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Une journaliste s’infiltre dans le Front National

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  • Une journaliste s’infiltre dans le Front National

    La journaliste Claire Checcaglini témoigne dans un livre, Bienvenue au Front - Journal d'une infiltrée, qui sort le 27 février aux éditions Jacob-Duvernet.

    Pendant huit mois, cette jeune femme de 35 ans a milité dans les Hauts-de-Seine et a gravi un à un les échelons du parti. Au point même de se voir proposer par Marie-Christine Arnautu, la vice-présidente du FN, de participer aux prochaines législatives, à Paris. Elle est allée à la rencontre de ces personnes dont elle a «toujours profondément méprisé, rejeté l'engagement, des personnes que je n'ai pu voir qu'en tant que potentiels dangers pour la démocratie, qu'ils en soient ou non conscients.» Pour se protéger, elle a changé d'identité, empruntant le prénom et le nom de sa grand-mère. Elle a prétendu être écrivain public, a changé de coiffure et s'est teint les cheveux. À la fédération des Hauts-de-Seine, elle a affirmé vouloir adhérer «parce que la nouvelle présidente du Front national est jeune, dynamique, elle représente une nouvelle génération en politique, mais surtout ne commet pas les impairs de Jean-Marie».

    Elle écrit qu'elle se rend compte très vite, comme elle s'y attendait, que la stratégie de dédiabolisation du FN est une façade. Les réunions internes auxquelles elle assiste sont souvent imprégnées d'islamophobie et de racisme. On s'y complait dans des théories complotistes. Celle du complot islamo-pétrolier remporte visiblement tous les suffrages. La force du témoignage de ce livre tient surtout aux multiples portraits de militants, parfois idéologues, comme ce médecin révisionniste ou cet ingénieur «prêt à prendre les armes», mais aussi souvent paumés, à l'image de Gisèle, dévouée corps et âme au FN, qui peine à joindre les deux bouts avec sa retraite de 1000 euros par mois.


    «J'ai eu en permanence accès à une parole non filtrée»

    Interview:

    LE FIGARO. -Pourquoi avez-vous souhaité infiltrer le Front national?

    Claire CHECCAGLINI. - J'étais convaincue que la dédiabolisation du Front national n'était que de façade. Le discours qui est habituellement servi aux journalistes fait l'objet d'un tel formatage, qu'il était selon moi nécessaire de lever cette barrière qui aurait très certainement existé entre eux et moi s'ils connaissaient ma véritable identité. Ils auraient su alors qui mettre en avant, quel message faire passer, quels mots employer, quelles expressions censurer. Je voulais supprimer cette distance entre la journaliste que je suis et eux, non pour les blesser, mais pour pouvoir révéler qui ils sont véritablement. Outre la dénonciation nécessaire du racisme dont j'ai été le témoin tout au long de ces mois d'immersion, j'ai voulu comprendre le parcours de ceux qui ont choisi cette voie. Comment en sont-ils arrivés aujourd'hui à vouloir se débarrasser des musulmans, à promouvoir la préférence nationale, à croire que les juifs complotent pour dominer le monde?

    Qu'est-ce que votre expérience apporte de différent par rapport à un journaliste politique traditionnel?

    J'ai eu en permanence accès à une parole non filtrée. Entre autres exemples lorsqu'à la demande du FN, je suis allée solliciter Philippe Pemezec, vice-président du conseil général des Hauts-de-Seine et ex-secrétaire départemental de l'UMP pour recueillir son parrainage, il a refusé, tout en affirmant avoir voté Jean-Marie Le Pen en 2002 et a ajouté: «Je participe aux commissions d'attribution des logements sociaux à l'office départemental des Hauts-de-Seine. Et je peux vous dire qu'au Plessis, il n'y a pas beaucoup d'Arabes. Je fais très gaffe.»

    Qu'est-ce qui vous a le plus étonnée?

    Ce qui est très désarmant ce sont les paradoxes des militants. Trois membres de la famille de mon secrétaire départemental, qui est d'origine juive, ont ainsi été déportées pendant la deuxième guerre mondiale. Cela ne l'empêche pas d'être très radical, prêt à prendre les armes s'il le faut. L'histoire personnelle des militants ne les fait pas réfléchir. S'ils étaient recadrés quand il y a des dérapages racistes, on pourrait peut-être parler de dédiabolisation. Mais ils ne sont pas repris en main. Bien au contraire. Lors d'une réunion à laquelle j'ai assisté, l'un des cadres était même chargé de rectifier les dérives des membres «FN light»!

    Comment les militants ont-ils réagi lorsque vous leur avez appris votre infiltration?

    Une seule personne, cadre du parti, a été agressive. Les autres sont restés pour la plupart très calmes, un peu sonnés. Certains m'ont dit que j'avais été très lâche, d'autres m'ont dit qu'ils comprenaient, que j'avais fait mon boulot. Beaucoup m'ont aussi dit qu'ils n'avaient rien à cacher et qu'ils ne comprenaient pas le sens de ma démarche. Ce n'était pas un moment facile. On noue des liens malgré tout. On se voit tous les week-ends, aux réunions, on tracte ensemble…Mais je n'ai jamais voulu les blesser personnellement, ce qui m'intéressait c'était de comprendre leurs idées.

    Le figaro
    Ya Allah, al Aziz, al Hakim. a7fadh jazair wa al maghareb al kabir

  • #2
    J'ai voulu prouver que cette dédiabolisation du FN était fausse

    «J'ai voulu prouver que cette "dédiabolisation" du FN était fausse»
    PAR MARINE TURCHI ET SOPHIE DUFAU ARTICLE PUBLIÉ LE MERCREDI 22 FÉVRIER 2012

    Ce mardi 21 février, Claire Checcaglini a appelé les militants frontistes de sa section. Elle leur a dit qu’elle n’était pas Gabrielle Picard, militante depuis huit mois au Front national, venue «pour Marine», devenue responsable de section et potentielle candidate aux législatives, mais Claire Checcaglini, journaliste indépendante. Ce sont ces huit mois qu'elle raconte dans Bienvenue au Front– Journal d'une infiltrée, publié le 27 février aux éditions Jacob- Duvernet (lire notre «Boîte noire» et nos bonnes feuilles).

    «Puisque le Front avance masqué, j’avancerai masquée moi aussi», écrit-elle au début de son livre. De mai 2011 à janvier 2012, cette journaliste s'est infiltrée au FN et a gravi les échelons. Une immersion pour rendre compte de ce que le parti de Marine Le Pen ne laisse pas voir. Ce que les médias ne parviennent pas forcément à raconter. L'exercice n'est pas nouveau. La journaliste Anne Tristan l'avait initié en 1987 : elle avait adhéré au FN en se faisant passer pendant six mois pour une chômeuse, dans les quartiers Nord de Marseille (lire notre onglet «Prolonger»). Claire Checcaglini n'a pas choisi une cité, mais Neuilly et les Hauts-de-Seine (92). Un département hétéroclite où quartiers bourgeois et populaires coexistent. Le troisième département de France en nombre d'adhésions frontistes (plus de 700, selon les chiffres internes du FN).

    Son objectif ? Aller voir ce que dissimule la «dédiabolisation» du parti et ce «nouveau FN» affichés par Marine Le Pen. Le Front national a-t-il changé ? Qui sont ses militants et cadres ? Pourquoi adhèrent-ils ? Qu'est-ce qui les lie ? Pendant huit mois, elle a laissé traîné ses oreilles et parfois son micro. Ce témoignage livre une radiographie des militants frontistes d'aujourd'hui : si l'électorat de Marine Le Pen s'est élargi, sa base militante, elle, n'a pas changé. On découvre aussi, dans la pratique, la stratégie de ce «nouveau FN». Un parti qui, pour arriver au pouvoir, nettoie la vitrine et remise ses personnages et propos sulfureux dans l'arrière-boutique. Un parti où l'on peut tout dire et tout faire, tant que rien n'est public.

    Mediapart. Comment est né ce projet d’infiltrer le Front national ?
    Claire Checcaglini. Le point de départ, ce sont les cantonales. J’ai été révoltée de voir que l’UMP n’appelait pas à un Front républicain. En 2002, j’ai voté Jacques Chirac, sans aucune hésitation. Je me suis dit qu’on était en train de perdre la boussole.

    D'autant que beaucoup de médias, à ce moment-là, commençaient à parler de «Marine» – ce qui la rend plus familière –, à la présenter sous un jour plus sympathique. J’ai été surprise de trouver dans Elle le portrait d’une femme politique d’extrême droite sur trois pages. Tout cela est problématique. Cela m’a donné envie d’aller voir au plus près la réalité du Front national. Savoir pourquoi on adhérait, déjouer la stratégie du parti, prouver que cette «dédiabolisation du FN» était fausse. La seule façon d’accéder à cela était de me faire passer pour une militante. Sans l'immersion vous n'obtenez pas certaines choses.

    D'autant qu'on sait qu’à l’extrême droite, il y a toujours des interdits, des choses qui ne doivent pas sortir. Si j’avais observé que le FN faisait des efforts réels pour écarter les personnes les plus extrêmes, je l’aurais noté, j’aurais eu un scoop : sauf que ça ne s’est pas passé comme cela.

    Aviez-vous lu le livre d’Anne Tristan, qui avait elle aussi infiltré le FN, à Marseille, en 1987?

    Non, je connaissais juste les travaux de Günter Wallraff et Florence Aubenas. C’est un ami qui m’a parlé d'Anne Tristan. Je n’ai pas voulu lire son livre avant la fin de mon infiltration, pour ne pas être influencée. Elle est allée dans les quartiers Nord de Marseille, dans la France “du bas du bas”, qui n’a plus aucun espoir – non pas que la misère justifie le racisme – mais ce que j’ai fait est un peu différent. Je me suis intéressée aux Hauts-de- Seine, un département avec des quartiers populaires (du côté de Gennevilliers) et des quartiers aisés (Neuilly). Les personnes que j’ai rencontrées, c’est une pharmacienne, un comptable, un ingénieur, une retraitée qui n’est pas tant dans le besoin que ça, même si elle se victimise. Je suis allée rencontrer la frange de la classe moyenne qui vote pour le Front national. Cet échantillonnage de militants assez varié m’intéressait.

    Comment avez-vous préparé cette infiltration ?

    Il a d’abord fallu trouver quelqu’un qui accepte de figurer sur les fichiers du FN et en qui j’aie une confiance absolue. Ça n’a pas été simple. J’ai d’abord cherché parmi mes amis, sauf que, évidemment, lorsqu’on a une carrière professionnelle à mener... Un ami m’a dit : «Ne cherche pas parmi les personnes de ton âge, mais parmi ceux qui n’ont plus rien à craindre côté professionnel.» J’ai choisi ma grandmère, qui s’appelle Gabrielle Picard. C’était parfait : un prénom chrétien, transgénérationnel, un nom bien franchouillard. J’aurais pu inventer un nom. Mais prendre une identité réelle ne sert qu’à une chose : pouvoir payer par carte bleue et signer des chèques au FN pour les meetings, les repas, etc. Je ne signais jamais de chèques devant eux, je me les faisais envoyer par ma famille.

    J’ai aussi créé un compte Facebook, une adresse mail au nom de Gabrielle. Je me suis inventé une profession : écrivain public. Cela me permettait de justifier mon temps libre et de me voir confier des responsabilités. Et puis j’ai un peu répété sur mon discours, un discours que je ne tiens jamais. Je me suis entraînée à mettre en bouche le vocabulaire du Front national, des phrases du type “j’ai peur de l’islam”, “de cette immigration qui nous envahit”.

    Vous vous êtes créé un personnage. Ce personnage, qu’allait-il raconter ?
    Mon discours était simple : je devais être une «mariniste» convaincue parce qu’il fallait que je justifie le fait de n’avoir jamais milité au FN et que, soudainement, j’allais beaucoup m’investir. J’ai dit que Marine avait été le déclic, que je croyais énormément à la «dédiabolisation» du FN. Que sous Jean-Marie Le Pen il y avait des choses qui m’auraient gêné, que voter c’était une chose et militer une autre, que désormais on pouvait s’afficher FN grâce à Marine Le Pen.

    Ce qui est frappant, c’est la vitesse d’ascension au sein de ce parti. Dès votre premier rendez-vous, on vous propose de prendre en charge le FN de Neuilly, mais aussi d’être candidate aux sénatoriales puis aux législatives.


    On peut prendre des responsabilités très très vite. Et c’est l’une des forces du Front national : offrir des postes, des investitures aux élections à des personnes qui n’auraient pas de telles récompenses ailleurs, parce qu’elles ne s’expriment pas très bien, parce qu'elles ne sont pas à l'aise devant une caméra. Mais cela dit aussi quelque chose de ce parti.
    Comment avez-vous travaillé au quotidien et retranscrit tous ces échanges ?
    Je prenais beaucoup de notes, j’enregistrais certaines réunions et conversations. J’avais une pochette à ma ceinture que je laissais ouverte avec mon téléphone dedans.

    Avec quelle fréquence avez-vous côtoyé les militants frontistes ? A quoi ressemblait votre semaine type ?
    C’était de l’ordre d’une réunion minimum par semaine, et surtout beaucoup d’échanges par mails, il fallait maintenir le contact. Pour grimper dans le parti et avoir accès à d’autres personnes, j’ai dû être une militante modèle. Très vite, j’ai pris beaucoup de responsabilités : je suis devenue responsable FN à Neuilly, puis responsable formations-débats en Ile-de- France. Donc j’ai pu moi-même initier des réunions, comme celles des formations. Je ratais rarement le tractage du week-end et j’ai réussi à assister à un bureau régional, avec l’ensemble des responsables départementaux, dont Marie-Christine Arnautu (viceprésidente du FN et responsable Ile-de-France) et Dominique Martin («Monsieur parrainages» de Marine Le Pen).

    Avez-vous rencontré les militants en dehors de ces réunions ?

    Non, je ne voulais ni que les gens viennent chez moi, ni aller chez eux. D’abord, je ne voulais pas qu’ils me posent des questions trop personnelles. Ensuite, mon but n’était pas de violer leur vie privée ou de dévoiler leur vie intime. On peut penser que c’est irrespectueux de se faire passer pour une militante que l’on n'est pas, donc il faut se fixer des limites claires.

    Vous avez aussi choisi de ne pas avoir de voiture pour multiplier les trajets avec les militants. C’était une manière d’avoir plus de contacts avec eux, et, effectivement, on a beaucoup discuté en voiture. Cela me permettait aussi de ne pas apparaître comme trop aisée, car j’ai bien senti chez certains militants que c’était important.

    Le personnage que vous avez créé était discret et loyal. Comment arrive-t-on à obtenir des informations, des réponses, sans pouvoir poser les questions qu’on aimerait, en tant que journaliste, poser ?

    Lorsqu’on est en immersion, c’est parfois frustrant. On a envie de titiller la personne, et évidemment on ne peut pas trop. Par exemple lors de la rencontre avec un maire UMP pour obtenir un parrainage. A ce moment là, je suis censée être la seconde de «Sylvain», être celle qui fait bonne figure et sourit, pas celle qui mène le débat. Il m’est aussi arrivée de poser des questions qui sont tombées à l’eau. Mais vous résistez à cela, parce que vous avez peur. Peur d’être démasquée.

    Lorsque j’enregistre la conversation dans le bureau de cet élu UMP, s’il le découvre, ça se passe mal pour moi. Je n’ai aucun filet de sécurité, tout se casse la figure. Cela me dissuade de poser des questions dangereuses. Je ne voulais pas non plus trop influencer le fil des conversations.

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    • #3
      Au début, j’étais dégoûtée, un peu de moi-même aussi. La première fois que j’ai dû tracter, c’était à la sortie d’un parking, à la Défense. Vous tendez la feuille à la personne au volant, et à un moment donné, vous avez une personne maghrébine ou noire qui vous dit : «C’est de la pub ?» Là, c’est terrible parce que vous n’avez pas envie de dire ce que c’est, et vous n’avez pas envie non plus de faire de la discrimination au faciès. On se sent mal. Les débuts étaient durs.

      Qu’est-ce qui vous a permis de tenir huit mois ?

      En sortant, j’avais besoin d’un sas de décompression, de raconter aussi, de temps en temps, même si très peu de personnes étaient au courant. Sinon je devenais schizophrène. Certaines fois, je me disais : «Allezy, continuez à parler, je le dénoncerai.» Cela me motivait aussi. Et puis il y a deux fois où j’ai craqué. Comme cette fois où j’ai dû manifester pour l’expulsion d’une famille d’origine étrangère. Là, on franchit un cap.

      Par la suite, malgré tout, je me suis attachée à ces gens, qui ont été très sympathiques avec moi. C’est important de le dire, parce que beaucoup de gens restent au FN, car, comme le dit Chantal (militante de Neuilly - NDLR), «c’est sympa». Et c’est un piège qui se referme sur eux. Comme «Gisèle» (militante retraitée - NDLR). La vie de cette femme se limite au Front national. Elle y passe un temps infini, gratuitement. Elle inonde les rues de Clichy avec son caddie plein de tracts, parfois seule.

      Dans votre livre, vous parlez avec beaucoup d’empathie de cette militante ?
      «Gisèle» avait un côté généreux, même si cela peut paraître étonnant d’être à l’extrême droite et d’être généreux. La première fois que je l’ai rencontrée, cela m’a vraiment donné envie d’essayer de lui parler. Elle distribuait les tracts, à la fin elle me dit : «Mais pourquoi les gens sont agressifs avec nous ? Nous, on a des solutions !» A ce moment-là, elle est d’une sincérité désarmante. Elle ne se rend pas compte de ce qu’elle fait, alors que d’autres en sont conscients. C’est sans doute pour cela que je me suis attachée à elle. Et puis il y a «Sylvain». J’étais très très mal à l’aise vis-à-vis de lui. D’un côté, je suis effrayée par ses idées pour le coup, lui est à l’extrême droite et il le sait. De l’autre, il avait ce côté très chaleureux, avec tout le monde, il m’a fait énormément confiance. J’ai un peu peur de sa réaction, mardi (ce 21 février, NDLR).

      Avez-vous craint le syndrome de Stockholm ?
      J’ai adopté leur langage, le «nous», le «Marine», etc., parce que c’est comme ça que je le vivais et devais le vivre. Je n’ai évidemment jamais pensé que je deviendrai raciste ou d’extrême droite. Mais je me suis, quand même, attachée à eux. A «Sylvain», «Gisèle», «Caroline», «Guillaume», «Patrick»... Mardi (21 février), vous allez leur révéler par téléphone votre véritable identité.

      Qu’allez-vous leur dire ?
      Je veux les contacter avant la publication d’un article, car je me dois de leur dire qui je suis et leur expliquer ma démarche. Leur dire : «Je n’ai rien de personnel contre vous, ni contre qui que ce soit au Front national. Mais même si vous êtes gentils entre vous, vos idées font qu’on ne pourra jamais être amis, il y a des choses sur lesquelles on ne pourra pas passer.»

      Ne craignez-vous pas leur réaction ?
      Je crains leur réaction. Mais pendant huit mois, je leur ai posé plein de questions, je les ai observés. Aujourd’hui je veux leur dire : «Vous pouvez me posez toutes les questions que vous voulez.» C’est aussi important que je puisse me mettre à nu. Je ne convaincrai personne, c’est évident, mais ce sera moins brutal qu’une parution dans la presse.

      Humainement, je le leur dois. Par ailleurs, ils n’ont aucun intérêt à une réaction très violente. Car ce serait la démonstration que ce sont des brutes épaisses. Pour l’image de leur parti, ce serait terrible, une journaliste agressée par un militant du FN...

      Ce que vous avez trouvé au coeur du Front national vous a-t-il surprise ?

      Je pensais vraiment découvrir au Front national – mais peut-être que j’étais naïve –, beaucoup plus de «paumés» – entre guillemets – que je n’en ai trouvés. C’est-à-dire davantage de gens qui ne savent pas vraiment ce qu’est l’extrême droite, ne se rendent pas compte de la dangerosité du vote du FN. Marine Le Pen ayant une apparence assez sympathique, je me suis dit qu’elle avait peut-être finalement attiré des personnes avec son discours de «dédiabolisation». J’ai au contraire trouvé beaucoup de gens racistes et assumant leur racisme. En réalité, les gens sont au Front national essentiellement parce qu’ils sont contre les musulmans.

      L’islamophobie est, selon vous, le ciment de tous ces militants venus d’horizons divers ?
      Oui, à 99 %. C’est vraiment quelque chose d’assumé, de décomplexé. Ce n’est pas comme l’antisémitisme, qui n’est pas très répandu au Front. L’islamophobie se traduit par un fantasme : celui de l’invasion, la colonisation. Comme dit «Henri», un militant : «Mais ils vont nous dévorer !» Ou un autre, lorsque nous passons dans un lotissement : «Ils sont jusque dans les pavillons !»

      L’un des enseignements de votre livre, c’est le manque de contradiction interne : selon vous, des militants sont sur une ligne moins radicale mais ne parviennent pas à avoir le dessus ?

      Si on croit à la dédiabolisation du Front national, certains propos devraient vous faire fuir. Mais personne ne fuit. Il n'y a plus de barrières morales.

      Est-ce que cela ne pourrait pas être, au-delà d’un «recadrage de campagne», un véritable virage du FN ?

      Lors d’un débat «nationalisme contre mondialisme», j’avais fait venir Edouard Ferrand (président du groupe FN au conseil régional de Bourgogne - NDLR). Lorsque, en fin de soirée, quelqu’un explique que ce serait intéressant que le FN ne soit pas cantonné à ses terres (immigration, etc.), Edouard Ferrand répond que «quand même, ce qui marche le mieux, c’est insécurité-immigration parce que les Français sont confrontés aux hordes d’étrangers». C’est le fonds de commerce du FN.

      Marine Le Pen met en avant des thèmes économiques et sociaux, comme la sortie de l’euro par exemple. Ces thèmes sont peu présents dans votre livre. Pourquoi ?

      Les militants en parlent beaucoup moins. Tous n’ont pas forcément la compétence pour parler de la sortie de l’euro, de comment on construit l’Europe. Parler de souveraineté, ce n’est pas tout à fait aussi facile que de dire «j’en ai marre de ces Ben-merguez».

      Vous évoquez une autre obsession du FN : celle que la vie de l’intérieur soit dévoilée à l’extérieur.
      A plusieurs reprises, lors de réunions, Marie-Christine Arnautu met en garde : «Tout ce qui est dit ici est confidentiel et rien ne doit sortir», ou «faites très attention, aujourd'hui tout est filmé, tout est enregistré». Au FN, cela prend une dimension spéciale. Car le risque n’est pas le dévoilement d’une discussion à bâtons rompus, avec un langage un peu plus relâché, moins prudent, où le fond des choses ne change pas. Quand on est dans l’intimité du Front national, on franchit à chaque fois une étape. Il y a des choses qui ne doivent pas être rapportées. Lorsque, lors de cette réunion par exemple, Marie-Christine Arnautu nous dit avec un petit sourire que Jean-Louis Cohen, un maire, a signé pour Le Pen en 2007, et que le secrétaire départemental répond : «Cohen, s’il n’y en avait qu’un...», là, on est ailleurs.

      Le Front national milite-t-il à Neuilly ?
      A Neuilly, on donne de l’argent au Front national, mais on ne milite pas, on ne se montre pas. D’ailleurs, j’avais, au début, envoyé un mail groupé aux 90 adhérents. Une militante m’a téléphoné, furieuse : «Mais enfin, on ne fait jamais ça avec un fichier politique ! Faire partie du FN, ce n’est pas anodin !» Cela restait pourtant au sein du parti, je ne dévoilais pas publiquement son appartenance au FN.

      Vous évoquez aussi la difficulté du FN à recueillir ses 500 parrainages et vous dites que l’alerte est réelle.
      Sur ce sujet, il n’y a aucun bluff. Mi-février, Marine Le Pen avait 400 signatures. Ils ont d’énormes difficultés.
      Par exemple, lorsque j’assiste à une réunion avec Marie-Christine Arnautu, Dominique Martin et l’ensemble des responsables départementaux d’Ilede- France, c’est le sujet majeur abordé. Dominique Martin joue les VRP, il motive les troupes : «Vous allez au cul des vaches chercher les maires, vous chaussez vos bottes et vous y allez !»

      Comment se passent ces rencontres avec les maires ?
      On dispose d’un petit classeur, un «lutin», avec des arguments extrêmement détaillés et préconçus pour chaque réponse. On prend le militant frontiste pour un enfant avec des phrases du type : «Soyez ponctuels», «restez aimables». C’est théâtralisé. On nous dit de bannir le mot «parrainages», car cela veut dire qu’on soutient, etc. On montre les photos de Marine Le Pen : Marine en tenue d’avocate, Marine en famille sur son canapé, Marine avec les ouvriers, etc. Mais on recueille surtout le maximum d’informations sur les maires et on remplit une fiche. On essaye de les faire parler, bien au-delà de ce qu’ils peuvent penser de la



      Extraits de Médiapart
      Dernière modification par jawzia, 24 février 2012, 21h09.

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      • #4
        Je ne la trouve pas du tout crédible, elle n'a rien dit d’intéressant

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        • #5
          J'ai déjà posté le sujet dans Café du Village.
          Ya Allah, al Aziz, al Hakim. a7fadh jazair wa al maghareb al kabir

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          • #6
            moi je trouve que c'est une pauv'c0nne qui a choisit la voie de la malhonneteté et du mensonge , c'est comme les sois disant journaleux , qui s'infiltraient dans des mosquées pour enregistrer les preches de certains imams pour ensuite généraliser à l'ensemble des musulmans .

            je ne porte pas le FN dans mon coeur , mais les méthodes de cette Journaleuse me laissent perplexe
            " Je me rend souvent dans les Mosquées, Ou l'ombre est propice au sommeil " O.Khayaâm

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            • #7
              N'oubliez pas de voter !!

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              • #8
                J'ai bien aimé le debat de melanchon face a le pen qui s'est fait pourrir en direct. Le FN est sorti de son puits grace a la droite qui n'a fait que jongler sur des themes racistes et islamophobe. La fille le pen a effectivement apporté un nouveau visage au parti, mais les medias possede une belles responsabilité là dessus ainsi que la population musulmane.

                Pour revenir au FN, hormis les sujets d'immigration et d'islam, ce parti ne sert strictement a rien et n'a rien à apporter, c'est bien pour celà, que d'un cote j'aimerais bien le voir au pouvoir histoire de demystifier une bonne fois pour toute ce parti d'incompetents et d'impuissant consanguin, dont l'electorat n'est qu'un ramassis d'abruti a bac-20!
                "Le patriotisme c'est l'amour des siens. Le nationalisme c'est la haine des autres". Romain Gary

                Commentaire


                • #9
                  J'ai bien aimé le debat de melanchon face a le pen qui s'est fait pourrir en direct.
                  En meme temps, Melanchon, il se fait eparpiller a chaque debat. Donc Marine n'a pas vraiment de merite !
                  Communist until you get rich, Feminist until you get married, Atheist until the airplane starts falling ...

                  Commentaire


                  • #10
                    C'est un natif du Maroc, encore un! lol et effectivement au lieu de jouer à ce jeu perpetuel de la victimisation auxquel le FN a habitué l'opinion, elle aurait pu demontrer sa capacite a debattre et surtout demontrer que ses conviction sont fortes. Resultats, elles s'est fait demonté sur la question de l'IVG et des meres de familles.
                    "Le patriotisme c'est l'amour des siens. Le nationalisme c'est la haine des autres". Romain Gary

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                    • #11
                      C'est un natif du Maroc, encore un! lol et effectivement au lieu de jouer à ce jeu perpetuel de la victimisation auxquel le FN a habitué l'opinion, elle aurait pu demontrer sa capacite a debattre et surtout demontrer que ses conviction sont fortes. Resultats, elles s'est fait demonté sur la question de l'IVG et des meres de familles.
                      Ah, je n'ai pas vu ce debat ! Je pensais d'ailleurs que tu disais que c'etait melanchon qui c'etait fait pourrir en direct.

                      Mais pour avoir regarder son passage a on est pas coucher etquelques une de ses intervention dans differents media, je ne lui trouve pas des fin talents de rethoricien !
                      Communist until you get rich, Feminist until you get married, Atheist until the airplane starts falling ...

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                      • #12
                        Voici le debat, le pen n'a fait que jouer la victime comme à l'habitude de son paternel et son parti en general. Melenchon est loin d'etre un rethoricien certes, il veut jouer le georges marchais et malgré tout ca lui reussi.

                        "Le patriotisme c'est l'amour des siens. Le nationalisme c'est la haine des autres". Romain Gary

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                        • #13
                          Le FN, c'est comme nos islamistes, ils finiront par accéder au pouvoir. Ce sera rigolo à regarder de ce côté ci de la mer !

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