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Le lithium complique l’échiquier afghan

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  • Le lithium complique l’échiquier afghan

    Environ 3 000 milliards de dollars (plus de 2 400 milliards d’euros) : c’est la valeur des réserves de minerais de l’Afghanistan, selon les estimations du gouvernement de Kaboul.

    Celles du Pentagone font état de plus de 1 000 milliards, ce qui est aussi considérable. L’une de ces réserves fait particulièrement rêver : le lithium, un métal rare, composant indispensable des batteries rechargeables, utilisé pour les téléphones et les ordinateurs portables. Selon des experts américains, les gisements de lithium afghans sont comparables à ceux de la Bolivie, qui jouit des premières réserves mondiales. «L’Arabie Saoudite est la capitale mondiale du pétrole et l’Afghanistan va devenir la capitale mondiale du lithium», commentait il y a quelques jours le président Hamid Karzaï, en visite au Japon. Les autres gisements comprendraient du cuivre, du fer, de l’or, de l’argent, du niobium, du cobalt, du béryllium, du gaz et du pétrole, ce qui pourrait faire de ce pays laminé par trente ans de guerres un des premiers exportateurs mondiaux de minerais.

    Pions. Que l’Afghanistan soit riche en minerais de toute sorte est un secret de polichinelle. Avant et pendant leur longue occupation du pays (de 1980 à 1989), les Soviétiques avaient déjà établi la carte de nombreux gisements qu’ils n’avaient pu exploiter en raison des attaques de la guérilla. En 2007, une enquête des géologues de l’US Geological Survey (USGS), sur laquelle s’est fondé le Pentagone, les confirmait. Selon un document de celui-ci, les réserves de fer et de cuivre sont estimées à respectivement 340 milliards et 200 milliards d’euros. Il a suffi que, la semaine dernière, le New York Times évoque ces richesses pour que les convoitises percent de toutes parts. Ce qui se dessine dès lors, c’est une nouvelle partie de ce que les historiens appellent le «Grand Jeu», où l’enjeu stratégique cette fois ne sera pas seulement la position géographique du pays mais aussi la conquête de ses richesses.

    On compare souvent l’Afghanistan à un grand échiquier. Les joueurs y sont étrangers, souvent des grandes puissances ou d’influents voisins. Les pièces, elles, sont bien afghanes : chefs de tribus, de clans, seigneurs de guerre, émirs, dont les combattants sont autant de pions. Et, au centre, un roi ou un président sans grand pouvoir. Cela fait des siècles que la partie a commencé. Du temps de l’empire des Indes, elle opposait la Grande-Bretagne à la Russie ; lors de la guerre froide, Washington à Moscou, avec en coulisses Islamabad et Téhéran. Après le 11 Septembre, l’échiquier a été bouleversé et la partie a intégré les forces de l’Otan. A présent, risquent de se joindre au Grand Jeu : la Chine, l’Inde, le Japon… «Les ressources afghanes vont provoquer des rivalités, surtout depuis que le monde entier connaît l’ampleur des ressources afghanes», a reconnu le président Karzaï. «J’espère que nous serons capables de gérer à la fois les rivalités de ceux qui pourvoient une aide à l’Afghanistan etaussi à l’intérieur de l’Afghanistan.»
    «Rivalités». D’ores et déjà, le «Grand Jeu» pour le minerai afghan a commencé. Il est significatif que les premières informations sur le fabuleux potentiel des gisements afghans soient venues du Pentagone et même le chef du Strategic Command, le général David Petraeus, s’est exprimé. Sans doute ont-elles été divulguées dans la perspective du débat qui se tiendra en décembre sur la conduite de la guerre en Afghanistan.
    «Cette réalité [le potentiel minier, ndlr] fait partie intégrante de la stratégie de contre-insurrection du général McChrystal [le chef des forces américaines et alliées en Afghanistan]», reconnaissait récemment le porte-parole du Pentagone, le colonel David Lapan. Pour Washington, toutes ces richesses, une fois exploitées, vont donner des moyens considérables au gouvernement afghan dans sa lutte contre les talibans, notamment en réduisant la misère - qui profite aux islamistes. La Maison Blanche a aussi une autre idée en tête : montrer que ces gisements sont capitaux pour les intérêts économiques américains «En les rendant public, [Washington] dit que l’Afghanistan est importante au-delà de la question du terrorisme. Mais, en fait, cela pourrait raviver les rivalités régionales qui ont été au cœur des problèmes afghans pendant deux siècles», analyse Bruce Riedel, de la Brooks Institution, cité par Reuters.

    La bataille est donc loin d’être gagnée. Les gisements sont éparpillés sur l’ensemble du pays, où il n’existe aucune infrastructure permettant de les exploiter. Beaucoup se trouvent dans des régions contrôlées par les talibans. La Chine, en corrompant le ministre afghan des Mines, a déjà réussi à prendre le contrôle de l’immense gisement de cuivre de Mes Ainak, en plein pays taliban, et projette d’y construire un site industriel. Et Karzaï, allié indocile de Washington, est capable de jouer ses partenaires les uns contre les autres. L’éternel retour du «Grand Jeu».


    Source: Liberation
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