépendantiste du parti. Mais en septembre de la même année, sur un acte d’autorité coloniale, le PPA est dissous. Les militants activent dans la clandestinité et la chasse à l’homme est déclenchée. Bouda est arrêté et interné au tristement célèbre camp de concentration Djenian Bourezg. A son élargissement, en 1943, il est membre de la direction du PPA clandestin et sera l’organisateur des manifestations du 1er Mai 1945 décidées par la direction du PPA en solidarité avec Messali Hadj, arrêté le 18 avril 1945 à Ksar Chellala. «Ce fut un événement historique, un défi au colonialisme sans précédent dans l’histoire de l’Algérie», témoignera Benyoucef Benkhedda.A l’issue d’un conseil national du PPA/MTLD tenu en 1947, il est responsable du comité d’organisation pour la préparation du congrès du comité central à Zeddine (Aïn Defla) qui donnera naissance à l’OS.

    La scission : Messali et les centralistes
    L’OS, Organisation spéciale et main armée du parti, avait besoin de moyens importants pour la préparation de la lutte armée. Messali Hadj, alors président, avait été chargé par le comité central de faire le porte-à-porte des pays arabes pour collecter des fonds et inciter la Ligue arabe à présenter la question algérienne à l’ordre du jour de la session de l’ONU. «En 1952, à son retour de son périple, lors d’une session du comité central, Messali étalait son émerveillement de l’Orient, le faste et les égards avec lesquels il a été reçu, sans toutefois aborder les questions centrales pour lesquelles il avait été mandaté. Radjef, qui présidait cette séance, l’arrêta sèchement et lui signifia d’aller droit au but», raconte Bouda, avant d’ajouter que «Messali, en fin de compte, n’avait rien réglé. Ce fut pratiquement un voyage d’agrément.»
    Cette attitude provoquera le courroux de la majorité des membres du comité central. Messali, de son côté, entre dans une colère sans précédent et son assignation à résidence dans l’ouest de la France, à Niort, multiplie les divergences avec ceux qu’on appellera désormais les Centralistes. Voyant son autorité mise à rude épreuve, «Messali réclame les pleins pouvoirs pour diriger le parti, faisant fi de la direction collégiale», martelait Bouda. Le parti se scinda en trois : les Messalistes, les Centralistes et les Activistes qui ne suivront ni les uns ni les autres et privilégieront la lutte armée.

    La lutte armée
    En 1954, au lendemain du déclenchement de la lutte armée, Ahmed Bouda est arrêté et emprisonné à Serkadji jusqu’au mois d’avril 1955, date à laquelle il rejoindra le FLN après sa rencontre avec Abane Ramdane. Au mois d’octobre de la même année, il dirige la délégation du FLN au Caire jusqu’au mois de février 1956. Ensuite, il est représentant en Irak d’où était diffusée la «Voix de l’Algérie» sur les ondes de la radio irakienne. Les prestigieux joueurs de football algériens professionnels, qui ont fait la gloire de l’équipe de France, ont constitué une équipe pour participer, à leur façon, à la lutte pour la libération du pays du colonialisme, ont débarqué à Baghdad où ils ont été reçus par Bouda. Après un court passage au Koweït au nom du FLN, il sera ambassadeur du GPRA en Libye jusqu’à l’indépendance, en 1962.

    Le retour au pays
    19 mars 1962, les accords d’Evian sont signés, consacrant le droit à l’autodétermination du peuple algérien et sanctionnant ainsi l’échec de la politique du tout-militaire des autorités coloniales. Malheureusement, une crise entre le GPRA et l’armée des frontières éclate et a failli dégénérer en guerre fratricide, n’était la sagesse du président Benyoucef Benkhedda. Une crise politique dont la conséquence est de consacrer, pour longtemps, la suprématie du militaire sur le politique. Ahmed Bouda, voyant la tournure qu’avaient pris les événements, se retire définitivement de la scène politique. Il sera successivement vendeur de postes radio, de chaussures et enfin de meubles, avant de rejoindre le secteur de l’éducation nationale en 1965.
    Enseignant d’abord à l’école les Eucalyptus, à Bab Ejdid (Haute Casbah) jusqu’en 1970, il est ensuite responsable des cantines scolaires dans la même circonscription jusqu’à sa retraite, en 1972. Il habitera jusqu’à la fin de sa vie dans le même appartement du Ruisseau, rue Hélène Boucher, au 9e étage sans ascenseur, qu’il occupe depuis 1953. Il vivra modestement de sa retraite. Il n’a jamais réclamé sa carte communale d’ancien moudjahid pour bénéficier des avantages liés au titre. Les sacrifices qu’il s’imposera à lui-même, à sa défunte femme et à ses enfants lui ont valu la considération et l’affection générale.
    Vingt ans après, je continue cependant de croire que cet hommage à Ahmed Bouda est plus important aujourd’hui qu’hier, à la veille du cinquantenaire de l’indépendance, même confisquée. Une conjoncture pleine d’incertitudes sans pour autant qu’on puisse prévoir l’ampleur des difficultés qui nous attendent du fait des conséquences d’une crise dont nul ne voit le bout. Il faudrait aux dirigeants du pays, quels qu’ils soient, au moins autant d’amour pour la patrie, de courage et de lucidité qu’il en a fallu à Ahmed Bouda et beaucoup de ses compagnons pour affronter les premières heures de la Guerre de libération, il y a près de soixante ans.
    J’ajoute qu’il ne leur faudra pas moins d’audace mais plus d’ouverture pour réussir la transition la moins pénible possible, la plus pacifique par respect aux serments de liberté énoncés dans la Déclaration de Novembre 1954 et que nous revendiquons depuis un demi-siècle. Une bonne gouvernance dans une République égalitaire et, à terme, nécessairement ouverte, débarrassée des carcans de l’obscurantisme encouragé par un conservatisme hypocrite, si elle veut apprivoiser l’extraordinaire dynamisme et la soif de liberté d’une jeunesse qui la compose et qui constitue l’une de ses richesses majeures, mais aussi l’une de ses menaces fatales.

    Sources :
    1) Ouvrages
    - Le Mouvement national algérien –textes 1912/1954- Claude Collot et Jean Robert Henry (Ed. Office des publications universitaires, OPU)
    - Le FLN, mirage et réalités – Mohamed Harbi (Ed. J. A.)
    - Mémoires d’un combattant 1942/1952 – Hocine Aït Ahmed (Editions Sylvie Messsinger)
    - Le Parti du peuple algérien 1937/1939 – Mahfoud Kaddache et Mohamed Guenaneche (Ed. OPU)
    2) Entretiens et témoignages
    Ahmed Bouda, Benyoucef Benkhedda, Abderrahmane Kiouane, Ahmed Kabba.
    3) Manuscrit de 17 pages en langue arabe de Ahmed Bouda (réponses manuscrites à un questionnaire sur son militantisme que j’ai eu l’honneur de lui proposer en 1991).
    Hanafi Si Larbi
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    Commentaire


    • #3
      C'est assez atypique comme trajectoire.
      On a tellement pris l'habitude de voir les gens se servir outrageusement sous prétexte qu'ils auraient un jour servi l’Algérie...
      Écrire l’Histoire, c’est foutre la pagaille dans la Géographie...

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