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Retour sur une tentative d'exfiltration en Syrie

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  • Retour sur une tentative d'exfiltration en Syrie

    Les autorités françaises ont tenté en vain d'exfiltrer Edith Bouvier, collaboratrice du Figaro, et le photographe William Daniels, bloqués à Homs jusqu'à leur départ pour le Liban jeudi 1er mars. Les deux journalistes se trouvaient dans le quartier de Baba Amro, théâtre de bombardements intenses de l'armée syrienne, qui avaient tué la journaliste Marie Colvin et le photographe Rémi Ochlik le 22 février. Cette information a été confirmée au Monde par une source locale à Damas travaillant pour un service de sécurité à l'ambassade de France et par un diplomate à Paris.
    Toujours selon cette source, à Damas, cette opération a été montée à l'initiative de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) en coopération avec les services de renseignements syriens, avec qui l'ancienne DST entretient de bonnes relations de longue date.


    L'opération a été validée, à Paris, lors d'une "réunion tactique" après laquelle l'Elysée a donné son feu vert. Le ministère des affaires étrangères et la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), qui dépend du ministère de la défense, ont été tenus informés. L'ambassadeur de France, en Syrie, Eric Chevallier, a rendu compte à sa hiérarchie sans être directement associé à cette tentative d'évacuation.

    Le plan consistait à envoyer des ambulances du Croissant-Rouge arabe syrien récupérer les deux Français, voire d'autres Occidentaux pris au piège dans la ville encerclée par l'armée syrienne. Les Français ont obtenu, à deux reprises, "la suspension provisoire", selon une source diplomatique, des bombardements sur la zone où étaient réfugiés les journalistes.

    REFUS DE MONTER DANS LES AMBULANCES DU CROISSANT-ROUGE

    Les termes de l'accord entre les services syriens et français stipulaient que des agents de la DCRI pourraient se rendre à Homs pour assurer la protection des personnes secourues. Ils avaient également l'assurance qu'ils pourraient les rapatrier jusqu'à l'aéroport à Damas, où un avion les attendait pour quitter le pays. Ils avaient enfin obtenu la garantie qu'aucune des personnes évacuées ne serait inquiétée en dépit de leur séjour illégal sur le territoire.

    Néanmoins, si des agents de la DCRI étaient "aux côtés", selon l'expression de cette même source, des ambulances du Croissant-Rouge lors de leur mission de sauvetage, les Français n'ont pas eu d'accès direct à Edith Bouvier et William Daniels. Les services syriens ont en effet souhaité conserver la maîtrise rapprochée de l'opération. Des agents français seraient donc restés au niveau d'un barrage de l'armée, à l'entrée du quartier assiégé. Cette exfiltration n'a jamais pu se faire et les journalistes ont fini par sortir clandestinement vers le Liban, avec l'aide des insurgés de l'Armée syrienne libre (ALS). Craignant pour leur sécurité et celle des insurgés qui les protégeaient, les journalistes ont refusé de monter dans les ambulances du Croissant-Rouge.


    William Daniels, à Villacoublay, le 2 mars 2012.AFP/THOMAS SAMSON
    Joint par Le Monde, William Daniels assure n'avoir jamais été en contact avec des représentants français, à l'exception de l'ambassadeur, Eric Chevallier, qui a pu établir une liaison via Skype dimanche 26 février. "Durant la conversation, il n'a pas été question d'une telle initiative", rapporte M. Daniels, dont les propos sont confirmés par l'envoyé spécial espagnol d'El Mundo, Javier Espinosa, présent à Homs et joint par Le Monde.

    A une seule reprise, William Daniels a été en contact avec un représentant du Croissant-Rouge syrien, "parlant bien l'anglais et venu délivrer des médicaments et prendre des blessés à Baba Amro. C'était vendredi 24 en fin d'après-midi. Les tirs avaient cessé. Il nous a proposé de nous emmener à 500 m de là, rejoindre une équipe du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), tout en soulignant qu'il faudrait passer par un barrage de l'armée syrienne. Nous lui avons dit que nous voulions que le CICR vienne jusqu'à nous. Il a laissé entendre que nous avions raison. Jamais il n'a mentionné la présence d'agents français". Un contact est même établi par talkie-walkie avec Marianne Gasser, la déléguée du CICR présente à Homs ce jour-là. Cette dernière explique à M. Daniels être en négociation "au plus haut niveau" pour pouvoir venir le chercher avec ses confrères. Elle n'obtiendra jamais l'autorisation.

    "C'EST DE LA SCIENCE-FICTION"

    Béatrice Mégevand, directrice Proche-Orient au CICR, basée à Genève, assure ne pas être, elle non plus, au courant de la présence d'agents français : "C'est de la science-fiction. Notre équipe était positionnée à l'hôpital Al-Amin, juste à l'entrée de Baba Amro. Les gens du Croissant-Rouge étaient là aussi, jusqu'à ce qu'ils reçoivent l'autorisation d'entrer dans Baba Amro. Il y avait aussi des membres des forces de sécurité syriennes, en uniforme, car l'hôpital est dans une zone sous leur contrôle. Il n'y avait personne d'autre. A aucun moment nous n'avons été conscients ou informés de la présence d'éléments étrangers et d'une coordination entre ces éléments étrangers et les services syriens, ni avant, ni pendant, ni après l'opération d'évacuation avortée. Si des agents “undercover” étaient sur place, nous n'en avons jamais été conscients."

    Joint par Le Monde, mercredi 7 mars, l'ambassadeur Eric Chevallier, en transit à Beyrouth après la fermeture de l'ambassade de France, s'est refusé à tout commentaire. La DGSE et la DCRI n'ont pas souhaité fournir de détails sur cette opération, sans pour autant démentir son existence. Enfin, le Quai d'Orsay, interrogé mercredi sur cette mission des services français, a assuré que, "tout au long de cette crise, les autorités françaises se sont efforcées de s'appuyer sur le CICR et le Croissant-Rouge arabe syrien, avec l'objectif de faire sortir nos compatriotes de Baba Amro dans les meilleures conditions de sécurité, en liaison avec les autorités syriennes". Le Quai d'Orsay confirme que "ce scénario n'a pu se réaliser, pour différentes raisons, en particulier l'absence de confiance entre les parties concernées et la poursuite des tirs".


    LEMONDE.FR | 08.03.12

    Christophe Ayad, Benjamin Barthe et Jacques Follorou
    "Les petits esprits parlent des gens, les esprits moyens parlent des événements, les grands esprits parlent des idées, et les esprits supérieurs agissent en silence."
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