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Les sites romains en Algérie: Un patrimoine à l'abandon

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  • Les sites romains en Algérie: Un patrimoine à l'abandon

    Je ne sais pas si un jour on s'occupera d'eux. Le patrimoine est pourtant une richesse de l'histoire, c'est la mémoire vive d'un pays qui devrait être valorisé et préserver. et pourtant les vieilles ruines meurent dans l'indifférence la plus totale. Quel gâchis.

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    Césarée, de l’histoire ancienne

    La visite des sites touristiques, notamment des vestiges romains, une culture populaire ? Apparemment non. «Khatini.» Cette réponse d’un adolescent rencontré juste devant l’entrée des thermes de Cherchell reflète l’état d’esprit de la majorité des Algériens par rapport à ce genre de villégiature qu’ils considèrent comme superflue. Les thermes, restes d’une cité romaine, sont livrés aux herbes folles et aux arbres qui accentuent le sentiment de désolation. Pis, des constructions s’élèvent en prenant appui sur des remparts de l’ancienne Césarée, les fragilisant davantage. Les constructeurs ne semblent pas inquiétés, puisque les travaux continuent. Les passants défilent sur le trottoir ; entre eux et ce pan de l’histoire, une grille. Pas un regard du côté de ce prestigieux voisinage, histoire de s’interroger sur une période de l’histoire du pays. «Les lieux ne sont pas beaucoup visités», nous disent des habitants qui indiquent que l’accès est interdit aux touristes se présentant seuls. «Des visites guidées sont organisées par les responsables.» Par crainte de pillage peut-être, comme on le laisse entendre. «Je ne sais pas ce qu’il y a à l’intérieur de cet endroit», rétorque un adolescent, pourtant habitant des lieux. «Khatini», ajoute-t-il devant notre insistance. Ses camarades confirment, tout en rétorquant qu’il n’y a jamais de programme d’excursions. «Les thermes sont abandonnés, il n’y a rien», regrette un Cherchelli, propriétaire d’une pizzeria située à une dizaine de mètres du site, tout en déplorant l’absence d’entretien qu’il justifie par un manque de motivation du gardien.

    L’accès est muré depuis quatorze ans


    «Pour qu’une personne entretienne un espace, il faut qu’elle soit payée en conséquence.» Cherchell, c’est aussi le mausolée royal de Maurétanie, plus connu sous le nom de Tombeau de la chrétienne. Il n’y a pas un Algérien qui n’en ait pas entendu parler, s’il ne l’a pas déjà visité. Mais il fait plus partie des souvenirs que du présent, son état étant en constante dégradation, une des raisons qui a poussé les gestionnaires à le fermer.
    «Le Tombeau de la chrétienne est fermé pour restauration», nous a-t-on dit avant notre déplacement. Si le monument funéraire est effectivement fermé, ce n’est nullement en raison de travaux de restauration. Son entrée est murée «depuis 1997 à cause du terrorisme», selon les propos de la conservatrice du musée de Tipasa. «Les terroristes ont cassé, c’était leur territoire. Maintenant, c’est fini, mais il y a des pierres qui tombent à cause des personnes qui escaladent le tombeau. Il y a danger puisqu’on ne sait pas ce qu’il y a dedans. Nous avons donc demandé à ce qu’il y ait une consolidation pour que nous puissions l’ouvrir mais le ministère n’a pas entendu notre appel.» Selon les gardiens, le tombeau est muré depuis 1992 parce qu’il représente un danger. Les quelques visiteurs rencontrés sur le site en sont presque tous à leur premier passage. A part Mohamed et son ami Abdellah qui viennent pour la 2ème fois dans l’espoir de pouvoir accéder à l’intérieur du mausolée.

    A la sortie du site, ils affichent une mine déçue. «Nous sommes venus de Tlemcen.
    Nous avons trouvé le tombeau fermé pour la seconde fois», souligne Mohamed avant de poursuivre : «C’est beau mais il y a absence d’entretien et de restauration. C’est dommage, car c’est un trésor. L’année dernière, j’ai même trouvé des étrangers qui sont finalement repartis sans avoir satisfait leur curiosité.»

    A défaut de voir ce que l’intérieur du mausolée est en mesure d’offrir comme sensations, les quelques visiteurs présents sur les lieux se contentent de contourner celui-ci et de constater l’ampleur des dégâts. L’effritement des pierres a laissé de gros creux.

    A ce rythme de délabrement et faute d’une prise en charge consciencieuse, le célèbre «Tombeau de la chrétienne» ne sera bientôt plus qu’un souvenir. Pour l’un des gardiens, le site est une vraie passoire, «une écurie. On y entre de partout. Lorsque nous arrivons le matin, il y a déjà une centaine de personnes à l’intérieur, et lorsque nous fermons la porte à 17 h, on continue d’entrer». S’exprimant avec dépit, il estime qu’on n’a pas le droit de laisser ce trésor à l’abandon.
    «Les pierres s’effritent et tombent, et il y en a qui gravent leur nom sur le monument.»

    Les visiteurs, les amoureux et les vaches

    Notre interlocuteur déclare qu’on fait même paître des troupeaux dans l’enceinte du site et va jusqu’à révéler que «la semaine dernière, l’ambassadeur d'un pays étranger est venu avec sa famille, il y a trouvé des vaches». Deux catégories de visiteurs se côtoient ici : des jeunes gens en quête d’un moment intime à l’abri des regards, dans les buissons alentour, et des curieux qui veulent découvrir par eux-mêmes cette «merveille» dont on leur a tellement parlé. Les premiers sont mal vus par les seconds. «On ne peut pas dire que c’est un lieu à 100% familial. Il y a une situation un peu gênante, on a alors choisi un coin retiré», indique Rachid qui voulait profiter de son séjour en Algérie pour voir et immortaliser des images rapportées par d’autres. Pour lui, son frère Abderrezak et leur maman Baya, c’est la première fois. «Mes amis m’ont toujours parlé du Tombeau de la chrétienne. Ils me disaient que c’est beau, j’ai donc voulu le voir cette fois-ci. Mais c’est fermé, c’est peut-être par rapport à l’insécurité.» Rachid s’est contenté de photographier le monument de l’extérieur, «pour montrer les photos aux amis et les accrocher aux murs à notre retour en France». Son épouse Assia est déçue. «Si je suis venue, c’est pour y accéder. J’avais 6 ans quand je suis venue la première fois, je m’en souviens vaguement.» Le couple estime que la fermeture de l’accès a trop duré et que ce n’est pas dans l’intérêt de ce vestige qui risque de disparaître, d’autant plus qu’aucune mesure n’est prise pour dissuader les destructeurs, à l’image de cet adolescent en train d’escalader le tombeau. «Ce monument funéraire a traversé les siècles, mais je crois qu’on ne tardera pas à le faire disparaître. L’usure est le fait de l’homme et non celle du temps», déplore-t-il, tout en montrant du doigt tous ces gamins rôdant sur les lieux. La famille fait quand même contre mauvaise fortune bon cœur : un petit pique-nique sur le site, à l’ombre des feuillages.

    Ci-gît… le roi Bocus

    Deux couples de touristes étrangers s’arrêtent devant les quelques marches qui descendent vers l’entrée du mausolée. Ils sont Bulgares, ils ont consacré cette journée à l’époque romaine de l’Algérie puisqu’ils viennent de visiter les ruines romaines de Tipasa. C’est Vladimir, exerçant à l’ambassade de Bulgarie qui, en compagnie de son épouse, sert en quelque sorte de guide à son ami Nedialko et sa femme, en vacances dans notre pays. Pour ce dernier, il s’agit d’un pèlerinage en Algérie, particulièrement à Béjaïa où il a effectué un retour 40 ans après son départ et dont il parle avec beaucoup d’émotion. Il affirme avoir revisité les lieux de son enfance : l’hôpital où exerçait sa mère dès leur arrivée dans cette ville en 1962 alors qu’il avait dix ans, leur appartement, le lycée Ibn-Sina. «J’ai retrouvé mes souvenirs intacts, ce que je voulais voir n’a pas tellement changé. Même à Alger où j’ai retrouvé l’hôtel Aletti tel qu’il était ainsi que la chambre où nous logions lorsque nous venions à Alger.» Nedialko est passionné par les lieux de son enfance, Vladimir a du mal à l’arrêter. «L’Algérie, c’est mon deuxième pays natal», lance-t-il. Le mausolée royal de Maurétanie constitue la dernière étape de sa visite, il devait regagner son pays le lendemain. Quant à Vladimir, il affirme avoir «le temps de revenir» et peut-être pouvoir accéder à l’intérieur. Si toutefois les pouvoirs publics s’occupent de consolider le monument avant la dégradation totale. Tous ces visiteurs déçus pourront enfin accéder au tombeau de Cléopâtre Séléné, épouse de Juba II, roi de Maurétanie, et fille de Cléopâtre et de Marc Antoine. «Mais ce n’est pas le tombeau de Cléopâtre Séléné», assène subitement la conservatrice du musée de Tipasa. «C’est celui du roi Bocus [ou Bocchus]. Il date de la seconde moitié du premier siècle avant Jésus-Christ, juste après la chute de Carthage. [Cléopâtre Séléné est née en 40 avant J.-C. ndlr].
    Il ne pouvait être construit que pour un roi, il n’a pas été construit pour une femme. Quand bien même Juba II en aurait été amoureux. D’ailleurs, il était amoureux des arts et des lettres.» Elle affirme que «le tombeau a été visité et violé par les vandales, c’est pour cela qu’on n’a rien trouvé». Un pavé dans la mare ou un plouf ? Toujours est-il que, dans l’esprit de ceux qui l’ont connu, le Mausolée royal de Maurétanie restera sûrement «le Tombeau de la chrétienne».

    Par la tribune
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