par Mohamed Maarfia (moudjahed)
Une base à l’Est
Dans les structures de l’ALN, la place de la Base de l’Est a été importante. Le rôle essentiel qu’elle a joué et qui a fait faire à la révolution une avancée qualitative remarquable est dû à plusieurs facteurs : sa position géographique, la nature du terrain qu’elle contrôlait, les moyens qu’elle a mis en œuvre, la détermination de ses unités et les qualités du chef charismatique qui l’a créée et qui l’a longtemps commandée : le colonel Amara Bouglez. Le directoire politique de l’Algérie en guerre, le CCE, issu du Congrès de la Soummam, a donné la priorité au renforcement de la lutte armée par la restructuration de l’ALN et par un effort conséquent pour la doter en moyens militaires performants. La délégation extérieure du FLN, avant sa capture en octobre 1956, avait sérieusement dégrossi le dossier de la source des approvisionnements auprès de certains pays du Moyen-Orient. Le CCE (Comité de coordination et d’exécution), animé par son noyau dur, travaillera à élargir la sphère géographique où la révolution algérienne pouvait prétendre à des solidarités agissantes traduites par l’ouverture des dépôts militaires. La seconde phase, sans doute la plus difficile, sera l’acheminement des matériels militaires, obtenus d’une façon ou d’une autre, jusqu’à leurs futures utilisateurs dans les profondeurs des djebels algériens. Amar Ouamrane, arrivé en Tunisie à la fin de l’année 1956 en éclaireur du CCE, avait tout de suite compris qu’il fallait une base à l’Est, un tremplin aux ressorts éprouvés pour faire faire l’ultime bond aux matériels qu’ils allaient faire parvenir à la porte tunisienne de l’Algérie en guerre. Ce tremplin existe déjà, c’est la zone autoproclamée autonome de Souk Ahras. «Autoproclamée» ! Pourquoi cette région, qui s’étend de la Calle jusqu’au nord de Tébessa, sur une profondeur de quelques dizaines de kilomètres, s’est-elle proclamée autonome alors, qu’à l’origine, elle faisait partie de la Wilaya II ? L’explication tient en quelques phrases : l’immensité du territoire de la Wilaya II et ses moyens au début limités n’ont pas permis une coordination effective entre le commandement de la wilaya et les unités opérant à l’extrême nord-est après la mort, le 11 janvier 1955, de Béji Mokhtar fondé de pouvoir de Youssef Ziroud. L’état-major de la wilaya, après l’effort considérable du 20 août 1955 et les répressions menées par l’armée française, s’était imposé un repli tactique. L’Aurès, au zénith de sa puissance, désireux d’étendre partout la révolte, et parce qu’il voulait fédérer, sous la houlette de sa prestigieuse Idara,les régions berbérophones audelà des piémonts du grand massif montagneux du centreest, a affecté d’autorité, dans cette région de Souk Ahras, des officiers (Tahar Arfa, puis Louardi Guettel et Amor Bouguessa) et des unités de combat. Youssef Zirout, et après lui Lakhdar Bentobbal et Ali Kafi, ont admis tacitement cette main- mise de l’Aurès du moment que l’action de ce dernier concourrait puissamment au but commun. Il faut rappeler que l’offensive du 20 août 1955 a été lancée, entre autres raisons, par le commandement de la Wilaya II pour soulager l’Aurès assailli par des forces ennemies considérables. Les particularités spécifiques aux deux régions — le nordconstantinois et la région de Souk Ahras ont eu, sans jamais remettre en cause la fraternité d’armes, l’effet de deux pôles positivement chargés. C’est ainsi que le fait accompli de l’Aurès ne sera pas remis en cause au moment des discussions concernant la préparation du Congrès de la Soummam menées par Brahim Mezhoudi et Amar Benaouda, membres éminents de l’état-major de la Wilaya II, lors de leur rencontre avec Louardi Guetel, vers la fin du mois de mai 1956 à Khef Erekhma, au nord de Souk Ahras. Lorsque la cohésion du commandement de l’Aurès sera ébranlée après la mort de Mostefa Ben Boulaïd, les difficultés qui s’en suivront auront une répercussion jusque dans l’extrême nord de la Wilaya I. La mort tragique de Amor Djebar, un important chef local, conduira au retrait en juin 1956 des officiers nememchas. Leur départ précipité créera un grand vide et laissera dans le désarroi les maquis du nordest. Le Congrès fondateur de la Soummam n’a pas encore eu lieu. La Wilaya II est tournée vers d’autres priorités. L’Aurès est désormais absent. Le mérite de Amara Bouglez (de son vrai nom, Laskri) ancien sous-officier mécanicien de la marine française, qui commandait le secteur de la Calle en 1956, est d’avoir su faire preuve d’opportunisme bénéfique pour la révolution en se posant en successeur de ceux que le mouvement giratoire qui s’était emparé de l ’Idarade l’Aurès avait aspirés. Il saura répondre avec intelligence à la question concernant la légitimité de sa candidature que posaient des chefs locaux méfiants et recroquevillés sur eux-mêmes. Parti des hauteurs qui surplombent la Calle, au début du mois de juillet 1956, Amara Bouglez — il tient le surnom de Bouglez d’un lieu-dit, la source de Bouglez, qu’exploitait son défunt père — visitera, accompagné d’un groupe de jeunes Bônois rieurs, diserts, les principaux bivouacs des puissants groupes armés demeurés sans chef, sans coordination et sans perspective. Grand de taille, svelte, brun de peau, la voix légèrement rauque, le geste tour à tour ample ou bref, habillé d’une «canadienne» au col duveté de laine, armé d’une carabine US, Bouglez rendra très vite sa silhouette familière dans les moindres recoins de la zone de Souk Ahras. Il répétera sans se lasser les mêmes arguments : «Ecoutez-moi, écoutez-moi bien, sans l’union, l’organisation et l’ordre, les mousquetons harkis seront bientôt dix fois plus nombreux que nos mausers. C’est ça que vous voulez ?» Ses interlocuteurs étaient impressionnés par l’apocalypse qu’il décrivait si leur entêtement à refuser l’union et la discipline devait perdurer. Sa force de persuasion, il la tirait de sa conviction. Livrés à eux-mêmes, isolés les uns des autres, manquant de l’essentiel, luttant par désespoir, ils n’espéraient plus rien de l’avenir, et voilà que l’ancien marin venait leur communiquer sa foi inébranlable en la victoire, et exprimer sa détermination à tout faire pour surmonter les épreuves qu’ils vivaient tous. Beaucoup de ceux qui avaient tâté du B 26, de l’half truck et du harki qui connaissait les dialectes, les pistes et les réseaux de soutien, verront en lui l’homme de la situation. Les autres, les plus rétifs au joug de la discipline, se rallieront, contraints et forcés, lors de la réunion tenue dans la ville frontalière du Kef le 22 septembre 1956. L’intervention musclée de la garde nationale tunisienne, sur ordre de Bourguiba, en sa faveur, et le «vous serez le goulot de la bouteille », écrit par Ben Benbella et confié au commandant Tahar Saïdani, à Tripoli, décideront de l’issue heureuse de la rencontre.
Ou le colonel Bouglez fait feu de tout bois
Désormais reconnu par ses pairs, Amara Bouglez se met en devoir d’évaluer ses moyens et ses possibilités. Sur le plan militaire, il dispose, au centre, des militaires algériens qui ont déserté le camp français de Lebtiha situé à quelques kilomètres de la ville de Souk-Ahras, avec armes et bagages en mars 1956 et qui sont regroupés autour du «chef» Abderrahmane Ben Salem et de son compagnon Mohamed Aouachria. Ils occupent la région de Ouchtetta et le bec de canard, une saillie algérienne au droit de Ghardimaou, petite ville à l’extrême-ouest de la Tunisie. Plus à l’Est, opèrent les groupes de Tayeb Djebbar, confortés par la présence, dans leurs rangs, de nombreux transfuges de l’armée française ayant fait leurs classes en Indochine. Les forêts des Béni Salah sont tenues par les unités de Slimane Belachari, un vétéran du mouvement national. Ce centre deviendra, dans peu de temps, la zone d’opération du 2e bataillon de la Base de l’Est qui sera confié à Abderrahmane Ben Salem. Du sud immédiat de Souk Ahras jusqu’à Louenza, activent les groupes de Sebti Boumaâraf, Mohamed Lakhdar Sirine, Mohamed Lasnam, Hadj Lakhdar Daoudi et Abdallah Slémi. Ces éléments, nombreux et très aguerris, formeront l’effectif du 3e bataillon. Tahar Zbiri, de retour de l’Aurès, sera bientôt à sa tête. Au Nord, dans le demi-cercle dessiné par la ligne qui relie le piémont oriental de l’Edough à la lisière des forêts des Beni Salah et qui remonte vers Tabarka, laissant à l’extrême- nord le phare ancien de la Calle, activent les premiers compagnons de Bouglez, quelque quatre cents hommes. Ces vétérans, dont l’intrépide Allaoua Béchaïria et le chanceux Chadli Bendjedid, constitueront le noyau dur du futur 1er bataillon que commandera Chouichi Laïssani. Les «citadins» du commando de Slimane Laceu (Guenoune Slimane) activent, eux, à la périphérie immédiate des implantations militaires de l’armée française et dans la ville de Souk Ahras. Bouglez, désormais en position de force, fin politique, répond au souci des nouvelles autorités tunisiennes, désireuses de voir l’ordre régner chez elles, en prenant une série de mesures destinées à faire respecter par ses maquisards la souveraineté du pays d’accueil. Il se place, ainsi, dans la position d’interlocuteur valable face à Driss Guiga, commissaire central, puis ministre de l’Intérieur, ou au débonnaire Bahi Ladgham, vice-président de la jeune République tunisienne. Il impose la concertation avec le commandant Mahdjoub Ben Ali, chef de la Garde nationale bourguibienne, pour résoudre par le dialogue les nombreux problèmes nés des incessants va-et-vient des hommes de l’ALN à travers la frontière. Estimant, à juste titre, que la révolution algérienne a tout à gagner d’une Tunisie stable, il repousse ostensiblement les avances de Salah Ben Youssef, le leader de l’aile maximaliste du Néo Destour compétiteur déterminé du président tunisien. Mais, se méfiant d’une éventuelle versatilité de ce dernier, il maintient dans les unités de Sebti Boumaâraf un des plus combatifs de ses chefs de guerre, des moudjahidine yousséfistes qui ont combattu l’armée française pendant les évènements de Tunisie, et qui sont venus s’intégrer à l’ALN, sous la bannière des «Combattants de l’Afrique du Nord». Grâce à son sens du compromis, son réalisme, ses choix pertinents, il engrange, sans prendre de risques, d’inestimables avantages pour la révolution. Le premier et le plus important est la bénédiction de Habib Bourguiba pour l’installation de bases de l’ALN en territoire tunisien. à suivre
Une base à l’Est
Dans les structures de l’ALN, la place de la Base de l’Est a été importante. Le rôle essentiel qu’elle a joué et qui a fait faire à la révolution une avancée qualitative remarquable est dû à plusieurs facteurs : sa position géographique, la nature du terrain qu’elle contrôlait, les moyens qu’elle a mis en œuvre, la détermination de ses unités et les qualités du chef charismatique qui l’a créée et qui l’a longtemps commandée : le colonel Amara Bouglez. Le directoire politique de l’Algérie en guerre, le CCE, issu du Congrès de la Soummam, a donné la priorité au renforcement de la lutte armée par la restructuration de l’ALN et par un effort conséquent pour la doter en moyens militaires performants. La délégation extérieure du FLN, avant sa capture en octobre 1956, avait sérieusement dégrossi le dossier de la source des approvisionnements auprès de certains pays du Moyen-Orient. Le CCE (Comité de coordination et d’exécution), animé par son noyau dur, travaillera à élargir la sphère géographique où la révolution algérienne pouvait prétendre à des solidarités agissantes traduites par l’ouverture des dépôts militaires. La seconde phase, sans doute la plus difficile, sera l’acheminement des matériels militaires, obtenus d’une façon ou d’une autre, jusqu’à leurs futures utilisateurs dans les profondeurs des djebels algériens. Amar Ouamrane, arrivé en Tunisie à la fin de l’année 1956 en éclaireur du CCE, avait tout de suite compris qu’il fallait une base à l’Est, un tremplin aux ressorts éprouvés pour faire faire l’ultime bond aux matériels qu’ils allaient faire parvenir à la porte tunisienne de l’Algérie en guerre. Ce tremplin existe déjà, c’est la zone autoproclamée autonome de Souk Ahras. «Autoproclamée» ! Pourquoi cette région, qui s’étend de la Calle jusqu’au nord de Tébessa, sur une profondeur de quelques dizaines de kilomètres, s’est-elle proclamée autonome alors, qu’à l’origine, elle faisait partie de la Wilaya II ? L’explication tient en quelques phrases : l’immensité du territoire de la Wilaya II et ses moyens au début limités n’ont pas permis une coordination effective entre le commandement de la wilaya et les unités opérant à l’extrême nord-est après la mort, le 11 janvier 1955, de Béji Mokhtar fondé de pouvoir de Youssef Ziroud. L’état-major de la wilaya, après l’effort considérable du 20 août 1955 et les répressions menées par l’armée française, s’était imposé un repli tactique. L’Aurès, au zénith de sa puissance, désireux d’étendre partout la révolte, et parce qu’il voulait fédérer, sous la houlette de sa prestigieuse Idara,les régions berbérophones audelà des piémonts du grand massif montagneux du centreest, a affecté d’autorité, dans cette région de Souk Ahras, des officiers (Tahar Arfa, puis Louardi Guettel et Amor Bouguessa) et des unités de combat. Youssef Zirout, et après lui Lakhdar Bentobbal et Ali Kafi, ont admis tacitement cette main- mise de l’Aurès du moment que l’action de ce dernier concourrait puissamment au but commun. Il faut rappeler que l’offensive du 20 août 1955 a été lancée, entre autres raisons, par le commandement de la Wilaya II pour soulager l’Aurès assailli par des forces ennemies considérables. Les particularités spécifiques aux deux régions — le nordconstantinois et la région de Souk Ahras ont eu, sans jamais remettre en cause la fraternité d’armes, l’effet de deux pôles positivement chargés. C’est ainsi que le fait accompli de l’Aurès ne sera pas remis en cause au moment des discussions concernant la préparation du Congrès de la Soummam menées par Brahim Mezhoudi et Amar Benaouda, membres éminents de l’état-major de la Wilaya II, lors de leur rencontre avec Louardi Guetel, vers la fin du mois de mai 1956 à Khef Erekhma, au nord de Souk Ahras. Lorsque la cohésion du commandement de l’Aurès sera ébranlée après la mort de Mostefa Ben Boulaïd, les difficultés qui s’en suivront auront une répercussion jusque dans l’extrême nord de la Wilaya I. La mort tragique de Amor Djebar, un important chef local, conduira au retrait en juin 1956 des officiers nememchas. Leur départ précipité créera un grand vide et laissera dans le désarroi les maquis du nordest. Le Congrès fondateur de la Soummam n’a pas encore eu lieu. La Wilaya II est tournée vers d’autres priorités. L’Aurès est désormais absent. Le mérite de Amara Bouglez (de son vrai nom, Laskri) ancien sous-officier mécanicien de la marine française, qui commandait le secteur de la Calle en 1956, est d’avoir su faire preuve d’opportunisme bénéfique pour la révolution en se posant en successeur de ceux que le mouvement giratoire qui s’était emparé de l ’Idarade l’Aurès avait aspirés. Il saura répondre avec intelligence à la question concernant la légitimité de sa candidature que posaient des chefs locaux méfiants et recroquevillés sur eux-mêmes. Parti des hauteurs qui surplombent la Calle, au début du mois de juillet 1956, Amara Bouglez — il tient le surnom de Bouglez d’un lieu-dit, la source de Bouglez, qu’exploitait son défunt père — visitera, accompagné d’un groupe de jeunes Bônois rieurs, diserts, les principaux bivouacs des puissants groupes armés demeurés sans chef, sans coordination et sans perspective. Grand de taille, svelte, brun de peau, la voix légèrement rauque, le geste tour à tour ample ou bref, habillé d’une «canadienne» au col duveté de laine, armé d’une carabine US, Bouglez rendra très vite sa silhouette familière dans les moindres recoins de la zone de Souk Ahras. Il répétera sans se lasser les mêmes arguments : «Ecoutez-moi, écoutez-moi bien, sans l’union, l’organisation et l’ordre, les mousquetons harkis seront bientôt dix fois plus nombreux que nos mausers. C’est ça que vous voulez ?» Ses interlocuteurs étaient impressionnés par l’apocalypse qu’il décrivait si leur entêtement à refuser l’union et la discipline devait perdurer. Sa force de persuasion, il la tirait de sa conviction. Livrés à eux-mêmes, isolés les uns des autres, manquant de l’essentiel, luttant par désespoir, ils n’espéraient plus rien de l’avenir, et voilà que l’ancien marin venait leur communiquer sa foi inébranlable en la victoire, et exprimer sa détermination à tout faire pour surmonter les épreuves qu’ils vivaient tous. Beaucoup de ceux qui avaient tâté du B 26, de l’half truck et du harki qui connaissait les dialectes, les pistes et les réseaux de soutien, verront en lui l’homme de la situation. Les autres, les plus rétifs au joug de la discipline, se rallieront, contraints et forcés, lors de la réunion tenue dans la ville frontalière du Kef le 22 septembre 1956. L’intervention musclée de la garde nationale tunisienne, sur ordre de Bourguiba, en sa faveur, et le «vous serez le goulot de la bouteille », écrit par Ben Benbella et confié au commandant Tahar Saïdani, à Tripoli, décideront de l’issue heureuse de la rencontre.
Ou le colonel Bouglez fait feu de tout bois
Désormais reconnu par ses pairs, Amara Bouglez se met en devoir d’évaluer ses moyens et ses possibilités. Sur le plan militaire, il dispose, au centre, des militaires algériens qui ont déserté le camp français de Lebtiha situé à quelques kilomètres de la ville de Souk-Ahras, avec armes et bagages en mars 1956 et qui sont regroupés autour du «chef» Abderrahmane Ben Salem et de son compagnon Mohamed Aouachria. Ils occupent la région de Ouchtetta et le bec de canard, une saillie algérienne au droit de Ghardimaou, petite ville à l’extrême-ouest de la Tunisie. Plus à l’Est, opèrent les groupes de Tayeb Djebbar, confortés par la présence, dans leurs rangs, de nombreux transfuges de l’armée française ayant fait leurs classes en Indochine. Les forêts des Béni Salah sont tenues par les unités de Slimane Belachari, un vétéran du mouvement national. Ce centre deviendra, dans peu de temps, la zone d’opération du 2e bataillon de la Base de l’Est qui sera confié à Abderrahmane Ben Salem. Du sud immédiat de Souk Ahras jusqu’à Louenza, activent les groupes de Sebti Boumaâraf, Mohamed Lakhdar Sirine, Mohamed Lasnam, Hadj Lakhdar Daoudi et Abdallah Slémi. Ces éléments, nombreux et très aguerris, formeront l’effectif du 3e bataillon. Tahar Zbiri, de retour de l’Aurès, sera bientôt à sa tête. Au Nord, dans le demi-cercle dessiné par la ligne qui relie le piémont oriental de l’Edough à la lisière des forêts des Beni Salah et qui remonte vers Tabarka, laissant à l’extrême- nord le phare ancien de la Calle, activent les premiers compagnons de Bouglez, quelque quatre cents hommes. Ces vétérans, dont l’intrépide Allaoua Béchaïria et le chanceux Chadli Bendjedid, constitueront le noyau dur du futur 1er bataillon que commandera Chouichi Laïssani. Les «citadins» du commando de Slimane Laceu (Guenoune Slimane) activent, eux, à la périphérie immédiate des implantations militaires de l’armée française et dans la ville de Souk Ahras. Bouglez, désormais en position de force, fin politique, répond au souci des nouvelles autorités tunisiennes, désireuses de voir l’ordre régner chez elles, en prenant une série de mesures destinées à faire respecter par ses maquisards la souveraineté du pays d’accueil. Il se place, ainsi, dans la position d’interlocuteur valable face à Driss Guiga, commissaire central, puis ministre de l’Intérieur, ou au débonnaire Bahi Ladgham, vice-président de la jeune République tunisienne. Il impose la concertation avec le commandant Mahdjoub Ben Ali, chef de la Garde nationale bourguibienne, pour résoudre par le dialogue les nombreux problèmes nés des incessants va-et-vient des hommes de l’ALN à travers la frontière. Estimant, à juste titre, que la révolution algérienne a tout à gagner d’une Tunisie stable, il repousse ostensiblement les avances de Salah Ben Youssef, le leader de l’aile maximaliste du Néo Destour compétiteur déterminé du président tunisien. Mais, se méfiant d’une éventuelle versatilité de ce dernier, il maintient dans les unités de Sebti Boumaâraf un des plus combatifs de ses chefs de guerre, des moudjahidine yousséfistes qui ont combattu l’armée française pendant les évènements de Tunisie, et qui sont venus s’intégrer à l’ALN, sous la bannière des «Combattants de l’Afrique du Nord». Grâce à son sens du compromis, son réalisme, ses choix pertinents, il engrange, sans prendre de risques, d’inestimables avantages pour la révolution. Le premier et le plus important est la bénédiction de Habib Bourguiba pour l’installation de bases de l’ALN en territoire tunisien. à suivre
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