Intrigues de cour, règlements de compte et tours de passe-passe financiers. TelQuel publie les bonnes feuilles d’un livre-choc.
Le roi prédateur, récemment publié en France (éd. Seuil), vient allonger la liste des livres
“interdits” au Maroc. Pourtant, le buzz existe et il est même monstrueux. Les Marocains en parlent, certains l’ont lu, entièrement ou par bribes, et des copies pirates circulent sur le Net. Si le landerneau politico-médiatique s’intéresse tant à ce livre, c’est que le thème central parle à tout le monde, les initiés mais aussi le citoyen Lambda : ou comment le système marocain, représenté à son plus haut niveau par la monarchie, a organisé la “prédation” économique du pays.
Ce n’est pas un hasard si TelQuel figure parmi les principales références bibliographiques du livre : nous avons expliqué, en leur temps, les dessous de la fusion – acquisition BCM – Wafabank, l’absorption – disparition de l’ONA, les mystères et les anomalies de la gestion des domaines et des palais royaux, en plus des intrigues de cour, des luttes d’influences entre serviteurs zélés, des courtisaneries, etc.
C’est la raison pour laquelle nous avons choisi de zoomer, davantage, sur la vraie plus value du livre : les déclarations “on the record” du banquier Khalid Oudghiri, ancien patron d’Attijariwafa, d’abord grandi avant d’être victime d’une violente cabale, poussé à l’exil puis condamné par contumace, et finalement (et tout récemment) gracié.
Un petit mot sur les auteurs du livre, Catherine Graciet et Eric Laurent, deux journalistes qui connaissent bien le Maroc. La première a collaboré au défunt Journal Hebdomadaire et a déjà cosigné un autre livre dédié au royaume, Quand le Maroc sera islamiste (éd. La Découverte, 2006). Le deuxième, dont la signature peut surprendre, a fréquenté Hassan II pour les besoins de Mémoires d’un roi (éd. Plon, 1993) et passait plutôt, de ce fait, pour un “ami” du Maroc, plus exactement de la monarchie… Bonne lecture. Karim Boukhari
Le petit mot de Kettani
En novembre 2003, alors que les Marocains fêtent la fin du ramadan, une véritable bombe secoue les marchés financiers, mais aussi les responsables économiques et politiques du pays. La BCM, sous la direction de Khalid Oudghiri, fusionne avec Wafabank, propriété de la riche famille Kettani. Les négociations ont eu lieu dans le plus grand secret, et le propre PDG de Wafabank n’est informé que quelques minutes avant la signature de l’accord. Les transactions ont été menées avec Saâd Kettani, l'aîné des héritiers du fondateur. Un choix judicieux.
L’homme est davantage un hédoniste qu’un homme d’affaires. L’accord conclu, à un prix que l’on dit inférieur à la valeur réelle de la banque, permet à Mohammed VI de mettre la main sur le futur premier établissement financier du pays. Un moyen imparable de contrôler de fait l’économie du Maroc.
Saâd Kettani, qui a donc négocié de façon fort satisfaisante pour le roi la vente de l’établissement familial, sera bientôt nommé, avec une dotation budgétaire conséquente, président délégué du comité national chargé de plaider la candidature du Maroc pour la Coupe du Monde de football 2010. Et peu importe que le pays ne possède ni les infrastructures routières ni les stades permettant d’accueillir une telle compétition : le roi a été convaincu par son entourage que son royaume avait toutes ses chances.
Les voyages luxueux des délégations marocaines, prétextes à défendre la candidature de leur pays, s’achèveront sur un fiasco humiliant. Peu importe. Kettani rebondira en devenant haut commissaire chargé d’organiser les festivités pour les 1200 ans de la ville de Fès, avec, cette fois encore, un budget important à la clé. Il sillonne donc le monde, distribue sans compter des liasses de billets à son entourage. Très à l’aise avec les fonds publics, il lui arrivera même de perdre une petite mallette contenant des milliers d’euros. Il ne fera aucun effort pour la retrouver, déclarant, amusé : “Lhbar ou lbaroud man dar Makhzen”. Ce qui peut se traduire par : “C’est aux frais de la princesse”.
Le roi prédateur, récemment publié en France (éd. Seuil), vient allonger la liste des livres
“interdits” au Maroc. Pourtant, le buzz existe et il est même monstrueux. Les Marocains en parlent, certains l’ont lu, entièrement ou par bribes, et des copies pirates circulent sur le Net. Si le landerneau politico-médiatique s’intéresse tant à ce livre, c’est que le thème central parle à tout le monde, les initiés mais aussi le citoyen Lambda : ou comment le système marocain, représenté à son plus haut niveau par la monarchie, a organisé la “prédation” économique du pays.
Ce n’est pas un hasard si TelQuel figure parmi les principales références bibliographiques du livre : nous avons expliqué, en leur temps, les dessous de la fusion – acquisition BCM – Wafabank, l’absorption – disparition de l’ONA, les mystères et les anomalies de la gestion des domaines et des palais royaux, en plus des intrigues de cour, des luttes d’influences entre serviteurs zélés, des courtisaneries, etc.
C’est la raison pour laquelle nous avons choisi de zoomer, davantage, sur la vraie plus value du livre : les déclarations “on the record” du banquier Khalid Oudghiri, ancien patron d’Attijariwafa, d’abord grandi avant d’être victime d’une violente cabale, poussé à l’exil puis condamné par contumace, et finalement (et tout récemment) gracié.
Un petit mot sur les auteurs du livre, Catherine Graciet et Eric Laurent, deux journalistes qui connaissent bien le Maroc. La première a collaboré au défunt Journal Hebdomadaire et a déjà cosigné un autre livre dédié au royaume, Quand le Maroc sera islamiste (éd. La Découverte, 2006). Le deuxième, dont la signature peut surprendre, a fréquenté Hassan II pour les besoins de Mémoires d’un roi (éd. Plon, 1993) et passait plutôt, de ce fait, pour un “ami” du Maroc, plus exactement de la monarchie… Bonne lecture. Karim Boukhari
Le petit mot de Kettani
En novembre 2003, alors que les Marocains fêtent la fin du ramadan, une véritable bombe secoue les marchés financiers, mais aussi les responsables économiques et politiques du pays. La BCM, sous la direction de Khalid Oudghiri, fusionne avec Wafabank, propriété de la riche famille Kettani. Les négociations ont eu lieu dans le plus grand secret, et le propre PDG de Wafabank n’est informé que quelques minutes avant la signature de l’accord. Les transactions ont été menées avec Saâd Kettani, l'aîné des héritiers du fondateur. Un choix judicieux.
L’homme est davantage un hédoniste qu’un homme d’affaires. L’accord conclu, à un prix que l’on dit inférieur à la valeur réelle de la banque, permet à Mohammed VI de mettre la main sur le futur premier établissement financier du pays. Un moyen imparable de contrôler de fait l’économie du Maroc.
Saâd Kettani, qui a donc négocié de façon fort satisfaisante pour le roi la vente de l’établissement familial, sera bientôt nommé, avec une dotation budgétaire conséquente, président délégué du comité national chargé de plaider la candidature du Maroc pour la Coupe du Monde de football 2010. Et peu importe que le pays ne possède ni les infrastructures routières ni les stades permettant d’accueillir une telle compétition : le roi a été convaincu par son entourage que son royaume avait toutes ses chances.
Les voyages luxueux des délégations marocaines, prétextes à défendre la candidature de leur pays, s’achèveront sur un fiasco humiliant. Peu importe. Kettani rebondira en devenant haut commissaire chargé d’organiser les festivités pour les 1200 ans de la ville de Fès, avec, cette fois encore, un budget important à la clé. Il sillonne donc le monde, distribue sans compter des liasses de billets à son entourage. Très à l’aise avec les fonds publics, il lui arrivera même de perdre une petite mallette contenant des milliers d’euros. Il ne fera aucun effort pour la retrouver, déclarant, amusé : “Lhbar ou lbaroud man dar Makhzen”. Ce qui peut se traduire par : “C’est aux frais de la princesse”.
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