Puisque le citoyen français ordinaire ne peut plus jamais se faire entendre, sa voix couverte par la propagande médiatique, nous empruntons ces quelques lignes d’une « lettre ouverte à Alain Juppé sur la Syrie », postée le 10 Février, sur le blog de Monsieur Yves-Marie LAULAN éminent géopoliticien et Président du Cercle des Libertés républicaines :
« Mon cher Alain, …Vous vous interrogiez tantôt sur la raison pour laquelle ces coquins de Chinois et ces fripons de Russes avaient proprement torpillé le 4 février dernier votre projet de résolution sur la Syrie à l’ONU.
Permettez-moi de vous éclairer sur ce point
Ils vous ont tout simplement rendu la monnaie de la pièce.
Car, rappelez-vous, vous les aviez proprement « roulés dans la farine » avec la fameuse résolution 1973 de l’ONU qui vous autorisait à bombarder, du haut des airs, la Libye du colonel Kadhafi pour « sauver des vies humaines ». Pourquoi pas ? L’humanitaire qui fait pleurer les chaumières fait toujours recette dans nos médias.
Mais vous en avez profité, toute honte bue, et au mépris du droit international, pour écraser ce malheureux pays sous un tapis de bombes (et ce, avec l’aide occulte des Etats-Unis sans laquelle nos forces n’auraient pas tenu plus de 15 jours, faute de carburant et de munitions, sans compter la destruction des batteries antiaériennes de la Lybie sans laquelle nos forces aériennes auraient sans doute subi des pertes insupportables).
Mais, allant plus loin dans votre logique, vous avez cherché le renversement du régime, et même autorisé indirectement l’assassinat par une foule déchaînée du Colonel Kadhafi, certes, personnage fort peu recommandable, mais quand même. Pour un ministre qui invoque à tout propos « l’honneur de la France » et pour un président qui se réfère à tout instant aux droits de l’homme, avouez que cela n’est pas trop mal… »
Mise à part une certaine condescendance vis-à-vis de ces sociétés méditerranéennes qu’il considère globalement comme tribales… qu’il soit remercié pour son courage et son audace, là ou d’autres éminentes personnalités françaises cherchent à nous convaincre qu’en matière de politique étrangère, Monsieur le Président Sarkozy est… génial !
Monsieur Laulan conclut sa lettre par le conseil suivant : « Laissez donc les Russes, et pourquoi pas les Chinois, se débrouiller comme ils l’entendent puisqu’ils ont la prétention de s’immiscer dans cette inextricable affaire ». Conseil qui pourrait permettre une « solution politique » de la crise syrienne, comme nous l’explique Sami Kleib, journaliste et homme du sérail en matière d’analyse géopolitique sur le Proche-Orient.
Mouna Alno-Nakhal
23/02/2012
* * *
LES ÉTATS-UNIS ONT RECONNU L’INFILTRATION D’AL-QAÏDA EN SYRIE... QUELLES EN SONT LES CONSÉQUENCES ? par Sami KLEIB
Si le ministre de l’Intérieur syrien avait voulu faire une déclaration sur les armes et les groupes armés sévissant en Syrie, il n’aurait pas mieux fait que le patron du renseignement américain James Clapper ; ce dernier ayant affirmé, la semaine dernière (jeudi 16 février Ndt), que « les attentats à Alep et Damas portaient la marque d’Al-Qaïda, que cette organisation a infiltré l’opposition syrienne divisée, et que le régime est toujours capable de se maintenir au pouvoir ».
Suite à James Clapper, une déclaration similaire est venue du chef d’état-major des forces armées américaines (19 février Ndt), le général Martin Dempsey, qui a précisé sur CNN : « Il ya des informations selon lesquelles le réseau terroriste d’Al-Qaïda est impliqué et cherche à soutenir l’opposition… Tant que nous n’aurons pas une vision plus claire de ce qu’est ce mouvement et de qui le compose… je pense qu’il est prématuré de prendre la décision d’armer l’opposition en Syrie »…Il a ajouté : « Une intervention en Syrie sera difficile, car elle est désormais l’arène où se jouent les intérêts de plusieurs intervenants internationaux, comme la Turquie, la Russie et l’Iran… » [1].
L’inquiétude des États-unis est donc de plus en plus grandissante face au phénomène salafiste observé en Syrie. Les hauts responsables de la sécurité à Washington se rendent compte que les salafistes sont à l’avant-scène de la rue syrienne. Par conséquent, si les barbus continuent à occuper le paysage politique et sécuritaire, cette préoccupation américaine pourrait changer le cours des choses. En effet, il est difficile pour Washington d’accepter la mainmise des salafistes sur le pouvoir en Syrie, et il lui est encore plus difficile d’accepter l’encerclement d’Israël par une telle ceinture armée « salafisto-qaidienne ». D’autant plus, qu’il est de notoriété publique que les groupes armés grignotent peu à peu l’opposition politique syrienne et pourraient contribuer à l’éliminer. Autrement dit, la vision sécuritaire américaine se rapproche de celle de la Russie et oblige à la recherche d’une troisième voie ; puisqu’au bout de 11 mois, le régime syrien est toujours aussi difficile à abattre, et l’incapacité de l’opposition à unifier ses rangs toujours aussi évidente. Haytham Manna (responsable à l’étranger du Comité national de coordination pour le changement démocratique [CNCD], l’une des branches de l’opposition syrienne. Ndt) ; critiquant les autres partis de l’opposition après avoir surveillé de près les progrès de l’armée syrienne à Baba Amr, Homs et Idlib ; a déclaré : « Si l’opposition syrienne transforme ses objections en une bataille militaire, la possibilité de son échec ou de sa réussite ne dépendra plus que du militaire ; et demain, même s’il n’y a plus de manifestations armées mais que notre bataille est devenue militaire, nous devrons nous incliner devant le vainqueur ». Quant à Michel Kilo, il s’est écrié : « Est-il possible qu’une révolution puisse être une vraie réussite si elle est décérébrée ou si elle s’est, elle-même, bousillée le cerveau par des interdits ? »
Russie : le feu vert militaire
Des informations fiables et disponibles confirment que le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, n’a pas fixé de délai limite à l’opération militaire des autorités syriennes. Au contraire, lors de sa rencontre d’il y a quelques jours avec le Président Bachar al-Assad, il a confirmé le feu vert de la Russie pour une telle opération, à condition qu’elle soit associée à des avancées politiques. Depuis, l’armée syrienne a poursuivi ses opérations ; Al-Assad a lancé le processus référendaire pour la nouvelle Constitution, et bientôt de nombreux sujets seront débattus au sein du Congrès du Parti Baas…
A la visite de Lavrov a succédé celle du vice ministre chinois des Affaires étrangères Zhai Jun (18 février Ndt). Ses déclarations ont été reprises par la l’agence de presse Chine Nouvelle « Xinhua » : « La résolution pacifique de la crise doit se faire par le dialogue entre l’opposition syrienne et le gouvernement », position soutenue après ses multiples rencontres avec des responsables russes et des personnalités de l’opposition syrienne. Cette position chinoise s’est révélée encore plus ferme une fois qu’il a quitté Damas. En effet, le Quotidien du Peuple, organe du Parti communiste chinois, a été un peu plus précis : « Si jamais les pays occidentaux continuaient à soutenir les forces de l’opposition syrienne, une guerre civile pourrait éclater… la position de la Chine est d’inviter le gouvernement, les opposants, et les individus armés à l’arrêt immédiat des violences ».
Ces deux visites ont coïncidé avec plusieurs autres événements : des drones militaires américains auraient surveillé en permanence la Syrie ; deux navires de guerre iraniens sont arrivés au port de Tartous via le Canal de Suez, et le ministre iranien des Affaires étrangères, Ali Akbar Salehi, a annoncé que la ville turque d’Istanbul sera l’hôte des prochains pourparlers de l’Iran avec le « Groupe 5+1 » [2]. Cette annonce aurait été précédée d’un échange de courriers entre le Haut négociateur iranien Saïd Jalili et la Haute représentante de la politique étrangère de l’Union européenne, Catherine Ashton. La Secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton a, quant à elle, remercié l’Iran sur pour son dernier message concernant ces négociations : « Nous croyons que c’est un pas très important et nous sommes satisfaits de ce discours ». Elle a aussi donné ses indications sur les conditions susceptibles de mener à un accord avec Téhéran, déclarant que c’est aux iraniens de « montrer leur volonté de travailler et de faire des concessions pour aboutir. Ils doivent respecter leurs obligations au niveau international » !
« Mon cher Alain, …Vous vous interrogiez tantôt sur la raison pour laquelle ces coquins de Chinois et ces fripons de Russes avaient proprement torpillé le 4 février dernier votre projet de résolution sur la Syrie à l’ONU.
Permettez-moi de vous éclairer sur ce point
Ils vous ont tout simplement rendu la monnaie de la pièce.
Car, rappelez-vous, vous les aviez proprement « roulés dans la farine » avec la fameuse résolution 1973 de l’ONU qui vous autorisait à bombarder, du haut des airs, la Libye du colonel Kadhafi pour « sauver des vies humaines ». Pourquoi pas ? L’humanitaire qui fait pleurer les chaumières fait toujours recette dans nos médias.
Mais vous en avez profité, toute honte bue, et au mépris du droit international, pour écraser ce malheureux pays sous un tapis de bombes (et ce, avec l’aide occulte des Etats-Unis sans laquelle nos forces n’auraient pas tenu plus de 15 jours, faute de carburant et de munitions, sans compter la destruction des batteries antiaériennes de la Lybie sans laquelle nos forces aériennes auraient sans doute subi des pertes insupportables).
Mais, allant plus loin dans votre logique, vous avez cherché le renversement du régime, et même autorisé indirectement l’assassinat par une foule déchaînée du Colonel Kadhafi, certes, personnage fort peu recommandable, mais quand même. Pour un ministre qui invoque à tout propos « l’honneur de la France » et pour un président qui se réfère à tout instant aux droits de l’homme, avouez que cela n’est pas trop mal… »
Mise à part une certaine condescendance vis-à-vis de ces sociétés méditerranéennes qu’il considère globalement comme tribales… qu’il soit remercié pour son courage et son audace, là ou d’autres éminentes personnalités françaises cherchent à nous convaincre qu’en matière de politique étrangère, Monsieur le Président Sarkozy est… génial !
Monsieur Laulan conclut sa lettre par le conseil suivant : « Laissez donc les Russes, et pourquoi pas les Chinois, se débrouiller comme ils l’entendent puisqu’ils ont la prétention de s’immiscer dans cette inextricable affaire ». Conseil qui pourrait permettre une « solution politique » de la crise syrienne, comme nous l’explique Sami Kleib, journaliste et homme du sérail en matière d’analyse géopolitique sur le Proche-Orient.
Mouna Alno-Nakhal
23/02/2012
* * *
LES ÉTATS-UNIS ONT RECONNU L’INFILTRATION D’AL-QAÏDA EN SYRIE... QUELLES EN SONT LES CONSÉQUENCES ? par Sami KLEIB
Si le ministre de l’Intérieur syrien avait voulu faire une déclaration sur les armes et les groupes armés sévissant en Syrie, il n’aurait pas mieux fait que le patron du renseignement américain James Clapper ; ce dernier ayant affirmé, la semaine dernière (jeudi 16 février Ndt), que « les attentats à Alep et Damas portaient la marque d’Al-Qaïda, que cette organisation a infiltré l’opposition syrienne divisée, et que le régime est toujours capable de se maintenir au pouvoir ».
Suite à James Clapper, une déclaration similaire est venue du chef d’état-major des forces armées américaines (19 février Ndt), le général Martin Dempsey, qui a précisé sur CNN : « Il ya des informations selon lesquelles le réseau terroriste d’Al-Qaïda est impliqué et cherche à soutenir l’opposition… Tant que nous n’aurons pas une vision plus claire de ce qu’est ce mouvement et de qui le compose… je pense qu’il est prématuré de prendre la décision d’armer l’opposition en Syrie »…Il a ajouté : « Une intervention en Syrie sera difficile, car elle est désormais l’arène où se jouent les intérêts de plusieurs intervenants internationaux, comme la Turquie, la Russie et l’Iran… » [1].
L’inquiétude des États-unis est donc de plus en plus grandissante face au phénomène salafiste observé en Syrie. Les hauts responsables de la sécurité à Washington se rendent compte que les salafistes sont à l’avant-scène de la rue syrienne. Par conséquent, si les barbus continuent à occuper le paysage politique et sécuritaire, cette préoccupation américaine pourrait changer le cours des choses. En effet, il est difficile pour Washington d’accepter la mainmise des salafistes sur le pouvoir en Syrie, et il lui est encore plus difficile d’accepter l’encerclement d’Israël par une telle ceinture armée « salafisto-qaidienne ». D’autant plus, qu’il est de notoriété publique que les groupes armés grignotent peu à peu l’opposition politique syrienne et pourraient contribuer à l’éliminer. Autrement dit, la vision sécuritaire américaine se rapproche de celle de la Russie et oblige à la recherche d’une troisième voie ; puisqu’au bout de 11 mois, le régime syrien est toujours aussi difficile à abattre, et l’incapacité de l’opposition à unifier ses rangs toujours aussi évidente. Haytham Manna (responsable à l’étranger du Comité national de coordination pour le changement démocratique [CNCD], l’une des branches de l’opposition syrienne. Ndt) ; critiquant les autres partis de l’opposition après avoir surveillé de près les progrès de l’armée syrienne à Baba Amr, Homs et Idlib ; a déclaré : « Si l’opposition syrienne transforme ses objections en une bataille militaire, la possibilité de son échec ou de sa réussite ne dépendra plus que du militaire ; et demain, même s’il n’y a plus de manifestations armées mais que notre bataille est devenue militaire, nous devrons nous incliner devant le vainqueur ». Quant à Michel Kilo, il s’est écrié : « Est-il possible qu’une révolution puisse être une vraie réussite si elle est décérébrée ou si elle s’est, elle-même, bousillée le cerveau par des interdits ? »
Russie : le feu vert militaire
Des informations fiables et disponibles confirment que le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, n’a pas fixé de délai limite à l’opération militaire des autorités syriennes. Au contraire, lors de sa rencontre d’il y a quelques jours avec le Président Bachar al-Assad, il a confirmé le feu vert de la Russie pour une telle opération, à condition qu’elle soit associée à des avancées politiques. Depuis, l’armée syrienne a poursuivi ses opérations ; Al-Assad a lancé le processus référendaire pour la nouvelle Constitution, et bientôt de nombreux sujets seront débattus au sein du Congrès du Parti Baas…
A la visite de Lavrov a succédé celle du vice ministre chinois des Affaires étrangères Zhai Jun (18 février Ndt). Ses déclarations ont été reprises par la l’agence de presse Chine Nouvelle « Xinhua » : « La résolution pacifique de la crise doit se faire par le dialogue entre l’opposition syrienne et le gouvernement », position soutenue après ses multiples rencontres avec des responsables russes et des personnalités de l’opposition syrienne. Cette position chinoise s’est révélée encore plus ferme une fois qu’il a quitté Damas. En effet, le Quotidien du Peuple, organe du Parti communiste chinois, a été un peu plus précis : « Si jamais les pays occidentaux continuaient à soutenir les forces de l’opposition syrienne, une guerre civile pourrait éclater… la position de la Chine est d’inviter le gouvernement, les opposants, et les individus armés à l’arrêt immédiat des violences ».
Ces deux visites ont coïncidé avec plusieurs autres événements : des drones militaires américains auraient surveillé en permanence la Syrie ; deux navires de guerre iraniens sont arrivés au port de Tartous via le Canal de Suez, et le ministre iranien des Affaires étrangères, Ali Akbar Salehi, a annoncé que la ville turque d’Istanbul sera l’hôte des prochains pourparlers de l’Iran avec le « Groupe 5+1 » [2]. Cette annonce aurait été précédée d’un échange de courriers entre le Haut négociateur iranien Saïd Jalili et la Haute représentante de la politique étrangère de l’Union européenne, Catherine Ashton. La Secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton a, quant à elle, remercié l’Iran sur pour son dernier message concernant ces négociations : « Nous croyons que c’est un pas très important et nous sommes satisfaits de ce discours ». Elle a aussi donné ses indications sur les conditions susceptibles de mener à un accord avec Téhéran, déclarant que c’est aux iraniens de « montrer leur volonté de travailler et de faire des concessions pour aboutir. Ils doivent respecter leurs obligations au niveau international » !
Commentaire