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Je ne veux pas être les ¾ d'un électeur
C'est la 3ème ou la quatrième fois que vous me contactez par télévision, SMS, mosquée, etc., pour m'appeler à voter. Oui c'est un devoir, mais le problème c'est que ceux qui me gouvernement n'ont que des droits apparemment. Soyons sérieux : c'est un droit, c'est vrai. Mais j'en ai d'autres. Beaucoup, que j'attends depuis longtemps ou qui ont disparu avec le temps. Ensuite, je ne veux pas être les trois-quarts d'un électeur. Ni la moitié d'un élu. Le problème, le mien, c'est comme le vôtre en 99 et en 96 : j'ai des doutes. Je veux être entièrement citoyen et que l'armée dépende de moi et que je choisisse mes hommes et que l'histoire du pays me demande pardon de m'avoir humilié. Pas en 79 comme vous, mais depuis 1962. Le problème est que je ne veux pas être une affaire étrangère, comme on l'a fait avec vous, ni une vitrine, ni un prétexte. Car j'ai l'impression que ces élections sont comme les belles dattes du Sud : qu'elles sont destinées à l'exportation et pas à la consommation locale. J'ai l'impression que ce n'est pas moi le premier intéressé mais que je suis le dernier souci. J'ai l'impression que les 500 observateurs invités sont électeurs et que moi, l'Algérien, je suis observateur. Je suis d'accord, je ne veux ni d'une colonisation ni d'une fausse décolonisation aussi. Il faut sauver le pays, mais pas seulement une assemblée, quelques ministres et quelques gens autour. Ensuite, il y a des doutes. Comme vous, quand on vous a proposé de gouverner ce pays à la place de Zeroual il y a vingt ans: je veux que ça soit concret, clair et net dès le début. Pas de rideau derrière le dos, pas d'arnaque. Je ne veux pas d'un second corps électoral sur mon corps à moi. Je ne veux pas qu'on gonfle les listes. Et je ne veux pas qu'on choisisse à ma place. Voter ? Oui, je veux bien, sauf que ça commence mal : je vois des ministres qui ont été des catastrophes pour leurs secteurs venir s'installer en tête de liste sur ma tête. Que voulez-vous que je pense quand je vois l'un des hommes d'Etat de ce pays, l'un des plus proches de vous, imposer des têtes de liste à l'Ouest parce que l'élu (déjà) est son planton ou son homme de main ? Que voulez-vous que je pense lorsque je vois de l'argent circuler avant les bulletins de vote et des partis naître comme des séries de cuillères ? Bien sur que ce n'est pas votre faute et que le peuple est soit assis, soit pourri, mais voilà, je ne veux pas être un électeur de paille. Les têtes de listes, je les vis comme un droit de cuissage et une dîme du seigneur qui partage la ferme pendant que je suis penché sur la pioche et le moyen-âge. J'ai des doutes. Depuis des décennies, cela ne sert à rien d'être Président ni d'être électeur ». par Kamel Daoud
Le Quotidien d'Oran
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