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Portrait: Al-Zarkaoui, un itinéraire de sang

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    Al-Zarkaoui, un itinéraire de sang

    Oum Sayed, sa défunte mère, prétendait qu'au fond son garçon était "un tendre, un sentimental" , quasiment un incompris. On pardonnera à Nicholas Berg, Kim Sun-il, Jack Hensley, Kenneth Bigley et tant d'autres malheureux otages tombés entre ses griffes de ne pas avoir perçu l'humanité du tueur. Tous ont péri, certains décapités vivants de la main même de ce"gentil garçon", Abou Moussab Al-Zarkaoui, sans doute le plus sanguinaire de tous les guerriers de l'Apocalypse qui se bousculent en Irak depuis l'invasion américaine en 2003.


    La semaine passée, le monde entier l'a cru mourant. Blessé dans un accrochage, "grièvement" selon certains. Ses hommes appelaient "tous les musulmans à prier pour lui". Al-Qaida, disait-on, lui cherchait déjà un successeur. Et puis, le 27 mai, Zarkaoui ressuscite. Son groupe revendique de nouveaux attentats et le "sentimental" s'adresse directement, sur Internet, à "l'émir" qu'il s'est choisi, Oussama Ben Laden. "Je ne suis que légèrement blessé (...) nous poursuivons le djihad contre les juifs et les croisés." Le sanglant itinéraire de "l'ennemi public numéro un" de l'Amérique en Irak se poursuit. Mais qui est donc cet homme ?

    Imaginatif et sans scrupule, Zarkaoui a inventé puis systématisé la terreur en vidéo, diffusant sur Internet le film des multiples boucheries perpétrées par ses hommes de main. Le dynamitage du siège des Nations unies à Bagdad en août 2003 (23 morts dont Sergio Di Mello, le représentant de Kofi Annan), c'est lui. La démocratie, que les envoyés de l'ONU s'efforcent alors de préparer en Irak, "est une religion de croisés, une insulte à l'islam", explique Zarkaoui.

    L'attentat qui tue 85 pèlerins le 29 août 2003 dans la ville sainte chiite de Nadjaf, c'est encore lui. L'ayatollah Mohammad Baqr Al-Hakim, alors chef de la plus puissante formation chiite du pays, était la cible principale. Pour Al-Zarkaoui, le tueur jordanien sunnite, les chiites"sont la lie de la terre, un poignard planté dans le dos de l'islam" . Parce qu'ils sont majoritaires en Irak, qu'ils ont tout à gagner des futures élections et qu'ils se refusent donc à déclencher le djihad contre l'occupant, ils sont la cible privilégiée de Zarkaoui. En mars 2004, une série d'attentats à la voiture piégée les vise et déchiquète 181 personnes.

    Moins d'un an plus tard, une voiture piégée tue 125 personnes à Hilla, ville chiite. L'objectif avoué du tueur jordanien est de massacrer le plus grand nombre possible d'adorateurs de l'imam Ali, les chiites, pour les inciter à la vengeance contre la minorité sunnite — "endormie" selon lui —, et ainsi déclencher une vraie guerre civile. Aujourd'hui, tandis que se multiplient les meurtres inexpliqués de sunnites et que le ton monte dangereusement entre les deux communautés, force est de constater que Zarkaoui a réussi à fortifier les germes d'une véritable guerre fratricide.

    Il y a sept mois, l'état-major américain le rendait directement responsable de la mort d'au moins 675 Irakiens et d'une quarantaine d'étrangers. Plusieurs centaines d'autres victimes, Irakiens et non-Irakiens, soldats, policiers et civils, hommes, femmes et enfants, égorgés ou réduits en bouillie dans des dizaines d'attentats aveugles se sont, depuis, ajoutées à son tableau de chasse.

    Le "Lion de Mésopotamie" , comme l'appellent ses fidèles, est un fauve, un vrai. Solide, costaud, râblé, avec une grosse bouille ronde et un regard vide. A la force du couteau et de la dynamite, il s'est imposé comme l'émir officiel, le "Prince d'Al-Qaida au pays des Deux-Rivières", l'Irak. Il est le champion du chaos, le maître incontesté de la terreur. Depuis le 30 juin 2004, au hit-parade des ennemis de l'Amérique, la tête d'Abou Moussab Al-Zarkaoui vaut le même prix que celle d'Oussama Ben Laden : 25 millions de dollars.

    Comment une ancienne petite frappe du djebel jordanien, sans argent, sans profession ni viatique intellectuel, devient-elle, en moins de trois ans, l'ennemi public numéro un de l'hyperpuissance en Irak ? Comment réussit-on si vite, avec quelques centaines de fanatiques, à rendre ingouvernable une bonne partie d'un vaste pays en guerre, patrouillé nuit et jour par 160 000 soldats étrangers et au moins 130 000 autres militaires et policiers nationaux ? Comment obtient-on à 39 ans, sans titre ni bagage religieux, la notoriété quasi mythique qui est celle de Zarkaoui dans tous les milieux, islamistes et au-delà ? Beaucoup d'Irakiens pensent que c'est l'Amérique elle-même qui a en quelque sorte"fabriqué" Zarkaoui.

    Dans le remarquable document à lui consacré et diffusé le 1er mars sur Arte, l'auteur, jordanien, de l'enquête, Fouad Hussein, rappelle que c'est Colin Powell qui a le premier, "faussement, à l'époque" , prononcé le nom du tueur à la tribune du Conseil de sécurité de l'ONU. Six semaines avant l'invasion, il s'agissait, pour le secrétaire d'Etat américain, de justifier le"blitz" imminent sur Bagdad. ..........( LIRE LA SUITE DU PORTRAIT )

    Patrice Claude
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