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Sénégal: "Wade est prêt à tout pour gagner"

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  • Sénégal: "Wade est prêt à tout pour gagner"

    Romancier, essayiste et dramaturge*, Boubacar Boris Diop, 66 ans, enseigne par ailleurs à l'université Gaston-Berger de Saint-Louis. Il décrypte ici, en termes clairs et percutants, les enjeux de la crise préélectorale qui ébranle le Sénégal, avant le rendez-vous présidentiel de ce dimanche.

    Voyez-vous dans le séisme déclenché par la validation de la candidature d'Abdoulaye Wade le signe d'un progrès ou d'une régression?
    On parle souvent d'heure H, de rendez-vous avec l'Histoire. Cette fois, le Sénégal est vraiment à la croisée des chemins, mais plongé dans le noir: nul ne sait où l'on va. On voit à l'oeuvre une formidable énergie démocratique; et, en même temps, des forces qui tirent le pays en arrière. La différence d'âge entre Wade et ses challengers me frappe. Lui a en vérité 90 ans; la plupart de ses concurrents pourraient être ses petits-enfants. Ainsi se dessine le parfait tableau d'une société à la veille de sauter dans l'inconnu. C'est la fable du vieux lion malade et des lionceaux qui se disputent l'héritage. Cette image de paterfamilias ne me heurterait guère si l'intéressé incarnait l'aîné expérimenté, sage et serein. Mais il n'en est rien. J'ai entendu voilà peu un rappeur du collectif Y'en a marre le traiter à l'inverse de "vieux fou". Ici, on ne parle pas en ces termes des anciens. Peut-on mieux dire combien l'homme est moralement disqualifié?

    Emaillée d'affrontements violents, la campagne semble porter exclusivement sur le forcing du sortant. N'y a-t-il pas d'enjeux plus cruciaux pour le devenir du Sénégal?
    A force de centrer le débat sur l'âge du capitaine, on néglige les grands défis lancés à notre démocratie, tels le poids des marabouts, le clientélisme d'Etat ou l'intimidation des opposants, qui rendent le pays ingouvernable. Quel qu'il soit, le successeur de Wade aura à traiter avec ces acteurs enclins à capter une partie de l'électorat et à négocier leur rente de situation avec le pouvoir. Les candidats négligent les grands défis lancés à notre démocratie. Les candidats peinent à formuler une offre politique concrète, où il serait question de routes, d'accès à l'eau ou à l'électricité, de cherté des denrées de base. [De même, la focalisation sur l'illégitimité de la candidature du chef d'Etat en exercice relègue dans l'ombre le parcours de ses rivaux, dont deux anciens Premiers ministres, comptables eux aussi de son bilan. A savoir Macky Sall et Idrissa Seck].

    Le magistère moral des leaders des grandes confréries musulmanes, mouride, tidiane ou layène, passe pour déclinant. Quelle est aujourd'hui leur influence?
    Il y a érosion de l'autorité des dignitaires confrériques, notamment dans le champ politique. Phénomène déjà patent sous Abdou Diouf [successeur de Léopold Sédar Senghor et président de 1981 à 2000], qui reflète l'essor de l'esprit citoyen et de l'idéal civique. Reste qu'il serait suicidaire pour tout prétendant au pouvoir de négliger les marabouts. Dans la gestion au quotidien, ils pèsent encore très lourd.
    Treize challengers face à Abdoulaye Wade: que traduit l'émiettement de l'opposition?
    La présidentielle de l'an 2000 avait soumis à l'électeur une véritable alternative: le sortant socialiste contre le prétendant libéral. Aujourd'hui, tous les candidats se ressemblent. Entre Macky Sall, Idrissa Seck, Ousmane Tanor Dieng ou Moustapha Niasse, il n'y a pas l'épaisseur d'un papier à cigarette. Ils tirent en choeur sur Wade, cible légitime, tout en s'épiant du coin de l'oeil. Chacun d'entre eux feint de jouer son destin, mais prépare le prochain tour. Chacun parie que le Vieux peut être réélu, à la régulière ou par la fraude, mais qu'il n'ira pas au bout de son mandat et qu'un autre scrutin surviendra dans deux ou trois ans. Voilà qui éclaire la retenue des principaux challengers, cette réticence à jeter toutes les forces dans la bataille. Pour eux, c'est un tour de piste, un match en trompe-l'oeil. Ce calcul résulte de la conviction - fondée au demeurant - que Wade est capable de tout pour gagner, y compris de mettre le pays à feu et à sang, de le plonger dans le chaos. Au fond, voici ce que se disent les leaders: il a déjà triché, les carottes sont cuites, préparons-nous pour la suite.

    Dans les médias comme au gré des meetings, on sent enfler la méfiance quant à la transparence du scrutin. Est-elle fondée?
    Avec l'actuel président, on n'est jamais trop suspicieux en la matière. Le doute tend à démobiliser les citoyens en âge de voter et à alimenter la contestation du fichier électoral. Il y a, au-delà des trajectoires personnelles, régression de nos institutions démocratiques. Je voudrais être certain que la tricherie, notamment en amont du scrutin, n'échappera ni aux garde-fous informatiques ni à la vigilance de la société civile. Avec tous ces contrôles, ces ateliers de formation, ces cohortes d'observateurs nationaux comme étrangers, on devrait pouvoir aller aux urnes l'esprit tranquille. Tel n'est pas le cas. En ce domaine, je ne crois pas au crime parfait. Encore faut-il que le coupable pris la main dans le sac ne reste pas impuni.
    Je sens poindre la tentation de faire vibrer la fibre ethnique
    Un autre péril, très grave à mes yeux, affleure. Au Sénégal, par tradition, les autochtones respectent l'étranger. Or, çà et là, on accuse des Maliens ou des Guinéens, nombreux dans les grandes villes, de s'être inscrits illégalement sur les listes d'électeurs. Avec le risque de les reléguer au rang de boucs émissaires.

    Sur le même registre, Abdoulaye Wade et Macky Sall s'accusent mutuellement de "dérive ethniciste". Jugez-vous cette rhétorique inquiétante?
    Pour la première fois dans ce pays, je sens poindre la tentation de faire vibrer, même discrètement, la fibre ethnique. C'est très nouveau, et ça me fait peur.

    Très contesté dans les centres urbains, Wade jouirait encore dans les campagnes d'un réel prestige. Croyez-vous à cette césure?
    Déjà, au temps de Diouf, le PS était fortement enraciné dans l'espace rural et malmené dans les métropoles. Aux élections locales de 2009, la mouvance Wade a perdu toutes ses grandes villes. Dans les campagnes, le parti aux commandes exerce un contrôle de proximité très strict, "arrosant" et "cadeautant" les leaders d'opinion. Entretenant donc sa clientèle locale. Les marabouts, les figures confrériques et les politiciens locaux y travaillent en bonne intelligence. Pas facile pour l'opposant de percer.

    Coalition disparate, le Mouvement du 23 juin rassemble sous un même étendard près de 150 partis politiques et organisations de la société civile. Faut-il y voir l'union de la carpe et du lapin?
    C'est un mariage de raison. Mais au moins les politiques ont-ils procuré à ce mouvement informel, sinon informe, un statut, lui donnant une certaine consistance. Cela posé, on entend de plus en plus de grincements de dents. Les jeunes brûlent d'en découdre avec les forces de l'ordre; tandis que les leaders classiques rechignent, par crainte d'aventurisme. Le M 23, Y'en a marre en tête, exige un fonctionnement normal des institutions. Démarche très positive. N'oublions pas le rôle crucial joué en 2000 par les rappeurs en faveur du candidat Abdoulaye Wade. Eux se sentent trahis. Une certitude: ces idéalistes ne se laisseront pas enrégimenter par les structures partisanes.

    Par maladresse ou par arrogance, le pouvoir échoue à endiguer le soulèvement citoyen. Y a-t-il risque d'embrasement général?
    Les Sénégalais partagent le sentiment qu'il ne peut rien nous arriver de tragique ; qu'on vit à mille lieues de la Côte d'Ivoire, du Liberia ou du Rwanda. Sans doute y a-t-il dans cette croyance une dimension religieuse. L'islam confrérique s'est toujours interposé entre les forces antagonistes, prêchant l'apaisement. Il est vrai que ce pays n'a jamais subi le moindre coup d'Etat, et que son armée combat et contient depuis trente ans en Casamance, sans trop de casse, une rébellion armée. Mais l'idée que l'on se fait de soi-même importe moins que les mécanismes à instaurer pour prévenir la violence. Notre société s'est très profondément renouvelée. Le noyau des "y'en a marristes" n'est pas né par hasard. Et le rôle des jeunes au sein du M 23 n'a rien de fortuit. La plupart d'entre eux ignorent qui était Senghor. Ils sont déconnectés du consensus ambiant dans lequel baignaient leurs parents. Eux vivent branchés sur la planète, les sites Web, les forums en ligne et les réseaux sociaux.

    L'Express
    Dernière modification par Vigilance, 24 février 2012, 14h45.
    la curiosité est un vilain défaut.

  • #2
    pourquoi sa ne m'etonne pas tout sa

    Commentaire


    • #3
      un vote pourquoi faire ?

      jouer à la démocratie ?

      laquelle ?

      celle de façade imposée par les Français et qui a élu WAD après le grand peule qui préside la Francophonie ? Les géniteurs de la formule veulent que le vieux reste en place.

      ouste , plus rien à chanter

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