L’opportunité de raids sur l’Iran divise les dirigeants et l’opinion israéliens Les spéculations médiatiques selon lesquelles Israël pourrait frapper l’Iran dans les prochains jours vont bon train. Malgré la puissance de l’arsenal de Tsahal, le déclenchement d’une guerre contre la République islamique n’est pas considéré comme une affaire entendue par les dirigeants et l’opinion israéliens
«Si des plans d’attaque des centres de recherche nucléaires iraniens existent dans les armoires de l’état-major de Tsahal (l’armée israélienne), ils ne seront certainement pas envoyés aux journaux.» Pour ce haut fonctionnaire du Ministère israélien des questions stratégiques, les spéculations médiatiques selon lesquelles l’Etat hébreu pourrait frapper l’Iran dans les prochains jours, voire au printemps, «sont fortement exagérées», car rien n’aurait encore été décidé. «Cela ne signifie pas qu’une telle opération ne sera pas lancée puisque toutes les options sont sur la table, mais certainement pas avant la rencontre entre Barack Obama et Benyamin Netanyahou prévue la semaine prochaine à Washington.»
Plusieurs médias, dont le New York Times et Die Welt, ont consulté des anciens officiers supérieurs de l’armée américaine ainsi que des experts européens quant à la faisabilité d’une telle offensive. Selon eux, elle nécessiterait l’usage d’au moins cent chasseurs bombardiers F-15 et F-16 israéliens qui devraient être ravitaillés en vol. Ce qui semble réaliste puisque l’Etat hébreu dispose d’une flottille de huit ravitailleurs et que plusieurs de ses escadrilles, dont la fameuse «115», s’entraînent depuis deux ans au moins à mener des raids de longue distance (plus de 1000 km).
A en croire les analystes militaires, trois routes sont envisageables: la première contourne la Syrie et traverse les ciels turc puis irakien. La deuxième survole la Jordanie et l’Irak. Quant à la dernière, elle transite par les pays du Golfe, voire par l’Arabie saoudite et le Koweït. Ce qui suppose que l’Etat hébreu ait obtenu l’accord de ces pays ou qu’il ait aveuglé leurs systèmes radars au risque de grosses complications diplomatiques ou militaires.
La plupart des scénarios publiés ces derniers jours oublient cependant qu’Israël dispose de drones d’attaque de longue portée ainsi que de cinq sous-marins éventuellement capables de lancer des vecteurs à tête nucléaire. Un sixième provisoirement baptisé «Alligator» est en construction en Allemagne, et il ne serait évidemment pas opérationnel si un conflit devait éclater avant 2015.
A ce dispositif s’ajoutent les missiles Jéricho 2 et 3 (respectivement 1300 et 4000 km de portée), ainsi que les vecteurs Shavit, dotés, dit-on, d’un système de guidage de grande précision. Des fusées balistiques dont les essais se déroulent sur la base de Palmahim, à 30 km au sud de Tel-Aviv.
Malgré la puissance de cet arsenal, le déclenchement d’une guerre contre l’Iran n’est pas considéré comme une affaire entendue par les dirigeants et par l’opinion israéliens. En effet, si le tandem formé par Benyamin Netanyahou et le ministre de la Défense, Ehoud Barak, semble pousser la solution militaire, d’autres, à commencer par le président de l’Etat, Shimon Peres, sont carrément opposés à ce genre d’aventure. Y compris parmi les décideurs de Tsahal, pour lesquels l’armée ne pourrait pas mener seule une offensive d’une telle envergure.
«Personne ne veut de cette guerre, mais tout le monde en parle, lâche Amir Menashri, un ancien professeur de l’Université de Tel-Aviv spécialisé dans l’étude des relations israélo-iraniennes depuis quarante ans. Malheureusement, on oublie souvent que les premiers appels à une action militaire contre Téhéran n’ont pas été lancés par les dirigeants israéliens mais par les cercles ultra-conservateurs américains désireux d’embarrasser Barack Obama dans le cadre de la campagne électorale en cours.»
A Jérusalem, les décideurs savent en tout cas qu’un tel conflit perturberait l’approvisionnement en pétrole du reste du monde et participerait à la dégradation de la situation économique internationale. En outre, ils s’attendent à ce que le Hezbollah au Liban se range du côté iranien en multipliant les frappes sur l’Etat hébreu. Et c’est précisément ici que se trouve le point faible d’Israël puisque son front intérieur n’est pas davantage prêt à supporter les chutes éventuelles de missiles iraniens Shihab-3 (1300 km de portée) que les roquettes Fajr du Hezbollah.
Certes, depuis 2008, des exercices d’ampleur nationale, régionale et locale sont régulièrement organisés, mais la population ne les prend pas au sérieux. Pas plus que les distributions de masques à gaz, qui ont repris en 2010. Quant aux abris bétonnés construits dans le courant des années 1950, les municipalités les entretiennent mal faute de subsides. Signe des temps, Matan Vilnaï, le ministre chargé de ces préparatifs, vient d’ailleurs de démissionner pour être nommé ambassadeur à Pékin. Là-bas, il ne risque rien.
SERGE DUMONT — TEL-AVIV
LeTemps.ch
«Si des plans d’attaque des centres de recherche nucléaires iraniens existent dans les armoires de l’état-major de Tsahal (l’armée israélienne), ils ne seront certainement pas envoyés aux journaux.» Pour ce haut fonctionnaire du Ministère israélien des questions stratégiques, les spéculations médiatiques selon lesquelles l’Etat hébreu pourrait frapper l’Iran dans les prochains jours, voire au printemps, «sont fortement exagérées», car rien n’aurait encore été décidé. «Cela ne signifie pas qu’une telle opération ne sera pas lancée puisque toutes les options sont sur la table, mais certainement pas avant la rencontre entre Barack Obama et Benyamin Netanyahou prévue la semaine prochaine à Washington.»
Plusieurs médias, dont le New York Times et Die Welt, ont consulté des anciens officiers supérieurs de l’armée américaine ainsi que des experts européens quant à la faisabilité d’une telle offensive. Selon eux, elle nécessiterait l’usage d’au moins cent chasseurs bombardiers F-15 et F-16 israéliens qui devraient être ravitaillés en vol. Ce qui semble réaliste puisque l’Etat hébreu dispose d’une flottille de huit ravitailleurs et que plusieurs de ses escadrilles, dont la fameuse «115», s’entraînent depuis deux ans au moins à mener des raids de longue distance (plus de 1000 km).
A en croire les analystes militaires, trois routes sont envisageables: la première contourne la Syrie et traverse les ciels turc puis irakien. La deuxième survole la Jordanie et l’Irak. Quant à la dernière, elle transite par les pays du Golfe, voire par l’Arabie saoudite et le Koweït. Ce qui suppose que l’Etat hébreu ait obtenu l’accord de ces pays ou qu’il ait aveuglé leurs systèmes radars au risque de grosses complications diplomatiques ou militaires.
La plupart des scénarios publiés ces derniers jours oublient cependant qu’Israël dispose de drones d’attaque de longue portée ainsi que de cinq sous-marins éventuellement capables de lancer des vecteurs à tête nucléaire. Un sixième provisoirement baptisé «Alligator» est en construction en Allemagne, et il ne serait évidemment pas opérationnel si un conflit devait éclater avant 2015.
A ce dispositif s’ajoutent les missiles Jéricho 2 et 3 (respectivement 1300 et 4000 km de portée), ainsi que les vecteurs Shavit, dotés, dit-on, d’un système de guidage de grande précision. Des fusées balistiques dont les essais se déroulent sur la base de Palmahim, à 30 km au sud de Tel-Aviv.
Malgré la puissance de cet arsenal, le déclenchement d’une guerre contre l’Iran n’est pas considéré comme une affaire entendue par les dirigeants et par l’opinion israéliens. En effet, si le tandem formé par Benyamin Netanyahou et le ministre de la Défense, Ehoud Barak, semble pousser la solution militaire, d’autres, à commencer par le président de l’Etat, Shimon Peres, sont carrément opposés à ce genre d’aventure. Y compris parmi les décideurs de Tsahal, pour lesquels l’armée ne pourrait pas mener seule une offensive d’une telle envergure.
«Personne ne veut de cette guerre, mais tout le monde en parle, lâche Amir Menashri, un ancien professeur de l’Université de Tel-Aviv spécialisé dans l’étude des relations israélo-iraniennes depuis quarante ans. Malheureusement, on oublie souvent que les premiers appels à une action militaire contre Téhéran n’ont pas été lancés par les dirigeants israéliens mais par les cercles ultra-conservateurs américains désireux d’embarrasser Barack Obama dans le cadre de la campagne électorale en cours.»
A Jérusalem, les décideurs savent en tout cas qu’un tel conflit perturberait l’approvisionnement en pétrole du reste du monde et participerait à la dégradation de la situation économique internationale. En outre, ils s’attendent à ce que le Hezbollah au Liban se range du côté iranien en multipliant les frappes sur l’Etat hébreu. Et c’est précisément ici que se trouve le point faible d’Israël puisque son front intérieur n’est pas davantage prêt à supporter les chutes éventuelles de missiles iraniens Shihab-3 (1300 km de portée) que les roquettes Fajr du Hezbollah.
Certes, depuis 2008, des exercices d’ampleur nationale, régionale et locale sont régulièrement organisés, mais la population ne les prend pas au sérieux. Pas plus que les distributions de masques à gaz, qui ont repris en 2010. Quant aux abris bétonnés construits dans le courant des années 1950, les municipalités les entretiennent mal faute de subsides. Signe des temps, Matan Vilnaï, le ministre chargé de ces préparatifs, vient d’ailleurs de démissionner pour être nommé ambassadeur à Pékin. Là-bas, il ne risque rien.
SERGE DUMONT — TEL-AVIV
LeTemps.ch
Commentaire