La connaissance des dates historiques ne peut évidemment en elle-même se substituer à une connaissance un tant soit peu complète de l’histoire.
Cette connaissance si importante pour que l’individu se sente partie intégrante d’une société, d’une culture, d’une civilisation. C’est dire que si cette simple connaissance des dates marquantes est absente, comme le montre ce sondage, une dimension importante de l’intégration sociale fait défaut. Au-delà, c’est bien évidemment les raisons de cette absence qu’il faut élucider.
Le déficit se lit aussi sur d’autres questions tout aussi importantes : les accords d’Evian, l’OAS… On en vient alors à s’interroger sur ce paradoxe d’une des révolutions les plus importantes du XXe siècle ignorée par le peuple même qui l’a portée.
L’impression que donnent ces résultats est que les personnes les plus âgées, celles de 55 ans et plus, qui ont vécu au moins quelques années de la révolution n’ont pas voulu, pour la majorité, approfondir leur connaissance des événements dont ils ont vécu la tourmente. Les autres, plus jeunes, mais surtout plus instruits, semblent ne connaître de l’histoire de la révolution que les dates les plus importantes, qui donnent ainsi une sorte de raccourci. Pour évoquer peut-être, mais trop peu pour analyser.
Il convient sans doute de s’interroger sur le rapport de cette connaissance rachitique de l’histoire et de son corollaire, l’ignorance du message libérateur de la révolution à la facilité avec laquelle une proportion non négligeable d’Algériens ont sympathisé avec l’intégrisme.
Sur un autre aspect de la révolution, nous pouvons constater que 50 ans après l’indépendance la position de l’immense majorité des Algériens à l’égard des harkis reste le non-pardon. Un ami sociologue à qui j’ai fait part de ce résultat en tirait la conclusion d’une forme de blocage de la société algérienne. Ce jugement qui m’avait un peu surpris pose la question du caractère quelque peu schématique de la démarche de ce sondage consistant à tirer des conclusions fortes sur un problème aussi important à l’aide d’une question simple.
En fait, le caractère massif de la position de ne pas pardonner (90%), ne prête à aucune ambiguïté quant au sentiment des Algériens vis-à-vis des harkis, même après 50 années d’indépendance. Mais rien ne dit que des positions beaucoup plus nuancées chez une proportion importante d’Algériens n’auraient pas surgi si un nombre plus important de questions avaient été posées, notamment sur la forme d’implication des harkis aux côtés de l’armée française (participation à des actes de tortures et de viol, répression des populations civiles, simple participation aux combats contre l’ALN…).
L’avis des Algériens sur le départ des pieds-noirs montre déjà plus de nuances. Ils sont ainsi 68% à considérer que c’est une bonne chose, mais déjà 18% à dire que c’est plutôt une mauvaise chose et 14% à ne pas se prononcer. On constate donc, en un sens, plus de sympathie pour les pieds-noirs que pour les harkis.
Cette évolution apparaît aussi nettement dans la question sur la possibilité pour l’Algérie d’avoir des relations apaisées avec la France. On constate, sur cette question, que plus de la moitié des Algériens pensent que c’est possible. Cette proportion est à rapprocher de celle des 63% des Français qui considèrent que la France a intérêt à poursuivre une politique de coopération avec l’Algérie, qui ressortait d’un sondage réalisé par l’IFOP début mars 2012.
Le 19 mars : Seuls 20% des algériens savent que c'est la date du cessez-le-feu
Le 5 juillet 1962 l’Algérie a arraché son indépendance et devient un Etat souverain. Depuis, elle célèbre et commémore plusieurs dates majeures qui ont marqué ce chemin vers la souveraineté. Aujourd’hui, 50 après, les Algériens connaissent-ils ces dates historiques ? Nous avons demandé aux personnes interrogées «à quel événement historique renvoient certaines dates : le 8 mai 45, le 1er novembre 1954, le 20 Août 1956, le 19 mars 1962, et enfin le 5 juillet 1962 ?». Une personne sur cinq connaissait toutes ces dates et 12% uniquement le 1er novembre ou le 5 juillet. Près des ¾ ignorent à quel événement renvoie le 20 Août 1956, 62% ignorent la date du 19 mars 1962 et 44% ignorent le 8 mai 1945.
Il est tout à fait notable que cette méconnaissance de l’histoire se constate surtout chez la génération qui a vécu la période coloniale (55 ans et plus) : 13% ne connaissaient aucune date et la moitié uniquement le premier novembre et/ou le 5 juillet. Au contraire, on relève une meilleure connaissance chez les plus jeunes, où près de la moitié répondait correctement au moins à quatre de ces dates.
Naturellement, le niveau d’instruction joue un rôle prépondérant : un niveau élevé favorise une meilleure connaissance. 15% des analphabètes ne connaissaient aucune date et près des deux tiers uniquement le 1er novembre et/ou le 5 juillet. En revanche, plus de la moitié des universitaires retient les événements correspondants à toutes ces dates. Ce résultat met en exergue le fait que soit parce que ces dates ont été apprises durant la scolarité, ou bien parce que l’instruction permet à l’individu d’approfondir ses connaissances, une proportion importante des Algériens instruits connaît les dates historiques de la guerre de libération.
Mais les Algériens retiennent certaines plus que d’autres. Le 5 juillet et le 1er novembre sont celles qui sont les plus retenues. La moins connue est celle du 20 août 1956, date du Congrès de la Soummam. Toutes choses égales par ailleurs, on peut supposer que les dates, les plus connues, bénéficient d’une meilleure place dans les commémorations officielles, les discours politiques et les médias (pesse écrite, radio et télévision).
S’agissant plus spécialement de la date du 19 mars 1962
Ils ne sont qu’un peu plus du tiers (38%) à connaître cette date. Pour la moitié de ceux qui la connaissent, il s’agit du jour du cessez-le-feu. L’autre moitié connaît plutôt la date du 19 mars comme la fête de la victoire. Peu de personnes (3%) citent spontanément les accords d’Evian à l’évocation de cette date.
L’appréciation de cette date est plus liée à l’âge de la personne qu’un autre facteur. Pour les plus jeunes, c’est plutôt le jour de la victoire (dans 50% des cas) alors que pour les plus vieux c’est plutôt le jour du cessez-le-feu (dans 62% des cas). Ceci marque le fait que pour les plus jeunes il s’agit d’une connaissance scolaire ou de culture générale, alors que pour les plus anciens il s’agit plutôt d’un événement vécu. Interrogé sur la date qui pour eux marquait la fin de l’occupation française : plutôt le 19 mars 1962 ou le 5 juillet 1962, nous avons, sans surprise, une grande majorité (63%) qui disent que c’est plutôt le 5 juillet 1962. Mais, un tiers, une proportion importante, répondait que c’est plutôt le 19 mars 1962.
Evidemment, cette question a été posée uniquement aux personnes qui connaissaient ces deux dates. Ici, ni l’âge ni le niveau d’instruction ne montrent d’influence significative. On relève la même proportion, un tiers, qui répond par le 19 mars 1962, aussi bien parmi les jeunes et les moins jeunes que les vieux, et parmi les analphabètes ou de faible instruction que les instruits. Toujours concernant le 19 mars 1962, beaucoup de personnes (parmi ceux qui connaissent cette date) pensent qu’elle n’a pas la place qui lui revient dans les commémorations officielles, les discours politiques et les médias.
Ils sont 55% à répondre par la négative (c’est-à-dire qu’elle n’a pas la place qui lui revient) contre 35% à dire oui. Ce dernier avis (le 19 mars a la place qui lui revient) est beaucoup plus partagé d’une part, chez les plus jeunes et les moyennement jeunes que les vieux, et, d’autre part, chez les plus instruits (les universitaires) que les moins instruits (de niveau secondaire, moyen ou primaire) ou encore les analphabètes.
Harkis, départ des pieds-noirs, relations actuelles avec la France : Un apaisement sélectif
Trois questions de notre sondage permettent d’avoir l’opinion des Algériens sur des questions importantes de la guerre de libération ou des relations avec la France. La première est celle des harkis qui revient de manière récurrente sur le devant de la scène en France même, alors qu’en Algérie elle est peu abordée sinon pas du tout. La deuxième est celle du départ des pieds-noirs à l’indépendance. Enfin, il y a la question des relations actuelles avec la France.
Cette connaissance si importante pour que l’individu se sente partie intégrante d’une société, d’une culture, d’une civilisation. C’est dire que si cette simple connaissance des dates marquantes est absente, comme le montre ce sondage, une dimension importante de l’intégration sociale fait défaut. Au-delà, c’est bien évidemment les raisons de cette absence qu’il faut élucider.
Le déficit se lit aussi sur d’autres questions tout aussi importantes : les accords d’Evian, l’OAS… On en vient alors à s’interroger sur ce paradoxe d’une des révolutions les plus importantes du XXe siècle ignorée par le peuple même qui l’a portée.
L’impression que donnent ces résultats est que les personnes les plus âgées, celles de 55 ans et plus, qui ont vécu au moins quelques années de la révolution n’ont pas voulu, pour la majorité, approfondir leur connaissance des événements dont ils ont vécu la tourmente. Les autres, plus jeunes, mais surtout plus instruits, semblent ne connaître de l’histoire de la révolution que les dates les plus importantes, qui donnent ainsi une sorte de raccourci. Pour évoquer peut-être, mais trop peu pour analyser.
Il convient sans doute de s’interroger sur le rapport de cette connaissance rachitique de l’histoire et de son corollaire, l’ignorance du message libérateur de la révolution à la facilité avec laquelle une proportion non négligeable d’Algériens ont sympathisé avec l’intégrisme.
Sur un autre aspect de la révolution, nous pouvons constater que 50 ans après l’indépendance la position de l’immense majorité des Algériens à l’égard des harkis reste le non-pardon. Un ami sociologue à qui j’ai fait part de ce résultat en tirait la conclusion d’une forme de blocage de la société algérienne. Ce jugement qui m’avait un peu surpris pose la question du caractère quelque peu schématique de la démarche de ce sondage consistant à tirer des conclusions fortes sur un problème aussi important à l’aide d’une question simple.
En fait, le caractère massif de la position de ne pas pardonner (90%), ne prête à aucune ambiguïté quant au sentiment des Algériens vis-à-vis des harkis, même après 50 années d’indépendance. Mais rien ne dit que des positions beaucoup plus nuancées chez une proportion importante d’Algériens n’auraient pas surgi si un nombre plus important de questions avaient été posées, notamment sur la forme d’implication des harkis aux côtés de l’armée française (participation à des actes de tortures et de viol, répression des populations civiles, simple participation aux combats contre l’ALN…).
L’avis des Algériens sur le départ des pieds-noirs montre déjà plus de nuances. Ils sont ainsi 68% à considérer que c’est une bonne chose, mais déjà 18% à dire que c’est plutôt une mauvaise chose et 14% à ne pas se prononcer. On constate donc, en un sens, plus de sympathie pour les pieds-noirs que pour les harkis.
Cette évolution apparaît aussi nettement dans la question sur la possibilité pour l’Algérie d’avoir des relations apaisées avec la France. On constate, sur cette question, que plus de la moitié des Algériens pensent que c’est possible. Cette proportion est à rapprocher de celle des 63% des Français qui considèrent que la France a intérêt à poursuivre une politique de coopération avec l’Algérie, qui ressortait d’un sondage réalisé par l’IFOP début mars 2012.
Le 19 mars : Seuls 20% des algériens savent que c'est la date du cessez-le-feu
Le 5 juillet 1962 l’Algérie a arraché son indépendance et devient un Etat souverain. Depuis, elle célèbre et commémore plusieurs dates majeures qui ont marqué ce chemin vers la souveraineté. Aujourd’hui, 50 après, les Algériens connaissent-ils ces dates historiques ? Nous avons demandé aux personnes interrogées «à quel événement historique renvoient certaines dates : le 8 mai 45, le 1er novembre 1954, le 20 Août 1956, le 19 mars 1962, et enfin le 5 juillet 1962 ?». Une personne sur cinq connaissait toutes ces dates et 12% uniquement le 1er novembre ou le 5 juillet. Près des ¾ ignorent à quel événement renvoie le 20 Août 1956, 62% ignorent la date du 19 mars 1962 et 44% ignorent le 8 mai 1945.
Il est tout à fait notable que cette méconnaissance de l’histoire se constate surtout chez la génération qui a vécu la période coloniale (55 ans et plus) : 13% ne connaissaient aucune date et la moitié uniquement le premier novembre et/ou le 5 juillet. Au contraire, on relève une meilleure connaissance chez les plus jeunes, où près de la moitié répondait correctement au moins à quatre de ces dates.
Naturellement, le niveau d’instruction joue un rôle prépondérant : un niveau élevé favorise une meilleure connaissance. 15% des analphabètes ne connaissaient aucune date et près des deux tiers uniquement le 1er novembre et/ou le 5 juillet. En revanche, plus de la moitié des universitaires retient les événements correspondants à toutes ces dates. Ce résultat met en exergue le fait que soit parce que ces dates ont été apprises durant la scolarité, ou bien parce que l’instruction permet à l’individu d’approfondir ses connaissances, une proportion importante des Algériens instruits connaît les dates historiques de la guerre de libération.
Mais les Algériens retiennent certaines plus que d’autres. Le 5 juillet et le 1er novembre sont celles qui sont les plus retenues. La moins connue est celle du 20 août 1956, date du Congrès de la Soummam. Toutes choses égales par ailleurs, on peut supposer que les dates, les plus connues, bénéficient d’une meilleure place dans les commémorations officielles, les discours politiques et les médias (pesse écrite, radio et télévision).
S’agissant plus spécialement de la date du 19 mars 1962
Ils ne sont qu’un peu plus du tiers (38%) à connaître cette date. Pour la moitié de ceux qui la connaissent, il s’agit du jour du cessez-le-feu. L’autre moitié connaît plutôt la date du 19 mars comme la fête de la victoire. Peu de personnes (3%) citent spontanément les accords d’Evian à l’évocation de cette date.
L’appréciation de cette date est plus liée à l’âge de la personne qu’un autre facteur. Pour les plus jeunes, c’est plutôt le jour de la victoire (dans 50% des cas) alors que pour les plus vieux c’est plutôt le jour du cessez-le-feu (dans 62% des cas). Ceci marque le fait que pour les plus jeunes il s’agit d’une connaissance scolaire ou de culture générale, alors que pour les plus anciens il s’agit plutôt d’un événement vécu. Interrogé sur la date qui pour eux marquait la fin de l’occupation française : plutôt le 19 mars 1962 ou le 5 juillet 1962, nous avons, sans surprise, une grande majorité (63%) qui disent que c’est plutôt le 5 juillet 1962. Mais, un tiers, une proportion importante, répondait que c’est plutôt le 19 mars 1962.
Evidemment, cette question a été posée uniquement aux personnes qui connaissaient ces deux dates. Ici, ni l’âge ni le niveau d’instruction ne montrent d’influence significative. On relève la même proportion, un tiers, qui répond par le 19 mars 1962, aussi bien parmi les jeunes et les moins jeunes que les vieux, et parmi les analphabètes ou de faible instruction que les instruits. Toujours concernant le 19 mars 1962, beaucoup de personnes (parmi ceux qui connaissent cette date) pensent qu’elle n’a pas la place qui lui revient dans les commémorations officielles, les discours politiques et les médias.
Ils sont 55% à répondre par la négative (c’est-à-dire qu’elle n’a pas la place qui lui revient) contre 35% à dire oui. Ce dernier avis (le 19 mars a la place qui lui revient) est beaucoup plus partagé d’une part, chez les plus jeunes et les moyennement jeunes que les vieux, et, d’autre part, chez les plus instruits (les universitaires) que les moins instruits (de niveau secondaire, moyen ou primaire) ou encore les analphabètes.
Harkis, départ des pieds-noirs, relations actuelles avec la France : Un apaisement sélectif
Trois questions de notre sondage permettent d’avoir l’opinion des Algériens sur des questions importantes de la guerre de libération ou des relations avec la France. La première est celle des harkis qui revient de manière récurrente sur le devant de la scène en France même, alors qu’en Algérie elle est peu abordée sinon pas du tout. La deuxième est celle du départ des pieds-noirs à l’indépendance. Enfin, il y a la question des relations actuelles avec la France.
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