Jusqu’en 1978, seize ans après l’indépendance, les essais ont continué sur une base secrète dans le Sahara
1967: le oui ultrasecret de Boumediene à de Gaulle
Reste à négocier ce maintien avec les Algériens. Que va-t-on leur proposer en échange? Le 31janvier 1967, la division Afrique du Nord du Quai-d'Orsay adresse à ce propos une note secrète à Maurice Couve de Murville, le ministre des Affaires étrangères. En substance: négocions notre départ des autres sites sahariens. Comment? Le gouvernement algérien «s'attend à devoir payer les matériels [de ces sites] qu'il désire conserver. [...] L'abandon de tout ou partie de ces matériels à titre gratuit peut donc constituer une contrepartie aux engagements que nous demanderions aux Algériens de souscrire». Et de fait ces équipements militaires, évalués à 50millions, seront cédés à l'armée algérienne pour 21millions, payables sur trois ans.
Mais l'argent ne suffit pas à expliquer l'accord du colonel Boumediene. Homme austère et inflexible, le nouveau président algérien a pris le pouvoir deux ans auparavant. Il s'affirme nationaliste et anti-impérialiste. Pourquoi accepte-t-il le maintien de cette base secrète de l'armée française et ses expériences effrayantes? Pour au moins deux raisons. D'abord, les Français ne révèlent pas aux Algériens, semble-t-il, la portée exacte des expérimentations à B2-Namous: une réunion à l'état-major a lieu le 7mars 1967 sur la négociation à mener avec Alger; selon son compte rendu, on demandera le maintien de B2-Namous «sous couvert d'études de protection contre les agressifs chimiques». Seconde raison du oui de Boumediene, la plus importante: «C'était une affaire personnelle entre deux militaires chefs d'Etat: de Gaulle et Boumediene.
Et le président algérien ne voulait pas dire non au Général. C'est aussi simple que cela.» Qui parle? L'ambassadeur Philippe Rebeyrol, qui a négocié l'accord sur B2-Namous avec le confident de Boumediene, le commandant Chabou (qui mourra deux ans plus tard dans un mystérieux accident d’hélicoptère). Le diplomate ajoute: «Comme beaucoup d'officiers algériens, Chabou avait été militaire dans l'armée française. Ce lien affectif a joué aussi.» Au cours des discussions, l'homme de Boumediene n'exige qu'une seule chose du chargé d'affaires français: le respect du secret absolu. «Je devais prendre des précautions extrêmes chaque fois que nous allions nous rencontrer, explique Philippe Rebeyrol. Le commandant Chabou ne voulait en aucun cas que les civils soient au courant. Et surtout pas le ministre des Affaires étrangères, Bouteflika.» Et l'ambassadeur conclut: «Vous savez, c'est la première fois que je parle de cette affaire depuis trente ans.»
Le Nouvel Observateur
1967: le oui ultrasecret de Boumediene à de Gaulle
Reste à négocier ce maintien avec les Algériens. Que va-t-on leur proposer en échange? Le 31janvier 1967, la division Afrique du Nord du Quai-d'Orsay adresse à ce propos une note secrète à Maurice Couve de Murville, le ministre des Affaires étrangères. En substance: négocions notre départ des autres sites sahariens. Comment? Le gouvernement algérien «s'attend à devoir payer les matériels [de ces sites] qu'il désire conserver. [...] L'abandon de tout ou partie de ces matériels à titre gratuit peut donc constituer une contrepartie aux engagements que nous demanderions aux Algériens de souscrire». Et de fait ces équipements militaires, évalués à 50millions, seront cédés à l'armée algérienne pour 21millions, payables sur trois ans.
Mais l'argent ne suffit pas à expliquer l'accord du colonel Boumediene. Homme austère et inflexible, le nouveau président algérien a pris le pouvoir deux ans auparavant. Il s'affirme nationaliste et anti-impérialiste. Pourquoi accepte-t-il le maintien de cette base secrète de l'armée française et ses expériences effrayantes? Pour au moins deux raisons. D'abord, les Français ne révèlent pas aux Algériens, semble-t-il, la portée exacte des expérimentations à B2-Namous: une réunion à l'état-major a lieu le 7mars 1967 sur la négociation à mener avec Alger; selon son compte rendu, on demandera le maintien de B2-Namous «sous couvert d'études de protection contre les agressifs chimiques». Seconde raison du oui de Boumediene, la plus importante: «C'était une affaire personnelle entre deux militaires chefs d'Etat: de Gaulle et Boumediene.
Et le président algérien ne voulait pas dire non au Général. C'est aussi simple que cela.» Qui parle? L'ambassadeur Philippe Rebeyrol, qui a négocié l'accord sur B2-Namous avec le confident de Boumediene, le commandant Chabou (qui mourra deux ans plus tard dans un mystérieux accident d’hélicoptère). Le diplomate ajoute: «Comme beaucoup d'officiers algériens, Chabou avait été militaire dans l'armée française. Ce lien affectif a joué aussi.» Au cours des discussions, l'homme de Boumediene n'exige qu'une seule chose du chargé d'affaires français: le respect du secret absolu. «Je devais prendre des précautions extrêmes chaque fois que nous allions nous rencontrer, explique Philippe Rebeyrol. Le commandant Chabou ne voulait en aucun cas que les civils soient au courant. Et surtout pas le ministre des Affaires étrangères, Bouteflika.» Et l'ambassadeur conclut: «Vous savez, c'est la première fois que je parle de cette affaire depuis trente ans.»
Le Nouvel Observateur
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